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À L’HEURE DES AGAPES
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Les
conseillers de M. Hariri, soucieux de sa popularité, lui auraient
recommandé de ne plus ignorer les attaques de ses détracteurs
et de répondre, désormais, du tac au tac. Le chef du gouvernement
a tout de suite donné le ton au cours du premier Iftar qu’il offrait
chez lui à l’occasion du début du Ramadan. Il a carrément
annoncé qu’il avait l’intention, à partir de maintenant,
de répliquer et “de remettre chacun à sa place”. Il en serait
ainsi à chaque Iftar, car il compte en offrir presque tous les soirs
du mois du jeûne.
On serait ainsi entré dans une ère de polémiques. C’est, hélas! le plus mauvais conseil qu’on pouvait donner, en ce moment, au chef du gouvernement. Ce que ses conseillers ne semblent pas avoir compris, c’est que le problème
n’est pas, aujourd’hui, la popularité personnelle du chef du gouvernement
(encore qu’il ne soit pas sûr que cette popularité serait
mieux servie par la polémique); le problème actuel est celui
de cette réconciliation nationale promise depuis Taëf et dont
les données et les conditions ne sont pas encore maîtrisées
par les détenteurs du pouvoir (lesquels ont besoin périodiquement
de se réconcilier d’abord entre eux). On n’en veut pour preuve que
cette situation la plus voyante sur laquelle tout le monde est d’accord:
le retour des déplacés dans ces villages mixtes de la montagne
à qui on a promis qu’on y rétablirait une traditionnelle
convivialité.
A cet égard, il ne suffit pas de parler de la responsabilité des trois chefs devenus presque inamovibles du Législatif et de l’Exécutif. Cette responsabilité est partagée par les ministres d’abord, soit qu’ils s’expriment et donnent du pouvoir une image incohérente, soit qu’ils préfèrent, comme la majorité des députés, se taire et continuer à tirer un profit personnel de leur situation. C’est une véritable complicité dans l’aveuglement. L’année nouvelle, qui est celle de l’échéance du mandat présidentiel, commence ainsi dans une atmosphère de liquidation de comptes. C’est ce que signifie, d’abord, ce brusque sursaut du chef du gouvernement pour répondre à toutes les critiques, en prenant à témoins ses convives aux agapes du Ramadan. Ce n’est évidemment pas là le lieu indiqué pour un débat politique: quand on a l’honneur de dîner à la table du chef du gouvernement, on est mal placé pour lui donner la contradiction. C’est à la Chambre que, normalement, ce débat est censé s’engager et se conclure. Mais visiblement, M. Hariri veut l’ignorer. On l’a bien constaté aux dernières séances parlementaires de questions et d’interpellations: il avait fallu que le président de la Chambre exige haut et fort la présence de M. Hariri. Et quand celui-ci a consenti à siéger, ce fut pour donner aux députés des réponses vagues, faites de généralités qui n’ont satisfait personne. Tout s’est passé comme si, pour lui, le débat se situait désormais ailleurs. Le fameux slogan qu’on nous assène depuis sept ans, l’Etat des institutions, est bel et bien oublié. Sur quel chemin est-on en train de s’engager ainsi?
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