Secrétaire général du FDLP Nayef Hawatmeh:
“Tous les éléments d’une nouvelle Intifada existent. Mais nous craignons qu’elle dégénère en confrontation interpalestinienne”

Secrétaire général du FDLP Nayef Hawatmeh

 
l Les Palestiniens doivent pouvoir décider de leur sort et édifier un État ayant Jérusalem comme capitale 

l Non à l’implantation; nous devons assurer à notre peuple le droit au retour en Palestine 

l Nous luttons pour réparer les injustices d’Oslo, 
mettre fin à l’occupation 
et à la colonisation 

l J’appelle à l’application des résolutions de la légalité internationale 
 

Il a, à son actif, un long combat politique de quarante ans en tant que nationaliste arabe et, surtout, que défenseur de la cause palestinienne. Marxiste indépendant, il crée le 22 février 1968, le Front démocratique de libération de la Palestine (FDLP) qu’il continue à diriger. 
Hawatmeh, tel qu’il le confie, a été le premier leader palestinien à prôner une solution négociée avec Israël, dans le cadre de la légalité internationale. Il considère toujours “qu’il ne peut y avoir de solution juste et équitable en dehors de cette légalité”. 
Aujourd’hui, il critique vivement l’accord d’Oslo, “une coupe amère et empoisonnée” qui, dit-il, a morcelé Gaza et la Cisjordanie en ilôts encerclés par des implantations et détruit l’unité des rangs au sein de l’OLP. Pour cela, il appelle à la réparation des injustices d’Oslo, à une nouvelle stratégie dans les négociations, en passant par une réunification impérative des rangs. 
L’interview s’est déroulée au siège du FDLP à Damas, où réside Hawatmeh depuis sa sortie du Liban en été 1982. Elle a été menée, conjointement, avec notre consœur du “Monday Morning”, Rania el-Hachem et notre confrère du “Hawadess”, Joseph Melkane et a porté sur le dossier israélo-palestinien. 

LE FDLP A INTRODUIT LA “STRATÉGIE PAR ÉTAPES” 
- Aujourd’hui, il est plus que jamais question de l’accord d’Oslo et des modalités de son application. Quelle est, au juste, la position du FDLP? 
“En tant que FDLP, nous avons été les pionniers de l’introduction de la stratégie par étapes, en vue de résoudre la question palestinienne et les problèmes sur la scène arabe. De même, nous avons été les premiers dans l’histoire du mouvement national palestinien, à présenter, au cours de l’été 1973, le programme national qui préconisait la recherche de solutions dans le cadre de la légalité internationale. Ce programme portait sur la création d’un Etat palestinien aux côtés d’un Etat hébreu, le droit à l’autodétermination du peuple palestinien, le droit aux réfugiés et déplacés de retourner chez eux en vertu des résolutions 194 et 338. Nous avons mené une bataille politique, populaire et de pensée au sein de notre peuple, avec d’autres organisations aussi bien de droite que de gauche, jusqu’à obtenir gain de cause. 
“Suite à notre initiative, ce programme fut proposé en juin 1974 au Conseil national palestinien; puis, adopté en novembre 1974 par les pays arabes lors du sommet de Rabat. En vertu de quoi, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) fut admise, à titre de membre observateur, à l’ONU; des résolutions furent adoptées dans ce sens.” 

PAS DE GARANTIE POUR L’ARRÊT DES IMPLANTATIONS 
- Est-ce sur cette même base que vous avez accepté de participer à la conférence de Madrid? 
“A la veille de Madrid, nous étions d’accord, à une très large majorité au Conseil national palestinien, pour prendre part à cette conférence, à condition de participer aux négociations avec Israël, au même titre que le Liban, la Syrie et la Jordanie sur la base des résolutions 242,  338 et du principe de la terre en échange de la paix, des résolutions 194 et 237 relatives aux réfugiés et de la 425 propre au Liban. Le FDLP avait posé une condition: obtenir des garanties américano-soviétiques sur l’arrêt des implantations, afin qu’il reste une terre palestinienne sur laquelle on puisse négocier. Nous étions quand même conscient que le frère Abou-Ammar et ses collègues à Tunis et Jérusalem étaient parvenus “derrière notre dos”, à un processus différent, suite aux “rounds” de James Baker entre mars et octobre 1991.” 
- Pourquoi n’avoir pas formé votre propre délégation? 
“Douze jours avant Madrid, j’avais proposé au Conseil central de l’OLP la formation d’une délégation de quatorze membres représentant les Palestiniens de Jérusalem, de Gaza, de Cisjordanie et des différents camps de réfugiés de la diaspora. Malheureusement, le frère Arafat était parvenu avec la délégation qui le représentait, présidée par le frère Fayçal Al-Husseini, à un accord qui entérinait les clauses américano-israéliennes sur la formation d’une délégation représentant, uniquement, nos frères de Gaza et de Cisjordanie.” 

L’ACCORD D’OSLO, UNE COUPE AMÈRE ET EMPOISONNÉE 
- Quelles étaient, plus spécifiquement, les failles de Madrid concernant le dossier palestinien? 
“La première erreur a été de se rendre à Madrid dans le cadre d’un processus propre aux Palestiniens portant sur deux étapes et non une seule, tel que nous le réclamions. Ce même processus n’était pas basé, sur les  résolutions 242,  338 et le principe de “la terre contre la paix”. Il ne préconisait pas, non plus, l’arrêt des implantations et la présence de Jérusalem à la table des négociations palestino-israéliennes. Pour cela, seule la branche arafatiste a participé à la conférence de Madrid avec quelques personnalités palestiniennes indépendantes. 
“Par la suite, à Washington la délégation fut mise de côté, alors que les négociations se sont poursuivies à travers des canaux secrets, à Stockholm, Oslo, au Caire et à Washington. Le Dr Abdel-Chafi et ceux qui étaient avec lui, ont réalisé qu’ils avaient servi de Cheval de Troie et présenté leur démission lorsque fut parafé, le 19 août 93, l’accord d’Oslo, dont la signature eut lieu un mois plus tard, le 13 septembre 1993.” 
“L’accord d’Oslo; puis, celui de Hébron sont une coupe amère et empoisonnée. Dans les territoires occupés, le peuple manifeste sa colère. Les exemples sont nombreux: l’explosion d’Eretz en 94; du tunnel de la Mosquée Al-Aqsa en 96; d’Abou-Ghoneim en 97 et, aujourd’hui, la grande explosion populaire après le massacre de Tarkoumia.” 

PRÊT POUR UNE NOUVELLE INTIFADA 
- Peut-on parler d’une nouvelle “intifada” en gestation? 
“Le peuple palestinien est prêt à déclencher une nouvelle intifada. Nous craignons, toutefois, que cela dégénère en confrontation interpalestinienne.” 
- Avec la police palestinienne? 
“Oui, avec la police. Pour cela, nous avons une fois de plus, réitéré notre appel à Arafat, pour nous unir sur le terrain et dans la lutte, sans heurts, ni confrontations. Nous voulons, à tout prix, éviter des affrontements palestino-palestiniens, tel que cela s’est produit à l’est de Naplouse, lorsque la police a lancé des bombes lacrymogènes. Nous avons donc fait un pas en arrière, pour permettre à une nouvelle intifada de remplacer celle qui avait duré six ans et fut piégée par l’accord d’Oslo. 
“De même, nous avons appelé à une stratégie nouvelle dans les négociations avec notre participation, sur la base de la légalité internationale, qui mènerait au retrait de l’occupation au-delà des lignes de 4 juin 1967, dans les territoires palestiniens et, au-delà des lignes de l’armistice de 1949, par rapport au Golan. 
“A l’intérieur des territoires occupés, tous les éléments d’une nouvelle intifada existent. Son  déclenchement attend l’unification des rangs et des forces nationales.” 
- Le processus de paix est dans l’impasse. Y a-t-il, selon vous, un moyen de s’en sortir? 
“Il ne s’agit pas du processus politique, mais de l’accord d’Oslo qui se heurte à un mur. Arafat lui-même l’a reconnu et proclamé, lors de la conférence des ministres des Affaires étrangères des pays islamiques à Qatar. Mais Arafat continue à parier sur l’administration américaine, pour qu’elle lui ouvre une nouvelle voie avec l’Etat hébreu. 
“Au cours d’une récente rencontre à Ramallah, à laquelle le FDLP a participé à travers certains de ses membres, aux côtés de Arafat et de trois membres du Fath, nous avons proposé la tenue d’un sommet palestinien de l’unité nationale, à tenir au Caire, à Riad, dans les Emirats, à Tunis, à Alger, Amman ou Damas, qu’importe; à lui de choisir le lieu. L’essentiel est de parvenir à des dénominateurs nationaux communs, qui unifient les rangs et préservent les droits nationaux palestiniens sur les bases d’une nouvelle stratégie de négociations avec Israël, dans le cadre de la légalité internationale. Il faudrait associer l’Union européenne, le Japon et la Chine, en plus des deux parrains américano-russes, à ces négociations. 
“Arafat a répondu qu’il était prématuré d’en parler.” 

LE NOUVEAU LANGAGE POLITIQUE DE “HAMAS” 
- Dans ce contexte, où se situent “Hamas” et les mouvements islamistes? 
“Depuis la libération de cheikh Ahmed Yassine, “Hamas” a adopté un langage politique se rapprochant beaucoup de celui du FDLP. Aujourd’hui, cheikh Yassine approuve les décisions de la légalité internationale, alors qu’autrefois, il réclamait une “Palestine de la mer au fleuve”, pas un mètre de moins, sinon ce serait de la haute trahison. De même, il approuve la solution politique et reconnaît Arafat comme négociateur. Il se dit prêt à arrêter les opérations qui pourraient causer du tort à des civils et proclame que “Hamas” est partie intégrante du peuple palestinien présidé par Yasser Arafat. 
“Lors des festivités que le FDLP a organisées durant les mois de février et mars 1998 à Gaza et en Cisjordanie, “Hamas” y a participé aux côtés des fractions de l’OLP, avec un langage politique proche et, même, à la droite, du nôtre. 
“Cela indique que “Hamas” est prêt à participer à un dialogue stratégique sérieux qui se tiendrait dans une capitale arabe pour aboutir à un minimum de dénominateurs communs et ressouder l’unité des rangs.  Il l’a proclamé à  partir des tribunes du FDLP et le dialogue entre nous est engagé.” 

OSLO A MORCELÉ LES TERRITOIRES OCCUPÉS 
- Au - delà d’Oslo et sans lier la question aux dossiers libanais et syriens, que préconise Nayef Hawatmeh pour régler le problème palestinien? 
“Nous luttons, tout d’abord, pour dépasser les injustices d’Oslo, en sachant que c’est un état de fait, tout comme les occupations, les colonisations, les traités, qu’ont connus les pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine. Mais les peuples ne se soumettent pas aux faits accomplis. Pour ma part, je poursuis ma lutte afin de dépasser les injustices de l’Etat hébreu qui, depuis 1947, fait fi, de toutes les résolutions internationales. 
“En premier lieu, j’appelle à l’application de ces résolutions, car avec l’accord d’Oslo, on n’aboutira jamais à un Etat palestinien indépendant, à Gaza et en Cisjordanie avec Jérusalem-est pour capitale. Oslo a morcelé les territoires occupés en des ilôts séparés, chaque ghetto étant encerclé par une succession d’implantations.” 

LA PROXIMITÉ AVEC L’EUROPE 
- Avez-vous bon espoir dans l’initiative américaine? 
“Cette initiative favorise le plan de Netanyahu et, pour cela, nous ne croyons pas qu’elle pourra apporter une lueur d’espoir. Au contraire, elle nous mène vers l’inconnu et privilégie le plan israélien visant à céder 52% des territoires occupés à Israël et à accorder un statut spécial aux colonies au Sud de Gaza.” 
- Le rôle européen vous sera-t-il plus favorable, surtout après la récente visite du ministre britannique des A.E.? 
“Jour après jour, il se révèle que le “one man show” américain pratiqué durant 25 ans, n’a pas apporté la paix globale à la région. On réalise, aussi, que l’Union européenne est un voisin et que nous avons des intérêts stratégiques communs au Proche-Orient, alors que des milliers de kilomètres nous séparent des U.S.A. L’Amérique possède d’importantes réserves de pétrole dans son sous-sol, alors que l’Europe compte sur le pétrole du P.-O. Pour cela, la dimension du rôle européen augmente dans la recherche d’une solution équitable. Je voudrais rendre hommage au rôle français lors de l’accord d’avril (au Liban), qui a encouragé l’U.E. à mettre la main au feu et dans le nid de guêpes et peut en cueillir certains des effets positifs. Le rôle français est appelé à s’élargir de plus en plus.” 
- Le rôle européen cherche-t-il à doubler l’initiative américaine? 
“Il ne se pose pas en tant que tel, mais demande à avoir un espace dans les solutions politiques de cette région. Il appelle, en toute clarté, au retour aux décisions internationales tel que cela a été dit aux sommets européens de Bruxelles, Dublin et Stockholm: “pas de paix ni de stabilité au P.-O. en dehors d’une paix globale, dans le cadre des résolutions de l’ONU.” 

TROIS AUTORITÉS PALESTINIENNES AU LIBAN 
- Venons-en à la présence palestinienne au Liban où l’on relève la présence de plus d’un leadership, y a-t-il une possibilité de les réunifier? 
“Ce phénomène existe chez les Palestiniens de l’intérieur, comme de l’extérieur. Actuellement, on relève au Liban trois autorités qui ne se recoupent pas sur un dénominateur commun et ceci contribue à alourdir la situation civique, sociale et humaine des réfugiés. Par exemple, en vertu d’une loi publiée sous le sexennat du président Amine Gemayel, il leur est interdit de travailler dans 73 professions libérales, de même que la loi 478 sur les visas. Ceci est en contradiction avec l’insistance des Libanais et des Palestiniens à refuser, catégoriquement, l’implantation au Liban. Car celui qui rejette l’implantation doit, nécessairement, refuser l’exode.” 
- Que demandez-vous au juste? 
“La reconnaissance de leurs droits civiques aux Palestiniens afin qu’ils demeurent solidaires entre eux et puissent exercer une pression sur Israël pour leur droit au retour. 
“Nous avons appelé à des congrès populaires dans chacun des camps au Liban, en vue d’élire deux délégués au congrès général palestinien qui, à son tour, devait élire un directoire unifié pour gérer les affaires palestiniens, indépendamment des “conflits de pouvoir”. Lorsque ces élections ont été entamées au Liban et en Syrie, les fractions ayant réalisé qu’elles n’avaient pas de base populaire, ont bloqué la procédure. Car elles étaient incapables de faire élire des représentants par les moyens démocratiques, en plus du fait qu’elles sont liées à une vision politique régionale déterminée. Elles voulaient garder une présence bureaucratique au haut de la pyramide et de tutelle à sa base.” 
- Quelle fraction palestinienne prédomine dans les camps de réfugiés au Liban? 
”Les masses se partagent entre le FDLP, Fath et le FPLP (front populaire).” 
- Quel est votre poids? 
“Par rapport à l’organisation, à l’influence politique et populaire, on peut avancer le tableau suivant: le FDLP, en priorité; puis, Fath et le FPLP.” 
- Vous devez donc savoir où se trouve Abou-Mahjan (Palesti-nien recherché par la justice libanaise)? 
“Les différents réseaux de sécurité au Liban savent fort bien où il se trouve.” 

UN DEVOIR DE RECONNAISSANCE 
- Disposez-vous toujours de souterrains bourrés d’armes et de munitions à Damour et à Jiyeh? 
“Je vais être franc: avant 1982, nous avions de vastes souterrains à Damour, comme les différentes autres fractions de l’OLP. Actuellement, le FDLP n’en a plus dans cette région et je vous invite, pour vous en assurer, à y effectuer une visite en compagnie de nos représentants. 
“Par contre, nous portons toujours les armes au Liban-Sud pour combattre Israël sous la bannière de la résistance nationale libanaise; c’est un devoir de reconnaissance, de notre part, à l’égard du peuple libanais qui a tant offert aux Palestiniens dont vingt années de souffrance. Nous possédons, aussi, des armes pour défendre nos camps et notre peuple contre les attaques aériennes, maritimes et terrestres de l’ennemi.” 
- Etes-vous pour une action militaire palestinienne contre Israël à partir du Liban? 
“Nous respectons le plafond des opérations, tel que le détermine la résistance libanaise. Elle a décidé de mener les opérations militaires au Sud et dans la Békaa-Ouest, sans aller au-delà des frontières en direction de la Galilée. Nous nous conformons à cette décision.” 
- Que dire de l’implantation palestinienne qui inquiète les Libanais? 
“Les Palestiniens établis au Liban depuis 50 ans, ont combattu depuis 1967 pour leur droit au retour, contre toute forme d’implantation. Ils ont refusé le plan d’intégration de l’UNRWA au niveau de l’habitat, afin de rester dans les camps. Par leur lutte armée, politique et sociale durant trente ans, ils ont prouvé leur refus de l’implantation sous toutes ses formes. Ils se sont opposés au dossier palestino-israélien décidé à Madrid, car il avait occulté le problème des réfugiés et ont déclaré le 31 octobre 91, jour de deuil dans les camps. 
“Mais, des données régionales tactiques aux horizons limités, manipulent cette question selon des orientations qui ne peuvent servir, ni le Liban, ni le peuple palestinien. Elles posent des “mines” fabriquées pour dire que les Palestiniens veulent rester au Liban et y acquérir la nationalité. 
“Ce qui a pour effet d’entretenir l’inquiétude dans le but de provoquer des conflits libano-libanais et libano-palestiniens.” 

LA BATAILLE DE LA SUCCESSION A COMMENCÉ 
- La bataille de la succession est-elle ouverte, vu l’état de santé d’Abou-Ammar? 
“Nous souhaitons longue vie à Abou-Ammar. Ce qui se passe, actuellement, sur la scène politique et structurelle indique que cette bataille a effectivement commencé. 
“Elle se déroule à l’intérieur de Fath, des cadres militaires et de sécurité de l’autorité palestinienne. Pour l’heure, la querelle se fait sous la table et certains disent que le successeur serait Mahmoud Abbas, secrétaire général du comité exécutif de Fath, connu sous le nom d’Abou-Mazen. 
“Il est évident, aussi, que les colonels dans les institutions militaires et de sécurité ont leurs propres ambitions. Chacun d’eux se considère comme le “dauphin” et l’héritier. Aussi, disposent-ils d’une police et de possibilités matérielles. Un conflit très vif a, récemment, éclaté ouvertement entre Sacr Habache, membre du comité exécutif du Fath et Jibril Rajoub, commandant de la police en Cisjordanie. 
“D’autres chefs de police à Gaza ont les mêmes ambitions et Rajoub a été invité par la commission des Affaires étrangères du Congrès américain. On peut voir dans cette invitation les doigts d’Israël. 
- Vous-même, n’ambitionnez-vous pas d’être le futur président de l’autorité palestinienne? 
“Ceci ne figure nullement sur notre calendrier de travail. L’ambition du FDLP est de refaire l’unité nationale palestinienne au sein de l’OLP et de mettre sur pied un commandement unifié pour tracer les normes, les lignes et les étapes de la politique des alliances palestiniennes, arabes et internationales. La réalisation d’un tel plan se fait à travers une responsabilité individuelle dans le cadre d’une action collective. 
“Le FDLP a milité durant trente ans pour démocratiser les instances palestiniennes, par le respect du pluralisme des idées et la réalisation d’un consensus autour de dénominateurs communs.” 

RÉUNION DES DIFFÉRENTES ORGANISATIONS 
- Vos options sont-elles proches de celles de Georges Habache, leader du FPLP? 
“En toute clarté, il y a des espaces de rapprochement entre nous. Et c’est ce qui a permis la formation d’un commandement unifié entre le front démocratique et le front populaire. Mais cet espace d’entente est basé sur la lutte commune contre l’occupation, la colonisation, le blocus économique l’oppression, l’implantation et l’exode.” 
- Il y a, aussi, des points de discorde? 
“Oui, concernant le processus de paix, basé sur un programme national qui avait été approuvé avant les injustices d’Oslo. Les frères au sein du FPLP ne reconnaissent pas les résolutions internationales comme cadre de solution et veulent les outrepasser. C’est ce qui a empêché, jusque-là, la création d’un front unifié entre les deux formations. 
“Nous ne comprenons pas, non plus, pourquoi les dix formations ayant des options politiques et de pensée ne s’unissent pas entre elles, pour faire face au danger. Abou-Ammar en a fait l’expérience à Amman; puis, à Beyrouth et, aujourd’hui, à l’intérieur des territoires occupés, lorsqu’il a contribué par ses efforts et ses deniers à “faire éclore” 50 partis, en Jordanie, notamment, où ils se sont effondrés après septembre 1970. 
“La même expérience s’est reproduite au Liban où il a créé plus de 74 partis et “boutiques” armés. Depuis l’entrée d’Abou-Ammar au secteur de Gaza, en juillet 94, plus de 63 “boutiques” et partis ont vu le jour, ayant chacun son budget de l’autorité palestinienne. Dix se disent de gauche, dix-sept islamistes et vingt à prétentions idéologiques ou nationalistes.” 

MARXISTE À SA MANIÈRE 
- Nayef Hawatmeh, êtes-vous toujours marxiste et quelles sont, aujourd’hui, vos relations avec Moscou? 
“Nous sommes marxistes à connotation palestinienne et arabe. Dès le départ, nous avons choisi d’être indépendants des écoles soviétique et chinoise, comme des autres écoles communistes arabes et internationales. Nous avons, de tout temps, exprimé notre avis critique à l’encontre de plusieurs mouvements communistes qui n’ont pas saisi la spécificité palestinienne et arabe. Je voudrais révéler que, jusqu’en 1973, le FDLP n’avait aucun lien avec l’Union soviétique, à cause d’un conflit sur la question palestinienne. Jusqu’à cette époque, les Soviets n’avaient pas reconnu le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et à l’édification d’un Etat indépendant. Lors du blocus de Beyrouth, j’avais été le seul à critiquer Brejnev qui avait dit un jour: “Vous n’êtes pas cinq millions de Palestiniens mais 287 millions, car tout le peuple soviétique est à vos côtés”. 
“Puis, lors du blocus de Beyrouth, l’URSS a brillé par son absence. Par contre, Soldatov, ambassadeur de l’URSS à Beyrouth, était aux côtés des Libanais et des Palestiniens. Il avait demandé à son pays de modifier son attitude lors de l’invasion de 1982. 
“Dans mon livre: “Nayef Hawatmeh parle”, j’ai révélé pour la première fois plusieurs choses, demeurées secrètes jusqu’à ce jour.”


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