Dans le même temps, le Grand Sérail a connu au début
de la semaine de telles consultations, vraisemblable-ment, à l’effet
de court-circuiter celles du chef du Législatif. De plus, la coterie
du président Rafic Hariri lui a fait dire: “Si le président
Berri insiste à procéder aux consultations, je ne m’y rendrai
pas.”
Cependant, les milieux proches du Premier ministre démentent
que celui-ci ait critiqué le président de l’Assemblée,
en précisant que ce dernier a toute latitude “de consulter les députés
pour avoir une idée de leur opinion et de leur tendance.”
De leur côté, les proches de M. Berri lui attribuent des
propos dont il ressort qu’il n’a pas l’intention d’effectuer des consultations
parlementaires en rapport avec l’échéance présidentielle.
CONSULTATIONS ET CONTRE-CONSULTATIONS
Quoi qu’il en soit, le président du Conseil a entamé
des consultations avec les diverses personnalités et forces politiques,
ainsi qu’avec les présidentiables. Il a commencé par s’entretenir
à Faqra, durant le dernier week-end, avec M. Nassib Lahoud, membre
de la “Rencontre nationale” (groupe d’opposition) qu’il a retenu à
déjeuner. De même, il a reçu la visite de MM. Mohamed
Youssef Beydoun et Marwan Hamadé, députés de Beyrouth
et du Chouf.
Aussitôt, le bureau médiatique de M. Hariri a ébruité
ces visites, celles ayant eu lieu auparavant n’ayant pas fait l’objet d’un
tel tapage médiatique.
Des cercles ministériels en déduisent que le chef du
gouvernement a agi de la sorte à l’effet de devancer le président
Berri, pour faire comprendre qu’il figure parmi les “grands électeurs”
aux prochaines présidentielles. Bien qu’il insinue en permanence
qu’il soutiendrait le candidat bénéficiant de l’encouragement
et de l’appui de Damas.
Les milieux politiques ne voient pas d’un bon œil la tension qui caractérise,
en ce moment, les relations entre les chefs du Législatif et du
gouvernement à l’approche de l’échéance présidentielle,
cette tension ayant été exacerbée par les rumeurs
propagées (d’après les Berristes) par la coterie de M. Hariri,
relatives à un éventuel raccourcissement du mandat du président
de la Chambre.
Ceci a incité M. Mohamed Abdel-Hamid Beydoun, connu pour être
le porte-parole du chef du Législatif, à déclencher
une nouvelle attaque contre le Premier ministre, l’accusant de manœuvrer
aux fins de forcer la Chambre à lui accorder des pouvoirs exceptionnels
après qu’il aurait formé un nouveau Cabinet dont il choisirait
lui-même les membres, ou la plupart d’entre eux.
De même, M. Beydoun s’en prend à M. Hariri pour continuer
à dilapider les fonds du Trésor, en ayant affecté
à la restauration du Grand Sérail des sommes dépassant
dix fois plus celles affectées à la remise en état
du palais de Baabda. “C’est cela, a-t-il ajouté d’un ton sarcastique,
le début de l’austérité et de la réforme à
tous les niveaux.”
MISE AU POINT DU “BUREAU MÉDIATIQUE”
A la suite de quoi, le bureau médiatique du chef du gouvernement
a fait paraître une mise au point, assurant que “M. Hariri ne peut
être mêlé, ni de près ni de loin, aux rumeurs
relatives au raccourcissement du mandat du chef du Législatif.”
De plus, le chef du gouvernement réitère son souci de
rasséréner le climat politique, à l’approche de l’échéance
présidentielle “qui doit préparer le terrain à une
nouvelle étape politique.”
Et la mise au point d’ajouter: “Nous tenons à affirmer, à
cette occasion, que la relation entre les présidences de l’Assemblée
et du Conseil n’est pas tributaire des rapports personnels ni de prétendus
complots comme certains le prétendent. Elles reposent plutôt
sur les règles énoncées par la Constitution, sur base
desquelles sont régies les relations entre les pouvoirs dans notre
système parlementaire et démocratique.”
Enfin, le bureau médiatique haririen insiste sur “la nécessité
de changer la manière de traiter la chose publique dans l’étape
future, en vue d’édifier l’Etat de droit et de consolider les institutions
publiques.”
De toute façon, on s’attend que la semaine à venir connaisse
les préparatifs de la bataille présidentielle, bien que le
Conseil des ministres n’ait pas siégé, mercredi dernier pour
la seconde fois consécutive, en raison de la présence du
président Hariri au Caire, où il a participé aux travaux
de la commission supérieure mixte. Et aussi, afin d’occulter les
questions épineuses, celles-ci étant gelées jusqu’à
la fin du régime actuel, le Cabinet se contentant d’expédier
les affaires courantes.
HARIRI DANS LE SECRET DES DIEUX?
Cela dit, des cercles ministériels constatent que le chef du
gouvernement se comporte en tant que “principal électeur”, étant
donné son souci d’entretenir ses visiteurs parmi les députés
de l’échéance présidentielle. Ces derniers croient
savoir, en effet, que le Premier ministre serait dans “le secret des dieux”,
connaîtrait déjà le nom du futur président de
la République et consacrerait ses efforts à préparer
le scénario à suivre pour l’élection présidentielle.
Aussi, s’em-ploierait-il à brouiller les pistes, en avançant
des présidentiables n’ayant pratiquement pas de chance d’accéder
à la magistrature suprême, pour garder toutes ses chances
au candidat dont l’élection est, d’ores et déjà, assurée...
Dans ce contexte, les milieux de l’opposition taxent M. Hariri d’hégémonisme,
l’accusant “de ne pas dévier de la politique qu’il a suivie dès
son accession au palais du gouvernement, politique ayant valu au pays tant
de déboires et de crises.”
Et ce, en agissant de façon à tailler la présidence
de la République à sa mesure et à mettre sur pied
une équipe ministérielle qui lui serait entièrement
acquise, quitte à rendre compte de sa gestion à la Chambre
des députés.
Aussi, ces mêmes milieux prévoient-ils bien des remous
que susciterait cette tendance du chef du gouvernement à accaparer
tous les pouvoirs, lors de la formation de la prochaine équipe gouvernementale
- si jamais il est chargé de constituer le nouveau gouvernement
- ce dernier devant être le fruit de concertations entre les trois
présidences, aucune d’elles ne pouvant s’arroger le droit de désigner
les membres du Cabinet sans l’agrément des autres.
HRAOUI CHEZ HÉLOU ET SALAM
En ce qui concerne les entretiens que M. Hariri a eus, récemment,
à Damas avec les responsables syriens, selon des sources fiables,
il aurait procédé avec Abdel-Halim Khaddam, vice-président
en charge du dossier libanais et avec d’autres responsables damascènes,
à l’évaluation des développements de la conjoncture
libanaise, en prévision de l’échéance présidentielle.
Dans le même temps, le chef du gouvernement aurait fait part à
ses interlocuteurs syriens de la conception qu’il se fait de la forme du
prochain Cabinet, du point de vue du nombre et des noms de ses membres.
Entre-temps, les observateurs ont interprété différemment,
la visite du président Hraoui aux présidents Charles Hélou,
à Kaslik et Saeb Salam, à Mousseitbé, deux mois et
demi avant l’expiration de son mandat, le chef de l’Etat s’étant
contenté de déclarer à l’issue de ses deux rencontres,
qu’il avait évoqué avec MM. Hélou et Salam “des questions
d’ordre national, l’échéance présiden-tielle, en tête”...