DEPUTE DE BATROUN BOUTROS HARBB:
"IL ETAIT DE MON DEVOIR NATIONAL DE POSER MA CANDIDATURE... MAIS SANS CONSULTER LES SYRIENS"

Boutros Harb est le premier présidentiable de la République de Taëf à présenter sa candidature. On ne peut que l’en féliciter.
Son objectif prioritaire était de briser ce halo de mystère qui plane autour des présidentielles, dans l’attente du mot de passe et de redonner à la vie démocratique ses droits de cité au Liban: “J’ai considéré qu’il était de mon devoir national de présenter ma candidature.”
Tout en reconnaissant que le pays n’est pas un îlot isolé et qu’il subit les influences internationales et régionales, le député de Batroun insiste sur la nécessité de faire participer l’opinion publique à cette échéance qui la concerne, en premier lieu, refusant qu’elle se déroule à “son insu et derrière son dos”. L’aspiration des Libanais n’est-elle pas d’avoir “un président fort, courageux, intègre, capable de relever tous les défis auxquels la nation aura à faire face dans l’étape future?
Brillant parlementaire, Boutros Harb est l’un des ténors de l’opposition au sein de l’hémicycle, n’hésitant pas à dénoncer avec virulence, la politique de Hariri, ses erreurs et défaillances.
Il défend ses idées et ses thèses avec l’éloquence de l’avocat et les convictions du patriote désireux d’établir un Etat de droit, de justice et d’égalité.
Dans son programme présidentiel, il apporte ses propres conceptions et réponses à tous les problèmes dans lesquels se débat le pays, formulant le souhait que cette échéance puisse réaliser les espoirs du peuple libanais.
Ayant ouvert le débat sur les présidentielles, la chance va-t-elle lui sourire?
LA BATAILLE EST ENGAGÉE...
- Où en êtes-vous, aujourd’hui, dans votre campagne pour les présidentielles?
“Le jour où j’ai annoncé ma candidature et mon programme, la bataille a été engagée. A partir de là, j’ai entamé les contacts, car je considère que la campagne pour les présidentielles doit se baser sur une vision d’ensemble et non seulement sur le simple souhait de se porter candidat.
“Pour cela, je trouve que la démarche que j’ai faite a changé le visage de la bataille. Elle a donné une image nouvelle de la manière de traiter avec cette échéance, de sorte que la procédure soit posée d’un point de vue transparent.”

- Avec qui avez-vous effectué des contacts avant de proclamer votre candidature?
“En toute franchise, j’ai simplement mis les membres de la “Rencontre nationale” au courant de ma décision. Puis, j’ai proclamé différentes positions dans les médias laissant entendre que j’allais annoncer ma candidature.
“Evidemment, le jour-même, je me suis rendu chez le chef de l’Etat, par respect pour sa position, afin de lui remettre une copie de la déclaration que je devais faire au cours d’une conférence de presse et de mon programme, avant de les rendre public.
“Pour être conséquent avec moi-même, j’ai jugé qu’il fallait entamer les contacts et les concertations après la proclamation de ma candidature. Ma première visite a été à Sa Béatitude le patriarche Sfeir, pour le mettre au courant de ma décision, non pour demander son appui. Car, je ne voudrais pas que le patriarcat maronite soit impliqué dans le choix des présidentiables.”

NE PAS IMPLIQUER BKERKÉ
- On dit, pourtant que, cette fois, Bkerké aura son mot à dire plus que par le passé!
“Je refuse de lier ma candidature à mes rapports avec le patriarcat maronite. Je suis candidat en tant que citoyen libanais et membre du parlement. Tous les présidentiables sont ses fils et aucun ne voudrait l’impliquer dans cette échéance.
“Ce qui ressort, pour l’heure, de l’attitude de Sa Béatitude est son insistance à poser les qualifications qu’il souhaiterait voir en la personne qui accèdera à la première magistrature. Dans son homélie du dimanche 30 août, il a présenté une thèse sur ces qualités.”

- Vous retrouvez-vous dans ces qualifications?
“Je n’ai pas la prétention de la perfection que le patriarche ambitionne pour le futur chef de l’Etat. Je l’aurais souhaité, mais je me retrouve dans certaines de ces qualifications.”

- La “Rencontre nationale” auquel vous appartenez n’a pas pris position vis-à-vis de votre candidature; pourquoi?
“Ceci n’est pas demandé. Nous sommes un rassemblement de personnalités politiques, membres du parlement, qui se sont retrouvés autour de plusieurs idées communes et souhaitons qu’il y ait une entente entre nous vis-à-vis des présidentielles. Que ce soit moi ou toute autre personne de cette rencontre, qui arrive à la présidence, dont mon confrère Nassib Lahoud, nous formons une même équipe de travail.”

LE LIBAN N’EST PAS UN îLoT ISOLÉ
- N’avez-vous pas pris contact avec le “décideur” et obtenu le “mot de passe” avant de proclamer votre candidature?
“Non, je ne l’ai pas fait et je n’ai pas obtenu le mot de passe. Certes, le Liban n’est pas un ilôt isolé et subit, comme toutes les parties de notre planète, les influences internationales et régionales. Chacun sait que le “monde est devenu un petit village”.
“Cela ne veut pas dire, pour autant, qu’on a le droit d’ignorer le rôle de l’opinion publique dans le choix du futur président, appelé à répondre aux multiples défis auxquels la nation sera confrontée dans l’étape à venir et avec le troisième millénaire.”

- Votre candidature vise-t-elle, en quelque sorte, à secouer l’opinion publique, pour l’amener à prendre part à cette échéance?
“Bien sûr! Dans ma conférence de presse, j’ai beaucoup insisté sur le fait que ces élections sont en train de se faire à l’insu et “derrière le dos” du peuple libanais. Si l’opinion publique n’a pas une voix directe à donner vu notre système, elle peut devenir une force de pression sur les députés de la nation qui, eux, sont appelés à élire le président. On n’a donc pas le droit d’écarter l’opinion publique, groupe de pression de base de cette échéance.
“Pour cela, j’ai considéré qu’il était de mon devoir national de présenter ma candidature. Les seules personnes avec qui je me suis concerté, étaient celles qui appuient mes positions politiques.”

NON À LA “POLITIQUE DE DÉSISTEMENT”...
- Certains considèrent qu’à travers votre candidature, vous avez donné un crédit aux “décideurs” en faisant croire que cette élection était démocratique, alors qu’elle ne l’est pas!
“Je considère que cela aurait été bien plus grave si aucun Libanais n’avait osé présenter sa candidature. Certes, je ne peux satisfaire tout le monde et je n’en ai pas la prétention. J’ai de même accueilli, favorablement, les critiques de mon programme. Car je suis un démocrate et respecte l’opinion d’autrui. Mais je refuse la “politique de désistement”, de crainte d’être accusé de servir de couverture.
“Les arguments que vous avancez ont de même été brandis lors des élections législatives. J’ai choisi, en 1996, d’y participer et le peuple m’a exprimé son appui par un vote favorable. Il est de notre devoir de participer à la solution des problèmes et non de nous confiner dans une attitude attentiste. Le temps est un élément destructeur et non positif. Se désister de ses devoirs, c’est se désister de son peuple et de sa patrie. Ma candidature repose ma conscience; j’espère qu’elle répond aux aspirations des citoyens.”

- Quelles sont vos chances dans la conjoncture locale et régionale?
“Je ne voudrais pas anticiper et parler de mes chances ou des implications de ma candidature. Je pourrais y répondre à la suite des contacts avec les différentes forces politiques.
“Je sais que nous sommes loin d’être dans une situation démocratique saine et que les implications internationales, régionales et même internes ne favorisent pas un tel climat. Ceci ne doit pas, pour autant, empêcher ceux qui croient en cette vie démocratique, d’essayer de ramener les choses à leur véritable contexte et de lancer la confrontation avec sérieux.
“Je suis de ceux qui croient que, même aux heures et circonstances les plus dures, s’accrocher aux principes sur lesquels s’édifie une nation est la planche de salut. Y renoncer porterait un coup fatal au Liban.”

LE PRÉSIDENT A TOUJOURS ASSEZ DE PRÉROGATIVES
- D’aucuns se demandent quel intérêt a un présidentiable de proposer un programme, du fait que le chef de l’Etat n’a quasiment plus de prérogatives depuis Taëf?
“Ce n’est pas vrai! J’ai longuement évoqué cette question dans ma conférence de presse. Ceux qui disent que le président de la République n’a plus de prérogatives, ne connaissent pas la Constitution et ne l’ont pas lue. Certes, il a perdu une partie des prérogatives qu’il avait par le passé, mais il en a toujours assez lui permettant de jouer un rôle très actif.”
“Pourquoi veut-on nous imposer un chef d’Etat n’ayant ni point de vue, ni couleur, ni orientation? Autant placer une statue à Baabda!
“A mon avis, le président de la République, père de tous les Libanais, est le symbole de l’unité nationale, le garant de son régime démocratique, des libertés, des institutions constitutionnelles, à travers lesquelles il peut appliquer sa vision et son orientation d’ensemble dans l’intérêt de la nation. Il préside le Conseil des ministres quand il le souhaite et a recours à l’opinion publique à travers les messages qu’il lui adresse.”

- Qu’en est-il de l’amendement de l’article 49 de la Constitution?
“Ma proposition vise à maintenir cet article tel quel et à y ajouter un paragraphe portant sur les modalités de la candidature et sur un mécanisme précis à adopter. De sorte que ceux qui briguent la première magistrature, présentent leur candidature, officiellement et non qu’on aille les tirer de leur maison le jour du vote. Il faudrait que la bataille pour les présidentielles devienne transparente et démocratique.
“Je suis contre les amendements proposés, indépendamment des personnes à qui ils profiteraient. Car, les arguments et raisons ayant justifié cet article, existent toujours.
“Mais si la majorité parlementaire décide de l’amender, je serai pour qu’on l’élimine, dès lors, carrément, car nous ne pouvons pas nous jouer continuellement de la Constitution et en décider selon nos affinités et les circonstances du moment. Cela cause du tort à l’image du Liban démocratique, à notre système et à la Constitution elle-même.”

OUI, POUR HARIRI SOUS CONDITION
- Vous êtes un opposant. Or, M. Hariri a déjà proclamé sa candidature pour la présidence du Conseil sous le prochain régime. Allez-vous collaborer avec lui?
“Le chef de l’Etat ne nomme plus le Premier ministre, mais la majorité parlementaire suite aux consultations prévues par la Constitution.
“Certes, l’entente est indispensable entre le président de la République et le Premier ministre, concernant la formation du Cabinet et les orientations à suivre. D’ailleurs, c’est au chef de l’Etat de signer le décret de formation du Cabinet, ce qui constitue une grande prérogative et la clé du pouvoir au Liban.
“Si le président Hariri est prêt à revoir certaines politiques erronées qu’il a suivies par le passé, il n’y a pas d’objection à collaborer avec lui. Sinon ce sera difficile.
“De même, on ne peut plus retomber dans l’hérésie où le président a une politique, le Premier ministre en a une autre et le président de la Chambre, une troisième. L’opposition au sein du gouvernement est, aussi, refusée. Il faut qu’il y ait un minimum d’entente et de compréhension sur l’orientation générale de la politique à suivre.”

LES RELATIONS AVEC LA SYRIE
- Certains ont critiqué vos propos, lors de la conférence de presse, concernant les relations du Liban avec la Syrie. Comment voyez-vous ces relations?
“J’ai, pourtant, été très clair en optant pour la transparence, car je n’aime pas le travail sous la table ou en coulisses.
“J’ai, ouvertement, proclamé qu’aucune personne ne pourra accéder à la présidence de la République, si elle n’a pas de bonnes relations avec la Syrie et ne pourra réussir dans sa tâche sans cette coopération.
“Mais, en même temps, le chef de l’Etat libanais ne doit pas faire porter son poids aux Syriens. A lui d’assumer ses responsabilités, en éloignant Damas des conflits internes et de protéger la relation libano-syrienne.
“J’appelle à un dialogue sincère et franc avec la Syrie et ceci n’est nullement un changement dans mon attitude. Il est temps, aussi, que les Syriens voient dans les Libanais modérés qui s’occupent de la chose publique, des éléments valables avec qui ils peuvent traiter en toute ouverture d’esprit et non des éléments de confrontation.
“La bonne relation libano-syrienne doit s’établir avec les personnes qui sont le prolongement de l’opinion publique dans tous les milieux, toutes les régions et appartenances, afin qu’elle se transforme d’une relation limitée à quelques Libanais, en une relation de tous les Libanais et de tout le Liban.”

ÉDIFIER L’ÉTAT DE DROIT
Lors de sa conférence de presse, M. Boutros Harb a présenté un vaste programme d’action abordant toutes les questions qui intéressent et préoccupent la nation, ses dirigeants et ses fils: occupation israélienne et la libération, relations libano-syriennes, loi électorale, déplacés, émigrés, naturalisations, questions d’ordre économique, social, éducatif, culturel, etc...
Il a donné sa vision et sa réponse sur toutes ces questions de base. Quelles seraient ses priorités si la chance venait à lui sourire?
“En premier lieu, je ne formerai pas un Cabinet où les ministres ne seraient pas prêts à accepter le projet de loi  sur l’enrichissement illicite. De même, tout en tenant compte des forces politiques dans le pays et de la nécessité de former un Cabinet d’union nationale, les ministres devront jouir de la compétence nécessaire pour remplir leur tâche et être au-dessus de tout soupçon concernant l’honnêteté et les valeurs morales.
“En priorité, il y aura, bien sûr, la libération du Sud et de la Békaa-Ouest, l’édification de l’Etat de droit, des institutions et la séparation des pouvoirs, surtout le judiciaire de l’Exécutif.
“Mon programme, par ailleurs, constitue un tout cohérent, afin de rendre aux Libanais une vie digne et le minimum demandé de suffisance sociale.”


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