Chronique


Par JOSE M. LABAKI  

 

INGOUVERNABLE LA RUSSIE DE BORIS ELTSINE?

Dans ce climat chaotique, le président Boris Eltsine mène une guerre à outrance contre la Douma (chambre basse du Parlement) qui conteste la nomination de Sergueï Kirienko, un jeune technocrate libéral inconnu, au poste de Premier ministre après le limogeage du Cabinet présidé par son vieil ami Victor Tchernomyrdine. Pour la Douma, Sergueï Kirienko, ne passera pas. Pour Boris Elstine, le temps presse. Si la confirmation du nouveau Premier ministre ne se fait pas au premier tour, ni au second, ni au troisième comme prévu dans la Constitution, le temps du chantage est révolu. La Douma sera dissoute. Pour le chef du Kremlin, la Russie est en mauvaise posture dans tous les domaines et à tous les niveaux. Il est grand temps de la remettre sur rails. L’heure du développement économico-social a sonné. Le président russe a choisi le moment de la visite du patron du Fonds monétaire international pour effectuer ce remue-ménage et renforcer l’étau sur le Parlement pour qu’il adopte un “budget réaliste” obéissant aux codes internationaux et licencie le gouvernement qui s’est avéré incapable de mener le pays à bon port.
Telles sont les motivations principales de ce rebondissement dans la lutte pour le pouvoir dans un pays où tout est délabré, où mafias et détracteurs font la loi, un crime contre un grand peuple en déprime, après soixante-quinze ans de régime totalitaire, déficitaire, en quête d’une paix civile, de prospérité, de justice sociale, prêt à affronter les défis d’un millénaire intraitable à l’égard des retardataires, peu soucieux des luttes pour le pouvoir, plutôt de son bien-être et de son avenir et surtout et aussi de son rôle prééminent dans le concert des nations, dans une planète en perpétuelle mutation.
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Certes, dans la Russie post-communiste, les menaces de démembrement de la Fédération s’affirment de plus en plus. Les guerres du Caucase continuent de faire rage. Le spectre d’une révolution généralisée frappe à la porte. L’épreuve de force entre les divers centres du pouvoir compromet sérieusement toute chance de s’attaquer aux problèmes embarrassants d’une société ravagée par de graves inégalités, par des mafias de tous genres qui refont surface au fil des jours. Une société envahie par la misère et la délinquance rampante, d’une génération en perte d’identité, en quête de repères, où l’économie est balayée à une vitesse foudroyante, par une inflation galopante et incontournable qui atteint le taux paroxystique de 3000% et au-delà.

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D’autre part, la Fédération de Russie a mis plus d’un an à digérer la campagne présidentielle de 1996, elle en mettra autant pour digérer la prochaine, prévue pour fin 98. Elle a appris à vivre avec un Boris Eltsine malade et intraitable, avec ses bavures diplomatiques et ses écarts de comportement et leurs revers. Néanmoins, les institutions semblent mieux résister que prévu à ce qui aurait pu conduire à un dangereux vide de pouvoir.
En fait, l’actuel paradoxe qui prévaut en Russie, est que la présidence est forte en dépit d’un président affaibli. En cas de maladie, l’appareil étatique est pris en charge par un petit cercle, qui permet, autant que faire se peut, le bon fonctionnement des institutions.
Boris Eltsine a bien saisi que la Russie avait changé entre son premier et second mandats. Désormais, le défi consiste à intégrer les forces issues de la démocratisation, alors que la vie politique, demeure un jeu entre élites formées par les organisations gouvernementales, les chefs d’une oligarchie disposant de liens privilégiés avec le Kremlin et les médias. Complexité qui exige du président Eltsine un sens de l’organisation, dont il est, malheureusement, dépourvu et d’un certain talent de négociation qu’il déteste. Ce qui fait du système de gouvernement, un mélange bizarre de convictions démocratiques et de pratiques autocratiques.
En automne 97, Boris Eltsine modifie ses rapports avec les institutions élues, ayant compris que ses vieilles méthodes de diviser l’opposition, d’opposer les députés de la Douma aux sénateurs, ne lui permettaient plus d’arracher le vote du budget. A l’occasion du 80ème anniversaire de la révolution d’Octobre, Boris Eltsine prône la réconciliation et la coopération pour le redressement d’une Russie défaillante à bien des égards. En décembre dernier, il réunit autour d’une table ronde un groupe de quatre grands (président, Premier ministre, présidents des deux Chambres) pour débattre des questions les plus sensibles affectant la société russe et trouver un compromis à chacune d’elles. Dans son discours de fin d’année, il a sévèrement critiqué “le remplacement des slogans productivistes” par les “slogans du marché”. Ce virage de 180Þ a été suivi par une décision déterminante prise en janvier 98, de faire du Premier ministre un homme à pleins pouvoirs, jusqu’alors, n’étant que l’exécutant docile d’une politique élaborée par l’administration présidentielle dont les départements doublonnent les ministères et divers conseils (sécurité, défense, comités d’Etat, douanes, etc.) et dont les membres sont nommés par décret présidentiel.
Le régime présidentiel en vigueur ne fait qu’entraver la bonne marche des institutions. La récente décision de limoger son fidèle allié Victor Tchernomyrdine depuis 1992 et de le remplacer par un quasi-inconnu de 35 ans, le ministre du Pétrole sortant Sergueï Kirienko, a fait l’effet d’une bombe à Moscou, un coup de poker. Cependant, Boris Eltsine a peu de prise sur ce qui constitue le handicap permanent de la démocratie russe nouvellement arborée: l’absence de véritables partis politiques. Ce manque se traduit par un gouvernement constitué de représentants de partis qui totalisent moins de 10% de l’électorat et un Parlement dont les députés se comptent en groupes de pression. Ainsi en ce début de 1998, la Douma cherche-t-elle toujours sa place sur l’échiquier politique, handicapée par sa désorganisation, l’infrastructure, experts, bibliothèques, etc., un climat anti-parlementaire entretenu par le président et ses membres. La seconde Chambre, le conseil de la Fédération de Russie, souffre peut-être moins d’absence de partis politiques que la Douma, mais le désordre est presque le même.
Les Fonds de l’Etat sont aussi bien gérés que les autres départements. Le décret présidentiel de mai 97 remet un peu d’ordre en distribuant par appel d’offres le droit de gérer les Finances publiques, mais le président Eltsine n’a pu appliquer aux financiers la politique “divide et impera” qu’il utilise aussi bien en politique qu’ailleurs.

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Que se passe-t-il donc dans la Russie de Boris Eltsine? Epreuve de force, combat d’ours polaires, déficit de légitimité, échecs des réformes, triomphe des mafias, ou tout à la fois?
L’opinion inquiète s’interroge: Boris Eltsine dont on ne cesse de rattraper les impairs et les gaffes, est-il encore en mesure de gouverner un si vaste empire?
A en croire Andrée Rietioveski de l’Institut d’études stratégiques, “toutes les images que nous voyons de lui sont déprimantes. Il n’est ni rationnel, ni adapté aux situations”.
Seule une solution de compromis éviterait une nouvelle vague léniniste-marxiste qui, le cas échéant, serait plus désastreuse que celle de 1917 et emporterait toutes les chances de paix en Russie, face à l’inconnu.
C’est d’un changement radical, d’une unité, d’une solidarité à toute épreuve que la Russie a besoin, celle des grandes certitudes qui détermineraient le sort de grands pays. Le contraire serait un suicide. Dieu préserve la Russie de toute aliénation fatale à tous points de vue. Boris Eltsine devrait en être fort conscient. Il devrait se retirer avant que le malheur n’arrive. “Dans une politique de casino, on spécule évidemment sur tout, même sur l’avenir d’un pays, quitte à jouer les apprentis-sorciers.”

 
 “Jamais la voie n’a été aussi dégagée et aussi attrayante. A l’orée du troisième millénaire, les Etats-Unis jouent un rôle éminent dans le développement de la planète et du prochain chapitre de l’histoire de l’Afrique. Son engagement s’avère impératif et favorise les intérêts de l’Amérique.” 

Sandy Berger 
(Conseiller présidentiel pour la Sécurité nationale) 
 

 

  

 


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