LE CHANGEMENT MINISTÉRIEL, NATUREL
Melhem Karam: Qu’est-ce qui vous a porté à envisager,
sérieusement, de procéder à un changement ministériel:
seraient-ce les critiques, le rapport de l’organisme de contrôle
sur la corruption ou bien le gel des négociations de paix et les
possibilités d’explosion sur le terrain?
Président Arafat: “D’abord, le rapport de l’organisme
de contrôle ne parle pas de corruption, mais de certaines décisions
prises, surtout quand nous avons accordé des facilités pour
les investissements dans notre pays. Ce que nous avons offert aux investisseurs
est en-deçà de ce que nous devons donner.
“En ce qui concerne les impôts sur les revenants, est-il logique
de surcharger le Palestinien qui réintègre sa patrie avec
ses meubles? Au contraire, nous devons encourager les gens à revenir.
De même, on nous demande pourquoi nous ne percevons pas les factures
d’électricité des camps remontant au temps de l’intifada.
“Le changement ministériel est une chose naturelle après
une longue période, d’autant que deux ministres sont morts: Elias
Freij et Hassan Tahtouh, alors qu’un troisième est malade.
“Certains membres du Cabinet cumulent les fonctions et sept d’entre
eux ont en charge deux portefeuilles, notamment ceux de la Culture, de
l’Information, de l’Economie et du Commerce.”
LE SOMMET TRIPARTITE DU CAIRE
Melhem Karam: - Pourquoi le sommet tripartite qui vous a réuni
dimanche au Caire avec le président Hosni Moubarak et le roi Hussein?
Président Arafat: “Nous avons jugé nécessaire
de nous concerter à propos de l’action dangereuse engagée
par le gouvernement israélien contre le peuple palestinien, l’opération
de paix, les accords conclus; contre l’embargo et la fermeture qui nous
coûte des pertes excédant dix millions de dollars par jour.
“Ce montant menace notre économie d’une grande catastrophe,
d’autant que notre économie en est à son début.
“Nous avons échangé les idées sur ce que nous
pouvons faire en cette phase grave que nous traversons avec la nation arabe.
De même, nous avons pris connaissance de ce qui se passe à
Jérusalem où les Israéliens élargissent les
limites administratives de la Ville sainte à l’effet d’y construire
de nouvelles colonies de peuplement et, partant, de judaïser la cité
et d’y opérer un changement démographique. De ce fait, les
chrétiens et les musulmans ne pourront plus avoir accès aux
lieux de culte, ni réciter leurs prières dans leurs églises
et mosquées.”
EN MAI 99, J’AURAI LE DROIT DE PROCLAMER L’ÉTAT
PALESTINIEN
Melhem Karam: - Pensez-vous que les accords d’Oslo ont été
dénoncés unilatéralement et que le plan de retrait
a perdu tout effet?
Président Arafat: “Les accords stipulent que la période
de cinq ans est transitoire. Cela veut dire qu’en mai 1999, j’aurai le
droit de proclamer l’Etat palestinien.
“S’il plaît à Dieu, nous pourrons tenir les promesses
faites à notre peuple et notre nation arabe. Cependant, le sujet
n’est pas personnel; il concerne, aussi, la communauté internationale.
Ce n’est pas par pure coïncidence que l’Union européenne a
reconnu dans son dernier communiqué le droit à l’autodétermination
du peuple palestinien et son droit à créer un Etat. Rappelons-nous
ce qu’a dit l’épouse du président Clinton à propos
de cet Etat. Ce ne sont pas des propos en l’air: ils sont importants et
ont des portées positives, à l’instar de la position des
Nations Unies.
“D’autant que l’ONU est saisie de deux questions importantes que l’Assemblée
générale doit débattre: Primo, l’élévation
de la représentation palestinienne dans les institutions internationales.
Secundo, la proposition présentée par le groupe arabe pour
faire face aux dangers qui menacent Jérusalem, en raison des décisions
dangereuses prises par le gouvernement israélien et la municipalité
contre les habitants palestiniens, chrétiens et musulmans; et contre
le cachet religieux, culturel et démographique de la Ville sainte.”
Melhem Karam: - Qu’est devenu le rôle du parrain américain
dans la crise? Auriez-vous fait un mauvais pari sur l’Administration US,
alors que les Syriens ne se sont pas aventurés dans le jeu des accords
bipartites?
Président Arafat: “Il nous faut admettre que le président
Clinton ne cesse d’œuvrer avec Mme Madeleine Albright pour relancer l’opération
de paix. L’Administration US a demandé à l’Union européenne
de surseoir à son initiative, afin de permettre à celle de
Washington d’aboutir. Effectivement, les Européens ont ajourné
leur initiative, mais jusqu’ici Netanyahu et son gouvernement continuent
à tergiverser et refusent les propositions américaines.”
NETANYAHU MENACE DE RÉOCCUPER LA BANDE
DE GAZA
Melhem Karam: - L’été palestinien à l’ombre
de la situation actuelle serait-il chaud et devrait-on s’attendre à
un nouveau soulèvement (intifada)? Ne craignez-vous pas dans ce
cas, une nouvelle invasion israélienne et la réoccupation
des villes de Cisjordanie?
Président Arafat: “Oui, nous prenons en considération
une telle éventualité grave pour laquelle planifie Netanyahu,
ainsi qu’il l’a laissé entendre clairement depuis quelques jours,
à l’occasion de l’incident qui s’est produit à Gaza et a
failli faire exploser la situation.
“La radio de l’armée israélienne a même menacé
d’investir la bande avec ses chars et ses véhicules blindés.
Effectivement, “Tsahal” a renforcé ses effectifs et on s’attendait
au pire, s’il n’avait pas été décidé de tenir
dimanche dernier une réunion palestino-israélienne pour examiner
les moyens de pacifier le secteur. Le fait le plus grave a consisté
en l’évacuation des colonies de peuplement par leurs habitants,
ce qui signifiait que l’armée israélienne était déterminée
à recourir à l’escalade.”
Melhem Karam: - On dit que la police palestinienne et les “faucons”
de Fath se préparent à faire face à cette éventualité.
Etes-vous prêts à la confrontation?
Président Arafat: “Comme je l’ai proclamé à
la Ligue arabe dans un discours prononcé devant le Dr Esmat Abdel-Majid,
cheikh Tantaoui de l’Azhar et le pape Shenouda, toutes les éventualités
sont ouvertes devant le peuple palestinien. Nous considérons que
ce sujet est fondamental pour nous. J’ai réitéré mes
mises en garde dans le discours que j’ai prononcé il y a quelques
jours devant le Conseil législatif palestinien à Ramallah.”
HAMAS AGIT EN TOUTE LIBERTÉ...
Melhem Karam: - Ne croyez-vous pas que le fait d’avoir pourchassé
les membres de “Hamas” dans le cadre de la coopération sécuritaire
avec Israël n’a pas servi votre cause et a donné à ce
dernier des cartes qu’il a exploitées au plan de l’hégémonie
et de la judaïsation?
Président Arafat: “Hamas agit en toute liberté
en tant que parti politique. Mais en tant qu’Autorité nationale
et non à partir de toute autre considération, nous avons
le droit d’infliger un châtiment à quiconque perturbe la sécurité,
quel qu’il soit; qu’il se réclame de Fath, du “front populaire”
ou de “Hamas”. Il subit la sanction prévue dans les lois en vigueur.”
Melhem Karam: - La prochaine étape pourrait assister à
une alliance entre l’Autorité palestinienne et “Hamas” pour faire
face aux développements. Comptez-vous élargir les membres
de ce mouvement?
Président Arafat: “L’Autorité palestinienne n’a
aucun détenu politique. Les personnes incarcérées
ont commis des actes criminels et ont été condamnés
selon la procédure légale.
“Ainsi, cheikh Ahmed Yassine est revenu de son périple avec
beaucoup d’argent et entreprend d’intenses activités avec “Hamas”
sans être inquiété.”
Melhem Karam: - On dit que vous avez été gêné
par la tournée de cheikh Yassine dans plusieurs pays arabes et islamiques.
Et que vous êtes intervenu auprès de l’Irak, de l’Afrique
du Sud et de Jordanie pour empêcher la visite de ces pays par le
fondateur de “Hamas”?
Président Arafat: “Nous n’avons exprimé aucune
inquiétude, ni n’avons été gênés ou contrariés
par cette tournée. Cependant, nous avons été indisposés
par les campagnes médiatiques qu’il a menées contre l’Autorité
palestinienne. Il n’est pas vrai que nous serions intervenus auprès
des Etats que vous avez signalés pour empêcher cheikh Yassine
de s’y rendre.”
LE PEUPLE PALESTINIEN RESTE UNI
Melhem Karam: - Comment affrontez-vous Netanyahu, alors que votre
unité intérieure est lézardée, un climat de
méfiance et de suspicion planant sur la rue palestinienne?
Président Arafat: “Je rappelle la marche imposante qui
a eu lieu le 15 mai dernier, suite à un appel lancé par l’Autorité
palestinienne. Ce jour-là, plus d’un million de personnes sont descendues
dans la rue. Ceci prouve sans nul doute la cohésion de notre peuple
et sa détermination à défendre sa cause et ses droits.”
Melhem Karam: - Quels sont les positivismes de la coopération
entre vos organismes sécuritaires et la CIA? Cela ne signifie-t-il
pas que ce que le “Shin Beit” ne peut obtenir de vous, il l’obtient des
Américains avec lesquels vous coopérez?
Président Arafat: “Une commission tripartite palestino-américano-israélienne
a été constituée en vue d’assurer la sécurité.
Malheureusement, cette commission ne se réunit plus depuis la dégradation
de la situation.
“Une commission palestino-européenne a été formée,
mais Israël a refusé de coopérer avec les Européens
et de laisser l’Europe interférer dans toute question en rapport
avec les accords que nous avons signés.”
QUE LE FDLP PRÉSENTE LES PREUVES DE
SES ACCUSATIONS
Melhem Karam: - Le secrétaire général du FDLP,
Nayef Hawatmeh, réclame non seulement la destitution de certains
ministres de votre Cabinet, mais leur jugement sous l’inculpation de corruption.
Qu’auriez-vous à lui répondre?
Président Arafat: “Qu’il me présente ses renseignements
par votre intermédiaire et je les soumettrai pour étude au
comité exécutif dont fait partie le FDLP. M. Tayssir Khaled,
membre de ce comité et représentant du FDLP, dirigera l’enquête.”
Melhem Karam: - Pourquoi le sommet arabe ne s’est-il pas tenu depuis
quelques semaines? Son but était-il de vous tirer d’embarras, ainsi
que l’a insinué le général Moustapha Tlass, ministre
syrien de la Défense?
Président Arafat: “Le sommet arabe est toujours à
l’étude à tous les niveaux arabes et Jérusalem n’est
pas uniquement palestinienne; c’est une Ville sainte aux plans arabe, islamique,
chrétien et palestinien.”
Melhem Karam: - Que pensez-vous du projet de référendum
de Netanyahu à propos de l’exécution de la seconde étape
du plan de redéploiement en Cisjordanie? Serait-ce une nouvelle
manœuvre de sa part pour échapper à des engagements consignés
dans un accord international ratifié par la Knesset?
Président Arafat: “Netanyahu s’est rétracté
en renonçant au référendum et ce fut l’une de ses
multiples tentatives pour gagner du temps.”
Melhem Karam: - Pourquoi restez-vous inactif face à la judaïsation
de Jérusalem? Que fait le comité d’Al-Kods face à
ce danger? Les tentatives de Netanyahu sont-elles une déclaration
de guerre et comment ripostez-vous?
Président Arafat: “Nous n’avons pas croisé les
bras et ne sommes pas restés inactifs. La rue palestinienne est
en effervescence, la cause directe de cet état de choses étant
ce qui se passe à Jérusalem qui vit des moments difficiles
et décisifs.
“Nous avons adressé une lettre officielle au président
Khatimi, en sa qualité de président du sommet islamique,
demandant la tenue d’une conférence des ministres des Affaires étrangères
des Etats membres, afin de débattre de cette question.
“De même, j’ai demandé au roi Hassan II de convoquer d’urgence
le comité d’Al-Kods dont il assume la présidence pour une
réunion extraordinaire le plus rapidement possible.
“Nous réclamons la convocation d’un sommet arabe dans le même
but. Le Conseil de sécurité s’est prononcé contre
ce qu’accomplit Israël dans la Ville sainte.”
Melhem Karam: - D’aucuns pensent que ce qui se passe à Jérusalem
prélude à la judaïsation de la Cisjordanie, étant
entendu que la superficie du Grand Jérusalem représente le
quart de celle de Cisjordanie, en plus de sa signification et de sa portée.
Qu’en pensez-vous?
Président Arafat: “Il n’existe parmi nous aucun Palestinien
disposé à transiger sur la Ville sainte. Jérusalem
est le cœur de la question, l’objectif fondamental est la capitale de l’Etat
de Palestine, abritant les lieux saints de la chrétienté
et de l’islam.”
LE PARI SUR L’AMÉRIQUE ET L’OPPOSITION
ISRAÉLIENNE
Melhem Karam: - Les Américains, sous la pression du lobby
juif, vous ont-ils leurré? Votre pari sur l’opposition israélienne
est-il fructueux ou bien serait-ce un pari basé sur l’illusion?
Président Arafat: “Les divergences opposant le président
Ezer Weizman à Netanyahu ne sont pas l’effet du hasard ou une pure
coïncidence. Le sondage d’opinion effectué la semaine dernière
indique que 66% des Israéliens sont de l’avis du chef de l’Etat,
contre 30 pour cent seulement en faveur du Premier ministre.”
Melhem Karam: - Jusqu’à quel point croyez-vous que Ehud Barak,
leader de l’opposition, est capable de battre Netanyahu si les élections
avaient lieu aujourd’hui?
Président Arafat: “Il est difficile de répondre
à cette question.”
Melhem Karam: - Que pensez-vous de la proposition de Netanyahu relative
à la tenue d’une nouvelle conférence internationale, à
l’instar de celle de Madrid? Serait-ce une autre tentative de sa part destinée
à torpiller l’opération de paix et à se libérer
des accords signés?
Président Arafat: “Les présidents Hosni Moubarak
et Jacques Chirac préconisent une conférence internationale,
à l’effet d’examiner les moyens de sauver le processus de paix au
Proche-Orient de l’impasse. Nous sommes intéressés par cette
idée et souhaitons qu’elle soit concrétisée le plus
rapidement possible.
“Si le but de ce sommet est de revenir aux accords de Madrid, comme
le désire Netanyahu, j’ai la certitude que celui-ci ne veut pas
favoriser la paix, mais torpiller les accords conclus, non point entre
nous à la Maison-Blanche, en présence du président
Clinton mais avec l’aval de la Russie, de l’Amérique, de l’Union
européenne et de la Norvège. En présence, aussi, de
représentants du Japon, de l’Egypte et de la Jordanie.
“Il s’agit donc moins d’un accord bipartite, que d’un accord de portée
internationale qu’Israël est tenu de respecter et d’appliquer dans
son esprit et sa lettre.”
Melhem Karam: - Croyez-vous en l’efficacité du rôle
européen dans la crise régionale, ou bien ne s’agit-il de
la part de l’Union européenne que d’une opération de complaisance?
Président Arafat: “Le document européen est important,
d’autant que l’économie israélienne est tributaire de l’Europe
dans une proportion de 70 pour cent. De là, je peux affirmer que
le rôle européen influe sur l’Etat hébreu et, de plus,
une relation démographique lie l’Europe aux pays du Proche-Orient.”
Melhem Karam: - Comment interprétez-vous les propos de Mme
Albright dont il ressort que les Etats-Unis reconsidèreraient leur
initiative et leur rôle? Cela signifie-t-il un abandon de l’opération
de paix?
Président Arafat: “Je ne le pense pas. Tous les renseignements
dont je dispose confirment la détermination du président
Clinton et de Mme Albright à persévérer dans leur
initiative.”
L’ÉTAT DE PALESTINE EN MAI 99?
Melhem Karam: - Est-il vrai que des membres du commandement palestinien
seraient prêts à souscrire au retrait israélien de
Cisjordanie dans une proportion inférieure à 13 pour cent
fixée par les Américains?
Président Arafat: “Nous avons accepté cette proportion,
bien que nous n’en soyons pas convaincus, afin de donner aux Américains
la possibilité de sauver l’opération de paix et, aussi, pour
montrer l’inanité des prétextes invoqués par Netanyahu
pour justifier ses prises de position.”
Melhem Karam: - Vous ne cachez plus votre intention de proclamer
l’Etat de Palestine en mai 1999, dès la fin de la dernière
phase des négociations avec Israël: Que sera le territoire
de cet Etat et comment concevez-vous l’avenir de ses relations avec la
Jordanie et Israël?
Président Arafat: “Cet Etat sera fondé sur les
territoires réservés aux Palestiniens par les accords de
paix, les résolutions 242 et 338, à savoir: les territoires
occupés par l’Etat hébreu en 1967. Le jour où nous
nous sommes rendus à Madrid, nous avons résolu de négocier
sur base du principe de la terre contre la paix; des résolutions
242 et 338 et du respect de la légalité internationale.
“Puis, nous considérons Jérusalem comme la capitale de
l’Etat de Palestine.”
Melhem Karam: - Avez-vous constaté une approbation américaine
à propos de la proclamation de l’Etat palestinien?
Président Arafat: “Ce qu’a dit Mme Hillary Clinton n’est
pas une coïncidence.”
Melhem Karam: - On dit que vous acceptez Aboudis en tant que capitale,
dans le cadre d’une transaction avec l’Etat hébreu à qui
vous céderiez Jérusalem?
Président Arafat: “Ce n’est pas exact. Comme je vous
l’ai dit, la Ville sainte est pour nous le cœur, la raison, la conscience,
l’Histoire, la foi et toutes les civilisations.”
TÉMOIGNAGES DE LA B.M. ET DU FMI
Melhem Karam: - Comment évaluez-vous l’expérience
de Fath au pouvoir. On a dit que les “hommes de la tribu” sont devenus
des hommes d’Etat sans y être préparés et que cette
expérience n’a pas réussi...
Président Arafat: “Il me suffit de vous rappeler les
décisions prises par la Banque mondiale et le FMI par rapport à
la manière dont l’Autorité palestinienne a assumé
ses responsabilités, pour avoir une idée de notre gestion
de la chose publique.
“Nous avons édifié de rien, un Etat ou les bases d’un
Etat. Notre terre était brûlée et ses infrastructures
détruites complètement. Malgré cela, nous avons pu
jeter les bases de l’Etat dans un court délai considéré
comme un record, comparé aux Etats modernes.”
Melhem Karam: - Les Israéliens ont coupé la route Rafah-Gaza
jeudi dernier, ce qui a provoqué une confrontation avec la police
palestinienne: jusqu’à quel point supportez-vous ces provocations
et la plainte au Conseil de Sécurité ou à Washington
donne-t-elle quelque résultat?
Président Arafat: “Comme je vous l’ai dit, la situation
a failli exploser et toutes les options étaient ouvertes.”
Melhem Karam: - En dépit de l’opposition des Etats-Unis, le
Conseil de Sécurité instituera un débat sur la décision
israélienne relative à l’élargissement des limites
administratives de Jérusalem. On s’attend à une condamnation
de la part de l’instance internationale, dont l’effet serait annihilé
par le veto américain...
Président Arafat: “Cela est possible et ce sujet fait
l’objet de concertations entre l’Autorité palestinienne et des parties
internationales, y compris les représentants américains.”
CARDIFF A PRIS LE PARTI DES PALESTINIENS
Melhem Karam: - Où en sont les préparatifs du sommet
arabe?
Président Arafat: “Nous souhaitons qu’il se tienne le
plus rapidement possible, après que tous les obstacles auront été
aplanis. Car la nation arabe engage une bataille de vie ou de mort. Les
défis auxquels nous sommes confrontés, ne concernent pas
uniquement les Palestiniens, mais la nation arabe tout entière,
de l’Océan au Golfe.”
Melhem Karam: - Vous avez présenté à la Ligue
arabe un rapport détaillé sur le plan d’expansion israélien
à Jérusalem, visant à judaïser la Ville sainte.
Envisagez-vous de faire parvenir ce rapport aux instances internationales
par le canal de l’Union européenne, par exemple?
Président Arafat: “Nous maintenons le contact avec ces
instances à ce sujet.”
Melhem Karam: - Vous attendez-vous à quelque chose de nouveau
après votre entretien à Gaza avec le Premier ministre espagnol,
qui avait conféré aussi avec Netanyahu et espérez-vous
en une relance des négociations suite à une nouvelle initiative
européenne?
Président Arafat: “L’action européenne, comme
je l’ai signalé, est claire, forte et prometteuse; la décision
prise à Cardiff reconnaissant aux Palestiniens le droit à
l’autodétermination et à la création d’un Etat, est
significative.”
Melhem Karam: - Washington critique vainement, les agissements d’Israël
et sa violation des accords conclus. Auriez-vous désespéré
de voir la capitale fédérale jouer un rôle positif
dans le processus de paix?
Président Arafat: “Nous attendons beaucoup de l’initiative
américaine. Le président Clinton, personnellement et le secrétaire
d’Etat, Mme Albright tiennent à leur initiative et la poursuivront
jusqu’à ce qu’elle débouche sur la paix.”
L’UNITÉ DE NOTRE PEUPLE
Melhem Karam: - Approuvez-vous un nouveau soulèvement (intifada)
en tant qu’ultime option face à ce qu’accomplit Israël à
Jérusalem? S’agirait-il d’un “soulèvement de pierre” ou quelque
chose d’autre?
Président Arafat: “Comme je vous l’ai dit, toutes les
options sont ouvertes.”
Melhem Karam: - Y a-t-il quelque espoir de réunifier les rangs
palestiniens à l’intérieur, afin de faire face aux violations
israéliennes?
Président Arafat: “L’unité palestinienne est authentique
et solide. La marche du million (de personnes) ayant défilé
dans la rue le jour de la commémoration de la débâcle,
témoigne de la volonté et de la détermination de notre
peuple à défendre ses droits.”
Melhem Karam: - Comment évaluez-vous la visite du président
Hafez Assad à Paris et ses entretiens avec le président Chirac?
Président Arafat: “C’est une visite importante et, s’il
plaît à Dieu, il en sortira des décisions susceptibles
de réconforter celles prises, précédemment, par les
présidents Moubarak et Chirac.”
Melhem Karam: - Comment qualifiez-vous vos relations actuelles avec
Damas? Comptez-vous vous y rendre après le retour du président
Assad de Paris ou rencontrer, peut-être le président Hosni
Moubarak en Egypte?
Président Arafat: “Nous souhaitons effectuer cette visite
à tout moment, d’autant que nos relations avec le président
Assad sont fortes. Nous lui vouons de l’affection, du respect, de l’estime
et considérons la Syrie comme l’une des bases fondamentales de la
nation arabe.”
RAPPORTS SOLIDES AVEC RYAD
Melhem Karam: - Quelle est la nature de vos rapports avec l’Arabie
séoudite?
Président Arafat: “Ce sont des rapports solides et nous
remercions S.M. le roi Fahd de la position ferme et claire qu’il adopte
envers les défis auxquels nous sommes confrontés.”
Melhem Karam: - Vous avez appelé à une mobilisation
arabo-islamique pour mettre en échec le projet israélien
visant à élargir les limites de Jérusalem: vous attendez-vous
à une réaction positive à votre appel?
Président Arafat: “Certainement.”
Melhem Karam: - Est-ce vrai que Netanyahu exige, pour se retirer
de Cisjordanie, que le Conseil national palestinien, non le gouvernement
ni le comité exécutif de l’OLP, abroge la clause de la charte
palestinienne relative à Israël?
Président Arafat: “Le Conseil national palestinien s’est
réuni en 1996 à Gaza et nous n’avons pas besoin de le faire
siéger de nouveau.”
Melhem Karam: - Le “Likoud” accuse le parti travailliste d’approuver
la création d’un Etat de Palestine s’il revenait au pouvoir ou s’il
lui était donné de faire partie d’un gouvernement de coalition.
Qu’auriez-vous à dire à ce sujet?
Président Arafat: “L’important, seront les réactions
que suscitera la proclamation de l’Etat de Palestine.”
JÉRUSALEM ET LE TROISIÈME MILLÉNAIRE
Melhem Karam: - D’aucuns craignent un effondrement total de l’affaire
palestinienne et son retour à la case départ. Cela serait-il
possible et imaginable?
Président Arafat: “ Notre peuple est grandiose. Il est
disposé à faire face à toutes les éventualités
difficiles et dangereuses que Netanyahu tente de nous imposer. Nous sommes
prêts à les affronter.”
Melhem Karam: - Jérusalem sera au centre des solennités
devant marquer l’anniversaire de la Nativité, Bethléem, Nazareth
et d’autres villes de Palestine devant accueillir un grand nombre de touristes.
Cette commémoration touche-t-elle la conscience universelle et comptez-vous
en profiter pour éclairer l’opinion internationale sur le problème
palestinien?
Président Arafat: “Cet anniversaire revêt une grande
importance. Une commission internationale a siégé, comme
vous le savez, en Europe en présence de représentants des
institutions mondiales. Nous suivons de près tous les préparatifs
de cet événement cher au cœur des Palestiniens et des Arabes,
tant chrétiens que musulmans. Tout le monde doit contribuer à
le mobiliser dans la bonne voie.”
Melhem Karam: - Pensez-vous que le fait pour la France de proposer
la tenue d’une conférence internationale réactivera le processus
de paix?
Président Arafat: “Il ne fait pas de doute que les efforts
français et égyptiens, joints à ceux déployés
par la Syrie en accord avec la France; en plus des contacts ayant lieu
entre nous et Paris, d’une manière directe ou indirecte; ainsi qu’avec
l’Union européenne, témoignent d’une volonté et d’une
détermination à sauver ce processus que le gouvernement israélien
veut torpiller.”
DIVERGENCES WEIZMAN-NETANYAHU
Melhem Karam: - Les divergences ayant éclaté au grand
jour entre le président Weizman et Netanyahu sont-elles sérieuses
ou bien s’agit-il d’une mise en scène?
Président Arafat: “Elles sont plus que sérieuses.
Cependant, le système du pouvoir en Israël confère plus
de prérogatives au chef du gouvernement qu’au chef de l’Etat.”
Melhem Karam: - Certains vous taxent de dictature et vous accusent
d’accaparer la décision palestinienne; qu’auriez-vous à leur
répondre?
Président Arafat: “Si cela était vrai, je n’aurais
pas pris la décision de changer le gouvernement.”
Melhem Karam: - Qu’est-il demandé, au juste, de l’information
arabe dans l’étape présente pour faire face aux défis
israéliens?
Président Arafat: “L’information arabe doit poursuivre
sa forte campagne contre les agissements et les initiatives d’Israël
visant à compromettre l’opération de paix. Car celle-ci n’est
pas un intérêt palestinien ou arabe, mais israélien
et mondial.”
Melhem Karam: - En inaugurant le congrès de l’information,
le président Hosni Moubarak a mis l’accent sur la nécessité
de préserver Jérusalem; comment peut-on concrétiser
son appel?
Président Arafat: “Par l’unification des efforts arabes
et leur coordination, ce qui nécessite la tenue du sommet arabe
le plus rapidement possible.”
PALESTINE - USA
Melhem Karam: - La visite d’une délégation parlementaire
palestinienne au Congrès US constitue un nouveau pas sur la voie
du dialogue avec l’Amérique; qu’en pensez-vous?
Président Arafat: “C’est l’un des résultats de
ma rencontre avec Gingrich, président de la Chambre des représentants,
à Ramallah.”
Melhem Karam: - Vous attendez-vous à des résultats
positifs de cette visite?
Président Arafat: “Naturellement, surtout après
la décision du président Clinton d’exclure l’OLP de la liste
du terrorisme international. Cela prouve que cette décision est
adressée à Israël plus qu’à tout autre pays.
“Ce sujet nous permettra de faire mieux comprendre notre cause à
l’opinion américaine et, surtout, au Congrès que le lobby
sioniste tente toujours d’influencer. C’est le début d’un dialogue
permanent entre les Palestiniens et les Américains.”
Melhem Karam: - Des enfants de Bethléem danseront, cette semaine,
dans les villes britanniques: comptez-vous sur l’enfance pour propager
la culture arabe et défendre la cause palestinienne en Occident?
Président Arafat: “J’ai surnommé nos jeunes de
l’intifada les “généraux des pierres” et les “nouveaux généraux”,
car ils ont eu un rôle efficace dans notre soulèvement béni.
Ce rôle se perpétuera dans l’édification de l’Etat
et pour rappeler à l’opinion internationale ses obligations vis-à-vis
de cette cause sacrée, non seulement par rapport aux Palestiniens,
mais par rapport au monde entier.”
Melhem Karam: - Quand formerez-vous le nouveau gouvernement et comprendra-t-il
parmi ses membres des hommes d’affaires connus?
Président Arafat: “Je le souhaite et j’espère
pouvoir constituer le nouveau Cabinet au cours des deux prochaines semaines.”
Melhem Karam: - Les relations jordano-israéliennes sont presque
gelées, comme l’a souligné le ministre jordanien des A.E.
qui a fait assumer à l’Etat hébreu la responsabilité
de cet état de choses. Croyez-vous que la normalisation arabo-israélienne
se trouve dans l’impasse avec les Etats ayant signé des traités
de paix avec Israël?
Président Arafat: “Oui et on est arrivé à
ce point, à cause de la position négative de Netanyahu envers
la paix, ainsi qu’il l’a proclamé lors de sa campagne électorale,
se disant contre Oslo, contre Madrid, contre la 242 et contre les traités
de paix qui ont été signés jusqu’à ce jour.”