En poste à Beyrouth depuis septembre 97 Tadeusz Strulak, ambassadeur de Pologne:
 “Les entreprises polonaises s’intéressent à la reconstruction et à la remise en état des infrastructures au Liban”

AMBASSADEUR DE POLOGNE:
TADEUSZ STRULAK
Né le 10 juillet 1932 à Varsovie, M. Tadeusz Strulak, ambassadeur de Pologne, est un diplomate de carrière. Titulaire d’un MA en relations internationales modernes, il a fait ses études à la Faculté diplomatique et consulaire, ainsi qu’à l’Ecole centrale pour le service étranger à Varsovie. 
Il a assumé depuis 1955, diverses fonctions au sein de la commission internationale de contrôle et de surveillance au Vietnam; a été en poste en Indonésie, en Inde, au Népal et au Sri Lanka. 
Il a, également, fait partie du comité de décolonisation des Nations Unies dans les années 70 et garde des souvenirs spéciaux de missions qu’il a accomplies dans plusieurs pays africains (Namibie, Mozambique, Angola et Zimbabwé, ex-Rhodésie du Sud). 
Il a été membre du comité du désarmement et de la non-prolifération des armes nucléaires et pris part aux négociations de Vienne, en 1973, en vue de la réduction des forces en Europe centrale. Il lui a été donné de coopérer avec des personnalités illustres, entre autres: Garcia Robles (Prix Nobel), Olof Palme et Edgar Faure. 

SIMILITUDES ENTRE BEYROUTH ET VARSOVIE 
- Qu’est-ce qui vous a le plus impressionné depuis votre arrivée au Liban et y aurait-il quelque similitude entre votre pays et le nôtre? 
“Dès notre arrivée au Liban, ma femme et moi avons été impressionnés, d’un côté, par la beauté du Liban et sa nature mais de l’autre côté, nous avons été frappés par la négligence de cette dernière et par la prédominance du béton sur la verdure. 
“Quant aux similitudes, il y a des zones de Beyrouth qui nous ont rappelé notre capitale, Varsovie, complètement anéantie par les nazis en 1944 et d’autres qui nous ont rappelé la grande œuvre de renaissance et de reconstruction que la nation polonaise avait assumée avec enthousiasme et dévouement après la Deuxième Guerre mondiale. 
“Sur le plan spirituel, on ne peut mieux dire que de citer Michel Chiha qui a écrit, en 1953: “Entre la Pologne et le Liban, il y a une communauté de pensées et de traditions née des vicissitudes de l’existence nationale et un goût de l’hospitalité qui rapprochent davantage.” 
- Quels sont la nature des relations entre Varsovie et le monde arabe, en général et Beyrouth en particulier et, l’état des échanges dans les domaines économique, culturel et commercial? 
“Ce sont des relations d’amitié et de coopération, basées sur des liens anciens entre notre pays et ceux de l’Orient, la fascination par la fine culture arabe. De plus, aujourd’hui s’ajoutent les intérêts économiques mutuels, ainsi que la sollicitude commune pour la paix.” 

CONTACTS REMONTANT AU XVIÈME SIÈCLE 
“Dans le cas du Liban il y a, en effet, une tradition de contacts datant du XVIème siècle. Voyageurs, pèlerins, militaires et missionnaires polonais venaient ici. 
“Le séjour dans “un couvent au-dessous des nuages”, à Ghazir, a inspiré le grand poète, Jules Slowacki, pour y écrire une de ses œuvres les plus célèbres. Un événement bien gardé dans notre mémoire est le séjour au Liban de milliers de réfugiés polonais dans les années quarante, l’hospitalité chaleureuse qui leur a été accordée par les autorités et le peuple libanais. 
“Quant à l’état présent des échanges économiques, commerciaux et culturels, je regrette de dire qu’ils se sont détériorés pendant les dernières années. Premièrement, à cause de la guerre au Liban; deuxièmement, à cause des profondes transformations économiques en Pologne. Cependant, il y a de la part de la Pologne, une nouvelle volonté de développer les relations avec le Liban, dans les domaines politique, économique et culturel. D’ailleurs, c’est en cela que consiste ma mission en tant qu’ambassadeur  dont le poste a été rétabli après seize ans de rupture.” 

RELATIONS AVEC L’EUROPE DE L’EST 
- Comment évoluent les relations entre la Pologne, la Russie et les pays de l’Est? 
“Le développement des relations avec les pays voisins de l’Europe de l’Est est un sujet d’intérêt et d’efforts particuliers dans la politique étrangère de la Pologne. Bon voisinage avec la Russie et partenariat stratégique avec l’Ukraine, ainsi que coopération étroite avec la Lituanie et les autres pays baltes, sont des éléments essentiels de notre “politique orientale”. 
“La Russie est un important partenaire de la Pologne et le gouvernement polonais désire  développer avec elle la coopération de bon voisinage, notamment dans les domaines économique et culturel. Comme l’a dit le Premier ministre, Jerzy Buzek, son gouvernement va œuvrer pour renforcer les contacts polono-russes. 
“Quant à l’Ukraine, on considère son indépendance comme essentielle pour la sécurité de la Pologne et la stabilité de toute la région. C’est pourquoi, les relations privilégiées entre la Pologne et l’Ukraine ayant pour but l’établissement du partenariat stratégique, sont dans l’intérêt aussi bien des deux pays que du renforcement de la sécurité européenne.” 
- A quels problèmes le gouvernement polonais est-il confronté actuellement, auxquels il est appelé à trouver des solutions urgentes? 
“La Pologne est toujours dans la phase de profondes transformations économiques et sociales. Elle est en train de construire une économie de marché libre et un système démocratique, en attachant une grande importance aux problèmes sociaux. Etroitement liées avec ces tâches sont les priorités de la politique étrangère de la Pologne: l’adhésion à l’OTAN et l’intégration aussi vite que possible avec l’Union européenne.” 

EVÈNEMENT HISTORIQUE 
- Après la signature des protocoles d’adhésion en 1999 de la Pologne, de Prague et de Budapest à l’OTAN, quelles seront les obligations des trois capitales à l’égard de l’Organisation atlantique? 
“La signature, le 16 décembre dernier, par les ministres des Affaires étrangères des Etats membres de l’OTAN du protocole d’adhésion en 1999 de la Pologne, de la République tchèque et de la Hongrie a été jugée comme un événement d’importance historique. 
“Elle dénote l’expansion de la zone de sécurité et de stabilité dans la région euro-atlantique, conformément aux vœux et aux intentions des Polonais. La Pologne accepte, pleinement, les obligations du traité de l’Atlantique Nord, en ce qui concerne l’unification des efforts pour la défense commune, le maintien de la paix et de la sécurité. Les principes de la politique polonaise de sécurité sont en plein accord avec celles formulées dans les documents de l’OTAN, notamment la conception stratégique de 1991. La Pologne est bien disposée à participer au développement et à la réalisation de la stratégie de l’alliance. Les forces armées polonaises sont prêtes à conduire les opérations prévues par l’article V du Traité de Washington et à prendre part à de nouvelles missions de l’alliance. 
“Au moment de devenir membre, la Pologne mettra à la disposition de l’alliance, toutes ses forces opérationnelles. Elle a une grande expérience de plusieurs années de participation aux opérations et missions de paix de l’ONU et de la CSCE. Plus que 31 mille soldats polonais y ont participé, leur nombre à l’heure actuelle étant 1500 (dont plus de 600 au Liban). En Bosnie, 500 soldats polonais participent à l’opération de SFOR dans le cadre de la brigade nordique - polonaise et la Pologne s’est déclarée prête à maintenir cette présence en cas de besoin. A la demande de l’alliance, on a décidé de mettre un bataillon polonais à la disposition des forces internationales de stabilité. 
“La Pologne serait prête à installer sur son territoire des comman-dements de l’OTAN et d’autres éléments de l’infrastructure de l’alliance. Des efforts systématiques sont déployés pour améliorer l’interopérabilité du système de défense polonais et pour y introduire les standards de l’OTAN. Au cours des prochaines années, la Pologne prendra les mesures nécessaires afin de moderniser ses forces armées. Les tâches de ces forces, ainsi que leurs besoins, sont déjà coordonnés dans le processus de planification de la défense de l’alliance. Les autorités polonaises se rendent compte des conséquences financières, à la suite de l’adhésion polonaise à l’alliance et sont prêtes à y faire face.” 

COMMERCE EXCÉDENTAIRE AVEC LE MONDE ARABE 
- Le commerce extérieur de la Pologne est-il excédentaire ou affiche-t-il un déficit; par rapport à quels pays d’Europe et du monde arabe? 
“Le commerce extérieur de la Pologne montre, en général, un déficit de 11.289 millions de dollars US (exportations environ 27 milliards, importations environ 38 milliards). Le bilan négatif du commerce est lié, principalement, au taux élevé du développement du pays (6,9% en 1997) et les transformations de l’économie en cours. Le principal partenaire commercial de la Pologne est l’Union Européenne, dont les pays sont destinataires de 70% de nos marchandises exportées et contribuent à 74% de nos importations. 
“Quant au commerce de la Pologne avec le monde arabe, il était en 1997 excédentaire et a montré la balance positive de presque 200 millions de dollars US - contre le chiffre total du commerce de presque 600 millions de dollars.” 
- Le sommet trilatéral (polono-roumano - ukrainien) ayant eu lieu en novembre dernier à Budapest, a décidé d’établir entre les trois pays une zone de stabilité politique, de coopération économique, de la Baltique à la mer Noire, selon le modèle franco-allemand: des projets de coopération ont-ils été déjà élaborés entre eux et dans quels domaines précis? 
“Parmi les problèmes discutés entre la Pologne, l’Ukraine et la Roumanie, figuraient ceux de la sécurité régionale, de la sécurité économique (en particulier nouvelles sources d’énergie pour l’Europe Centrale) et de la coopération dans le cadre de l’Eurorégion Carpathes. La discussion visait, principalement, à désigner l’espace de coopération possible entre les trois pays. 
“La Pologne attache une grande importance à la coopération régionale et y prend part dans plusieurs Eurorégions dont des provinces polonaises font partie. Un accord établissant la plus grande Eurorégion a été signé le 22 février à Malbork (Pologne) par six pays littoraux de la mer Baltique: Danemark, Lettonie, Lituanie, Pologne, Russie et Suède. L’accord prévoit une intégration des activités dans les domaines de l’industrie, de l’agriculture, de l’économie forestière, du transport, des échanges de jeunesse, de la coopération culturelle, de l’amélioration des communications et de l’uniformisation des procédures aux passages frontaliers.” 

LIBAN-POLOGNE 
- La Pologne peut-elle contribuer et dans quel domaine à la reconstruction des régions libanaises dévastées par la guerre ou à la remise en état de nos infrastructures? 
“La Pologne a un potentiel économique, technique et de know - how considérable, ainsi qu’une expérience de la reconstruction et des projets réalisés dans divers pays, notamment au Proche Orient. Les entreprises polonaises importantes s’intéressent aux possibilités de participation aux projets de reconstruction et de développement de l’infrastructure au Liban. 
“Ainsi, un projet majeur de réhabilitation des réservoirs et des châteaux d’eau détruits pendant la guerre, a été réalisé par une firme polonaise dans la formule de “joint venture” avec un partenaire libanais. La même firme s’est adjugé l’adjudication pour un projet d’irrigation au Sud de la Békaa. Elle s’intéresse aussi, comme d’autres entreprises polonaises, à la construction de stations d’épuration dans différents endroits du Liban, la Pologne disposant d’un potentiel spécialisé dans ce domaine.” 

LE CONFLIT DU P.-O. 
- Le gouvernement polonais est-il en mesure de réactiver le processus de paix au Proche-Orient et, dans la négative, peut-il aider les peuples de cette région, spécialement les Pales-tiniens, à améliorer leurs conditions de vie? 
“Il serait abusif de parler d’une capacité du gouvernement polonais de réactiver le processus de paix au Proche-Orient. Mais, sans aucun doute, la Pologne reste fortement intéressée au progrès de ce processus. Le ministre polonais des Affaires étrangères, M. Bronislaw Geremek qui est, également, président de l’Organisation de Sécurité et de Coopération en Europe en 1998, a exprimé dans son exposé devant le parlement polonais, l’espérance que les négociations en vue d’une solution du conflit israélo-arabe seront accélérées, avec le souci de respecter les droits et les intérêts de toutes les parties. S’adressant au corps diplomatique à Varsovie, il avait souligné  la volonté du gouvernement polonais de renforcer son engagement dans la solution des conflits régionaux. La présence de mille soldats polonais au Liban-Sud et au Golan est certainement une preuve de notre engagement vis-à-vis du processus de paix au Proche-Orient.” 
- Quel est votre meilleur souvenir de diplomate? 
“Je garde plusieurs souvenirs de ma carrière diplomatique de plus que 40 ans. De ma première mission diplomatique, en 1955, à la Commission internationale de surveillance et de contrôle au Vietnam, je me souviens d’un accueil chaleureux réservé à un groupe d’inspecteurs de la commission par les paysans vietnamiens d’un village éloigné qui nous ont offert des œufs comme expression de leur reconnaissance et de leur foi en la capacité de la diplomatie. Mon séjour et ma mission en Indonésie, en Inde, au Népal et au Sri Lanka, m’ont laissé des impressions indélébiles de la beauté de ces pays asiatiques, de leur riche et vieille culture, de l’hospitalité et de l’amitié des gens. 
“De mon travail au comité de décolonisation des Nations-Unies dans les années soixante-dix, j’ai retenu des souvenirs spéciaux d’une première mission du comité en Afrique, afin d’établir des contacts avec les “leaders” des mouvements de libération de Namibie, du Mozambique, d’Angola et du Zimbabwe (alors Rhodésie du Sud). 
“De mes activités dans le domaine du désarmement durant presque 25 ans, je me souviens d’une atmosphère de pionniers qui a accompagné le début des négociations de Vienne en 1973, sur la réduction des forces en Europe centrale et l’achèvement en 1989, sous ma présidence, des rencontres et des travaux communs avec les grands hommes de notre époque comme le prix Nobel Garcia Robles, Olof Palme et Edgar Faure, des efforts internationaux déployés en vue de consolider l’usage pacifique de l’énergie nucléaire à l’Agence internationale de l’Energie atomique, des conférences consécutives de révision de traité de non-prolifération nucléaire. J’ai présidé plusieurs comités, au sein du groupe de fournisseurs nucléaires.” 


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