L'EMIR DE BAHREIN CHEIKH ISSA BEN SALMANE AL-KHALIFA
A MELHEM KARAM:
“La levée des sanctions contre l’Irak exige son engagement à appliquer les résolutions internationales”

 
Nous souhaitons que la frappe aérienne de l’irak se soit estompée, car nous préférons la solution pacifique à toute action militaire 
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 Le sommet est nécessaire aux dirigeants arabes, mais il faut le préparer d’une manière parfaite 

Je répondrai à l’invitation du président Clinton avec lequel j’examinerai la conjoncture régionale 

Nous vivons à l’ère des médias et notre information est appelée à faire connaître au monde nos cultures et nos civilisations 
 

Cheikh Issa Ben Salmane Al-Kha-lifa considère né-cessaire la pré-sence permanente d’un chef d’Etat dans son pays et au cas où les obligations du pouvoir le con-traignent de s’ab-senter, l’œil du chef protège le citoyen. 
De même, l’Emir de Bahrein a foi dans la souplesse et la bonté, à condition qu’elles ne soient pas interprétées comme de la faiblesse. 
La prise de position responsable est l’apanage du chef de l’Etat. Ses charges augmentent, quand l’Etat est petit n’ayant pas de place dans le club des géants. 
L’Emir traite les affaires grandes et petites avec minutie et leur consacre le temps qu’il faut pour les régler, ne jouissant de la quiétude que lorsque ses fils obtiennent leurs droits et après qu’il leur soit rendu justice. 
Cheikh Issa est secondé par des gouver-nants perspica-ces ayant placé l’homme au centre de leurs préoccupations et de leurs ef-forts, poursui-vant leurs acti-vités sans répit avec un long souffle. 
L’Emir de Bahrein m’a reçu à la présidence du Conseil, en présence du Premier ministre, de plusieurs ministres et responsables. 
L’entretien a porté sur le Liban, les relations fraternelles qui le lient à Bahrein; sur la nécessité pour notre pays de retrouver son éclat d’avant-guerre, “car, dit-il, nous avons tous besoin de lui” et sur l’importance de maintenir la coopération et la solidarité entre le Liban et la Syrie. 
Après la rencontre officielle, la conversation s’est étendue aux problèmes de l’heure  

Melhem Karam: - Qu’auriez-vous à dire du traitement réservé à Robin Cook, chef du Foreign Office, de la part de Netanyahu, lors de sa récente visite en Israël? D’aucuns disent que ce traitement indécent avait pour but de couper la voie à toute initiative européenne et d’autres y ont détecté un message adressé aux Etats-Unis pour les amener à renoncer à quelque initiative? Quel est votre avis à ce sujet?  
L’Emir de Bahrein: “Le rôle européen est important, vital et souhaité. De notre côté, nous nous attendons à plus d’action de la part de l’Europe en vue de réactiver le processus de paix. 
“Nous croyons que cette action ne remplace pas les efforts américains mais les complètent. A notre avis, l’initiative américaine représente la dernière chance de sauver l’opération de paix avant la fin du siècle. Celle-ci connaît un état de paralysie, en raison de l’attitude intransigeante du gouvernement israélien. Une initiative américaine s’impose pour la réactiver.” 
Melhem Karam: - Pensez-vous que le danger d’une frappe militaire contre l’Irak s’est dissipé d’une manière partielle ou totale?  
L’Emir de Bahrein: “Nous espérons qu’il se soit dissipé définitivement, d’autant que l’Irak a réagi, positivement, suite à l’accord qu’il a signé avec le secrétaire général des Nations Unies. 
“Nous nous sommes prononcés en permanence en faveur d’une solution pacifique, la préférant à toute action militaire, car la guerre a ses implications et ses séquelles que tout le monde connaît.”  

OUI À UN SOMMET ARABE À L’ORDRE DU JOUR RESTREINT  
Melhem Karam: - Approuvez-vous la demande relative à la tenue d’un sommet arabe dans un proche avenir?  
L’Emir de Bahrein: “Nous approuvons tout sommet agréé par l’unanimité arabe. A notre point de vue, le sommet est un événement nécessaire pour la rencontre des dirigeants arabes, en vue d’échanger les vues sur les problèmes d’intérêt commun, de se concerter et de coordonner les positions. 
“En tant qu’objectif politique, le sommet est également nécessaire, afin d’unifier et de clarifier le message arabe face à l’opinion mondiale. 
“A notre avis, pour qu’il puisse réussir, le sommet doit être préparé avec minutie; son ordre du jour étant limité à un nombre déterminé de questions à débattre, à propos desquelles les résolutions prises pourront être appliquées.” 
Melhem Karam: - Existe-t-il encore des problèmes frontaliers entre Bahrein et Qatar? Vous attendez-vous à leur règlement auprès de la Cour internationale de justice?  
L’Emir de Bahrein: “L’affaire, comme vous le savez, est soumise à cette haute juridiction qui doit trancher sur la question des limites maritimes et les problèmes régionaux intéressant les deux pays, spécialement la région de Zibara. Nous attendons donc l’arrêt de la Cour internationale de justice.”  

OPTIMISTE QUANT À L’AVENIR DU CCG 
Melhem Karam: - Le Conseil de coopération du Golfe est l’unique rassemblement régional jouissant d’une entité, d’une présence et d’une efficacité à l’heure actuelle. Comment voyez-vous l’avenir du CCG?  
L’Emir de Bahrein: “Le Conseil a, à son actif, de nombreuses réalisations. Toujours est-il que nous continuons à espérer en une évolution de cette entité en vue de concrétiser la complémentarité entre les Etats membres. Et ce, à l’effet de parvenir à une unité basée sur des données saines et pour qu’elle puisse constituer un bloc économique et politique capable de satisfaire les aspirations de nos peuples et de nos Etats. 
“Nous sommes optimistes quant à la marche réussie dudit conseil, d’autant que nous fondons sur cet organisme beaucoup d’espoir, étant donné notre foi dans son importance et ses objectifs.” 
Melhem Karam: - Croyez-vous que la paix soit dans l’impasse et qu’il en sera ainsi tant que Netanyahu sera au pouvoir en Israël?  
L’Emir de Bahrein: “Nous ne croyons pas que quelqu’un a la possibilité d’arrêter le train de la paix qui est la langue de la nouvelle ère. Il est vrai que la politique de Netanyahu constitue un grand obstacle sur la voie de la paix qui finira par l’emporter, en définitive. 
“La communauté internationale se doit de faire face à ses responsabilités, en œuvrant aux fins de réactiver le processus de paix et de préparer le climat propice au succès des négociations, car toute tension en n’importe quelle région du globe se répercute sur le monde entier.” 

NON À LA PARTITION DE L’IRAK 
Melhem Karam: - Le danger de la partition continue-t-il à menacer le territoire irakien?  
L’Emir de Bahrein: “Nous devons tous déjouer toute tentative, dans le présent et à l’avenir, visant à diviser le territoire irakien où à consacrer la partition. Car l’unité de l’Irak et la sécurité de son territoire ne concernent pas uniquement ce pays frère, mais tous les Arabes. Puis, l’unité de l’Irak est une garantie fondamentale pour la sécurité nationale arabe et les intérêts de tous les Arabes.” 
Melhem Karam: - Quel est l’état des relations entre Bahrein et la République iranienne, surtout après l’accession au pouvoir du président Khatami? Vous attendez-vous à une plus grande coopération avec Téhéran?  
L’Emir de Bahrein: “L’Iran est un Etat islamique voisin ayant son importance stratégique dans la région. Aussi, aspirons-nous à de meilleures relations avec l’Iran sur base du respect mutuel et de la non ingérence dans les affaires intérieures. 
“Une amélioration s’est produite dans ces relations depuis l’élection du président Khatami, la récente visite à Bahrein de l’ex-président Rafsandjani ayant consolidé les relations entre les deux pays. Nous espérons qu’elles se raffermiront davantage dans l’intérêt des deux peuples.”  

NON À LA JUDAÏSATION DE JÉRUSALEM 
Melhem Karam: - Jérusalem a occupé une place de choix dans votre politique extérieure. Or, on constate que la judaïsation menace avec force la Ville sainte. Qu’auriez-vous à dire à propos de Jérusalem?  
L’Emir de Bahrein: “Jérusalem constitue une question fondamentale dans l’opération de paix au Proche-Orient et doit occuper une bonne place dans les négociations, en ce qui concerne son statut futur et définitif. 
“Puis, les Arabes sont tenus de faire face aux tentatives de sa judaïsation et ce problème doit figurer en tête de l’ordre des priorités au cours de tout sommet arabe.” 
Melhem Karam: - Quel est le rôle de la nouvelle génération dans la principauté? Est-elle la génération de la continuité, du renouveau ou de la conciliation entre les constantes et les changements internationaux?  
L’Emir de Bahrein: “Nous nous engageons dans ce pays vis-à-vis de spécificités, d’us et de coutumes auxquels nous sommes attachés et dont nous sommes fiers, même à `l’ère de la mondialisation, partant de notre esprit authentique qui nous pousse à nous attacher à notre religion et à nos traditions. 
“Nous avons préparé les générations montantes dans cet esprit; elles sont munies de la connaissance, de la vision et de la capacité les habilitant à suivre l’évolution moderne, tout en préservant les spécificités de leur société.”  

BAGDAD DOIT RESPECTER LES RÉSOLUTIONS DE L’ONU  
Melhem Karam: Bahrein est-il satisfait de l’accord conclu entre Bagdad et l’ONU?  
L’Emir de Bahrein: “Naturellement. Nous appuyons les efforts diplomatiques visant à désamorcer toute crise et à annihiler les risques de toute action militaire. L’accord mentionné est un bon pas, nécessitant d’autres initiatives destinées à dissiper la tension dans la région d’une manière définitive et aussi, à parvenir au moment où il faudra lever les sanctions imposées à l’Irak depuis tant d’années. Pour cela, ce pays est appelé à respecter les résolutions des Nations Unies.” 
Melhem Karam: - Vous attendez-vous à ce que les Etats-Unis réactivent le processus de paix, à l’effet de démentir ceux qui les accusent de pratiquer la politique des deux poids et deux mesures?  
L’Emir de Bahrein: “L’action de l’Amérique est vitale et nécessaire, car elle reste le principal parrain de l’opération de paix au Proche-Orient. Nous espérons toujours en un rôle plus actif de la part des USA, seul capable de débloquer le processus de paix dans la région.” 

LE TERRORISME EN PERTE DE VITESSE 
Melhem Karam: - Le terrorisme a régressé à Bahrein; quelle en est la cause?  
L’Emir de Bahrein: “Nous pouvons dire que l’éveil populaire et l’appui des citoyens à leur direction, autant qu’aux forces de l’ordre, ont fait avorter le plan de la sédition qui visait à compromettre la stabilité de l’émirat et son développement. 
“Dieu merci, la situation s’est normalisée, car nous visons des objectifs plus importants, à savoir: entrer dans le troisième millénaire en disposant d’une forte infrastructure permettant la réactivation des services publics et la reprise de l’activité économique. Ceci nous aidera à réaliser nos aspirations, notre espoir étant de faire de Bahrein un centre économique et commercial dans la région, ce qui accroîtra le nombre des emplois et assurera le bien-être à nos concitoyens.” 
Melhem Karam: - Croyez-vous que la Russie aurait la possibilité de jouer de nouveau le rôle de l’ex-Union soviétique à travers les portes iranienne et irakienne?  
L’Emir de Bahrein: “La Russie restera,  sans nul doute, une grande puissance, membre permanent du Conseil de Sécurité. Etant donné ses excellentes relations avec les Arabes, elle pourra jouer un rôle important dans la région et contribuer au règlement de ses problèmes.” 

PROCHAINE VISITE AUX USA 
Melhem Karam: - Le délégué permanent des Etats-Unis vous a transmis une invitation du président Clinton à vous rendre à Washington? Y répondrez-vous prochainement et  quels seront les sujets de vos entretiens avec le chef de l’Exécutif américain?  
L’Emir de Bahrein: “S’il plaît à Dieu, nous nous rendrons prochainement aux Etats-Unis à l’invitation du président Clinton. Nous examinerons avec les responsables américains des questions d’intérêt commun et la situation dans cette région. Une ancienne relation nous lie à l’Amérique, basée sur le respect mutuel et la coopération dans l’intérêt commun des deux pays.” 
Melhem Karam: - Le président Hosni Moubarak vous a adressé un message par l’entremise de M. Amr Moussa, ministre égyptien des Affaires étrangères. Comment évaluez-vous les relations entre les deux pays dans les différents domaines?  
L’Emir de Bahrein: “Nous pouvons dire qu’elles constituent un modèle de relations devant être établies entre les frères. Nous sommes fiers du président Moubarak, de ses efforts sincères et de sa contribution à défendre les causes arabes. Il existe entre nous une concertation et une coordination permanente dans les différents domaines.” 

CONTRE LA PRÉSENCE DES ARMES NUCLÉAIRES DANS LA RÉGION 

Melhem Karam: - La force nucléaire iranienne suscite-t-elle des craintes dans les pays du Golfe et comment traitez-vous avec elle?  
L’Emir de Bahrein: “Nous sommes contre la présence des armes nucléaires dans la région et  réclamons l’interdiction de toutes les armes de destruction massive.” 
Melhem Karam: -Vous avez toujours été à l’avant-garde de ceux qui venaient en aide au Liban dans toutes ses épreuves; comment voyez-vous l’avenir de notre pays et que direz-vous aux Libanais?  
L’Emir de Bahrein: “Nous sommes certains que le Liban redeviendra meilleur que ce qu’il était avant la guerre, grâce aux efforts de ses dirigeants et au loyalisme de ses fils. La sécurité et la stabilité qui y règnent, constituent la colonne vertébrale des investissements et de la reconstruction. Tout cela confirme que le Liban s’achemine sur la bonne voie. 
“A nos frères libanais nous disons: Nous  sommes fiers de ce que vous réalisez, sûrs de votre succès et de la réalisation de vos aspirations et de vos espoirs.” 
Melhem Karam: - Les solides relations fraternelles entre Bahrein, l’Arabie séoudite, l’Egypte et la Syrie ont de tout temps été à la base de l’action arabe: sur quels principes reposent ces relations dans l’étape présente et à l’avenir?  
L’Emir de Bahrein: “Les solides relations qui nous lient à nos frères reposent sur l’entente, la fraternité et l’action commune au service de la nation arabe. Nous œuvrons en vue de coordonner les positions, les points de vue, à l’effet de consolider la coopération et de servir les peuples de notre nation arabe.” 
Melhem Karam: - L’information arabe s’acquitte-t-elle de son rôle national face aux campagnes des médias occidentaux?  
L’Emir de Bahrein: “Nous vivons à l’ère médiatique et sommes une nation visée en raison de nos ressources, de nos cultures et de nos civilisations qu’on cherche à déformer. Le rôle de notre information ne se limite plus à propager les nouvelles, uniquement; elle est tenue de transmettre au monde avec compréhension et lucidité l’essence de nos civilisations et le progrès de notre culture. Pour pouvoir nous intégrer au monde moderne, il faut que ce dernier nous comprenne et prenne connaissance de notre situation d’une manière parfaite. Telle est la mission de notre information face aux défis de l’étape future. 
“Les satellites arabes peuvent jouer un rôle important dans ce domaine.” 


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