APRES LE RAZ-DE-MAREE FAVORABLE AUX LISTES DE L'OPPOSITION AU NORD
LE PANACHAGE SERA LA MENACE A COMBATTRE AU SCRUTIN MUNICIPAL
A BEYROUTH ET AU LIBAN-SUD

 
A l’instar des résultats du scrutin municipal au Mont-Liban, celui ayant eu lieu dimanche dernier au Liban-Nord a eu, à quelques variantes près, des résultats similaires, en ce sens que les listes d’opposition l’ont emporté, en général, sur celles auxquelles le président Rafic Hariri a apporté son soutien...
Surtout à Tripoli où le chef du gouvernement espérait à l’Hôtel de ville les hommes de son bord. En effet, le président Omar Karamé a fait élire onze des vingt-quatre conseillers municipaux tripolitains, le clan haririen ayant fait passer cinq de leurs candidats et la “Jamaa islamya” les huit restants...

Fait à signaler: la représentation chrétienne est réduite à sa plus simple expression. On ne compte qu’un grec-orthodoxe, mais aucun maronite. Il en est de même pour les Alaouites, ce qui affecte la représentation communautaire, voire nationale dans la capitale du Nord.
Ce qui n’a pas empêché M. Maurice Fadel, député nordiste de déclarer: “Tripoli a prouvé une fois de plus, qu’elle reste la première ville de la coexistence”...
 


M. Khalil Hindi, administrateur du Liban-Nord, répondant 
à un appel téléphonique, alors que le ministre 
de l’Intérieur (assis à sa place) semble se ressentir de la fatigue.

M. Omar Meskaoui, ministre des Transports, 
adversaire du président Omar Karamé.
 

VICTOIRE DE L’OPPOSITION
L’opposition s’est imposée dans plusieurs localités du Liban-Nord, à commencer par Bécharré où la liste patronnée par les “Forces libanaises” (dissoutes) a raflé tous les sièges du conseil municipal, de même que dans plusieurs agglomérations du caza.
A Zghorta, la liste soutenue par M. Sleiman Frangié a été élue et bien que le ministre de la Santé ait prétendu se réclamer de la ligne “loyaliste”, les observateurs sont d’accord pour soutenir que les nouveaux conseillers municipaux zghortiotes penchent davantage du côté des opposants.
A Kobayate, M. Mikhaël Daher, ancien ministre et député, a pris sa revanche sur son rival M. Faouzi Hobeiche, ministre de la Culture et de l’Enseignement supérieur. De fait, treize des dix-huit membres de la municipalité se réclament de M. Daher.
 

M. Sleiman Frangié, ministre de la Santé, 
effectuant sa tournée électorale.

PERTURBATIONS SÉCURITAIRES
Contrairement au Mont-Liban où les municipales se sont déroulées dans le calme, “sans qu’une gifle ait été signalée,” (Michel Murr dixit), maints incidents ont perturbé le déroulement du scrutin au Liban-Nord, ayant nécessité l’intervention en force des effectifs de l’Armée et des FSI, lesquels ont arrêté cent-quinze personnes.
Une fois de plus, l’Armée et les FSI se sont acquittées, comme il se doit, de leur mission. Aussi, n’est-il pas étonnant d’entendre toutes les parties leur adresser des louanges et témoigner de leur neutralité, autant que de leur vigilance.
A Batroun, trois listes étaient en lice soutenues, respectivement, par le courant aouniste, les Daou et les Akl. Mais celle bénéficiant de l’appui du député de la circonscription - il a posé la candidature de l’une de ses filles - devait remporter la bataille.
En effet, M. Kisra Bassil, président sortant de la municipalité, a été réélu haut la main, avec dix autres de ses colistiers, les listes adverses n’ayant obtenu que quatre sièges.
Aussi, doit-on s’attendre à ce que M. Bassil réintègre la présidence du conseil municipal pour un nouveau mandat de six ans.
 

Le président Omar Karamé déjà sûr de la victoire.

BRANLE-BAS DE BATaILLE À BEYROUTH ET AU SUD
Aussitôt terminées les municipales du Nord, la bataille s’est échauffée à Beyrouth et au Liban-Sud où le scrutin se déroulera ce dimanche.
Dans la capitale et au terme de tractations laborieuses, il a été possible de mettre sur pied une “liste d’entente” représentative d’une large frange du corps électoral - les partis, les députés de Beyrouth, le président Hariri et Tammam Salam en tête.
Les vingt-quatre sièges du conseil municipal ont été répartis à égalité entre chrétiens et musulmans. Et ceci aurait dû attiédir l’ardeur des candidats non choisis. Il n’en fut rien: une seconde liste devait être formée ayant à sa tête M. Abdel-Hamid Fakhoury, soutenue par la “Jamaa islamya”, les “Ahbache” et le courant aouniste allié, pour la circonstance avec M. Najah Wakim, député opposant.
Le président Hoss s’est démarqué de MM. Hariri et Salam, estimant que l’électeur beyrouthin devrait avoir toute latitude d’élire les candidats de son choix.
Mgr Elias Audé, métropolite grec-orthodoxe, a nié avoir agréé les candidats représentant sa communauté, affirmant ne pas s’adonner au “jeu des noms pour la simple raison, dit-il, que tous mes coreligionnaires sont mes fils.”
Il y a lieu de signaler qu’au moment de mettre sous-presse, le “Hezbollah” n’avait pas pris de décisions quant à la partie avec laquelle il compte s’allier dans la capitale. On lui prêtait l’intention de vouloir faire cavalier seul et, aussi, de procéder à un échange de voix avec la seconde liste, celle des opposants...
 


Les rues de Tripoli se sont transformées 
en autant de “galeries de portraits”.

Mme Nayla René Mouawad parmi ses supporters.
 

AOUN DÉNONCE...
A la faveur d’une interview télévisée, le général Michel Aoun a dénoncé à partir de France, ce qu’il a appelé “les immixtions à peine voilées du Pouvoir dans l’opération électorale, au plan administratif et populaire”, ces immixtions se pratiquant à son avis, sous forme de pressions exercées sur les fonctionnaires de l’Etat et les électeurs qui seraient menacés dans leurs intérêts ou leur travail.
De plus, le général Aoun a fait état “de votants dont on ignore le lieu de leur résidence et qui sont transportés le jour du scrutin à bord d’autobus pour déposer leurs bulletins dans l’urne avant de disparaître.”
Et d’ajouter: “Ils ont disloqué les majorités les transformant en autant de groupes minoritaires au Mont-Liban et ailleurs, alors qu’ils veillent, jalousement, sur l’unité électorale de Beyrouth. Etant connu qu’aucune grande ville dans le monde ne forme une circonscription unique, citant à titre d’exemple la capitale française divisée en plusieurs arrondissements.”
S’adressant à l’électeur beyrouthin, le général Aoun lui a tenu ce langage: “Vous devez savoir pourquoi et pour qui vous votez” et a conclu en annonçant son alliance avec M. Najah Wakim, député de Beyrouth “face à l’Autorité et au pouvoir de l’argent”.
 


M. Misbah el-Ahdab, député, 
déposant son bulletin dans l’urne.

M. Mikhaël Daher n’a jamais 
douté de l’issue du scrutin.

PANACHAGE SUR UNE LARGE ÉCHELLE
Pour en revenir à la “liste de l’entente beyrouthine”, les observateurs s’accordent à penser qu’elle devra faire face à un danger certain, celui du panachage qui serait pratiqué sur une large échelle.
De fait, les électeurs beyrouthins enclins, dans l’ensemble, vers les détracteurs du Pouvoir, seront appelés à biffer bien des noms parmi les candidats haririens, “pour punir le Premier ministre de s’être aventuré dans toutes les régions du pays à l’effet de consolider son leadership.”
Or, même dans sa propre ville natale - à Saïda - le chef du gouvernement n’a pu convaincre ses adversaires politiques, M. Moustapha Saad en tête, de former une liste commune pour épargner à la cité une bataille susceptible de raviver les animosités et les rancœurs.
Les Beyrouthins se réclamant des grandes familles, voudraient se venger de M. Hariri et de ses alliés actuels, pour ne les avoir pas fait représenter dans la liste électorale, en optant pour une “politique discrétionnaire”, laquelle n’a nullement les faveurs de notre peuple.
Il y a lieu de faire état, à ce propos, de la position adoptée par le Parti national libéral (de M. Dory Chamoun) qui se dit très peu concerné par la “bataille de Beyrouth”, en raison des nombreuses lacunes que comporte la loi électorale sur la base de laquelle est organisée la consultation populaire de dimanche. De l’avis des Libéraux, cette loi ne permet pas d’élire un conseil municipal équilibré, représentatif de toutes les communautés et les tendances.
 


Le député Ahmed Karamé.

Mme Sethrida Geagea, grande 
triomphatrice à Bécharré et dans son caza.

QU’EN EST-IL DU LIBAN-SUD?
Cela dit, qu’en est-il du Liban-Sud où les alliances électorales s’avèrent difficiles, voire impossibles à réaliser.
Ainsi, “Amal” et le “Hezbollah” manifestent une velléité d’entente, mais celle-ci tarde à se concrétiser, bien qu’un manifeste commun diffusé au début de la semaine, signale une série de réunions ayant rassemblé les représentants des deux mouvements chiites.
Ceux-ci mettent en garde contre “la dispersion des rangs, face à l’ennemi israélien qui tente d’exploiter les municipales pour atteindre ses objectifs au Liban-Sud”.
Les deux parties ont manifesté leur souci d’assurer un climat paisible et d’aider à instaurer un climat d’entente, tout en appelant leurs partisans d’agir à l’effet de dissiper toute crispation durant l’opération électorale.
 

M. Kisra Bassil, président sortant 
de la municipalité de Batroun,
a été réélu avec la plupart de ses colistiers.

A Batroun, une jeune 
électrice du courant 
aouniste, 
ne cache pas son affiliation.
 

Mais comme on le constate, il n’y est pas question encore de “listes consensuelles”... A Saïda, le président Hariri paraît s’être allié au Dr Abdel-Rahman Bizri et la “Jamaa islamya”, pour mettre sur pied une liste de coalition qui doit être rendue publique aujourd’hui vendredi; celle-ci serait présidée par le Dr Hilal Kobresli, président du conseil administratif des Makassed; le Dr Ahmed Ghazzaoui, de la “Jamaa islamya” étant le vice-président du futur conseil municipal dans la capitale  sudiste. Il reste, cependant, à faire le choix des candidats, ce qui risque de provoquer des mésalliances.
Face au groupe Hariri-Bizri-Jamaa islamya, M. Moustapha Saad mène campagne en faveur d’une liste présidée par son frère le Dr Oussama, bénéficiant du soutien des partis et forces de gauche. Le conseil municipal de Saïda est formé de vingt-et-un membres, ainsi répartis: 17 sunnites, 2 chiites, un maronite et un grec-catholique.
Ici encore comme à Beyrouth, le panachage sera la menace à prévenir, d’autant qu’il ne sera pas possible d’assurer la “fidélité” des 43.000 électeurs pour l’une ou l’autre liste en lice.

NADIM EL-HACHEM


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