M. Hariri attend le rétablissement
du chef de l’Etat pour le consulter autour des problèmes de l’heure.
Le président Salim Hoss.
M. Walid Joumblatt.
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La politique
du gouvernement nous a conduit à l’impasse actuelle, en ce sens
que nous disposons de projets vitaux à exécuter d’urgence,
mais non des crédits nécessaires à leur financement.
Ces projets étaient inscrits en tête des priorités
et nous avions demandé au gouvernement, depuis des années,
d’élaborer un plan global de développement et une liste établissant
ces projets selon leur importance, en tenant compte des possibilités
financières et économiques de l’Etat.
“Le document d’entente nationale abonde dans ce sens, de même
que le plan du Conseil du développement et de la reconstruction.
Mais la réponse du gouvernement était la suivante: “Notre
ordre des priorités est horizontal et non vertical. Autrement dit,
tous les projets sont classés sur un même niveau, au double
plan de l’importance et de la priorité.
“Cela signifie, à notre avis, que le Cabinet n’a pas agi selon la
conception véritable des priorités. En d’autres termes, il
ne se faisait aucune idée d’un ordre des priorités défini.
Aussi, les projets ont-ils été réalisés jusqu’ici
sans plan préétabli, certains d’entre eux, pourtant prioritaires,
ayant été négligés.
“Si un plan requis avait été élaboré en son
temps, de tels projets auraient figuré en tête des priorités
et auraient été mis à exécution; nous n’en
serions pas là aujourd’hui.”
C’est en ces termes logiques et réalistes, que le président
Salim Hoss a exposé la situation actuelle, à l’issue de son
entrevue, mercredi matin, avec le président du Conseil, dans le
cadre des concertations qu’il effectue pour tenter de sortir de l’impasse.
Quiconque analyse les réflexions de M. Hoss avec réalisme,
en déduit que la conjoncture locale suscite l’inquiétude.
Pourquoi? Parce que ces concertations mettent en relief de nouvelles brèches
et des horizons laissant entrevoir la dimension de la catastrophe qui nous
menace, pour ne pas dire dans laquelle nous commençons à
vivre...
C’est pourquoi, la question suivante s’impose: Quels seront les résultats
des consultations du président Hariri? Peuvent-elles redresser une
situation à laquelle le gouvernement a été incapable
de faire face?
Pour répondre à ces questions, il importe de connaître
les prises de position de ceux qui prennent les décisions et les
données dont ils disposent.
A supposer que le président Elias Hraoui soit malade et en niant
un nouveau litige qui l’opposerait au Premier ministre, que peut-on dire
du conflit ayant éclaté au grand jour entre les présidents
de l’Assemblée et du Conseil portant sur les modalités et
moyens de financement des projets, surtout ceux revêtant le caractère
d’urgence, figurant dans le “plan des 150 milliards”, devant être
réalisés dans les régions sous-développées
et dans le “plan des 999 milliards” en vertu duquel on doit pouvoir assurer
le retour des personnes déplacées à leurs villages
et faire bénéficier les fonctionnaires de l’échelle
des traitements et des salaires?
Ici, il nous faut ouvrir une parenthèse pour rappeler l’opposition
manifestée par le chef de l’Etat, au cours de la dernière
réunion du Conseil des ministres, quant au prélèvement
de 50 milliards sur le montant des 150 milliards, de crainte que ce montant
soit dépensé inutilement, d’autant que les sources de financement
n’ont pas encore été déterminées.
QUID DU “PLAN PRÉSIDENTIEL DE RÉFORME”?
Quant au président Berri, sa position est devenue claire et l’expose
comme suit: la Chambre des députés a accompli son devoir
et tout ce qui lui était demandé, en vertu du “plan présidentiel
de réforme”. Il reste au gouvernement de s’exécuter dans
les domaines de la réforme administrative, de mettre fin au gaspillage
en réactivant les organismes de contrôle, de trancher l’affaire
des accords à conclure avec les sociétés du cellulaire,
sous l’angle de la disposition de ces dernières à verser
au Trésor deux milliards de dollars US, en contrepartie de la prorogation
des contrats pour vingt ans.
De toute manière, le chef du Législatif ne peut que faire
entériner l’échelle des salaires et des échelons au
cours de la première séance parlementaire fixée, en
principe, à mardi prochain. Cependant, il ne s’opposerait pas à
la demande du gouvernement de retirer le projet y relatif, s’il s’avère
que ce dernier n’a pu assurer les crédits nécessaires. Ainsi,
M. Berri jetterait de nouveau la balle dans le camp gouvernemental.
RELÈVERA-T-ON LE PRIX DE L’ESSENCE?
De même, le président de l’Assemblée s’oppose au relèvement
du prix de l’essence, surtout après la régression des prix
des carburants à l’étranger. Avec le président Hraoui,
le président Berri est d’avis qu’il ne faut pas réduire les
prix, pour les aligner sur les cours mondiaux, mais, au contraire, de les
maintenir à leur niveau actuel, ce qui vaudrait des rentrées
substantielles au Trésor. De ce fait, les citoyens seraient à
l’abri du relèvement des prix des carburants, ce qui ne se répercuterait
pas sur les prix des produits de consommation courante.
Quoi qu’il en soit, la Chambre est acquise à la nécessité
de ratifier l’échelle des traitements, si le gouvernement ne retirait
pas le projet y relatif, ce qui ne semble pas devoir se produire.
Toujours est-il, que le président Hariri persiste à majorer
de 5.000 livres le prix des vingt litres d’essence, comme l’assure sa coterie,
ceci s’inscrivant dans la stratégie du chef du gouvernement, parce
qu’il la considère comme le meilleur moyen d’alimenter les caisses
vides de l’Etat...
DES CONCERTATIONS POUR RIEN?
En ce qui concerne la réunion ayant rassemblé M. Hariri et
les responsables des deux sociétés du cellulaire, il semble
que le chef du gouvernement n’ait rien proposé susceptible de les
engager vis-à-vis de l’Etat. M. Hariri leur aurait laissé
toute latitude de persévérer selon les conditions définies
par leurs accords qui viennent d’expirer ou de les renouveler pour une
durée de vingt ans.
Selon des milieux informés, les deux sociétés auraient
manifesté leur préférence à s’en tenir aux
accords précédents. Cela signifie que les deux milliards
que le président du Conseil comptait apporter au Trésor se
sont volatilisés!
Pour toutes ces raisons, les milieux politico-parlementaires, tant loyalistes
qu’opposants, pensent que les concertations haririennes ne déboucheront
pas sur des résultats pratiques. Il s’agirait, d’après ces
milieux, d’une perte de temps, M. Hariri devant, en définitive,
tenir ce langage pour se décharger de la responsabilité:
“Je n’ai pas renoncé à mes projets, mais ceux que j’ai consultés
ne m’ont avancé aucune idée pouvant aider à surmonter
les obstacles entravant leur exécution.”
DRÔLE DE LOGIQUE OFFICIELLE
Mais cet argument suffira-t-il à faire admettre la logique officielle?
Tout compte fait, l’opposition a raison de soutenir qu’elle ne peut partager
la responsabilité de la situation avec le Sérail. Pour la
simple raison qu’elle ne s’est pas associée à la prise des
décisions dont elle a été la victime et, spécialement,
celles en vertu desquelles le contribuable a été surchargé
de surtaxes qu’il n’est plus en mesure de supporter; surtout les 5.000
ou 3.000 livres que M. Hariri veut ajouter au prix des vingt litres d’essence.
Alors que la dette publique a atteint, depuis longtemps, la ligne rouge!
Et qu’il nous faut renoncer à l’endettement à outrance, car
nous ne sommes pas un pays pétrolier. De plus, notre tourisme ne
fait que péricliter, à cause du refus des visiteurs arabes
et étrangers de venir chez nous. A tel point qu’on pourrait retrouver
plus aisément une aiguille dans une meule de foin, qu’un touriste
dans nos murs!
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