LE PRESIDENT ALI
ABDALLAH SALEH ET MELHEM KARAM
LE PRESIDENT ALI ABDALLAH
SALEH
Le nouveau Cabinet raffermira l’unité nationale et
nous ne dévierons pas de la démocratie
Une nouvelle législation sera élaborée
en vue de réprimer la criminalité
Nous avons combattu efficacement
la corruption et continuerons à extirper
ce phénomène
Rien n’empêche la femme yéménite
d’occuper les plus hautes fonctions dans l’Etat
Pas de froid dans mes rapports
avec cheikh Abdallah el-Ahmar auquel
me lie une relation amicale
J’entretiens d’excellents rapports avec chaque dirigeant
arabe
Pas de tension dans les relations omano-yéménites
Nous sommes avec la paix juste et globale basée
sur la restitution des droits arabes
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Vous m’excuserez,
ami lecteur, si je m’attarde à parler du président Ali Abdallah
Saleh, parce qu’il s’agit d’un sujet attirant. Ne pas le rencontrer, c’est
perdre une occasion d’avoir un entretien journalistique et politique parmi
les plus instructifs.
Le chef de l’Etat yéménite s’exprime d’une manière
captivante et se renouvelle en permanence. Evoquer avec lui les questions
de l’heure et notre situation, c’est s’enrichir de faits et de constantes,
d’autant qu’il va au fond des choses et peu sont capables de l’y suivre.
Mais son ambiguïté apparente séduit, telle l’histoire
du symbole quand il devient oracle et du verbe politique que certains appellent
“discours” politique.
Dans les lourdes charges qu’il assume, il s’est signalé à
deux reprises: d’abord, en supportant le fardeau du pouvoir dans les pires
moments, sans avoir d’autres recours pour s’en acquitter que sa raison
et sa conscience. Ensuite, lorsqu’il a tenu toutes ses promesses, sans
faillir à aucune d’elles.
Il n’est pas resté dans sa tour d’ivoire, mais s’est approché
des gens, vibrant avec le peuple à qui il a donné le meilleur
de lui-même.
La rencontre a eu lieu au palais de la Présidence et a duré
plus d’une heure, au cours de laquelle il a donné des réponses
responsables, non improvisées, à toutes les questions..
LA DÉMISSION DU PREMIER MINISTRE
YÉMÉNITE
Melhem Karam: - Vous avez assuré au Dr Faraj Ben Ghanem tous
les éléments de la réussite, quand vous l’avez chargé
de former le gouvernement. De plus, il a obtenu de larges prérogatives
dont n’avait disposé aucun chef du gouvernement yéménite
avant lui. Que s’est-il passé et pourquoi a-t-il présenté
sa démission?
Président Saleh: “Cela est naturel et le président
du Conseil a le droit de résigner ses fonctions. Le Dr Faraj Ben
Ghanem est une personnalité nationale et économique au passé
propre. Nous l’avons chargé de former le gouvernement, au lendemain
des élections législatives du 27 avril 1997, partant du fait
que c’est une compétence économique et une personnalité
indépendante.
“Tout s’est bien passé au sein du Cabinet, jusqu’au moment où
il a demandé à remanier l’équipe ministérielle.
J’ai donné mon accord, en promettant d’accéder à sa
demande une année après la constitution du Cabinet, sur base
d’une évaluation de l’action gouvernementale et de chacun de ses
membres.
“Dès la mise sur pied du Cabinet, j’ai présidé
sa première réunion et engagé les ministres à
exécuter le programme envers lequel je me suis engagé. Le
Dr Faraj devait voyager, par la suite, pour se soumettre à des examens
médicaux à Genève et à son retour, il a insisté
à procéder au remaniement.
“Comme j’ai posé ma condition connue, il a présenté
sa démission.”
Melhem Karam: - Des motivations extérieures l’auraient-elles
incité à démissionner ou bien s’agit-il d’une initiative
personnelle de sa part?
Président Saleh: “Je ne peux répondre à
sa place, ni analyser les raisons de sa décision.”
Melhem Karam: - Qui sera son successeur?
Président Saleh: “Cette question doit être débattue
par le parti du congrès populaire qui dispose de la majorité.”
Melhem Karam: - Peut-on déduire que le prochain Premier ministre
sera choisi au sein du parti au pouvoir?
Président Saleh: “Naturellement.”
Melhem Karam: - En ce qui concerne les jugements rendus contre le
“groupe des 16”, on parle d’une amnistie en leur faveur...
Président Saleh: “Nous respectons les sentences de la
Justice à leur encontre et l’amnistie ne se pose pas.”
Melhem Karam: - Cinq membres du groupe ont été condamnés;
les biens des autres qui ont été acquittés leur ont-ils
été restitués?
Président Saleh: “Nous n’avons confisqué et ne
saisirons les biens de personne qu’elle ait été condamnée
ou pas. Car la propriété privée est sauvegardée
en vertu de la Constitution et de la loi. De même, les droits acquis
des gens sont préservés.”
L’OPPOSITION EST TOUJOURS PESSIMISTE
Melhem Karam: - D’aucuns prétendent que le jugement rendu
contre Abdel-Rahman Al-Jafri avait tout l’air d’un “arrangement politique”
ou d’un compromis?
Président Saleh: “Il s’agit d’un jugement judiciaire
et nous ne nous immiscons pas dans la magistrature, laquelle a toute latitude
de rendre l’arrêt qu’elle juge conforme à la justice, sur
base des preuves et des témoignages dont elle dispose. La Justice
est indépendante et la politique ne s’ingère pas dans les
affaires dont elle est saisie.”
Melhem Karam: - Certains milieux de l’opposition yéménite
sont pessimistes quant à l’avenir des réformes économiques,
après la démission du Dr Faraj Ben Ghanem qui était
agréé par des organisations internationales, telles la Banque
mondiale et le Fonds monétaire international. L’opposition peut-elle
justifier son pessimisme?
Président Saleh: “Les membres de l’opposition sont toujours
pessimistes. Puis, les réformes ne sont liées à aucune
personne, mais à un parti, à une direction responsable et
à un programme de gouvernement.
“Le programme des réformes, seul le parti de la majorité
en assume la responsabilité et il traduit un programme électoral,
sans être assujetti à l’humeur de qui que ce soit.
“Le congrès populaire a adopté le programme des réformes
dans les domaines économique, financier et administratif. Il en
a entamé l’exécution dès 1995 et a réalisé
des succès palpables, par rapport à l’économie, la
stabilité de la monnaie nationale, le freinage de l’inflation, la
réduction du déficit budgétaire, le renforcement des
relations avec les organisations internationales et les pays donateurs,
ces derniers ayant accordé leur appui au processus des réformes
au Yémen.”
PAS QUESTION D’ARRÊTER LES RÉFORMES
Melhem Karam: - Cela signifie-t-il que les réformes aux plans
économique, financier et administratif seront poursuivies?
Président Saleh: “Naturellement et le gouvernement s’y
attèlera avec plus d’efficacité.”
Melhem Karam: - Croyez-vous que la désignation du Dr Abdel-Karim
Iriani en tant que chef du gouvernement susciterait des réactions
défavorables auprès d’Etats frères ou amis?
Président Saleh: “Le Dr Iriani est une personnalité
yéménite nationale et sa désignation en tant que Premier
ministre est une affaire intérieure. Nous avons le droit de le nommer
ou quelqu’un d’autre, sans nous soucier de savoir si sa désignation
plairait aux uns ou serait désapprouvée par les autres.”
POUR LA DÉMOCRATIE PLURALISTE
Melhem Karam: - La démocratie pluraliste sera-t-elle prise
en considération dans le futur Cabinet et la répartition
des portefeuilles ministériels sera-t-elle influencée par
des facteurs régionaux?
Président Saleh: “Le parti de la majorité parlementaire
formera le prochain gouvernement, lequel tiendra compte des moyens à
mettre en œuvre pour sauvegarder l’unité nationale sous tous ses
aspects.
“Quant à la démocratie pluraliste, c’est un style dont
nous ne dévierons pas et un procédé conformément
auquel nous gérons notre vie quotidienne.”
Melhem Karam: - Jusqu’à quel point le Conseil consultatif
participe-t-il à la présence démocratique et coordonne-t-il
son action avec la Chambre des députés?
Président Saleh: “Le Conseil consultatif, en vertu de
la Constitution, présente ses consultations au président
de la République, qu’il s’agisse de législations, de lois,
d’études ou de problèmes qui lui sont transmis. A son tour,
le président communique les recommandations dudit Conseil au gouvernement
et à l’Assemblée.”
Melhem Karam: - Qu’en est-il de la campagne déclenchée
contre la corruption au sein de l’administration étatique?
Président Saleh: “Nous avons réalisé de
bons résultats, à travers la constitution de tribunaux auxquels
ont été déférés bien des dossiers. Nous
n’aurons de cesse jusqu’à extirper ce phénomène.”
NUL N’EST AU-DESSUS DE LA LOI
Melhem Karam: - On dit que les petits fonctionnaires font l’objet
de poursuites dans le cadre de la lutte contre la corruption administrative,
alors que les hauts fonctionnaires ne seraient pas inquiétés...
Président Saleh: “L’opposition a le droit de dire tout
ce qu’elle veut, notamment de s’en prendre aux “grandes têtes” dans
l’Etat. Cependant, la corruption doit être combattue sur base de
preuves irréfutables, non d’accusations non confirmées. La
justice est habilitée à statuer sur cela et nous ne protégerons
aucun corrupteur, quel qu’il soit.
“Puis, la corruption dans beaucoup de pays est signalée, en
général, dans les milieux subalternes traitant directement
avec les citoyens, que ce soit aux douanes, dans les services du fisc,
les aéroports, les ports et les services publics. Et ce, parce que
bien des gens s’emploient à réaliser des gains illicites
en détournant les lois et règlements en vigueur et en soudoyant
les fonctionnaires. Quoi qu’il en soit, les corrompus et les corrupteurs
recevront leur châtiment et nul n’est au-dessus de la loi.”
LE KIDNAPPING DES ÉTRANGERS...
Melhem Karam: - Selon les statistiques officielles, les organismes
de sécurité yéménites ont réussi dans
leur lutte contre la criminalité qui a régressé, l’an
dernier, dans une proportion de 20 pour cent et, également, dans
la même proportion durant l’année précédente.
Mais un tel résultat n’a pas été obtenu par rapport
à l’enlèvement des étrangers; quelle en est la cause
et pourquoi n’a-t-on condamné aucun de ceux qui ont kidnappé
des gens, dont les actes sont restés impunis?
Président Saleh: “Ce phénomène est étranger
à notre société qui le réprouve et condamne
ceux qui commettent de tels crimes. Il s’agit, en fait, d’un petit nombre
de malfaiteurs qui recevront, tôt ou tard, leur châtiment.
“En ce moment, la Chambre des députés recherche les moyens
et s’emploie à élaborer des lois susceptibles de traiter
ce phénomène négatif. D’ailleurs, des mesures vont
être prises, incessamment, à l’effet d’y mettre un terme.”
Melhem Karam: - Au cours des dernières semaines, une bombe
à retardement a explosé à l’intérieur d’une
mosquée dans la capitale, faisant un certain nombre de tués
et de blessés. Ne croyez-vous pas que de pareils attentats suscitent
l’inquiétude et portent les gens à revoir leurs comptes?
Président Saleh: “Ce qui s’est produit dans la mosquée
est regrettable et les organismes de sécurité poursuivent
leurs investigations pour identifier les coupables et les déférer
devant la juridiction qualifiée.
“J’ajouterai que de tels incidents ne suscitent aucune inquiétude,
les organismes de sécurité étant toujours sur le qui-vive,
prêts à sévir contre quiconque tente de perturber l’ordre
public.”
...DES ACTES DE SABOTAGE INTERNES
Melhem Karam: - Les moyens d’information yéménites
soutiennent que les kidnappings et les attentats à l’explosif ont
des motivations politiques et seraient téléguidés
de l’extérieur. Disposent-ils de preuves à la base de leurs
assertions?
Président Saleh: “Pour nous, il s’agit d’actes de sabotage
internes et nul n’a le droit d’accuser aucune partie, sauf s’il dispose
de preuves.”
Melhem Karam: - Est-il vrai que cheikh Abdallah Ben Hussein el-Ahmar
et certains leaders d’Al-Islah sont opposés à l’amnistie
du “groupe des 16”?
Président Saleh: “Personne ne peut intervenir dans cette
affaire. Des jugements ont été rendus par contumace contre
certains prévenus et ces derniers doivent comparaître devant
la Justice. Il sera procédé à leur poursuite dans
les pays où ils sont établis par l’intermédiaire de
l’Interpol.”
Melhem Karam: - On dit que le Yémen, partant de son souci
de respecter les règles démocratiques, accorde l’asile à
des éléments hostiles aux autorités de leurs pays
et facilite leur action...
Président Saleh: “La politique du Yémen lui interdit
d’accorder l’asile à des éléments hostiles à
quelque régime en n’importe quel Etat arabe, islamique ou étranger,
car nous sommes soucieux d’établir les meilleures relations avec
tous les Etats frères et amis, sur base de la confiance, de la coopération
et du respect mutuels, en n’intervenant pas dans les affaires intérieures
de ces Etats.”
DES DROITS ET OBLIGATIONS DES YÉMÉNITES
Melhem Karam: - D’aucuns prétendent que les fondamentalistes,
comme les tribus, ont des privilèges et des positions propres au
Yémen. Est-ce vrai?
Président Saleh: “Cela est inexact. Tout parti se trouve
sur la scène et dans les organismes de l’Etat selon sa dimension
et sa présence au parlement.
“La Constitution et la loi régissent les rapports entre les
Yéménites, tout en déterminant leurs droits et obligations.”
Melhem Karam: - D’après les statistiques officielles, les
provinces orientales et méridionales du pays sont le théâtre
d’un développement sensible; pourquoi?
Président Saleh: “Nous vivons actuellement à l’ombre
de la république après sa réunification, grâce
aux efforts de notre peuple et de ses sacrifices. Nous donnons la priorité
aux provinces méridionales et orientales sur le plan du développement,
parce qu’elles avaient été négligées dans le
passé au plan des projets d’équipement, tels ceux relatifs
à l’eau, à l’électricité, à la santé,
à l’instruction publique, aux routes, aux universités, aux
ports, etc...”
L’OPPOSITION EST DIVISÉE...
Melhem Karam: - L’opposition au Yémen accuse le Pouvoir d’agir
aux fins d’affaiblir les partis hostiles au gouvernement. Où est
la vérité?
Président Saleh: “Ces accusations sont sans fondement.
L’opposition a le droit de dire tout ce qu’elle veut, mais beaucoup de
partis d’opposition sont divisés sur eux-mêmes; c’est pourquoi,
ils se sont affaiblis.”
Melhem Karam: - Nous avons aperçu à la télévision
yéménite la rentrée de cheikh Abdallah Ben Hussein
el-Ahmar de l’étranger où il s’était rendu pour y
suivre un traitement médical; y aurait-il un froid dans vos relations?
Président Saleh: “Une relation fraternelle me lie à
cheikh Abdallah qui est une personnalité nationale digne de respect
et d’appréciation.”
Melhem Karam: - Les manœuvres américano-yéménites
du mois dernier, seraient-elles un message yéméno-US conjoint,
en prévision d’un rôle que le Yémen serait appelé
à jouer?
Président Saleh: “Tout d’abord, il ne s’agit pas de manœuvres,
mais d’un exercice militaire entre forces américaines et yéménites,
dans le cadre de la coopération et de l’échange des expériences
dans ce domaine.
“Cet exercice est pareil à d’autres exercices militaires que
nous effectuons avec un certain nombre d’Etats frères ou amis. Nous
essayons de profiter des connaissances et des expériences militaires
des Etats-Unis, ainsi que de Russie, de France, d’Allemagne, etc...”
Melhem Karam: - Quelle est la position russe et française
envers ces manœuvres?
Président Saleh: “Nous n’avons pas eu connaissance ni
d’une prise de position de la part de Moscou ou de Paris, ni d’aucune plainte
de leur part à ce sujet.”
NON À DES BASES À DES FORCES
ÉTRANGÈRES AU YÉMEN
Melhem Karam: - Accorderiez-vous des bases ou des facilités
militaires à l’Amérique dans certaines îles ou en d’autres
parties du territoire yéménite, notamment dans l’île
de Socatra?
Président Saleh: “C’est impossible, notre territoire
ne pouvant pas servir de bases à des forces étrangères.
Quant à l’île de Socatra, ce sera un centre touristique et
une réserve naturelle devant attirer les vacanciers.”
Melhem Karam: - Comment évaluez-vous vos relations avec S.M.
le roi Fahd Ben Abdel-Aziz?
Président Saleh: “Ce sont des relations fraternelles
privilégiées.”
Melhem Karam: - Et avec les présidents Hafez Assad et Hosni
Moubarak?
Président Saleh: “Des relations de même nature,
comme celles que j’entretiens avec tout dirigeant arabe.”
LE LIBAN ÉVOLUE DANS LA BONNE DIRECTION
Melhem Karam: - Comment voyez-vous l’avenir du Liban?
Président Saleh: “Il évolue dans la bonne direction
et nous sommes avec le Liban dans toutes les circonstances et les situations.
Nous nous tenons informés de tout ce qui s’y passe et croyons qu’il
a obtenu d’excellents résultats, surtout au plan de la stabilité.
S’il plaît à Dieu, l’occupation israélienne du Liban-Sud
prendra fin; votre pays recouvrera sa vitalité et étendra
sa souveraineté à l’ensemble de son territoire.”
Melhem Karam: - Les propositions de Netanyahu relatives au retrait
conditionnel vident la résolution 425 de son contenu et font du
Liban une proie facile aux convoitises de l’Etat hébreu. Quel est
votre avis à ce sujet?
Président Saleh: “Netanyahu vise à compromettre
la solidarité libano-syrienne.
“Notre position est connue et rejoint celle des Etats arabes: nous
réclamons le retrait inconditionnel d’Israël, en application
de la résolution 425 du Conseil de Sécurité, en accord
avec la Syrie, ladite résolution ne prévoyant aucune condition
ni arrangement de sécurité.”
YÉMEN-ÉTATS-UNIS
Melhem Karam: - Vous entretenez de bonnes relations avec les Etats-Unis
et vous avez avoué avoir pris part au congrès de Doha à
la demande du nouvel ordre mondial. Ne craignez-vous pas que l’Amérique
en profite pour faire pression sur le Yémen à l’effet de
l’amener à établir des rapports avec Israël?
Président Saleh: “Nous ne redoutons pas cela et ne le
tolérons pas. Nous avions déjà répondu par
la négative à la demande américaine, en ce qui concerne
l’option militaire, lors de la seconde guerre du Golfe, en refusant de
souscrire à cette option.”
Melhem Karam: - Selon certains milieux, l’Amérique
se formalise des bonnes relations existant entre le Yémen et la
France...
Président Saleh: “Le Yémen
entretient de bonnes relations avec tous les pays et nous n’avons pas connaissance
de l’indisposition que nos relations avec la France auraient causée
aux USA ou vice-versa.”
Melhem Karam: - Qu’en est-il de la situation
en Irak?
Président Saleh: “Bagdad
a réagi positivement à l’égard de la médiation
du secrétaire général des Nations Unies, ce qui a
épargné à la région la confrontation militaire
et la tension.
“Nous croyons que l’Irak coopère avec l’ONU; aussi, nous attendons-nous
à la levée du blocus imposé au peuple irakien qui
a trop enduré ces dernières années.”
NON À L’OPTION MILITAIRE CONTRE L’IRAK
Melhem Karam: - Pensez-vous que la menace d’une frappe aérienne
contre l’Irak persiste, surtout si Bagdad viole son accord avec l’ONU?
Président Saleh: “Toute chose est possible. Mais la frappe
aérienne résoudra-t-elle le problème?”
Melhem Karam: - Comment jugez-vous les négociations avec
l’Arabie séoudite sur les frontières?
Président Saleh: “Elles se poursuivent et les résultats
sont excellents. Il reste à trancher le problème que posent
quelques kilomètres, et s’il plaît à Dieu, il sera
réglé lors des prochaines rencontres, d’autant que les relations
sont fraternelles et historiques.”
Melhem Karam: - L’Arabie séoudite a mis en garde contre les
risques du gel de l’opération de paix et le roi Fahd a œuvré
d’une manière efficace à l’effet d’empêcher la perpétuation
d’un tel état de choses, alors que le président Hosni Moubarak
appelle à la reprise des négociations à partir du
point où elles ont abouti. Quelle est votre opinion à ce
propos?
Président Saleh: “Nous approuvons tous les efforts déployés
aux fins de relancer l’opération de paix. Nous soutenons la Syrie
dans sa position visant à relancer les pourparlers à partir
du point où ils ont abouti; c’est l’avis arabe unanime.
“Le gel de l’opération de paix menace la région de maints
dangers et Netanyahu en supporte la responsabilité avec son gouvernement.”
Melhem Karam: - Coordonnez-vous votre action avec la Syrie
à ce sujet?
Président Saleh: “Nous coordonnons avec la Syrie et tout
Etat arabe frère dans l’intérêt supérieur de
la nation arabe, pour servir nos causes communes.”
LE RETRAIT DE 13% DE CISJORDANIE, INSUFFISANT
Melhem Karam: - Que pensez-vous de l’initiative américaine
que le président Arafat a agréée?
Président Saleh: “Le retrait de 13 pour cent de
Cisjordanie ne répond pas aux demandes arabes; c’est une proportion
modeste bien en-deçà de celle fixée par l’accord d’Oslo.
“Si les Israéliens sont sérieux dans leur intention d’instaurer
la paix, ils sont tenus d’appliquer toutes les clauses de cet accord.”
Melhem Karam: - Comment voyez-vous la situation en Algérie?
Président Saleh: “Nous souhaitons du fond du cœur une
fin heureuse à cette crise et implorons Dieu pour sauver l’Algérie
de cette épreuve.”
Melhem Karam: - Les relations yéméno-iraniennes sont-elles
ordinaires ou connaissent-elles une lune de miel?
Président Saleh: “Il s’agit de relations naturelles,
s’inscrivant dans le cadre des relations entre les frères.”
Melhem Karam: - Que pensez-vous des opérations de l’armée
turque contre les Kurdes, auxquelles participent près de 50.000
soldats?
Président Saleh: “L’assassinat de tout être humain
transgresse les droits de l’homme.”
Melhem Karam: - Et que diriez-vous de la position officielle turque
contre le parti “Rafah” et sa répression de tout attachement à
l’Islam sous prétexte de protéger la “laïcité”?
Président Saleh: “Le pluralisme politique et la démocratie
exigent l’acceptation de l’autre. La démocratie n’est ni discrétionnaire,
ni l’interdiction faite au citoyen d’opter pour le système de son
choix en toute liberté.
“Il est regrettable que le nouvel ordre mondial se préoccupe
davantage de ses intérêts que des principes démocratiques
et des droits de l’homme.”
RELATIONS FRATERNELLES AVEC OMAN
Melhem Karam: - Il a été question dernièrement
d’une tension dans les relations entre le Yémen et Oman...
Président Saleh: “Il n’y a pas de tension dans nos relations:
il s’agit de nouvelles tendancieuses visant à les compromettre.”
Melhem Karam: - Comment évaluez-vous les résultats
du congrès qu’ont tenu au Tchad, les pays désertiques, sous
la présidence du colonel Moammar Kazzafi?
Président Saleh: “Nous appuyons une telle initiative
et la considérons sous l’angle positif. Nous avons suivi les travaux
du congrès et avons entendu le frère Moammar prononcer le
prêche du vendredi. Ainsi que l’ont rapporté les nouvelles,
près de 2.770 personnes se sont converties à l’Islam et c’est
un phénomène réjouissant.”
Melhem Karam: - Après le succès de l’exposition du
Yémen à l’Institut du monde arabe à Paris et l’intention
de la transposer à d’autres villes européennes, projetez-vous
de promouvoir le patrimoine yéménite et d’améliorer
l’image de votre pays à l’étranger?
Président Saleh: “Certainement, d’autant que le patrimoine
yéménite est riche. Il mérite d’être présenté
au monde dans un cadre adéquat, afin de faire mieux connaître
le Yémen dans le passé et le présent.
“L’exposition de la civilisation yéménite contribuera
avec d’autres manifestations culturelles, artistiques et touristiques,
à faire connaître notre pays.”
POUR UN SOMMET ARABE ÉLARGI
Melhem Karam: - Quand croyez-vous qu’il serait possible de rétablir
la solidarité arabe et l’unité des rangs? Etes-vous favorable
à la tenue d’un sommet arabe regroupant tous les Arabes?
Président Saleh: “Le rétablissement de la solidarité
arabe est un souhait non impossible à réaliser. L’intérêt
national doit inciter tous les pays arabes à sceller la solidarité
et à réunifier les rangs .
“Nous avons besoin de dépasser le passé et de regarder
vers l’avenir. Au Yémen, nous approuvons la tenue d’un sommet arabe
élargi, afin de consolider le front arabe pour qu’il puisse affronter
tous les défis.
“Le sommet devrait être précédé de la mise
au point d’un bon ordre du jour.”
POUR UNE PAIX JUSTE ET GLOBALE
Melhem Karam: - Etes-vous optimiste ou pessimiste par rapport à
l’opération de paix?
Président Saleh: “Nous sommes avec une paix juste, globale
et permanente basée sur la restitution des droits arabes, la fin
de l’occupation israélienne des territoires arabes en Palestine,
au Liban-Sud, dans le Golan, afin de permettre aux Palestiniens de créer
leur Etat ayant Jérusalem pour capitale.
“Sans cela, la paix ne sera pas instaurée au Proche-Orient qui
continuera à pâtir de la tension, de la violence et de l’instabilité.”
Melhem Karam: - Comment jugez-vous les relations syro-jordaniennes?
Président Saleh: “Ce sont des relations de fraternité
et de bon voisinage. Elles doivent se caractériser toujours par
l’entente et la cordialité, car il n’est dans l’intérêt
d’aucun Etat arabe de compromettre ses relations avec un autre.”
Melhem Karam: - Comment se présentent vos relations avec
l’Erythrée? Quand seront proclamés les résultats de
l’arbitrage sur Hanich et seriez-vous prêt à les accepter?
Président Saleh: “Ces résultats seront rendus
publics le 22 mai et nous avons déjà déclaré,
ainsi que l’Erythrée, notre acceptation de ces résultats.
“Quant à nos relations, elles sont historiques; elles commencent
à se normaliser après ce qui s’est passé et nous sommes
soucieux de les renforcer davantage, dans l’intérêt des peuples
yéménite et érythréen.”
LA FEMME YÉMÉNITE BÉNÉFICIE
DE TOUS LES DROITS
Melhem Karam: - La femme yéménite a obtenu certains
de ses droits; elle joue un rôle important dans les élections
générales et la vie parlementaire. Est-elle en voie de réaliser
l’égalité parfaite avec son concitoyen, grâce à
l’initiative du président Ali Abdallah Saleh?
Président Saleh: “Oui, la femme yéménite
est la partenaire de son frère et nous n’avons aucune réserve
quant à sa participation à tous les secteurs de la vie nationale.
“Il n’y a de différence entre l’homme et la femme que dans ce
qu’a déterminé la charia (loi islamique). La femme
jouit de tous les droits et s’acquitte de toutes les obligations garantis
par la Constitution à tous les citoyens yéménites.
Elle participe, aujourd’hui, efficacement, à l’édification
de sa société et rien n’empêche son accession aux plus
hauts postes de l’Etat; elle est candidate, électrice et présente
dans toutes les institutions étatiques.”
APPUI DE L’U.E. À SANAA
Melhem Karam: - L’Union européenne s’est intéressée
aux projets yéménites relatifs au développement: quelle
est la dimension du soutien européen au Yémen?
Président Saleh: “Le soutien européen au processus
du développement et de la démocratie est bon. Il existe un
soutien collectif et un autre bipartite ou tripartite. Nous bénéficions
d’un soutien du Marché européen, ainsi que d’un appui de
la part de la France, des Pays-Bas, de l’Allemagne, de l’Italie, de la
Grande-Bretagne et d’autres Etats d’Europe, destiné à soutenir
les projets de développement et la démocratie au Yémen.”
Melhem Karam: - Peut-on dire que les relations du Yémen avec
tous les Etats arabes se sont normalisées ou bien persiste-t-il
des séquelles du temps de l’invasion irakienne du Koweit?
Président Saleh: “Il n’y a aucun froid dans nos relations avec
les frères arabes; au contraire, celles-ci sont excellentes et en
perpétuelle évolution.”
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