Au
moment où paraîtront ces lignes, le Conseil des ministres
aura décidé s’il doit museler les moyens d’information, par
une éventuelle interdiction de la transmission, par satellite, des
programmes politiques. Notre souhait, celui des Libanais bien pensants,
est que le gouvernement adopte à l’égard de la liberté
d’expression une position à la dimension de l’attachement de notre
peuple à cette liberté, principale raison d’être du
pays des cèdres. “Sans liberté et démocratie, notre
unité nationale est menacée”, a réaffirmé,
lundi, le chef de l’Etat.
“Nous édifions
l’Etat sur base du respect des libertés publiques et de la démocratie
car en leur absence, notre unité nationale est menacée.”
Cette phrase est extraite du dis-cours que le chef de l’Etat a pronon-cé
mardi au palais de Baabda, au cours de la traditionnelle réception
du Nouvel An en l’honneur du corps diplomatique. Le président de
la République est censé traduire la politique générale.
Or, au palais du gouvernement on donne de plus en plus des signes de nervosité,
face à un exercice plus accentué de la liberté d’expression
qui est, d’ailleurs, la raison d’être de ce pays.
Au cours des cinq dernières années, le Cabinet haririen
a entretenu avec les médias des rapports qualifiés de “passionnels”
et de “versatiles”. C’est un fait: le Premier ministre agit à l’égard
de l’information, surtout audiovi-suelle, d’une manière contraire
à ce qu’il promet. Il prétend vouloir sauvegarder les libertés
publiques mais, pratiquement, son action tend à museler les moyens
d’infor-mation. Cela a été prouvé maintes fois au
cours des dernières semaines, par l’interdiction d’une interview
télévisée du général Michel Aoun et
de celle que devait accorder dimanche dernier un membre de l’Assemblée,
en l’occurrence Najah Wakim. Puis autorisée, après que la
station de télévision (LBCI) eut accepté de placer
en face du parlementaire deux contradicteurs qui se sont avérés
d’ardents défenseurs du “haririsme”.
Nous écrivons ces lignes au moment où le Conseil des
ministres siège aux fins de délibérer à propos
d’une éventuelle interdiction de la transmission, par satellite,
des programmes politiques, sous le fallacieux prétexte “qu’ils portent
atteinte au Liban et faussent son image à l’étranger” (sic).
Notre souhait est que le gouvernement renonce, une fois pour toutes,
à étouffer les libertés, en renforçant le contrôle
sur les médias. Car ceci transgresse la Constitution libanaise,
autant que les principes démocratiques, sur base desquels le président
Hraoui veut édifier l’Etat.
Les médias ne sont pas à l’origine des scandales ou des
conflits qui ébranlent la république. Ils ne sont pas responsables
des problèmes sociaux et économiques auxquels le pays est
confronté. A moins qu’on veuille en faire des boucs émis-saires...
Puis, des voix s’élèvent dans tous les milieux et à
tous les niveaux pour dénoncer le musellement des moyens d’information,
si l’on excepte le ministre de l’Information - dont on connaît les
motivations - et un parlementaire du bloc haririen qui font entendre un
son de cloche différent.
Le président de la Chambre a pris position à ce sujet
et son bloc parlementaire a insisté sur “la nécessité
de préserver les libertés publiques et la démocratie
et de s’attaquer à tous ceux qui cherchent à les violer.”
Et le vice-président de l’Assem-blée détecte “une
tension injus-tifiable dans le point de vue du gouvernement en ce qui concerne
l’audiovisuel.”
Des ministres et des députés pro-gouvernementaux jugent
erronée toute décision susceptible de baîllonner la
liberté “qui ne fait de mal à personne”, assure Talal Arslane.
Les chefs spirituels ne sont pas moins fermes sur ce plan. On connaît
la position de S.Em. le cardinal Sfeir, patriarche maronite et S.S. Aram
1er a dit dans son homélie de la Nativité: “Il est impossible
d’imaginer le Liban sans liberté, car sans elle il perdrait sa crédibilité.”
Nous terminerons par ce passage extrait du message que le président
Abraham Lincoln a adressé en 1862 au Congrès, pour justifier
sa position envers l’affranchissement des Noirs: “En donnant la liberté
aux esclaves, nous assurons celle des hommes libres. Ce que nous offrons
est aussi honorable pour nous que ce que nous préservons.”
Ce qui lui a valu d’être assassiné par un fanatique esclavagiste! |