Chronique


Par JOSE M. LABAKI  

 

LES TEMPS FORTS DE LA TERREUR NUCLÉAIRE

Sous le signe de la rivalité avec la Chine populaire, les essais nucléaires indo-pakistanais bouleversent la géopolitique d’un continent déjà en mauvaise posture sur le plan économique et financier; relancent la prolifération des armes de destruction massive, mettant en danger l’ensemble de l’échiquier planétaire.
Jusqu’à présent, la communauté internationale et, en particulier les Etats-Unis, se comportent comme si de rien n’était, comme s’il n’y avait dans cette partie du monde, qu’une seule superpuissance: la Chine, avec un milliard d’habitants et un arsenal nucléaire à redouter, devenue l’unique interlocuteur privilégié des Etats-Unis. Erreur d’appréciation?
En violant le tabou atomique, les nationalistes hindous ont tenu à mettre fin à ce qu’ils considèrent comme une discrimination intolérable. Fiers d’avoir récupéré leur identité, celle d’une Inde, géant asiatique, à vocation de superpuissance. A ce titre, elle siègera dans la cour des grands à part entière, ce qui provoquera, indubi-tablement, des modifications encore imprévisibles dans la géopolitique asiatique, avec des risques de conflits marginaux, tout aussi inquiétants pour l’Asie que pour le reste du monde.
Certains observateurs, spécialistes des affaires asiatiques, déduisent de ces essais, que les frontières incertaines et disputées qui séparent la Chine, l’Inde et le Pakistan, sont à l’origine de ces vantardises nationalistes. Désormais, préconisent-ils, ces frontières seront plus sûres, arguant que c’est bien l’équilibre nucléaire entre l’Est et l’Ouest qui aurait évité à l’Occident et à l’Europe en particulier, une confrontation atomique, durant la période de la guerre froide.
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L’incapacité des Etats-Unis à empêcher des tests de cette envergure, est un autre indice d’une déficience qui ne fait que retarder l’établissement du nouvel ordre mondial et le processus de paix au Proche-Orient, tous deux en panne. En plus, il encourage Israël à l’intransigeance dans les négociations avec les Palestiniens, bloquées depuis l’arrivée de Benjamin Netanyahu au pouvoir, l’initiative américaine tournant à vide.
A leur tour les cinq potentialités nucléaires: Chine, Etats-Unis, Grande-Bretagne, France et Russie, craignent que les essais indo-pakistanais provoquent, à court terme, une fronde des pays non-nucléaires. Le club des Cinq, s’active à mettre au point une stratégie concertée, face aux dangers de déstabilisation asiatique et aux hauts risques provoqués par ces expériences.
Toutefois, pour le lobby nucléaire, il y a plus inquiétant: en amorçant des appels au désarmement nucléaire à l’échelle planétaire, signifierait aussi, la destruction de ses propres arsenaux. L’Inde et le Pakistan ont bien saisi ce genre de fourberie. Ces deux accusés reprochent aux cinq grandes puissances siégeant au Conseil de sécurité, de n’avoir pas tenu leurs engagements en faveur du désarmement nucléaire, pourtant souscrit dans les traités de non-prolifération de 1968 et 1996.
L’opinion soucieuse s’interroge: la communauté internationale regroupant 185 Etats, serait-elle en mesure de désamorcer ces bombes à retardement? La résolution 1172 adoptée tout récemment à l’unanimité des 15 membres du Conseil de sécurité condamnant l’Inde et le Pakistan pour les essais nucléaires, sera-t-elle appliquée?
Selon certaines sources onusiennes, si l’Assemblée générale actuellement dominée par les pays non-alignés, s’empare de ce lourd contentieux, les pays arabes déjà irrités par la tolérance américaine à l’égard d’Israël, mettront en accusation Israël (le seul pays proche-oriental à posséder des armes nucléaires, 100 à 200 têtes, pouvant à tout moment être montées sur des missiles balistiques) et qui, pourtant, reste en dehors du régime d’inspection de l’Agence internationale de l’énergie atomique.

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Face à cette situation inextricable, les cinq grandes puissances nucléaires cherchent à étouffer dans l’œuf, toute tentative qui les placerait au banc des accusés. Preuve en est, lorsque le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan s’apprêtait à notifier les cinq membres du Conseil de sécurité, après les essais effectués par l’Inde et le Pakistan, leurs engagements en faveur du désarmement, celui-ci a vite cédé aux multiples pressions et dérobades et renoncé à son projet. Signe des temps!
Les Etats-Unis ont-ils saisi l’état d’esprit qui règne en Inde et au Pakistan?
Malgré leur compétence et leurs satellites espions, les agents de la CIA n’ont pas réussi à prévenir les cinq essais souterrains de la mi-mai en Inde et n’ont pas pu non plus dissuader les autorités indiennes de ne pas les réaliser. C’est le pire échec de la CIA, aurait déclaré le président de la Commission sénatoriale de renseignement, le républicain Richard Shelby. Par contre, l’Inde avait parfaitement réussi à occulter ses intentions et ses préparatifs.
Toutefois, si l’Inde et le Pakistan s’en tirent, Téhéran n’aura pas de raison de craindre les réactions internationales à ses propres efforts pour acquérir l’arme nucléaire. Israël, pour sa part, aura désormais plus de raisons que jamais de ne pas signer le traité de non-prolifération. De plus, pressés par les nécessités économiques et financières, l’Inde et le Pakistan ne refuseraient pas l’argent pétrolier et seront tentés de vendre rapidement leur technologie de pointe à quiconque aurait les moyens de les payer: l’Iran aujourd’hui; demain l’Irak et ainsi de suite...
Certes, le retour de la terreur nucléaire implique, impé-rativement, un forum international sur le désarmement atomique. Le Japon, puissance nucléaire potentielle, plaide actuellement pour une action urgente, à l’occasion de la réunion des ministres des Affaires étrangères du G-8 à Londres, le 12 de ce mois. Puisse cette initiative porter ses fruits. Puissent les grandes puissances, à grand renfort de conférences internationales, réussir à limiter les dégâts désastreux qui en découlent. Auront-elles du mal à le faire? Dieu veuille qu’il n’en soit pas ainsi. 

 
 “La CIA, le Pentagone et le département d’Etat, n’ont pas réussi à prédire l’imminence des essais nucléaires indo-pakistanais. Comme ils n’ont pas saisi l’état d’âme revanchard qui prévaut entre ces deux pays. La “Garde Plurielle” américaine est en faillite.”

L’Amiral Jéramiah
(Conférence de presse au siège de la CIA en Virginie).

 
 

 

  

 


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