Le président Omar Al-Bachir à Melhem Karam:
“Les symboles de l’opposition à l’étranger coopèrent avec les ennemis de la nation”

Le président Omar Al-Bachir à Melhem Karam 

As-Sadek el-Mahdi dit le contraire de ce  
en quoi  
il croit 

Le terrain se prête parfaite-ment à l’entente et nous en avons préparé le climat 

Les rebelles ont fixé les dates de la victoire... mais ce sont des souhaits creux et des tentatives vouées à l’échec 

Nous avons l’entière conviction que les Américains sont contre la paix au Soudan 

L’hégémonie sioniste sur les centres de décision en Amérique entrave notre contact avec Washington 

Le sionisme considère que le fondamen-talisme islamique est le grand danger pour Israël et que le Soudan en est la base 

Nous n’avons pas ignoré  
les réfugiés et leurs problèmes dans les villages frontaliers 

Le projet de Constitution ne prétend pas être parfait,  
mais c’est  
la meilleure formule constitution-nelle 

Nous restons vigilants et prévoyants au point que nul ne nous prendra, cette fois, à l’improviste

Le moment le plus heureux et le plus grand dont peut jouir un journaliste, c’est lorsqu’il rencontre un chef d’Etat et engage avec lui un dialogue ouvert. C’est un bien-être à nul autre pareil dans notre vie professionnelle. Le journaliste capte une matière, non pour une circonstance, mais pour sa vie et la profession; il y revient chaque jour et la prend comme référence pour chaque article qu’il rédige. 
Votre rencontre avec un chef d’Etat est le summum du bonheur, car elle supprime les barrières, les convenances officielles et les exigences qui justifient les tabous. 
Tel a été mon sentiment lorsque le maréchal Omar Al-Bachir m’a reçu. J’aime utiliser le terme président, sans titres militaires, parce que la face civile qui se confirme avec le baptême populaire, m’est la plus chère et la plus proche, comme il l’est pour tous. 
En vous adressant à un chef d’Etat, vous avez l’impression de vous entretenir directement avec la vérité. Vous ne l’interrogez pas par le truchement d’un intermédiaire, ni ne vous adonnez à la spéculation ou à la déduction, mais vous vous trouvez à un jet de pierre de la vérité tout entière, de la franchise parfaite et du mot décisif, tout en étant motivé par le courage dont vous devez vous armer; sinon laissez la Presse à ses professionnels et recherchez un autre travail. 
Le Président s’est montré excessivement avenant, franc et soucieux de tout dire, même s’il doit susciter la colère des uns et la satisfaction des autres. 
Tel est le président Al-Bachir, l’homme large d’esprit, ayant donné à ses amis beaucoup de son temps,  de son attention et se préoccupant d’être précis dans ses réponses. 
Au palais de la Présidence à Khartoum, j’ai enregistré cette interview, dont j’ai choisi, arbitrairement, les titres, faute de quoi toutes les réponses auraient tenu lieu de titres. 

LE PEUPLE SOUDANAIS SOUTIENT LE GOUVERNEMENT ET SES PROJETS 
Melhem Karam: - Comment décrivez-vous la situation interne au Soudan à l’heure actuelle et quels ont été les résultats des tentatives visant à régler la crise opposant votre gouvernement à l’opposition? 
Président Omar Al-Bachir: “La situation intérieure est bonne, autant que le regroupement du peuple autour du gouvernement. Ce que je dis est un fait palpable sur le terrain et non sur le papier. 
“Le peuple soudanais est connu pour sa bonne nature. S’il rejette un gouvernement, les expériences ont prouvé que ce dernier ne peut rien lui imposer. Le peuple soudanais soutient le gouvernement et adopte ses projets. L’enrôlement des jeunes Soudanais dans les rangs des combattants, à l’effet de contribuer à l’instauration de la stabilité sécuritaire, politique et professionnelle, constitue une preuve flagrante du regroupement de la base populaire autour du gouvernement, Dieu merci. 
“En ce qui concerne les symboles de l’opposition établis à l’étranger, ils traitent avec les ennemis de la nation et non avec ceux du gouvernement. 
“Si nous parlons, par exemple, de la rébellion sous le commandement de John Garang, c’est un mouvement ayant émergé au temps de Noumeiry; il l’avait combattu, en même temps que la période transitoire et ces symboles au temps où ils étaient au pouvoir. 
“Le peuple soudanais est lucide. Lorsqu’il voit sa direction traiter avec le même commandement qui lui faisait la guerre le jour où il était au pouvoir, ce peuple s’assure du fait que les rebelles sont des professionnels de l’opposition contre tout gouvernement. 
“Ils disaient: Nous voulons un régime démocratique qui a été appliqué. Il a été convenu de diffuser un communiqué consignant les points d’accord et de divergence. Aussi, les délégations devaient-elles reprendre les concertations et négocier de nouveau. A ce moment, John Garang a été invité aux Etats-Unis et après cette visite, il s’est rendu à Abouja pour interdire à sa délégation de signer le texte de l’accord.” 

ALTERNANCE POLITIQUE 
Melhem Karam: - Que voulez-vous dire par alternance politique? 
Président Al-Bachir: “C’est une nouvelle appellation dans l’action politique, mais nous essayons de revenir à notre origine. Le Coran parle de l’alternance qui consiste en la cohésion et le rassemblement des hommes ayant une pensée et un principe communs.” 
Melhem Karam: - Le Dr Rayak Machar, votre collaborateur et président du conseil de coordination pour les provinces méridionales, a exprimé ses craintes d’un plan élaboré par le mouvement populaire sous le commandement de John Garang, en vue d’attaquer la région de Baibour; de l’échec de sa tentative d’occuper la ville de Bor et d’isoler Jouba, tout en poussant son avance en direction de Tarkata, en éparpillant les forces soudanaises à la faveur d’une offensive contre Bahr el-Ghazal et d’une occupation de la ville de Jouba. Croyez-vous possible une escalade militaire de la part de John Garang et certains Etats du voisinage, tel l’Ouganda, par exemple, pour détourner l’armée soudanaise de Jouba? 
Président Al-Bachir: “La planification se perpétue, ainsi que les opérations sur le terrain, car la guerre n’a pas pris fin au Sud. La rébellion prétend contrôler Jouba, Waw et les villes qui sont entre les mains des forces armées. Chaque quelque temps, les rebelles entreprennent des tentatives et fixent des dates, en annonçant qu’ils célèbreront la fête de Noël à Jouba. Ce sont autant de souhaits et de tentatives. Nous les prenons au sérieux, car le mouvement de rébellion bénéficie d’un soutien militaire et moral de la part de certains pays du voisinage et des Etats-Unis.” 
Melhem Karam: - Vous attendez-vous, monsieur le Président, qu’une telle offensive soit déclenchée après la visite du président Clinton en Afrique?  
Président Al-Bachir: “Naturellement, nous nous attendons que tout se produise après cette visite “bénie”. 

CONTACT MAINTENU AVEC LES USA 
Melhem Karam: - Y aurait-il un contact entre votre gouvernement et la diplomatie américaine? 
Président Al-Bachir: “Notre contact est permanent, étant entendu que nous ne l’avons pas rompu, mais il est clair que l’hégémonie sioniste sur les centres de décision aux Etats-Unis entrave ce contact avec la diplomatie américaine.” 
Melhem Karam: - Que représente le sionisme par rapport au Soudan? 
Président Al-Bachir: “Le sionisme considère le fondamentalisme islamique comme le grand danger pour Israël et que le Soudan en constitue la base.” 
Melhem Karam: - Est-il vrai que le gouvernement ignore les réfugiés et leurs problèmes dans les villages frontaliers?  
Président Al-Bachir: “Ce sont des paroles dénuées de fondement, car nous accordons beaucoup d’attention aux réfugiés et à toute personne dans le besoin. Lorsque le peuple soudanais pâtissait de la famine en 1984, nous avons accueilli plus d’un million de réfugiés venant d’Ethiopie; il est naturel que nous recevions les revenants, après la signature de l’accord de paix dans la région de Bahr el-Ghazal, auxquels nous avons distribué des vivres, des médicaments et de l’argent.” 

LA LIBERTÉ NE SIGNIFIE PAS LE CHAOS 
Melhem Karam: - Qu’en est-il de la saisie du journal “Al-Wifak”, porte-parole de l’opposition, dans l’imprimerie et de ce que cela représente en tant que répression des libertés et de la démocratie?  
Président Al-Bachir: “ Ce que vous observez aujourd’hui à Khartoum, confirme la liberté accordée à la Presse. Cependant, nous ne devons pas oublier que nous sommes en état de guerre; ceci nous oblige à établir une distinction entre l’action politique opposante et celle qui affecte la sécurité, en particulier nos opérations militaires dans les zones de combat et, surtout, le moral de nos combattants. 
“Le journal “Al-Wifak” a commis certains abus et si la liberté n’est pas préservée et dépasse des lignes rouges, elle se transforme en chaos. Nous admettons la critique constructive, non le fait de semer le doute et de porter atteinte aux forces armées; encore moins, l’appui aux opposants et la propagande en leur faveur. 
“Nous parlons d’une opposition stipendiée, portant les armes contre les forces nationales qui combattent aux fronts. C’est pourquoi, il n’est pas logique qu’un journal paraisse à Khartoum et soutienne les combattants rebelles contre les forces armées nationales.” 
Melhem Karam: - Qu’auriez-vous à dire à propos de l’affrontement entre les étudiants qui vous soutiennent avec le gouvernement et les opposants?  
Président Al-Bachir: “Ce sont des événements limités et très restreints. Ils se sont produits lorsque les opposants ont réalisé que les partisans du gouvernement l’emporteront aux élections. Les opposants ont, alors, fomenté des troubles pour saboter le scrutin. Nous étions au courant, à l’avance, de ce plan et que les opposants torpilleront les élections à l’université de Khartoum, s’ils s’assurent de leur échec. 
“Nous traitons avec les événements estudiantins au niveau des jeunes. Nous tolérons l’action politique dans les universités, sans aucune ingérence de la part de l’Etat. Il s’agit d’une forme d’éducation permettant à l’étudiant d’exercer l’activité politique à l’intérieur du campus et je crois que les universités forment les leaderships de l’avenir.” 

DE LA NOUVELLE CONSTITUTION ET DU RÉFÉRENDUM 
Melhem Karam: - On dit que le projet de Constitution a été élaboré par le Pouvoir à sa mesure et pour servir ses desseins; est-ce exact? Est-il possible de reporter le référendum?  
Président Al-Bachir: “La forme définitive du projet a été adoptée par le Conseil national, non par la commission constitutionnelle ou le président de la République. 
“En prenant connaissance du texte élaboré, nous y avons relevé des répétitions de certains articles. Une fois de plus, j’affirme que le parlement élu par le peuple est l’instance habilitée à ratifier le projet de Constitution, non la commission constituée par le président de la République.” 
Melhem Karam: - L’accident de l’avion est-il dû à un acte de sabotage ou bien a-t-il été spontané?  
Président Al-Bachir: “Nous sommes sûrs et certains qu’il s’agit d’un accident naturel occasionné par une erreur de la part du pilote, mais non prémédité. Je n’imagine pas qu’un aviateur accepte de se suicider en faveur d’une autre personne. Puis, je connais le  pilote qui était compétent et courageux, puisqu’il a résolu de faire atterrir l’appareil en dépit des mauvaises conditions atmosphériques.” 

NORMALISATION DES RELATIONS ÉGYPTO-SOUDANAISES 
Melhem Karam: - Quoi de nouveau dans les relations égypto-soudanaises et l’échange des denrées alimentaires entre les deux pays?  
Président Al-Bachir: “Les relations, Dieu merci, évoluent et redeviennent normales. Nous apprécions le président Hosni Moubarak et ce qui s’est produit entre l’Egypte et le Soudan est un nuage d’été. Nous devons nous armer de bonne volonté pour dépasser les dissensions. Cette volonté est disponible de part et d’autre, ce qui favorise la normalisation des rapports bilatéraux dans les différents domaines. 
“L’action commerciale commune a repris, de même que la navigation maritime entre le Soudan et l’Egypte, ce qui constitue un indice positif pour l’échange commercial dans les deux sens. En plus, naturellement, de la navigation aérienne et du mouvement des personnes qui est rétabli d’une façon normale.” 
Melhem Karam: Pourquoi la fermeture de l’université?  
Président Al-Bachir: “L’université est historique, en ce sens qu’elle existait au temps où le Soudan manquait d’institutions universitaires. Répondant aux souhaits du peuple et des intellectuels soudanais, l’Egypte a ouvert l’université et, actuellement, il est question de reconsidérer le cas de la section de Khartoum relevant de l’université du Caire.” 
Melhem Karam: - La visite de votre ministre des Affaires étrangères au Caire, pour y rencontrer le président Hosni Moubarak, serait-elle le prélude à une visite que vous effectueriez, prochainement, en Egypte?  
Président Al-Bachir: “Rien ne l’empêche. D’ailleurs, l’échange des visites se poursuit et notre action vis-à-vis du Caire a largement contribué à provoquer le dégel dans nos relations.” 

IL FAUT PRÉSERVER NOS RESSOURCES NATURELLES 
Melhem Karam: - Comment l’opposition soudanaise justifie-t-elle son accusation des sociétés opérant dans la prospection des champs pétrolifères, comme visant à atteindre des objectifs militaires? Et pourquoi le rejet des initiatives proposées par des intermédiaires étrangers?  
Président Al-Bachir: “Un nationaliste ne peut compromettre les richesses de son pays et bloquer ses infrastructures. J’admets le déclenchement d’une guerre contre le gouvernement soudanais, mais non contre le peuple du Soudan. 
“S’ils croient pouvoir gouverner un jour le pays, ils devraient préserver les routes et notre richesse pétrolière, l’or noir soudanais étant la plus grande réserve de la région.” 
Melhem Karam: L’Algérie a accueilli, favorablement, la disposition du Soudan à coopérer avec elle pour combattre le terrorisme et considère la position de Khartoum comme étant digne d’intérêt et en cours d’étude, après ce qu’a déclaré le ministre Al-Attaf. Qu’auriez-vous à dire à ce sujet?  
Président Al-Bachir: “ Notre position n’est pas nouvelle; dès le début, nous avons informé nos frères algériens de notre disposition à coopérer avec eux. Cependant, le fait pour eux de considérer toute proposition d’aide comme une ingérence dans leurs affaires intérieures, nous a porté à y renoncer. 
“Ce qui se passe en ce moment en Algérie est un complot dirigé contre l’Islam, à travers les massacres collectifs des femmes, des enfants et des personnes âgées. 
“Attribuer ces tueries aux islamistes porte atteinte à l’Islam, car aucun musulman, ni aucune personne raisonnable ne se permet d’accomplir de tels crimes abjects. Hier, ils ont assassiné 27 enfants; de tels actes sont condamnés par les religions, parce que ce sont des actes barbares. Des mains étrangères s’emploient à détruire l’Algérie et à porter atteinte à l’Islam.” 

DEUX POIDS ET DEUX MESURES 
Melhem Karam: -  Et par rapport à la Libye, quelle est votre position envers l’embargo qui lui est injustement imposé?  
Président Al-Bachir: “Dès le premier moment, nous avons dit que la Libye était victime d’une injustice. Nous savions que c’est une affaire montée de toute pièce, dans le but d’asséner un coup fatal à la Jamahiriya libyenne. Car ils tentent d’étouffer toute voix qui dénonce le projet sioniste dans la région. 
“Pour cela, ils ont frappé l’Irak, imposé le blocus à la Libye, placé la Syrie et le Soudan parmi les pays qui soutiennent le terrorisme. Nous sommes certains que la cause de la Libye est une cause juste.” 

LE TERRAIN PRÉPARÉ À L’ENTENTE 
Melhem Karam: - Un jour viendra-t-il où le gouvernement scellera l’accord avec l’opposition?  
Président Al-Bachir: “Le terrain se prête parfaitement à l’entente. Nous avons préparé toutes les circonstances et pris des initiatives dans ce but. La nouvelle Constitution est une preuve du souci du gouvernement de rassembler tous les fils du Soudan.” 
Melhem Karam: - Quand comptez-vous promulguer la nouvelle Constitution et rétablira-t-elle l’équilibre politique sur la base de la démocratisation de la concertation au niveau des partis, en s’engageant vis-à-vis des constantes représentées par l’unité nationale, la charia islamique, le régime fédéral, la démocratie et le pluralisme?  
Président Al-Bachir: “Notre programme est clair. Nous œuvrons en vertu de décrets constitutionnels provisoires, jusqu’à l’édification de nos institutions, après avoir su où résident les positivismes et les négativismes. Nous agirons, alors, en vue de renforcer les premiers et de dépasser les seconds. 
“La Constitution devait être promulguée en juillet 1997, mais les événements ayant suivi l’invasion ethiopienne, érythréenne et ougandaise de nos frontières, ont nécessité l’ajournement de sa promulgation d’une année.” 

LA PORTE RESTE OUVERTE À L’ENTENTE 
Melhem Karam: - Doit-on désespérer de réaliser l’entente au Soudan?  
Président Al-Bachir: “L’entente demeure posée et nous ne fermerons pas la porte à toute démarche pacifique susceptible d’en favoriser l’avènement.” 
Melhem Karam: - Vous avez parlé de ceux qui ont attaqué Karnak, près de Jouba et des partisans du pluralisme, en disant qu’ils feignent d’ignorer l’accord de Khartoum...  
Président Al-Bachir: “Le pluralisme sous son ancienne forme est rejeté, de même que la pratique partisane telle qu’elle était exercée avant le 30 juillet 97. Nous sommes persuadés du fait que cette pratique, avant cette date, était défectueuse, parce que non démocratique. 
“Nous avons désigné par le terme “rababine” nos jeunes volontaires, des universitaires pour la plupart, non enrôlés dans nos forces armées. Ils ont pris une initiative spontanée en se rendant dans les zones des combats où ils ont accompli des actes héroïques et sont parvenus à stopper l’avance des forces ougandaises et érythréennes combinées qui progressaient vers Jouba. Ils ont mis hors d’usage tous les chars. Ce sont de jeunes nationalistes prêts à tous les sacrifices aux fins de préserver l’avenir de leur patrie.” 

RELATIONS EXCELLENTES AVEC L’A. SÉOUDITE 
Melhem Karam: - Pourquoi refusez-vous la participation de l’opposition nordiste aux pourparlers et tenez-vous à les limiter aux forces de Garang?  
Président Al-Bachir: “Parce que la lutte au Sud porte sur des droits politiques, culturels et économiques, ayant des portées historiques et extérieures diverses. Alors que l’opposition nordiste mène une lutte pour le pouvoir et la forme du système à instaurer. Nous croyons que la participation de cette opposition rendra le problème plus inextricable, chaque partie étant encline à faire de la surenchère aux dépens de l’autre.” 
Melhem Karam: - Comment évoluent vos relations avec l’Arabie séoudite et les pays du Golfe?  
Président Al-Bachir: “Elles évoluent d’une manière positive rapide, surtout avec le royaume séoudite dont le gouvernement, sous la sage direction de S.M. le roi Fahd Ben Abdel Aziz, “serviteur des deux saintes mosquées”, veille à leur raffermissement, dans l’intérêt des deux peuples frères. Et ce, étant donnée notre conviction quant à l’importance extrême de ces relations et du rôle dont s’acquitte le royaume par rapport à nos causes arabes et islamiques.” 

APPEL À LA VIGILANCE DES LIBANAIS 
Melhem Karam: - Pensez-vous que la résolution 425 du Conseil de sécurité sera appliquée et sous quelles conditions?  
Président Al-Bachir: “Le but que cette résolution vise est clair, mais Israël projette de détruire le Liban, en y attisant de nouveau une sédition intérieure. Les Libanais doivent être méfiants par rapport à la proposition israélienne, relative au prétendu retrait du Liban-Sud.” 
Melhem Karam: - Et si les Israéliens évacuaient le Sud, leur retrait provoquerait-il des perturbations?  
Président Al-Bachir: “Je ne le pense pas. Cependant, le retrait en vertu d’un accord assorti de conditions déterminées, garantirait la sécurité de la frontière nord d’Israël. Puis, la dissociation des volets libanais et syrien pourrait susciter une sédition interne. Les Libanais doivent se méfier pour que le Liban ne soit pas plongé, une fois de plus, dans la guerre comme en 1975.” 
Melhem Karam: On dit que la loi d’At-Tourabi et le confédéralisme de Garang constituent le combustible d’une lutte qui n’en finira pas. Qu’auriez-vous à dire à ce sujet?  
Président Al-Bachir: “Nous nous en tenons à la loi de Dieu qui n’a jamais été une cause pour les gens de s’entretuer. Quant à la confédération de Karnak, ce n’est qu’un moyen pour esquiver la proposition sérieuse du gouvernement. Garang lui-même a avoué qu’il s’agit pour lui d’une tactique visant à faire avorter les négociations qui, en cas de succès, auraient favorisé l’instauration de la paix au sud du Soudan.” 

LES CONTACTS AVEC LES OPPOSANTS 
Melhem Karam: - Vous avez fait état d’une réaction favorable aux démarches entreprises par l’Egypte et la Libye pour conclure la “paix des braves” avec vos détracteurs représentés par le “Rassemblement national”. Où en sont arrivées ces démarches?  
Président Al-Bachir: “Elles se poursuivent et nous accueillons favorablement l’aide des frères en vue de stabiliser la situation au Soudan, partant du fait que cette stabilité les concerne. Cependant, il est prématuré de faire des prédictions quant aux résultats de ces démarches.” 
Melhem Karam: - D’après certaines sources renseignées, vos contacts avec As-Sadek Al-Mahdi se seraient arrêtés; quelles en sont les causes et serait-il question de les rétablir?  
Président Al-Bachir: “Nos tentatives de prendre contact avec les opposants ne s’arrêteront pas.” 
Melhem Karam: - Les opposants ne prennent pas, dit-on, au sérieux vos propositions relatives à leur retour et à leur possibilité de pratiquer l’action politique. Si Al-Mahdi, Al-Mirghani, Ibrahim Nakad, John Garang et Carpino retournaient à Khartoum, dans le cadre d’un arrangement négocié, leur donneriez-vous des garanties pour l’action politique dans le cadre de la légalité?  
Président Al-Bachir: “Les garanties obtenues par ceux qui les ont devancés et ont eu toute latitude de s’adonner à l’action politique et nationale, sont la meilleure preuve du sérieux de notre appel. 
“Nous avons combattu Rayak Machar et d’autres au Sud et nous nous sommes opposés au Charif Al-Mahdi au Nord; ils sont revenus et agissent sur la scène politique. Ils défendent de l’intérieur, les causes pour lesquelles ils militaient auparavant. Il n’y a pas de meilleures garanties: cette patrie est à tous ses fils, a besoin des efforts de tous ses habitants qu’elle est en mesure d’accueillir.” 

ACCUSATIONS INFONDÉES 
Melhem Karam: - Les Américains disent que vous n’avez pas fermé le camp d’entraînement aménagé à l’intention des islamistes dont deux: Moustapha Hamza (Egyptien) et Imane Zawahiry, affiliés à la “Jamaa islamiya” et au “Jihad” seraient installés au Soudan. Qu’auriez-vous à leur répondre, étant entendu que ces accusations ont été la cause des sanctions infligées à votre pays?  
Président Al-Bachir: “Nous leur avons demandé plus d’une fois de fournir une preuve de leur accusation, alors qu’ils connaissent le lieu où ces deux islamistes vivent en dehors du Soudan.” 
Melhem Karam: - Quels sont vos renseignements à propos d’une stratégie commune élaborée par des Etats du voisinage et l’opposition soudanaise pour renverser votre régime avec le soutien de l’Amérique?  
Président Al-Bachir: “Nous observons, restons sur le qui-vive et ne nous laisserons pas prendre à l’improviste, cette fois, parce que le complot est ourdi publiquement, ainsi que le montrent les déclarations des comploteurs. 
“Vous vous souvenez, sans doute, de l’appel du chef du département d’Etat US aux chefs de la rébellion, les incitant à renverser, militairement, le régime au Soudan.” 

NOUS AVONS DÉNONCÉ L’INVASION DU KOWEIT 
Melhem Karam: - Certains ont trouvé étrange votre silence lors de la crise ayant opposé l’Irak aux Etats-Unis, alors que vous avez pris le parti de Bagdad durant la guerre de libération du Koweit...  
Président Al-Bachir: “D’abord, nous n’avons pas approuvé l’invasion du Koweit et n’avons pas accepté son occupation. Puis, nous n’avons pas gardé le silence au cours de la dernière crise. Mais la différence est qu’à présent, notre voix est couverte par d’autres voix qui se sont élevées dans la région dénonçant l’agression américaine contre l’Irak et son peuple.” 
Melhem Karam: - A votre avis, la visite du président Clinton en Afrique et, spécialement, en Ouganda, entravera-t-elle les négociations de paix entre Khartoum et le Mouvement populaire pour la libération du Soudan qui doivent avoir lieu en avril à Nairobi?  
Président Al-Bachir: “Nous sommes persuadés que les Américains sont contre l’instauration de la paix au Soudan. Les précédents rounds des pourparlers prouvent qu’ils ont joué un rôle négatif en vue de les torpiller. 
“Le jour où les négociations se déroulaient sous les auspices du Nigéria, elles ont été considérées comme les plus réussies, preuve en est le communiqué conjoint qui avait été diffusé. 
“Au cours du dernier round à Nairobi et après que les forces gouvernementales eurent encerclé les rebelles, il y a eu le blocus économique américain sur le Soudan. Ceci a enhardi de nouveau les rebelles, qui ont présenté des contre-propositions préconisant l’instauration d’un régime confédéral dans notre pays. 
“La tournée africaine de Clinton et son escale ougandaise, sont considérées comme un appui à l’Ouganda où les rebelles ont leur base. C’est pourquoi, nous considérons la visite du chef de l’Exécutif US sous l’angle négatif. Il est clair, que l’Amérique ne s’intéresse à l’Ouganda que parce que ce pays combat le Soudan et soutient le mouvement des rebelles.” 
Melhem Karam: - La Chine et le Canada sont-ils sérieux dans la prospection des gisements pétrolifères dans votre pays et où en sont les projets pétroliers que vous envisagez de réaliser?  
Président Al-Bachir: “Quiconque investit d’importants crédits dans un projet déterminé peut-il n’être pas sérieux, d’autant que le pétrole chez nous est devenu une réalité, son extraction ayant atteint un stade avancé. 
“Nous espérons pouvoir exporter le premier contingent de pétrole soudanais au milieu de l’an prochain, après l’achèvement de l’oléoduc qui est en cours de construction, nos réserves en or noir étant les plus importantes de la région.” 


Home
Home