Après
cinq années d’un “règne sans partage”, au cours duquel il
a pratiqué la “politique du rouleau compresseur”, faisant la sourde
oreille aux plaintes des citoyens, aux remarques des alliés et aux
critiques de ses détracteurs, le président Hariri a décidé,
un peu tard, de consulter durant dix jours toutes les instances politiques,
religieuses, syndicales et autres, à commencer par le président
Berri (notre photo). Non pour reconsidérer sa politique, mais pour
un échange de vues sur les modalités de financement des projets
d’équipement et de développement.
Tout d’abord, en formant un Cabinet d’union nationale, comme le stipule
l’accord de Taëf, non un gouvernement hétéroclite dont
les membres ne représentent qu’eux-mêmes, sans assise populaire
et soumis à leur chef qui les mène à sa guise selon
son bon plaisir...
...Si l’on excepte quelques ministres-opposants ou frondeurs, dont
M. Hariri cherche à se défaire, sans y parvenir, parce que
les “décideurs” en ont décidé autre-ment.
Ensuite, en renonçant à la “politi-que du rouleau compresseur”
qui consiste à ne tolérer aucun obstacle sur son chemin et
à balayer tout ce qui tente d’entraver sa marche.
Et, aussi, à ne pas suivre la “politique de l’autruche”; autrement
dit, en fermant les yeux et en se bouchant les oreilles pour ne pas entendre
les plaintes des citoyens et les critiques des détracteurs qui ont
fait boule de neige au cours des dernières années.
Il n’est donc pas surprenant que le pays ait abouti à la situation
si peu enviable dans laquelle il est enlisé. Après avoir
ressassé que tout allait pour le mieux et que les opposants sont
des gens de mauvaise foi - il les a même traités de menteurs
- dont l’unique but est de débouler le chef et les membres du Cabinet
pour prendre leur place, leur slogan étant: “Ote-toi de là
pour que je m’y mette”. Comme s’il était interdit à un homme
politique de convoiter le pouvoir, lequel doit être normalement et
en régime démocratique l’enjeu de son action.
Et après avoir assuré à longueur de temps que
“tout marche dans le pays”, le Premier ministre s’avise, un peu tard, de
consulter toutes les instances tant politiques que spirituelles, pour un
échange de vues autour des problèmes de l’heure: ceux des
personnes déplacées, du déficit budgétaire,
des régions sous-développées, de l’échelon
des traitements dans le secteur public, du plan de la réforme, etc...
M. Hariri a commencé à en discuter au parlement avec
le chef du Législatif lundi matin et, le soir du même jour,
avec le bloc de fidélité à la Résistance, en
sa résidence de Koraytem.
Il avait conféré, deux jours plus tôt, avec une
délégation de la Ligue maronite dont le président
devait déclarer: “Le président du Conseil a reconnu la justesse
de certaines de nos doléances, tout en prétendant ne pas
disposer des crédits nécessaires pour les satisfaire, alors
qu’il a avoué ne pas partager notre point de vue par rapport aux
autres revendications”.
A propos de l’affaire des personnes déplacées, le cardinal
Sfeir a déploré qu’elle n’ait pas encore été
réglée, disant que “les déplacés sont le symbole
de la vie en commun; aussi, doit-on tout faire pour assurer leur retour
à leurs villages”.
Si, comme l’affirme M. Hariri, il n’y a pas de désaccord sur
tous les problèmes évoqués plus haut, qu’attend-il
pour s’employer à les résoudre et qu’est-ce qui l’en empêche?
Invoquer les “circonstances régionales” ne peut être un
prétexte pour faire la sourde oreille à toutes les voix qui
dénoncent la politique incohérente du Pouvoir mais, au contraire,
pour l’inciter à agir sans retard en vue de redresser la situation
à travers un dialogue franc et constructif... |