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LEÇON D’UN CINQUANTENAIRE
La célébration en grande pompe du cinquantième anniversaire de la proclamation, par Ben Gourion, de l’Etat d’Israël, a été l’occasion pour la presse européenne de mettre en relief trois faits remarquables:
1- Les déchirements internes de cet Etat: entre laïcs et religieux, entre askhenaze et séfarades, entre partisans de la paix et fanatiques du “grand Israël”.
En somme, une société juive moralement ébranlée où ce qu’on appelle “les nouveaux historiens” ont surgi pour soumettre le pays à un véritable examen de conscience et réécrire une histoire qui, jusqu’ici, avait nié l’existence d’un peuple palestinien.
2- L’attitude de plus en plus critique de l’opinion occidentale à l’égard de la politique du gouvernement israélien - et, en revanche, l’attitude de cette même opinion de plus en plus compréhensive à l’égard des Palestiniens, dès lors qu’ils ont opté pour la paix et la reconnaissance du fait israélien.
3- La tendance marquée par les dirigeants israéliens à se contenter de consolider le caractère de forteresse militaire du pays au détriment de la politique d’insertion d’Israël dans son environnement arabe. Ce rêve de Shimon Pérès, appuyé sur la popularité d’Isaac Rabin, n’est plus, précisément qu’un rêve, une utopie.
Dans ce climat, au moment où il célèbre le souvenir de la naissance de l’Etat israélien sur un territoire usurpé, M. Netanyahu menace M. Arafat, si celui-ci proclame la création d’un Etat palestinien sur ce qui reste d’une terre qui appartient aux Palestiniens depuis plusieurs siècles, d’annexer ces terres les armes à la main.
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Qu’est-ce donc que cette fête du cinquantenaire d’Israël sinon la commémoration d’une vaste escroquerie doublée de la trahison, par les puissances alliées de 1914, des promesses faites aux Arabes en 1916, renouvelées en 1990, confirmées solennellement en 1991.
Seul et dernier Etat colonisateur de ce XXème siècle finissant qui a vu l’abolition du colonialisme, Israël pourra-t-il poursuivre encore longtemps son entreprise de spoliation et de négation de l’identité palestinienne?
La question est posée avec plus d’acuité que jamais aux Etats-Unis, dont la puissance résume aujourd’hui tout l’Occident, ces Etats-Unis qui, depuis 1945, ont exercé de très fortes pressions sur leurs alliés européens pour la décolonisation de l’Afrique et de l’Asie. Aujourd’hui, c’est la colonisation en Palestine qui interpelle l’Amérique protectrice d’Israël et pourvoyeuse de fonds aux colons.
Mme Albright était à Londres, au moment où nous écrivions ces lignes, pour nous apporter une réponse. Elle y était venue avec un sentiment de pessimisme et de découragement. Elle a une terrible envie de renoncer à sa mission. Et comme par une sorte d’ironie de l’Histoire, c’est à Londres même que s’est déroulé ce dernier acte de la tragédie, ou de l’un des épisodes de cette tragédie en plusieurs épisodes. Le chef du gouvernement britannique vient d’achever une tournée décevante chez les Arabes et en Israël. M. Tony Blair a ainsi renoué en quelque sorte avec le début de l’histoire, dont les cinquante ans viennent d’être commémorés: l’abandon du mandat sur la Palestine, en 1948, marquant l’échec définitif de la politique britannique qui se proposait de conduire ce pays à l’indépendance d’un Etat bi-national, selon cette promesse Balfour que les organisations juives avaient réussi à détourner de son sens.
Si l’Amérique, à son tour, jette le gant et confirme, ainsi, son impuissance à résoudre un problème que son appui à Israël pendant si longtemps n’a fait que compliquer - (avec son obstination à vouloir s’attribuer l’exclusivité de la recherche de la solution) - alors c’est tout l’Occident qui se trouverait dessaisi.
Arabes et Israéliens seraient ainsi livrés à eux-mêmes.
Les Israéliens ont la puissance militaire que les Arabes ne possèdent pas encore. Mais ces Arabes ont la force d’âme que la société israélienne commence à perdre.
L’histoire n’est pas finie.

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Serait-ce l’annonce d’une nouvelle tragédie?
Si les Américains sont incapables de donner une réponse, il appartient aux Israéliens de la trouver. M. Netanyahu n’a fait que répéter ces derniers temps, qu’Israël est seul qualifié pour décider de sa politique et qu’il ne se soumettra à aucune pression extérieure.
Fort bien. L’heure est donc venue pour M. Clinton, puisqu’il lui est interdit d’imposer un plan de paix, de renoncer effectivement à son prétendu arbitrage - et que comme le veut M. Netanyahu, les Israéliens, livrés à eux-mêmes, (sans couverture extérieure, ni financière, ni militaire) soient libres d’opter ou pour une cohabitation pacifique avec leurs voisins - ou pour un perpétuel affrontement. 

 
 
 

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