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Invité
à un colloque international scientifique organisé par le
Comité de Défense de la Cause arménienne portant sur
“Le génocide des Arméniens”, qui s’est tenu à la Sorbonne
du 16 au 18 avril, le catholicos de la Grande Maison de Cilicie, Aram I
a pris la parole durant le séance d’ouverture devant un parterre
composé d’éminentes personnalités, afin de parler
du génocide des Arméniens.
Voici de larges extraits de son intervention.
“Un colloque international sur un thème précis de la cause
arménienne est, en effet, juste et approprié, parce que cette
cause n’est pas un sujet d’ordre académique, mais de droits de l’homme
et de justice. Elle concerne donc les relations aussi bien entre les peuples
qu’entre les Etats. C’est dans cette perspective qu’au début de
ce colloque je voudrais souligner quelques faits et émettre quelques
réflexions.
LE GÉNOCIDE AU CENTRE DE LA CAUSE ARMÉNIENNE
“Premièrement. Le génocide des Arméniens est au
centre de la cause arménienne. Je pense que les archives, aussi
bien anciennes que récemment ouvertes; les témoignages oculaires
et les récits des survivants suffisent, amplement, à prouver
le génocide perpétré contre le peuple arménien
par le gouvernement ottoman.
“Il ne s’agit pas là du fruit d’une imagination féconde
ou du résultat d’une interprétation subjective des événements,
mais bien d’une réalité historique irréfutable. L’existence
même de la Diaspora arménienne est une indication suffisante
d’un génocide suivi d’une déportation massive des Arméniens,
tous deux parfai-tement organisés et systéma-tiquement exécutés
par les auto-rités ottomanes.
“Pourquoi environ 4 millions d’Arméniens vivent-ils dispersés
dans le monde? Est-ce là une chose naturelle ou bien un anachronisme
historique?
“Non, tout simplement, la Diaspora est une réalité imposée
au peuple arménien.
“De même, le Catholicossat de Cilicie s’est éloigné
de son siège historique en Cilicie et a été forcé
de chercher refuge au Liban.
UNE RÉALITÉ INCONTESTABLE
“Le Génocide reste une réalité incontestable,
même si la présente Turquie ignore cette réalité
historique et que ses alliés, notamment les Etats-Unis, l’interprètent
comme “alleged genocide”, un prétendu génocide. Permettez-moi
d’insister que la recherche historique se doit de continuer avec réalisme
et objectivité afin de trouver les différentes dimensions,
les diffé-rents aspects et manifestations de ce premier génocide
du XXème siècle.
“Deuxièmement. Il est indis-pensable de traiter le Génocide
arménien dans le contexte des droits humains, car il s’agit là
d’une violation flagrante de ces droits fondamentaux. On ne peut pas considérer
ce crime contre le peuple arménien comme un fait appartenant au
passé, mais comme un acte dont les conséquences se répercutent
jusqu’à nos jours.
“En premier lieu, les Arméniens de la Diaspora, malgré
leur bonne organisation, sont directement exposés aux dangers de
ce qu’il est convenu d’appeler un génocide blanc. L’identité
arménienne est constamment menacée et la survie de la collectivité
arménienne est en danger dans la situation diasporique. Les génocides
sous des formes différentes et sous des noms différents s’étant
multipliés en ce siècle, c’est pourquoi le génocide
doit être puni comme crime contre l’humanité. Il ne suffit
pas de condamner les génocides dans les chartes internationales;
il est nécessaire de prendre position et de prendre des mesures
pratiques. Les droits humains ne sont pas une notion théorique,
mais un engagement de la part des Etats à respecter les dons de
Dieu que sont ces droits. La reconnaissance des génocides perpétrés
contre les peuples innocents est une condition sine qua non de la prévention
des crimes contre l’humanité. La reconnaissance du Génocide
arménien par ses auteurs est donc plus qu’indispensable. On ne peut
effacer un fait historique profondément enraciné dans la
mémoire collective du peuple arménien comme réalité
concrète et vivante.
JE CROIS FERMEMENT AU DIALOGUE
“Troisièmement. La recon-naissance du Génocide est un
grand pas vers un dialogue. Nous vivons dans un monde d’échange.
Je crois fermement au dialogue et je vois les choses dans une perspective
de dialogue. C’est dans ce sens que je trouve nécessaire un dialogue
sincère et effectif entre les nouvelles générations
arménienne et turque, à condition que ceci aboutisse à
la reconnaissance officielle, par la Turquie, du génocide des Arméniens.
“Quatrièmement. Les questions de justice et de droit humain
me tiennent particu-lièrement à cœur, car elles concernent
directement l’Eglise. Jésus-Christ a pris position contre l’injustice
et contre les institutions qui violent la dignité et les droits
humains. La lutte contre l’injustice et la promotion des droits humains,
le droit des peuples à l’auto-détermination sont donc les
dimensions intégrales et vitales de la vocation de l’Eglise. Parlant
en tant que président du Conseil mondial des Eglises, je voudrais
souligner la nécessité de donner plus d’efficacité
au rôle des Eglises dans les domaines de justice dans notre monde
d’aujourd’hui exposé à tant d’injustices, de néoracisme
sous différentes formes, de génocides visibles et invisibles.
“Dans ce cadre, l’Eglise arménienne a une mission parti-culière.
Etant, par excellence, une Eglise du peuple s’identifiant aux souffrances
et aux aspirations de son peuple, l’Eglise arménienne a toujours
joué et doit continuer à jouer un rôle primordial,
restant à l’avant-garde de la lutte de son peuple pour le recouvrement
de ses droits légitimes.
“L’Arménie, notre patrie, reste toujours revendicatrice des
droits du peuple arménien. Je salue la volonté des autorités
arméniennes de poursuivre dans le cadre des Nations Unies, les travaux
et les efforts visant à reconnaître le génocide arménien.
“Le Catholicossat arménien de Cilicie étant lui-même,
comme je l’ai déjà dit, une des victimes du génocide
et les Arméniens de la Diaspora pour la plupart les descendants
des victimes directes du génocide, notre catholicossat reste un
des plus forts revendicateurs des droits de son peuple.”
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