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L’affaire du dossier des dettes avec la Syrie avait été étudiée avec réalisme, le président Chirac ayant opté pour une formule acceptable pour les deux parties. Parallèlement, un plan d’action français a été mis au point, déterminant le rôle de la France au Proche-Orient ayant pour base le Liban, à partir de laquelle sont traités les problèmes de Palestine, d’Irak et des Kurdes. Le mobile de cette action réside en ce que la présence française au Liban ne heurte, ni ne s’oppose à la présence syrienne, mais s’y allie, politiquement en vue de garantir la sécurité libanaise. Quant aux objectifs, ils sont quatre: 1) garantir la sécurité. 2) imposer une coexistence paisible entre les communautés en conflit. 3) arrêter la sédition entre les communautés libanaises et les milices. 4) réédifier les institutions sur des bases solides, en conférant un rôle prééminent à l’Armée libanaise. Les Syriens approuvent une présence politique et culturelle française évoluée au Liban, comme ils se soucient de jeter les ponts de la confiance avec toute la classe politique en France. L’intérêt arabe à l’égard de la France part de ce que Paris considère Israël comme un occupant et, la Syrie, comme un élément vital dans l’équation arabe et proche-orientale. Le président Chirac s’est soucié de donner des preuves de l’affection et du respect que la France voue au président Hafez Assad. Après les festivités du 14 juillet, il montera personnellement à bord de l’avion dès son atterrissage à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, pour y accueillir le président Assad. Selon la tradition, le représentant du chef de l’Etat monte dans l’appareil et accompagne le président hôte jusqu’à l’aire de stationnement de l’aérogare. Mais le président Chirac a dépassé ce protocole, pour montrer le grand intérêt qu’il accorde à la visite du président Assad. La visite est considérée comme une “visite d’Etat”. Par cette initiative, le président Chirac a voulu couronner le rapprochement qui commence à s’amplifier avec la Syrie. Des émissaires s’étaient rendus à Damas depuis deux mois et en sont revenus, après avoir pris connaissance de maintes questions sur base desquelles a été établi le programme de la visite du président Assad en France. De même, le souci de préserver l’amitié avec la Syrie, d’aider l’économie syrienne à se relever, de réaliser plus de libéralisme et de la restructurer en vue de la modernisation et de l’ouverture, ce souci émane de la personnalité du président Assad qui voit, selon ses calculs politiques, que l’Europe est habilitée à jouer un rôle fondamental dans la région, à partir de l’Union européenne, étant elle-même considérée comme la locomotive qui traîne les autres partenaires. Le président Assad constate que depuis la déclaration de Venise parue en juin 1980, jusqu’à la rencontre de Madrid en 1991, c’est-à-dire durant onze ans, l’Europe joue un rôle timide par rapport aux questions arabes. La première position efficace est celle adoptée, dernièrement, par l’Union européenne, envers le conflit du Proche-Orient. A l’Union européenne, la France est devenue aujourd’hui capable d’équilibrer le rôle américain, après la position claire de Paris envers la résolution 425, dont elle a fait une lecture saine; surtout autour du retrait israélien inconditionnel et de la restitution du Golan. Cette position dénonce le raidissement de Netanyahu et critique la partialité américaine vis-à-vis d’Israël, celle-ci lui faisant perdre son rôle en tant que parrain honnête de la paix au Proche-Orient. La visite du président Assad, bien qu’elle n’excède pas 48 heures, est historique, importante dans l’histoire des relations syro-françaises. L’entente franco-syrienne autour du Liban est le sujet le plus important. Et la visite de Chirac à la Syrie d’Assad avait pour principal objectif d’affirmer que la France est le nouvel allié de la Syrie à la place de l’Union soviétique. Puis, il existe de fortes initiatives économiques entre la Syrie et la France, qui se sont concrétisées par la transaction de l’Airbus, en vue de rénover les lignes aériennes syriennes, partant du partenariat politique. Le président Assad a vu en Chirac un substitut à l’ancien partenaire soviétique et l’allié international souhaité, après que la Russie eut perdu son rôle à l’échelle mondiale et sa puissance économique. Les Français considèrent que les relations solides avec la France constituent un intérêt stratégique pour la Syrie, non les relations avec Israël ou d’autres Etats. A travers cette visite, ses préparatifs et la mise au point de ses dossiers, apparaît un brillant diplomate que le président Assad a nommé dernièrement ambassadeur en France; il s’agit du diplomate de carrière Elias Nejmé qui a joué un grand rôle, en consolidant les relations entre la Syrie et la France. La position du président Chirac au cours de sa visite en Israël, l’année dernière, était franchement en faveur de la cause arabe; il a failli gifler ses accompagnateurs et retourner à Paris. Il en a été de même avec Hervé de Charrette, ancien chef du Quai d’Orsay, au temps des “grappes de la colère”. Les Israéliens ont failli l’expulser; il s’est installé à Damas et Beyrouth, en persistant à condamner l’agression israélienne. C’est pourquoi, Chirac a été l’artisan du changement, de la déviation et de l’ouverture euro-occidentale vers la Syrie et la cause arabe. D’où la grande valeur et les espoirs fondés sur cette visite qui part de la grandeur de la personnalité du président Assad; de son intégration politique avisée, de sa vision globale futuriste pragmatique, dont le plus beau des dons se traduit par le fait pour la Syrie de ne s’être pas adonnée au jeu du lotissement politique en France: elle s’est rapprochée des deux parties principales au pouvoir, c’est-à-dire des gaullistes et de leurs alliés, comme des socialistes (le Premier ministre Jospin), de leurs partenaires communistes et de la gauche. |