Editorial


Par MELHEM KARAM 

 
1998: NOUS AVONS CÉLÉBRÉ LA FÊTE DEUX FOIS, NOUS LES GENS DE LA PRESSE

Ce qui importe à l’orée de 1998 ce sont deux faits, parce que nous som-mes les plus concer-nés: Primo, le cin-quantenaire ou le ju-bilé d’or de la Déclara-tion universelle des droits de l’homme. Secundo, l’anniver-saire de la victoire réalisée, il y a exacte-ment cent ans, par le colosse de la Presse, le grand penseur et confrère, Emile Zola, l’écrivain opiniâtre (on n’utilisait pas encore le terme penseur) qui a écrit, en première page du journal «L’Aurore», son article historique intitulé: «J’accuse», le matin du 13 janvier.
L’approche de l’an 2000 et ses significations nous importent peu. C’est un fait évoqué par la Presse depuis dix ans, au point d’être consommé: sa couleur a terni et en écrire est devenu de la parlote déplacée, autant qu’une répétition creuse.
Parlons donc du fait le plus important en 1997, laquelle a été l’année de la violence. Les événements sanglants ont placé 1998 sous l’emblème du terrorisme. Les tueurs algériens ont débuté l’année et le mois béni, comme ils ont terminé l’année précédente. C’est-à-dire dans une mer de sang. De même, en Irlande du nord, ils ont assassiné par vengeance. En Palestine occupée et au Liban-Sud, les Israéliens ont poursuivi le pilonnage pervers, ainsi qu’au Burundi, dans le pays basque et en Allemagne. La violence pratiquée avec les réfugiés dans le monde, s’est traduite par la fuite de Kurdes de leur pays, victimes des narcotrafiquants de la mafia turque. Il en est de même au Chiapas (Mexique) et en Colombie où la violence proclame un programme pour 1998.
S.S. Jean-Paul II a appelé le monde à prendre des initiatives efficaces pour arrêter la violence dont les principales victimes sont les femmes, les enfants, les persécutés et les exclus.
Le Saint-Père a invité les grandes puissances à entreprendre une opération équitable, à l’effet d’éliminer le poids lourd sous lequel ploient les Etats pauvres, à savoir: les dettes extérieures qui suscitent le doute sur l’économie de tous les peuples du monde.
Le cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme confirme que, partant de la justice de chacun de nous, la paix pour tous sera instaurée sur terre.
De même, en célébrant l’année nouvelle, nous faisons face à l’aggravation des pires maladies depuis la Création: l'ipola, le sida et le cancer. On nous menace de la mise à feu de la planète, cette marmite électrique gazière. Si nous échappions au risque de l’indigestion, nous serions atteints, immanquablement, par la radiation nucléaire venant d’un champignon planté près de Tchernobyl ou bien nos poumons seraient remplis des émanations empoisonnantes de l’amiante.
La crise nous viendrait, aussi, d’Asie. De l’acuité et de la rapacité de la mondialisation. Si Wall Street éternue, elle risque d’attraper la «grippe», celle-ci étant pire que la grippe de Hong Kong, laquelle a frappé les poulets, nous privant de notre droit de les consommer. Nous y avions recours pour éviter la viande de la vache folle. J’ignore si elle s’est affolée par hasard ou si nous l’avons rendue folle, ce qui laisse craindre le pire dans les jours à venir.
Mais revenons à Emile Zola. Il a écrit dans un article violent, prenant la défense de l’officier Albert Dreyfus: «J’accuse le colonel du Baty de Clam. J’accuse le général Mercier. J’accuse le général de Boisdeffre et le général Gonse. J’accuse les experts en écriture et les bureaux de la guerre d’avoir mené dans les journaux une campagne abominable destinée à induire l’opinion publique en erreur et à couvrir leurs fautes. J’accuse le conseil de guerre d’avoir violé le droit.»
Puis, Zola termine sa défense de Dreyfus en ces termes: «Je n’ai qu’une passion et un seul bonheur, le bonheur de la lumière. Qu’ils osent me traduire devant la cour d’Assises, à condition que l’enquête soit menée au grand jour. Et j’attends.»
Ceci s’est passé il y a cent ans. Zola a adressé une lettre au président français Félix Faure, dans laquelle il accusait tous les responsables de l’armée d’avoir condamné un innocent, le capitaine Dreyfus pour espionnage et de l’avoir exilé à l’île du Diable.
Il avait été condamné en 1894; puis, a quitté la prison en 1899, en vertu d’une amnistie spéciale. Cependant, il a été jugé de nouveau en 1906 et innocenté après une bataille ayant divisé la France en deux clans: ceux qui prenaient sa défense, en invoquant la Déclaration des droits de l’homme et ses adversaires, au nom de la «charte de la patrie française».

***

1998 nous l’avons fêtée, nous les gens de la Presse, deux fois.
A ceux qui aiment la lecture comme nous, je conseille de se procurer le livre d’Alain Bagès, édité par la maison Perrin et devant paraître en France dans quelques jours sous le titre: «13 novembre 1998: j’accuse».
Réjouissons-nous des deux fêtes: le jubilé de la Déclaration des droits de l’homme, sur laquelle fondent des espoirs, des cœurs et des âmes qui l’attendent. Puis, le «J’accuse» ou l’article écrit par Emile Zola pour défendre le droit et la justice, enregistrant ainsi un scoop et une action pionnière à inscrire en lettres d’or, à une époque où les rôles sont intervertis, les éléments valables ayant été remplacés par des vauriens... 

Photo Melhem Karam

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