LA
PRINCESSE FADILA D’ÉGYPTE
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Le hasard
a voulu que je rencontre dans la Ville-Lumière la princesse Fadila
d’Egypte, digne épouse
du roi Fouad II, fils du roi Farouk d’Egypte, dont la vie et le destin
continuent à émouvoir jusqu’à présent les historiens
et le commun du peuple.
Je lui rendis visite dans son somptueux appartement pari-sien, entièrement
chargé des souvenirs d’Egypte: d’énormes et majes-tueux portraits
du pacha Mohamed Ali, fonda-teur de la dynastie; du roi Fouad 1er et de
son fils, le roi Farouk et du roi Fouad II; des bustes en bronze du Khédive
Ismaïl le magnifique; des vestiges de la famille dont les armoiries
exposées sur une tapis-serie en soie légèrement jaunies
par les années; enfin, plusieurs portraits très vivants du
roi Fouad II et de son épouse Fadila, de leur mariage très
glamour au palais de Monaco et de leurs trois enfants dont la ressemblance
avec les parents et aïeux est frappante. L’apparte-ment dégage
une atmosphère spéciale de noblesse et de dignité.
Dans ce magnifique cadre où se mêlent, étroitement,
passé et présent, évoluent l’épouse du roi
Fouad et ses trois enfants pétillant d’intelligence et resplen-dissant
de beauté: Mohamed Ali (19 ans), Fawzia (16 ans) et Fakhreddine
(10 ans).
Tendre complicité entre Fawzia
et Fakhreddine.
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La mère et le fils devant
les portraits de famille.
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DANS L’OMBRE DE LA DYNASTIE
Fait surprenant: en dépit de ses origines purement européennes,
la princesse Fadila est plus pharaonique que tout autre Egyptienne: un
port altier, fier, un beau visage accueillant, auréolé d’une
opulente chevelure noire de jais, des yeux verts passant de la mélancolie
à la gaieté au rythme de la conversation.
La princesse du Nil me confie sa sérénité de vivre
dans l’ombre de la dynastie des rois d’Egypte, en parfait amour avec son
époux le roi Fouad et leurs trois enfants, ce cocon familial qu’elle
protège jalousement.
Issue de la haute bourgeoisie européenne, ayant accompli de hautes
études, dont un diplôme en psychologie, elle a un sens aigu
des valeurs, de la rationalité et de l’humour. Cartésienne,
elle semble, en quelque sorte, soumise à son destin lequel, me confie-t-elle,
ne fut pas toujours facile en dépit de son aspect très privilégié.
Elle entame notre entretien en ces termes: “Maintenant que j’ai conquis
le goût du bonheur, dit-elle, je suis heureuse de vous parler à
“La Revue du Liban”. Je suis fière d’accomplir mon devoir d’épouse
et de mère et j’espère que j’aurais la force de continuer
de le faire le mieux possible.
“Je suis comblée d’être la femme du roi Fouad et pense que,
d’une certaine manière, vu notre notoriété et l’étendue
de notre relation, je peux être utile à la cause des enfants,
celle de la femme, à la paix et à la justice.”
- Que devient la princesse Fadila après un silence de plusieurs
années?
“Oui, c’est un silence complet que j’ai gardé volontairement. Je
me suis donné le temps de m’occuper, exclusivement, de ma famille,
de mon mari et de mes enfants. J’ai profité de ce temps qui n’était
pas de la solitude, car j’ai continué à beaucoup voyager,
à faire des études, à sortir, mais je me suis ordonnée
à la réflexion profonde; je n’avais plus envie d’exprimer
autre chose et je me contentais d’observer.”
VIE FAMILIALE ET SOCIALE
- Voulez-vous nous parler de vos enfants que vous semblez adorer?
“Je suis comme toutes les mères en adoration devant mes enfants,
mais j’ai un sens maternel développé. Je ne m’intéresse
pas seulement aux miens, mais à l’enfance, en général.
J’ai plusieurs filleuls et j’aime beaucoup la jeunesse; en elle je vois
l’avenir. Je pense que les enfants ont droit à tous les égards;
ce sont des êtres sacrés. J’ai fait une maîtrise de
lettres et de psychologie et je m’intéresse, énormément,
au développement des enfants et des jeunes.
“Je vis donc dans le présent, de moins en moins dans le passé
lequel me sert à tirer des leçons pour l’avenir. J’ai tourné
d’une certaine manière une page de mon histoire et me sens de nouveau
beaucoup plus optimiste, surtout en voyant grandir mes enfants. Je m’investis
beaucoup dans ce domaine, du point de vue affectif, social et culturel.
C’est mon volet de prédilection, mes enfants passant, bien sûr,
en premier: Mohamed Ali, 19 ans qui est né au Caire; Fawzia-Latifa,
ma cadette, seize ans, née à Monaco, elle porte le nom de
la sœur du roi Farouk qui fut la belle épouse du shah d’Iran, Latifa
étant le nom de la mère des princes du roi du Maroc; Fakhreddine,
le benjamin, 10 ans est né au Maroc où il s’est rendu à
l’invitation de sa majesté le roi Hassan II qui l’a prénommé
du nom du grand prince du Liban.
“Le roi Fouad et moi avons énormément d’amis libanais et
vouons une grande affection au Liban, de l’admiration pour son peuple,
pour son courage, son intelligence, son intellect et sa culture. Notre
âme vibre avec votre pays. Nous avons un très grand respect
pour ses traditions, pour la finesse d’esprit qui y règne, l’art,
la musique.
“Je pense aux musiques de Walid Akl, Gabriel Yared, Henri Ghorayeb, aux
Rahbani et à la voix de Feyrouz, aux peintures de Nada Akl, Martha
Hraoui, Chafic Abboud, etc.
“Je pense, aussi, à l’expansion de l’imprimerie au Liban, aux maisons
d’éditions, à la presse. Pour apprendre l’arabe, nous choisissons
des livres édités à Beyrouth et nos professeurs sont
tant égyptiens que libanais.”
La princesse Fadila et son fils, le prince
héritier Mohamed Ali,
feuilletant "La
Revue du Liban"
UNE FAMILLE SOUDÉE
- Quelles sont vos relations avec l’Egypte actuelle?
“De très bonnes relations, puisque je me sens quelque part faire
partie de la communauté égyptienne. Mais nous restons dans
l’inconscient des gens comme une très belle image de l’Egypte à
l’étranger.”
Et la princesse Fadila d’enchaîner: “Aujourd’hui, je me sens chaque
jour davantage responsable, fière et consciente d’être la
femme du roi Fouad depuis presque un quart de siècle et en tant
que mère des petits-enfants du grand roi Farouk lequel est, à
nos yeux, chaque jour plus grand; nous le comprenons davantage. Sa plus
grande joie fut d’avoir son fils unique Fouad, qu’il a attendu pendant
seize ans et il l’a aimé d’une manière extraordinaire.
“Il existe une espèce de trilogie entre les rois Farouk, Fouad et
mon fils Mohamed Ali: ils se ressemblent tellement, physiquement et moralement,
que je suis émerveillée mais parfois effrayée, car
j’ai la lourde tâche, à l’aube du troisième millénaire,
d’éduquer mon fils dans la tradition familiale et historique que
son père aspire pour lui et, en même temps, d’en faire un
homme responsable du XXIème siècle.”
- Comment arrivez-vous à joindre les deux bouts: l’éducation
de vos enfants, être l’épouse du roi Fouad et votre vie sociale
et mondaine?
“Jusqu’en 92, où les enfants étaient très jeunes,
nous avons énormément voyagé et j’ai suivi mon mari
dans tous ses déplacements. Nous formons un clan familial de cinq
personnes extrêmement soudé et même quand l’un ou l’autre
est loin, nous avons une osmose complète dans les idées et
les pensées. Les cinq ensemble, nous avons vécu dans une
très belle harmonie familiale que j’ai su protéger contre
vents et marées.
“Il n’y a pas un jour où je n’ai pas un contact avec mes trois enfants,
tous ensemble et, en même temps, chacun séparément
ne fut-ce que quelques minutes. Plus le temps passe, plus je ressens la
même perception des gens, des situations et des événements
que mon mari.”
- Votre mari a beaucoup de charisme?
“Oui et plus que le charisme, il a une compréhension des choses,
une très belle âme, une finesse d’esprit, beaucoup de qualités
et une bonté de cœur.”
ANNÉES DIFFICILES ET HEUREUSES
- Parlez-nous de votre mariage avec le roi Fouad. Pouvez-vous le qualifier
d’heureux?
“Notre mariage a été béni du fait d’avoir eu nos trois
enfants. Nous avons vécu des années de bonheur, certes mais,
aussi, difficiles pour moi, car j’avais à cœur de remplir les obligations
de ma charge; j’ai voulu me conformer à la tradition historique
de la famille, à la religion musulmane, sans modèle précis,
en créant ma nouvelle propre personnalité sans l’aide, ni
de ma belle-famille, ni de la mienne, uniquement guidée par mon
amour pour mon mari.
“Nous avons eu la chance de beaucoup voyager au Maroc, dont le roi Hassan
II nous protège. Ce qui a permis à mon mari d’être
un peu moins amer de son exil et moi de m’occuper de mes enfants, d’œuvres
sociales et caritatives; enfin, de vaquer à mes propres loisirs.
Le Maroc est un pays où on s’arrête pour se ressourcer culturellement,
surtout, grâce à la personnalité de son roi qui est
un sage et est un grand chef.
“J’estime avoir une chance avec mon mari de l’avoir rencontré, d’avoir
bénéficié de son affection et de sa protection. Je
suis de même très reconnaissante et fière que l’amitié
et les liens privilégiés qui ont existé entre feu
le roi Farouk et les monarques saoudiens se perpétuent à
nos jours entre nos familles respectives.
ENTRE LA FRANCE ET LA SUISSE
- Quelles sont vos activités actuelles?
“Depuis 92, après beaucoup de voyages, notre vie s’est stabilisée
et nous nous partageons entre la France et la Suisse où j’effectue
des voyages hebdomadaires. Je visite les expositions aussi bien à
Genève qu’à Paris où, dernièrement, a eu lieu
l’ouverture des merveilleuses salles du Louvre sur l’Egypte pharaonique
et les mêmes à Genève, mais en exposition privée.
“J’ai toujours aidé partout où je l’ai pu, des cas difficiles,
n’hésitant pas à porter secours aux opprimés, à
des gens en détresse, à des sans-papiers, etc. Je n’ai pas
oublié que mon mari est un homme exilé et comprends très
bien la douleur de l’exil.
“Ainsi, chaque fois que je l’ai pu, j’ai fait obtenir des visas, des cartes
de séjour, des aides sociales. J’ai été dans ce domaine
beaucoup aidée par Mme Bernadette Chirac, elle-même très
humaine.”
- Comment vous projetez-vous dans l’avenir?
“Novembre 97 date de mon anniversaire a correspondu à une espèce
de renouveau, de joie de vivre, d’optimisme, de sérénité,
d’acceptation de certaines choses, mais en même temps, à un
renforcement de mes droits à certains égards. Je me suis
sentie comme délivrée, plus authentique.
“Pour le moment, mon unique priorité est l’éducation de mes
enfants dans un cadre harmonieux, pour en faire des êtres humains
responsables. Pour terminer, je vous confie que j’attends avec une impatience
folle le jour où je tiendrai dans mes bras mon premier petit-enfant.”
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