Editorial


Par MELHEM KARAM 

 
 TROIS JOURS AVEC LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
UN SECOND TAËF... ET UN PRÉSIDENT ÉLU AU SUFFRAGE UNIVERSEL

La situation politi-que actuelle ne peut se perpétuer... Et le pouvoir tricéphale est rejeté, biologique-ment, en plus du fait qu’il n’est pas appelé à durer. Puis, la perplexité entraîne la perplexité et il nous faut faire quelque chose.” 
Ceci vous confirme ce que pense le président de la République, en le ren-contrant en maintes cir-constances, durant trois jours consécutifs. Il m’a honoré en m’invitant, avec mon confrère Mohamed Baalbaki, à l’accom-pagner lors de sa récente visite à l’Etat des émirats arabes unis. 
Au cours des voyages, le chef de l’Etat se révèle tel qu’il est au naturel, loin des aspects officiels de sa haute charge. Il apparaît avenant, sensible, aimant, jouissant d’un humanisme fait de tolérance, la gaieté étant chez lui une authenticité, doublée d’une noblesse, d’une bonté et de beaucoup d’entregent. 
J’écris cela sans procuration du président Elias Hraoui, en vue de préparer le terrain pour la reconduction ou la prorogation de son mandat, de le présenter à l’opinion publique sous l’image du sauveur, du bâtisseur, étant entendu que la prorogation et la reconduction sont le dernier de ses soucis; l’idée qui effleure le moins son imagination. 
Le président Hraoui juge imminente l’émergence de nouvelles conceptions dans la politique libanaise. 

***

Quand un journaliste voyage avec le Président, il devient avide d’inédit qu’il est seul à connaître et s’enorgueillit de ce que le chef de l’Etat a bien voulu lui fournir. C’est notre outillage, nous les journalistes, dont nous sommes fiers. 
Le président Hraoui et c’est, peut-être le fruit de neuf années passées au pouvoir, pense qu’il est difficile de traiter avec l’Assemblée, tout en appréciant les députés et leur pratique de l’action législative. 
De même, il constate que bon nombre de politiciens changent leurs “convictions” comme ils changent de cravates. Il leur fait grief de cela, tout en invitant à un engagement moral, ethique et politique vis-à-vis des valeurs et des choses sacro-saintes. Il relève, aussi, que les intérêts et les appâts exercent leur effet sur la situation politique, ce contre quoi il met en garde. 
Il considère que la première magistrature a un rôle qu’il faut faire reluire. En ce sens qu’elle a perdu de son éclat, sa couleur ayant terni et perdu de sa splendeur. La présidence doit, à son avis, prendre une décision efficace, le régime présidentiel seul pouvant lui redonner l’autorité et la brillance dont elle doit jouir et que lui seul est à même de lui procurer. 
De là, le président Hraoui a la conviction que, si nous n’assurons pas certains données la perplexité et la lassitude affecteront la situation politique dans les années à venir. Il faut donc disposer de ces cinq éléments: 
1) Reconsidérer Taëf et réaliser un second Taëf (Taëf NÞ2), à l’effet de redonner à la Présidence l’éclat qu’elle a perdu. Ceci se produirait à partir d’une compréhension et d’une entente sur toutes les propositions, la rencontre venant la renforcer et la raffermir. 
2) Le président de la République devrait être élu au suffrage universel, par tous les Libanais. Et là, le président Hraoui ne craint pas pour la confessionnalisation de la Présidence, car le président élu serait, immanquablement, chrétien, parce que les Libanais sont un peuple acquis au consensus, moderne, attaché au pacte, évolué, comprenant ce que signifie la concorde, la fraternité et la nécessité d’assurer l’intégration libanaise. 
3) Le président de la République devrait disposer du droit de dissoudre la Chambre des députés, naturellement, pour des motifs valables, non suite à un caprice pour en imposer aux autres. 
4) Le président de la République devrait avoir le droit d’appeler à un référendum autour d’une question vitale qu’il bénirait lui-même, en estimant que le peuple est prêt à la défendre ou plutôt est disposé à en assumer la défense avec enthousiasme. 
5) Le président Hraoui juge nécessaire de doter le Liban d’un régime présidentiel; naturellement, après l’abolition du confessionnalisme politique. 
L’élection du Président directement par le peuple lui confère une autorité supérieure et fait de la première magistrature, à juste raison, le porte-parole de tous les Libanais, non d’une fraction chrétienne ou musulmane, cette logique ne pouvant être adoptée pour gouverner une nation comme le Liban. 
Le pouvoir tricéphale est une dénaturation des êtres naturels et politiques. C’est pourquoi, on devrait y renoncer. Quant à l’entente entre les responsables et les leaders, c’est une question justifiée, à condition qu’elle ne contribue pas à dénaturer et éloigne des transactions et des compromissions. 
Le président Hraoui admet qu’il existe des transactions, des compromissions et de la corruption, ce fait devant prendre fin; la direction doit être pure, ne couvrant pas les transactions qui se concoctent, ni l’achat des consciences. 
Quant à la magistrature, elle doit jouir de son autonomie, d’un halo de prestige, être maintenue à l’abri des accointances et des pressions, la liberté devant être un texte consigné dans la Constitution et non, uniquement, dans les lois. 
Le président de la République est dans cet état d’esprit et considère, à travers maintes expériences, que le Liban vit dans une situation qui, si elle n’était pas améliorée à partir d’une vue futuriste, le conduirait vers l’impasse, ou risquerait de l’enliser dans les sables mouvants et des boues gluantes. 
Le plus grand souci du Président, qui est un homme et un citoyen à l’instar de tous ses compatriotes, n’est ni la reconduction, ni le renouvellement de son mandat, mais l’application pratique de la résolution 425, dans le cadre de la souveraineté, de la dignité et de la gloire de la patrie.

Photo Melhem Karam

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