DES FEMMES ET DES PERSONNES ÂGÉES
- Me El-Hage, quel est le but exact de votre démarche?
“Nous voulons venir en aide aux personnes ayant été obligées,
pour survivre, d’avoir des relations avec Israël. Beaucoup de nos
compatriotes se sont rendus en pays ennemi au cours des vingt-deux dernières
années, afin de chercher du travail et d’assurer les vivres à
leur famille, les ressources en zone frontalière occupée
étant très réduites et insuffisantes.
“La plupart d’entre eux, des femmes, ou des hommes âgés
font face à de nombreux problèmes de santé.
“Avant 1990, date à laquelle le gouvernement libanais a pu instaurer
l’ordre dans la région libre, les habitants de la région
frontalière se rendaient en Israël pour se faire soigner. Aujourd’hui,
s’ils veulent se rendre en région libre pour la même raison,
ils sont saisis par les forces de l’ordre et jugés selon l’article
285 du code pénal.
“Alors, ils préfèrent rester chez eux et ne pas risquer
la prison, malgré leur santé défaillante. Notre but
est, uniquement d’ordre humanitaire et ne se rapporte, ni de près
ni de loin, à la sécurité de l’Etat.”
PLACER TOUS LES CITOYENS SOUS L’AILE DE L’ÉTAT
- Qui peut garantir que certains de ces gens ne puissent s’infiltrer
et mettre en danger la sécurité du pays, le jour où
ils auront la possibilité de circuler en zone libre?
“Ces personnes n’ont commis qu’un seul crime, celui de violer et, parfois,
sans même le savoir, les articles 285 et 7 du code pénal.
Les autres, ceux qui ont enfreint les articles 283, 284 et 275 se rapportant
à la sécurité de l’Etat et à l’armée,
sont entièrement responsables de leurs actes; notre démarche
ne les concerne donc en aucun cas.
“Nous voulons, non légaliser la collaboration avec Israël,
mais plutôt placer sous l’aile protectrice de l’Etat tous les Libanais,
qu’ils vivent en territoire libre ou occupé et que l’Etat amnistie
ceux qui demandent à en bénéficier, surtout dans les
cas où ils ne portent aucun préjudice à la sécurité
du Liban.”
- Si les relations ont été coupées entre les
deux parties du pays, comment être sûr que ceux qui bénéficieront
de l’amnistie ne mettront pas en danger la sécurité nationale?
“Ces gens étant des ouvriers et des civils, l’Etat doit en principe
disposer de la liste des collaborateurs.
“Ceux qui n’ont rien fait de repréhensible et n’ont pas collaboré
avec l’ennemi, politiquement ou militairement, ne doivent donc pas craindre
de se mettre sous l’aile protectrice de l’Etat.”
- Qu’est-ce qui vous a encouragé à entreprendre ces
démarches?
“Notre démarche est individuelle et vient du fait que nous connaissons
les malheurs de nos compatriotes dans la région frontalière.
Moi-même en tant qu’avocat, je reçois beaucoup de cas à
défendre de personnes - que je considère comme innocentes
- ayant été appréhendées par les forces de
l’ordre à leur entrée en région libre.
“Ces personnes sont venues à Beyrouth pour consulter des médecins
compétents, se faire hospitaliser ou, tout simplement, travailler
pour assurer la survie de leurs familles.”
SITUATION PLUS QUE DRAMATIQUE
- La situation est-elle si dramatique?
“Et même plus que cela. En deux mois, treize malades cardiaques
devaient se faire opérer. Qui peut garantir que s’ils viennent à
Beyrouth pour se faire hospitaliser, ils ne seront pas conduits en prison?
Certains d’entre eux bravent ce risque; d’autres craignent pour les répercussions
sur leur famille restée au village. Ceux-ci se laissent plutôt
mourir.”
- Croyez-vous que cette proposition de loi sera accueillie favorablement
en milieu parlementaire et que pensez-vous de la réaction probable
de la Résistance?
“Du point de vue humanitaire, on ne peut ignorer notre requête
mais, politiquement, celle-ci peut soulever des remous et sûrement
des objections.
“Nous espérons qu’en sa qualité de chef du “bloc parlementaire
de la libération”, le président Nabih Berri adoptera notre
proposition de loi.
“Lui-même n’a-t-il pas invité tout soldat de l’“Armée
du Liban-Sud” voulant porter le drapeau blanc, à rallier la partie
libre du pays?
“Les habitants vivent dans une angoisse constante. Leurs lendemains
ne sont jamais sûrs, il faut absolument faire quelque chose en leur
faveur. Ne sont-ils pas des Libanais après tout et n’ont-ils pas
les mêmes droits que leurs compatriotes selon la Constitution?”
MONOCULTURE...
- Quelles sont exactement les ressources des habitants de la région
frontalière?
“Depuis quelque temps, l’unique transport de produits se faisant de
la région occupée en région libre, est le tabac, la
Régie libanaise ayant encouragé cette culture. Mais ces ressources
équivalent au salaire minimum et tout le monde là-bas n’a
pas la possibilité de s’y adonner. Ils sont donc obligés
de procéder à des échanges commerciaux avec Israël,
jusqu’à la libération des territoires occupés.”