• Des tentatives sont entreprises
visant à réunifier le camp chrétien
•
Oui à des listes d’entente aux élections
municipales
•
Les réformes constitutionnelles
préconisées par le chef de l’Etat se défendent
•
Le “phénomène Toufayli” devrait inciter le gouvernement à
se pencher davantage sur le problème social
•
L’administration étatique
est corrompue et sclérosée
• La
situation économico-financière devient très dangereuse
|
M. Chaker Abousleiman,
président de la commission parlementaire de l’Administration et
de la Justice, s’est réjoui du rapprochement opéré,
dernièrement, entre M. Walid Joumblatt, ministre des Déplacés
et le camp chrétien, disant que “l’initiative du leader du parti
socialiste progressiste est bénéfique à la montagne
et à la patrie tout entière.”
Le parlementaire metniote a exprimé son point de vue, sans
ambages, à propos des problèmes de l’heure: les élections
municipales, les amendements constitutionnels préconisés
par le chef de l’Etat, le cas des personnes déplacées et
la loi sur la naturalisation qu’il ne manque pas de critiquer, sans omettre
de relever la “frustration des communautés chrétiennes au
sein de l’administration étatique.
JOUMBLATT ET LE PROBLÈME DES DÉPLACÉS
Invité à commenter le rapprochement opéré par
M. Joumblatt avec le camp chrétien (le PNL, les Kataëb, le
Bloc national, notamment), M. Abousleiman observe que le “front de lutte
nationale” (bloc parlementaire joumblattiste) adopte une attitude neutre
à l’égard du Cabinet Hariri, depuis que le gouvernement s’est
abstenu d’inscrire dans les prévisions budgétaires de l’année
courante, les crédits nécessaires au retour des personnes
déplacées à leurs villages.
“Le F.L.N. a parfaitement raison, dit-il, et j’ai moi-même critiqué
le Cabinet lors du débat de la loi de finances à la Chambre.
“Quant à la rencontre entre Walid Joumblatt et Dory Chamoun, c’est
une rencontre “choufiote” visant, sans doute, à pacifier le climat
à l’approche des élections municipales et des moukhtars,
le leader du PSP ayant répété plus d’une fois qu’il
se soucie d’assurer la représentation de toutes les fractions au
sein des conseils municipaux dans la montagne, afin de favoriser, en la
raffermissant, l’entente nationale.”
M. Abousleiman pense qu’il ne faut pas donner à cette rencontre
d’autres significations et croit détecter un désir de M.
Joumblatt de s’ouvrir davantage sur les jeunes, estimant que l’avenir dépend
d’eux. “N’a-t-il pas dit qu’il est disposé à se rendre à
l’université de Kaslik et à y donner une conférence,
suivie d’un dialogue avec les étudiants de l’USEK?”
QUID DU RASSEMBLEMENT DES MARONITES?
- Qu’en est-il de la tentative visant à rassembler le camp
chrétien, à partir et sur base du noyau que constitue l’opposition?
“D’abord, il n’existe pas, à mon avis, une opposition mais des opposants,
qui se rassemblent ou s’écartent les uns des autres, à cause
de divergences ou d’accord sur des points déterminés, tels
l’accord de Taëf, les relations avec la Syrie... Ils ne disposent
pas d’un programme d’action, ni d’une stratégie à long terme
ayant fait l’objet, au préalable, d’un consensus.”
- On fait état, pourtant, de tentatives de rassemblement des
maronites...
“Naturellement, de telles tentatives existent visant, sinon à réunifier
nos coreligionnaires, du moins à les rassembler autour de prises
de position déterminées envers des questions vitales engageant
l’avenir de la nation.”
- Etes-vous pour le retour au pays des opposants de l’extérieur?
“Sans nul doute. Quant aux prétendus dossiers auxquels on ferait
allusion pour les empêcher de réintégrer la mère-patrie,
on ne doit pas y attacher beaucoup d’importance, car la magistrature a
prouvé maintes fois qu’elle est au niveau de la responsabilité.
LE RETOUR DES OPPOSANTS DE L’EXTÉRIEUR
“Un litige d’ordre financier opposerait, dit-on, l’Etat au général
Michel Aoun. Mais ce dossier ne peut, ni ne doit l’empêcher de revenir
et seule la magistrature est à même de trancher ce litige.
“En ce qui concerne le président Amine Gemayel, rien n’a été
retenu à son encontre par rapport à l’affaire des “Puma”.
Je crois que la peur du retour est plutôt d’ordre sécuritaire
et non de crainte que soient rouverts des dossiers que d’aucuns brandissent,
de temps en temps, comme un épouvantail.”
Ici, M. Abousleiman cite le cas de l’interview télévisée
du général Aoun: “Ils ont essayé d’empêcher
son apparition sur le petit écran et en ont fait un héros.
Puis, ils ont autorisé l’interview et aucun cataclysme ne s’est
produit. Nous vivons en régime démocratique et chacun est
libre d’exprimer son opinion en toute liberté.”
Evoquant, ensuite, l’affaire Geagea, le député du Metn émet
ces réflexions: “Si l’ancien chef des F.L. ne faisait plus l’objet
d’une poursuite judiciaire, le chef de l’Etat aurait la possibilité,
s’il le désire, de le faire bénéficier d’une amnistie.
Il faut attendre la fin du procès intenté aux prévenus
impliqués dans l’assassinat du président Rachid Karamé.
Mais maintenant, il est prématuré de parler d’amnistie.”
POUR LA RÉCONCILIATION
- Auriez-vous entamé des préparatifs en prévision
des élections municipales au Metn?
“Je suis, tout d’abord, en faveur de la réconciliation, aux fins
d’assurer la constitution de conseils municipaux représentatifs.
Puis, je m’étais prononcé en faveur du principe de la nomination
d’un nombre déterminé de conseillers municipaux dans les
cinq grandes villes et les villages non encore réintégrés
par leurs habitants. A mon avis, la nomination aurait pu dissiper certains
courants confessionnalistes.
“Il est de notre devoir d’orienter le peuple de façon à ce
qu’il assure une représentation parfaite de toutes les fractions.
Pour la première fois, la balle est dans le camp du peuple et non
du gouvernement, ce dernier ayant pour tâche de garantir un scrutin
exemplaire.
“Nous nous trouvons à la croisée des chemins: ou nous prouverons
notre éveil et notre aptitude à exercer, comme il se doit,
la démocratie et à assumer la responsabilité nationale,
ou nous prouvons le contraire. De notre comportement dépendra l’avenir
du Liban.”
- Vous êtes proche du ministre de l’Intérieur et avez
été l’un de ses colistiers aux élections législatives
de 96: croyez-vous que les municipales auront lieu dans le délai
prévu?
“Je crois qu’elles auront lieu au printemps et rien ne justifie leur ajournement.
En tant que président de la commission de l’Administration et de
la Justice, j’ai fait hâter l’étude et la ratification de
la loi sur les municipalités.”
OUI À DES LISTES D’ENTENTE
- Le scrutin municipal se déroulera-t-il dans votre circonscription
dans le même climat ayant caractérisé les dernières
élections générales?
“Notre bloc parlementaire est acquis à l’idée d’une coalition
dans chaque localité metniote, d’autant qu’il ne s’agira pas d’une
confrontation entre le Pouvoir et l’opposition. Les municipales revêtiront
un cachet surtout familial, marqué par des antagonismes locaux,
les susceptibilités et les querelles de clocher. C’est pourquoi,
nous favorisons la mise sur pied de listes d’entente.”
- Etes-vous candidat aux présidentielles et, dans la négative,
quel serait votre candidat à la magistrature suprême?
“Tout maronite âgé de 25 ans, ayant un casier judiciaire vierge
peut poser sa candidature aux présidentielles. En ce qui me concerne,
je ne suis pas de ceux qui fuient la responsabilité. Puis, je considère
la députation et la présidence comme un service public. Si
les circonstances jouaient en ma faveur, pourquoi pas et, dans le cas contraire,
je poursuivrais mon action à travers la Chambre des députés.”
- Auriez-vous une prédilection pour un présidentiable
déterminé?
“Il est prématuré d’en parler.”
AUTOUR DES RÉFORMES CONSTITUTIONNELLES
- Le chef de l’Etat semble tenir aux réformes constitutionnelles
qu’il préconise...
“Il s’agit jusqu’ici d’une idée, en ce sens qu’aucun projet n’a
été élaboré. Quant aux réformes proposées
par le président de la République, je suis porté à
lui donner raison. Il n’est ni logique ni raisonnable de lier le président
à un délai déterminé durant lequel il est tenu
de promulguer les décrets et les lois, alors qu’un ministre a toute
latitude d’y apposer sa signature.
“Ensuite, il n’est pas logique que le vice-président du Conseil
ait une charge purement protocolaire, en ce sens qu’il ne peut pas convoquer
un conseil de Cabinet en cas d’absence du Premier ministre. Ceci paralyse
la vie publique.
“Puis, la Constitution n’est, comme on dit, ni le Coran ni l’Evangile.
Elle est pareille à toute loi, on peut la réviser pour combler
les brèches qui peuvent y apparaître au cours de son application,
sans toucher, naturellement, aux constantes nationales ni à l’équilibre
au niveau des pouvoirs.”
LES DEUX ASPECTS DU “PHÉNOMÈNE TOUFAYLI”
- Comment analysez-vous le “phénomène Toufayli” et
ce qui s’est passé, dernièrement dans la Békaa?
“Ce phénomène avait deux aspects: l’un a pris un ton provocateur
et, l’autre, la défense du problème social. Le premier était
devenu un défi au Pouvoir. Il ne pouvait pas se perpétuer,
au risque de favoriser la création d’un Etat dans l’Etat car,
à ce moment, ce dernier se serait effondré. Il fallait mettre
un terme à cet état de choses. Malheureusement, on a dû
recourir à la force pour le faire, ce qui a occasionné des
victimes et des blessés de part et d’autre.. De toute manière,
il n’était plus possible pour cheikh Toufayli d’empêcher les
ministres et les députés de se rendre dans la Békaa
et de visiter leurs circonscriptions.
“Le second aspect touchait au problème social et de la vie quotidienne
que le chef de la “révolte des affamés” a su exploiter. Ces
déplorables incidents doivent inciter le gouvernement à se
pencher sur les problèmes qui se posent aux Békaaiotes dans
le plus bref délai, pour mettre fin aux mouvements contestataires
et aux sujets de plaintes.’
- Comment expliquez-vous le fait pour beaucoup de députés
de critiquer chaque fois avec virulence le projet de budget; puis, de le
ratifier?
“Je ne vois pas cela sous cet angle. J’ai formulé quatre griefs
contre la loi de finances qui a été modifiée sur base
de mes observations. Mes critiques portaient sur les crédits destinés
aux routes vicinales; l’exemption des contribuables de 90% des amendes
municipales et fiscales; l’exploitation de 50% du littoral et la non-réduction
des taxes frappant les étrangers désireux d’acquérir
des biens-fonds au Liban.
“Il n’est pas juste de dire que les critiques des députés
sont inutiles; puisque le projet de budget a été révisé.
Si nous refusions de ratifier le budget, quelle serait la formule de rechange?”
SITUATION ÉCONOMICO-FINANCIÈRE DANGEREUSE
- Approuvez-vous la politique du gouvernement au double plan
socio-économique?
“Je n’approuve pas toute sa politique, d’autant que la situation économico-financière
est devenue très dangereuse. Je crois que celle-ci se redresserait,
si la réforme administrative était réalisée,
sinon il est inutile de tenter quoi que ce soit.
“L’administration étatique est corrompue et sclérosée
et la réforme est loin d’avoir été accomplie; le gaspillage
se poursuit, le déficit ne cesse de s’amplifier. L’Administration
a besoin d’une opération en profondeur pour en éloigner les
politiciens. La réforme administrative a échoué depuis
l’avènement de l’indépendance jusqu’à ce jour, parce
que les hommes politiques s’y sont toujours immiscés. La réforme
serait possible, si on l’opérait dans le cadre des institutions,
en retenant comme critère la compétence. Sinon le déficit
budgétaire persisterait.”
- Comment concevez-vous la manière pour le Pouvoir de traiter
les libertés publiques?
“Je suis avec les libertés qui sont la raison d’être du Liban,
à travers lesquelles il respire. Tout gouvernant qui a tenté
de bâillonner les libertés a fini par être terrassé
par elles. C’est mon opinion et notre pays ne peut vivre sans liberté
.
“Mais la liberté du citoyen s’arrête à la limite de
la liberté de l’autre. Il ne faut pas que celle-ci soit synonyme
d’anarchie.
“D’autre part, je suis opposé à la répartition des
médias et à l’octroi de leurs licences d’une façon
arbitraire et discrétionnaire.”
- Pourquoi le mouvement amorcé à l’Assemblée
en faveur de l’émission par satellite des programmes politiques
s’est-il arrêté?
“Nous avons agi dans ce sens, mais les représentants des médias
semblent avoir admis la constitution de commissions et discutent des problèmes
qui les concernent avec le ministre de l’Information. Pouvons-nous être
plus royalistes que le roi?”
- Comment qualifiez-vous la nature de vos rapports avec le président
de la Ligue maronite?
“Sur le plan personnel, M. Pierre Hélou est un ami. Puis, il se
montre actif au niveau de la Ligue et soulève, avec les membres
du conseil, des questions faisant l’objet de plaintes de la part des gens,
surtout parmi les chrétiens.”
- A quelles questions faites-vous allusion?
“La non application de l’accord de Taëf d’une façon équilibrée,
la frustration qui affecte les communautés chrétiennes
au sein de l’administration étatique, l’affaire des naturalisations,
le cas des personnes déplacées...
“J’approuve leur prise de position et j’ai soulevé le problème
des déplacés au parlement. Puis, il y a des abus ou des erreurs
dans les naturalisations qu’il importe de rectifier.”
- Vous êtes donc pour la révision de l’accord de Taëf?
“Cet accord a permis de mettre fin à la guerre au Liban et il faut
l’appliquer dans son esprit et sa lettre. Qu’on commence donc par l’appliquer
intégralement, avant d’envisager sa révision.”
- Comment conciliez-vous entre votre loyalisme au gouvernement et
votre appui aux prises de position de la Ligue maronite?
“Je ne crois pas dans l’opposition ou le loyalisme dans l’absolu; j’appuie
toute initiative du gouvernement que je juge bénéfique et
critique tout projet qui me paraît préjudiciable aux intérêts
nationaux. Telle est mon opinion.
“Ainsi, pourquoi n’a-t-on pas encore nommé un nouveau commandant
de la gendarmerie? Le président Hariri dit qu’il prépare
un projet de loi prévoyant de nouvelles structures aux FSI.
D’ici à ce que ce projet soit adopté, qu’on désigne
un nouveau chef de la gendarmerie. C’est un exemple entre tant d’autres.
“Je tiens à préciser que je n’approuve, ni ne m’oppose à
quoi que ce soit à l’aveuglette. J’approuve les actes ou m’y oppose,
abstraction faite des personnes.”
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