Chronique


Par JOSE M. LABAKI  

 
L’EUROPE: UNE IDÉE FRANÇAISE
Avant lui, Victor Hugo, dans un vibrant discours en 1849, avait dit: “Un jour viendra où toutes les nations de l’Europe, sans perdre leurs particularités et leurs individualités, se fondront étroitement, dans une complémentarité, dans une unité supérieure et constitueront la fraternité européenne. Un jour viendra, où il n’y aura plus d’inimitiés, mais des marchés s’ouvrant au commerce et des esprits aux idées ambitieuses”.
Certes, l’idée européenne est une idée française, les faits l’ont confirmée. L’histoire aussi, c’est un rêve de Jean Monnet juste après la Deuxième Guerre mondiale, une espérance franco-allemande intégrée dans une vision gaullienne, suivie d’une déclaration solennelle de Robert Schumann en 1950, qui s’est traduite un an après, par la création de la Communauté du charbon et de l’acier en 1957, par le fameux traité de Rome. Il faudra attendre 1973 pour que la Grande-Bretagne, l’Islande et le Danemark, rejoignent la France; l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg en 1981; la Grèce en 1986; l’Espagne et le Portugal, pour former la Communauté européenne.
Entre-temps, cette Communauté s’est dotée en 1974 d’un Conseil européen composé de chefs d’Etat et de gouvernement; en 1976, d’un parlement européen élu au suffrage universel et, en 1979, d’un système monétaire européen qui, le 2 mai 1998, donna naissance à l’euro (monnaie unique).
En moins d’un demi-siècle, ces Etats ont réussi des réalisations considérables, à commencer par le redressement de l’Europe d’après-guerre. Ils ont mis fin aux conflits armés inter-européens; ils ont, en plus, prouvé leur complémentarité industrielle et technologique en limitant leur souveraineté en bien des domaines. Et fait plus notable, ils ont exercé sans le vouloir et parfois malgré eux une véritable fascination, sur les pays tiers-mondistes et après la chute du Mur de Berlin, sur tous les pays de l’Est et l’ex-Union Soviétique.
En 1985, un autre Français de taille, Jacques Delors, devait proposer à l’Europe des Douze, l’Acte unique qui entrera en vigueur deux ans après, consistant à créer pour le 31 décembre 1992, un espace sans frontières intérieures, dans lequel la libre circulation des personnes, des marchandises, des services et des capitaux serait assurée.
A partir de cette date, différentes commissions se mirent à l’œuvre pour préparer celui qui allait devenir le fameux traité de Maastricht, contesté par plusieurs partenaires, dont l’objectif principal est de former l’Union européenne. Le projet fut approuvé le 11 décembre 1990 et, le texte intégral, le 7 février 1992 à Maastricht précisément. Toutefois, ce dernier, constitue-t-il un tournant pour l’Europe? Désillusionnés par le “Non” danois au traité de Maastricht, le “Oui” irlandais est venu conforter les “Douze” réunis au Luxembourg pour le prochain sommet qui s’est tenu à Lisbonne, où furent débattues les réflexions de la Commission européenne, dite Commission de Bruxelles, sur l’élargissement de l’espace communautaire.
Certaines idées imputées à tort à ladite commission ont eu un effet dévastateur sur une partie de l’opinion publique européenne, notamment au Danemark, qui s’est senti sacrifié sur l’autel des réformes institutionnelles suggérées par la commission de Bruxelles, en cas d’élargissement de l’espace communautaire à d’autres pays de l’Europe, à court et moyen termes. La Suisse, l’Autriche, la Suède, la Finlande, la Norvège, seraient candidates et d’ici l’an 2001, la Pologne, la République tchèque, la Hongrie, la Slovénie, l’Estonie, la Bulgarie, la Roumanie, la Lettonie, la Lituanie et la Slovaquie, Chypre étant sur la liste d’attente et la Turquie, impatiente, sur son statut spécial.
Depuis la création de la Communauté du charbon et de l’acier, l’opinion européenne s’interroge: Pourquoi l’Europe? Quelle Europe? Pour quel rôle?
Serait-elle, pour commencer, une confédération économique, tout en sauvegardant l’indépendance politique de chacun des partenaires, ou bien la constitution d’une entité politique inédite, améliorant le niveau de vie, enfantant par la lente fusion des Européens, un mobile de civilisation à proposer au reste du monde?
D’aucuns disent: pourquoi le traité de Maastricht n’a-t-il pas engendré une révolution? La réponse est simple. Pour les “Unionistes”, l’Union européenne n’est que la prolongation de la Communauté agro-économique, de l’Euratom, du Marché commun, du parlement de Strasbourg, de l’Europe du référendum; enfin, de l’Euro (la monnaie unique). Partis de l’idée commerciale, les six pays européens, devenus les 12, où les onze après l’anathème danois sur le traité de Maastricht, avant de se retrouver 15, étaient conduits de proche en proche, à s’occuper de fiscalité, de monnaie ou de politique tout court et, peut-être un jour, à pactiser pour un système commun de défense.
C’est bien ce mécanisme que le traité de Maastricht a rompu et pour cause: les Américains ne veulent pas de la forteresse Europe; l’OTAN est suffisant. Dans le procès que les opposants à cet accord, ont tenté, on constate à quel point le désaccord était profond et ancien, notamment en France et en Grande-Bretagne. Désaccord sur les règles de la concurrence à l’égard de la politique agricole et la libre circulation des personnes. En réalité, même le traité de Rome est, lui aussi, mis en cause.
Pour toutes ces raisons et pour tant d’autres, il revient aux Européens eux-mêmes de trancher sur toutes ces questions. Il va falloir peut-être, un nouveau référendum. Les traités en question, à quelques variantes près, pourraient améliorer le statut économique de chacun des pays signataires. Si en revanche, les démocraties, les cultures pouvaient s’épauler, se compléter et se renforcer, afin de promouvoir un mécanisme à la mesure du troisième millénaire, il n’y aurait pas de meilleur choix que l’Union européenne. C’est aux Européens de le prouver. Le dernier mot leur appartient.
***

Toutefois, le destin de la France serait-il en jeu? Le comte de Paris vient de sonner l’alarme. “Ne renoncez pas à la France.” Mille cinq cents ans d’Histoire ne peuvent pas être biffés d’un trait, face à une entité qui compte aujourd’hui 11 pays, en référence aux signataires de la monnaie unique “l’euro” et, demain 15 et bientôt 26.
Le discours politique, celui du président Chirac en premier, se veut plus rassurant. La souveraineté de la France restera intacte.
L’Europe est une chance pour la France, encore faut-il ne pas se tromper sur l’Europe. En définitive, il faudrait revenir au peuple français, qui n’aliénera pas sa souveraineté sans l’avoir décidé. Car pour appliquer le traité d’Amsterdam, il va falloir réviser la Constitution française, qui ne peut avoir lieu que, soit par un vote du parlement soit par référendum.
Après les choix de la commission de Bruxelles, aussi convaincants soient-ils, il n’y a aucune raison pour que les politiques n’arrivent pas à convaincre les Français sur tout ce qui garantit leur avenir. La France a toujours été et sera un pays avant-gardiste à tous les niveaux. Elle ne fera jamais marche arrière. Elle est le premier pays européen ayant procédé à la frappe de l’euro qui circulera en l’an 2002, marquant ainsi la disparition du “Franc” qui avait vu le jour en l’an 1360. Un compromis de plus, destiné à accélérer la construction européenne. C’est de bon augure. 

 
 “L’Europe, il faudra bien qu’elle se bâtisse un jour, on en parle depuis Jules César, Charlemagne, Charles Quint, Louis XIV, Napoléon et Hitler.”

(Charles de Gaulle).

 

 
 

 

  

 


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