Les
“parrains” de la liste consensuelle aux municipales de Beyrouth pavoisent:
l’entente nationale a été plébiscitée, affirment-ils,
pensant de la sorte sortir le pays chrétien de la prostration dans
laquelle l’a plongé l’accord de Taëf... Il va sans dire que
le chef du gouvernement a su exploiter le thème du consensus pour
assurer le succès de sa liste. Or, l’un des artisans de ce succès,
en l’occurrence M. Fouad Boutros, se montre moins enthousiaste, disant
que “l’entente est un terme creux sans l’équilibre dans la représentation
nationale au niveau politique”...
Les municipales
se sont déroulées, dimanche dernier, dans un climat différent
à Beyrouth et au Liban-Sud, bien qu’elles aient bénéficié
dans les deux districts de conditions pareilles à celles du Mont-Liban
et du Liban-Nord, au double plan sécuritaire et administratif.
Au plan de la sécurité, le dispositif mis en place par
le commandement de l’Armée et la direction générale
des FSI a eu l’avantage d’empêcher les remous habituels en pareille
circonstance: le ministre de l’Intérieur l’a reconnu, expressément,
sans s’en attribuer, comme il le faisait précédemment, le
mérite.
A part cela, la consultation populaire a eu lieu dans la capitale d’une
manière qui n’a ressemblé en rien à celle des localités
sudistes.
En effet, tant dans le secteur Est qu’Ouest de Beyrouth, les rumeurs
les plus inquiétantes étaient propagées, faisant état
de “panachage confessionnel”, dont certaines devaient s’avérer exactes.
Ayant fait la sourde oreille aux appels réitérés
du mufti de la République et du chef du gouvernement, en faveur
de la “liste consensuelle”, 88 bulletins comprenant vingt-quatre noms (tous
sunnites), étaient déposés dans un bureau de Mazraa,
réservé aux hommes, contre dix bulletins où les candidats
chrétiens et musulmans étaient à égalité.
Autre caractéristique: à Beyrouth, on a enregistré
le plus faible taux de participation - il n’a pas excédé
35 pour cent dans certains quartiers - alors qu’à Saïda et
dans les autres localités sudistes la proportion a atteint 70 et
même 90 pour cent.
Ce phénomène s’explique par le fait pour l’opposition
d’avoir adopté, in extremis, des positions ambiguës: certains
chefs de file ont incité leurs partisans à ne pas participer
à l’élection des conseillers municipaux et à se contenter
de voter en faveur des candidats-moukhtars de leur bord.
Pourquoi cette “tactique” incompréhensible et injustifiée?
Les opposants ont semé le désarroi au sein de leurs “troupes”
qui se sont engagées en rangs dispersés dans la bataille.
Puis, le regroupement de la plupart des partis et forces politiques
autour de la “liste d’entente” soutenue par le Premier ministre, semble
avoir démobilisé l’électorat, lequel a jugé
inutile tout mouvement destiné à soutenir la liste adverse.
Il y a lieu de relever qu’en l’absence de programmes présentés
et défendus par les candidats au conseil municipal, les électeurs
ont opté pour la méthode sélective, en accordant leurs
suffrages à ceux qu’ils connaissaient ou qui leur étaient
recommandés par des proches ou des amis...
La défection de l’électorat chrétien s’explique,
d’autre part, par le fait que de nombreux votants se sont expatriés
durant la guerre et n’ont pas encore réintégré la
mère-patrie.
Ainsi, les électeurs chrétiens sont évalués
à près de 165.000, alors qu’en réalité leur
nombre atteint à peine la moitié de ce chiffre.
Puis, le fait pour la capitale de former une circonscription unique,
ne peut garantir un choix valable des conseillers municipaux. Il nous plaît
d’apprendre que plusieurs hommes politiques, dont M. Fouad Boutros, ancien
ministre et l’un des “parrains” de la “liste consensuelle” se soient, enfin,
prononcés en faveur d’un nouveau découpage de Beyrouth en
“petites circonscriptions” (par quartiers) - comme c’est le cas à
Paris, la capitale française étant découpée
en plusieurs arrondissements - où les électeurs voteraient
en faveur de candidats qu’ils connaissent...
...Tout en étant affranchis de toutes sortes de pressions et,
surtout, “d’appâts”, financiers, notamment... |