En poste à Beyrouth depuis décembre 1997 Nazim Dumlo:
 “Le pacte militaire turco-israélien n’est dirigé contre aucun État arabe” “Ankara veut entretenir les meilleurs rapports avec tous ses voisins”, assure l’ambassadeur de Turquie






 


Diplomate de carrière, M. Nazim Dumlo, ambassadeur de Turquie en poste à Beyrouth depuis décembre 1997, est entré dans le corps diplomatique en 1968, une année après avoir obtenu le diplôme de sciences politiques de l’université d’Ankara.
Il a occupé son premier poste en septembre 1967, en tant qu’attaché au département de Chypre, au ministère des A.E.; puis, que troisième et second secrétaire dans ce même département, avant d’être nommé deuxième secrétaire d’ambassade à Djeddah (Arabie séoudite) en 1973; ensuite, second et premier secrétaire à Londres (1976).
Il est ramené, à cette date, aux Affaires étrangères où il assume la fonction de chef de la section de l’OTAN. Deux années plus tard, il est muté à Rome, en qualité de conseiller d’ambassade; en 1979, il est consul général à Benghazi (Libye) jusqu’en 1982, date à laquelle il est ramené de nouveau à l’Administration centrale où il est nommé directeur-adjoint au département de la direction générale de l’OTAN.
En 1984, il est désigné conseiller d’ambassade au Vatican où il est décoré de la médaille de St Gregorius Magnus.
En 1988, il retourne aux Affaires étrangères et dirige le département des visas à la direction générale des affaires consulaires.
En 1990, il est transféré à Deventer (Pays-Bas) en qualité de consul général; puis, rappelé à l’Administration centrale, en tant que conseiller; directeur général adjoint à la Direction générale des Turcs vivant à l’étranger.
 

ICI, JE ME SENS CHEZ MOI
- Qu’est-ce qui vous a le plus impressionné depuis votre arrivée au Liban?
“Je garde des souvenirs inoubliables de ce beau pays, lors de ma mission à l’ambassade de Turquie, à Djeddah. Il y a vingt-sept ans, j’ai visité plusieurs fois le Liban, la première visite étant avec mon épouse, lors de notre lune de miel. Durant ces séjours, j’ai été émerveillé par la beauté naturelle de ce pays et l’hospitalité de son peuple. Au Liban, je me suis toujours senti chez moi.”
- Y aurait-il quelque contentieux en suspens entre Beyrouth et Ankara et comment se présentent les relations commerciales et de toute autre nature entre les deux pays?
“Il n’y a aucun problème d’ordre économique ou politique entre la Turquie et le Liban, mais des facteurs encourageants qui doivent, nécessairement, contribuer au développement de nos relations: quatre cent deux années d’Histoire commune, de voisinage, de traditions et de culture; le volume des échanges d’ordre commercial entre les deux pays s’élève environ à 210 millions de dollars et, personnellement, je crois que ce chiffre pourra être doublé ou triplé dans une courte période.”
- A quels problèmes le gouvernement turc est-il actuellement confronté, auxquels il doit trouver des solutions urgentes?
“Les problèmes auxquels le gouvernement turc fait face proviennent du processus du développement rapide dans les pays voisins. Avec le temps, tous ces problèmes seront dépassés et résolus.”

PAS DE PACTE MILITAIRE TURCO-ISRAÉLIEN
- Le rapprochement entre la Turquie et Israël est mal vu par les Etats arabes, la Syrie disant qu’il est dirigé contre elle, surtout qu’il a été suivi de manœuvres navales turco-israélo-US en Méditerranée. Qu’auriez-vous à répondre à ce sujet?
“J’aimerais répondre à cette question d’une façon détaillée. Les relations entre la Turquie et Israël ont été présentées d’une manière délibérément déformée par les politiciens et les médias, dans certains pays de la région.
“Premièrement, toute personne doit savoir que la Turquie a signé des accords de coopération militaire avec dix-sept pays, dont neuf sont islamiques, plus précisément: l’Egypte, la Jordanie, la Libye, l’Arabie séoudite, le Koweït, les Emirats arabes unis, la Tunisie, l’Iran et l’Irak.
“La Turquie s’est abstenue délicatement de signer un accord similaire avec Israël, jusqu’à ce que l’Egypte et la Jordanie eurent signé le traité de paix avec Israël et que les Palestiniens ont entamé les négociations de paix.
“Définir l’accord de coopération militaire israélo-turc comme une alliance militaire ou un pacte serait totalement erroné; c’est purement un accord d’entraînement et ne vise pas à former un pacte politique dans la région. Dans ce contexte, je voudrais confirmer et souligner que les manœuvres militaires navales entre la Turquie, Israël et les Etats-Unis qui ont eu lieu récemment, n’étaient que simplement des méthodes de recherches et des exercices de sauvetage humanitaire de routine, durant lesquels aucune balle n’a été tirée.
“De plus, cette activité a été ouverte à la participation d’autres pays et la Jordanie, comme vous le savez, avait pris part à cet exercice en tant qu’observateur.

APPUI AU PROCESSUS DE PAIX AU P.-O.
“A la question du rapprochement entre la Turquie et Israël, au moment où le processus de paix au Proche-Orient passe par une phase difficile, je voudrais signaler que la Turquie soutient d’une façon ardente et ferme le processus de paix. Elle est contre la politique de compromis d’Israël; elle s’est exprimée, à ce sujet, ouvertement d’une façon très nette et sans équivoque.
“La Turquie attache une grande importance à la sauvegarde de l’indépendance, de la souveraineté et l’intégrité du territoire libanais. La Turquie a toujours appelé d’une façon totale et stricte, au sein des Nations Unies, à l’application de l’accord de Taëf par toutes les parties concernées. Elle a, également, souligné la nécessité d’appliquer la résolution 425 du Conseil de Sécurité. Je pense que des pourparlers contrôlés entre la Turquie et certains pays arabes avec Israël peuvent servir l’intérêt de tous les pays de la région.”
- La Turquie peut-elle contribuer - dans quels domaines et secteurs - à la reconstruction des régions libanaises dévastées par la guerre ou à la remise en état de nos infrastructures?
“La réponse à cette question est catégoriquement positive. Les sociétés turques de construction sont connues par leur expérience, leur compétence et sont établies dans tous les pays du monde. Elles ont exécuté, avec succès, plusieurs projets en Irak, en Arabie séoudite, en Egypte, en Libye, en Russie, dans les républiques du Centre d’Asie et en Allemagne. Dans le cas du Liban, je pense que la question de proximité et du voisinage favorise des avantages encore meilleurs, ce voisinage contribuant, naturellement, à la diminution du coût du transport des matériaux et du personnel. Actuellement, encourager les compagnies turques dans le secteur de la construction à venir exécuter des travaux au Liban, est l’une de mes préoccupations principales, voire la tâche primordiale figurant en tête de mon agenda.”

LE CAS DU “REFAH”
- L’interdiction du “Refah” par la Cour constitutionnelle et l’exclusion de son leader, Erbakan de la vie politique pendant cinq ans, auraient-elles des retombées négatives au plan interne, pareilles à celles provoquées, en Algérie en 1992, par l’annulation des résultats des élections favorables aux islamistes? Le “Refah” pourrait-il poursuivre son activité sous un autre nom, comme le laisse entendre son chef?
“Je trouve qu’il est inapproprié de discuter des arrêts de la Cour constitutionnelle dont les responsabilités sont clairement mentionnées dans notre Constitution et notre législation. Les dispositions observant l’établissement, le fonctionnement et la dissolution des partis politiques sont aussi cités dans la Constitution et ladite législation. L’interdiction du “Refah” qui est une société de bienfaisance, a été entamée conformément aux procédures légales.”

PAS DE PROBLÈME KURDE
- Comment les autorités turques envisagent-elles de régler le problème kurde?
“Je voudrais, tout d’abord, dire qu’il n’y a pas de problème kurde en Turquie. Ce problème est évoqué par certains cercles, comme si “l’élément turc” dominant en Turquie assimile “l’élément kurde” pour quelques temps. Ainsi, l’élément kurde ne se rebelle pas contre l’Etat, cette hypothèse et ces prétendues répercussions, ne reflètent pas du tout la réalité présente.
“La Turquie est une démocratie pluraliste jouissant d’une liberté de presse et d’une indépendance judiciaire. Tous les citoyens, abstraction faite de leur origine, leur langue, leur opinion politique, leur croyance religieuse, sont égaux devant la loi. Les Kurdes ne sont pas minoritaires, mais des citoyens de première classe ayant tous les droits et les obligations. Ils peuvent avoir accès à tous les services publics dans la société turque. Il y a eu parmi eux des généraux, des ministres, des députés, des Premiers ministres...
“C’est pourquoi, la question devrait être formulée de la façon suivante: Comment peut-on envisager de résoudre le problème du terrorisme du PKK, organisation terroriste marxiste léniniste qui opère sous une forme de stalinisme, comme les partis “Shining Path” au Pérou et “Khmer Rouge” au Cambodge avec un but déterminé: disloquer ou diviser la Turquie. La plupart de leurs victimes sont d’origine kurde. Le PKK veut assurer les droits et les intérêts des citoyens turcs d’origine kurde.

ACTION DU PKK À L’ÉTRANGER
“Quatre raisons principales permettent au PKK de persister:
1- l’appui de certains pays voisins; ils utilisent le terrorisme comme instrument politique et un moyen de guerre par procuration;
2- le revenu illicite provenant du trafic de drogue;
3- la poursuite des activités du PKK dans certains pays d’Europe de l’Ouest où ses membres bénéficient de la liberté d’expression et d’autres droits démocratiques;
4- la collecte de fonds par la force des citoyens turcs vivant à l’étranger.
“Les autorités turques sont déterminées d’une façon ferme à frapper et déraciner le terrorisme PKK. Actuellement, elles sont braquées sur ce problème qui doit être résolu dans le cadre des règlements et de la loi de la démocratie, tout en distinguant entre l’innocent citoyen turc d’origine kurde et les terroristes.”

LA CRISE TURCO-GRECQUE
- Où en sont les pourparlers turco-grecs sur le conflit de la mer Egée et la crise chypriote?
“La politique traditionnelle de la Turquie envers la Grèce est de resserrer davantage la coopération et les relations d’amitié. Nous sommes convaincus qu’une atmosphère cordiale entre les deux pays aurait un effet positif sur toute la région. Malheureusement, quelques problèmes perturbent nos relations avec la Grèce, bien que nous cherchons toujours d’avoir d’excellentes relations avec tous les pays voisins. Comme vous le savez, en février, la Turquie a demandé à la Grèce de régler les problèmes de la mer Egée de manière pacifique et proposé de convoquer une réunion au niveau des ministres des Affaires étrangères avant fin mars.
“En ce qui concerne le problème de Chypre, je voudrais préciser que cette question qui date depuis assez longtemps, pivote autour d’un fait principal: l’existence de deux communautés distinctes dans l’île; les Chypriotes turcs et les Chypriotes grecs. Ceux-ci doivent avoir le droit de déterminer le sort de l’île.”

LA TURQUIE, L’OTAN ET L’U.E.
- Qu’en est-il des rapports entre la Turquie, d’une part; l’OTAN et l’Union européenne, d’autre part? Ankara est-il favorable à l’élargissement de l’Alliance atlantique aux pays de l’Est?
“La Turquie, dans ce sens, a été en faveur de l’élargissement du Nato, mais les processus de son élargissement et de l’Union européenne doivent se faire d’une manière favorable. Il n’est pas logique et justifié de voir évoluer cette relation dans un sens unique. La Turquie est déterminée à avoir sa juste place dans l’entité européenne.”
- Le litige opposant la Turquie à la Syrie et à l’Irak à propos des eaux communes est-il en voie de règlement?
“La Turquie croit que l’utilisation équitable et rationnelle des ressources hydrauliques peut être réglée à travers une étude scientifique déterminant les besoins de chaque pays. Dans ce contexte, la Turquie a présenté à la Syrie et à l’Irak un plan pour une utilisation plus rationnelle des eaux de l’Euphrate et du Tigre et ce le 5 novembre 1984.
“La Turquie a réitéré sa proposition durant les réunions de la commission technique commune, la réunion tripartite au niveau ministériel en 1990 et les pourparlers bilatéraux entre la Syrie et l’Irak en 1993. Le plan des trois étapes vise à procurer une solution satisfaisante pour toutes les parties.”  

 


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