Subitement, tout a changé et les attaques contre les joailleries
ont commencé à se multiplier. On a déploré,
tout d’abord, l’assassinat de Fady Manazer à Hazmié, le 30
mars; celui de Lina et Rosa à Mazraat Yachouh, le 5 juillet; d’André
Béainy à Dékouané, le 12 août.
Le fait pour les enquêteurs de n’avoir tiré au clair aucune
de ces affaires criminelles, inquiète les citoyens et, surtout,
les détenteurs de capitaux invités à investir dans
nos murs. Or, on sait que “le capital est poltron”, ses détenteurs
cherchant à mettre leur argent à l’abri de toute perturbation
d’ordre sécuritaire.
Est-il besoin de rappeler que l’économie du Liban repose sur
trois facteurs fondamentaux: le commerce, le tourisme et l’apport des Libanais
d’outre-mer? L’Etat se doit de préserver ces trois éléments,
en prenant des mesures de nature à consolider la sécurité
et en appliquant les lois et règlements avec la plus grande rigueur.
![]() La famille du défunt Fady Manazer, Abdel-Massih et Amale. |
![]() La victime Fady Manazer. |
UNE FAMILLE ÉPLORÉE RÉCLAMANT
JUSTICE
Nous avons rendu visite aux parents de Fady Manazer où nous
avons trouvé un père et une mère éplorés,
réclamant justice. Abdel-Massih Manazer répète, la
voix étranglée par l’émotion: “Rien ne remplace un
fils, ni n’atténue la douleur occasionnée par la manière
sauvage dont il a été abattu.”
Puis, il se ressaisit et évoque le “jour maudit” où Fady
a été assassiné dans sa joaillerie. “Ce jour-là
vers 17 heures, j’ai reçu un appel téléphonique de
la part d’un proche qui m’annonçait la triste nouvelle, en disant
que mon fils avait été victime d’une crise cardiaque.
“Je me suis rendu en hâte au magasin devant lequel s’affairaient
des membres des FSI et une équipe de secours. Mais il ne m’a pas
été permis de pénétrer dans la joaillerie,
parce que, m’a-t-on dit, un médecin était en train de donner
les premiers soins à Fady. J’ai demandé, en vain, qu’on le
transporte à l’hôpital. Je ne devais pas tarder à apprendre
que mon fils avait succombé sur place à ses blessures.
“J’ai aussitôt ressenti un malaise, car ma santé s’était
déclinée les dernières semaines, suite à une
crise cardiaque.”
![]() La bijouterie où Manazer a été tué à Hazmieh. |
![]() La boutique Lena Rosa à Mazraat Yachouh. |
QUI EST RESPONSABLE?
A la question: “Qui doit poursuivre cette affaire”, la famille de la
victime répond: “Plusieurs organismes de sécurité
ont inspecté le lieu du crime, mais aucun d’eux n’a poursuivi les
investigations. Comment expliquer leur négligence?”
- A qui vous êtes-vous adressés?
“Au président de la République. Nous lui avons expliqué
que ce crime avait un cachet spécial, puisque les forces de sécurité
passaient près du lieu du crime lorsque la sonnette d’alarme a fonctionné.
Surpris par nos déclarations, il nous a demandé de lui fournir
davantage d’informations.
“Nous nous sommes adressés à toutes les instances et
avons porté plainte auprès du Parquet général
près la cour d’Appel du Mont-Liban, lequel a chargé un détective
d’enquêter sur ce crime. Mais jusqu’à maintenant, les investigations
n’ont rien donné. Les informations que nous leur avons communiquées,
les ont surpris, car ils étaient mal informés par des responsables.
Il incombe aux autorités concernées de mener les recherches.
Pourquoi les deux éléments des forces de sécurité
qui se trouvaient sur les lieux du crime n’apportent-ils pas leur témoignage?
Nous sommes accusés d’être “partisans”, thèse que
nous rejetons. Personne dans notre famille, y compris notre frère
André, n’a une affiliation politique ou partisane.
“La négligence des responsables et l’état d’insécurité
vont pousser les citoyens à s’expatrier.
“Faut-il se montrer obéissant, sous peine d’être “piétiné”
ou tué? Où est la presse dans tout cela?
Pourquoi payons-nous des impôts? Est-ce pour être
tué en fin de compte? Nous appelons la Justice à être
vigilante, à identifier les criminels et à les châtier.
Quelqu’un serait responsable de leur fuite. Nous n’accusons personne, mais
le fait que la sonnette d’alarme ait fonctionné, explique que la
victime était encore vivante. Par coïncidence, la patrouille
des FSI qui passait près du lieu du crime, s’y est arrêtée.
Ses éléments, ainsi que le chef de la gendarmerie de Dékouané
étaient présents, durant les cinq minutes ayant suivi le
déclenchement de la sonnette d’alarme.
LA SONNETTE D’ALARME A FONCTIONNÉ
Personne ne nous a donné des réponses logiques. Les déclarations
de l’épouse de la victime les gênent et ils prétendent
qu’elle parle sous l’effet du choc. “Le criminel dit-on, a pris la fuite
de la fenêtre en la cassant au moyen d’une jante. Mais la reconstitution
du crime n’a pas confirmé cette thèse. La fuite à
travers la fenêtre a duré 10 minutes.
“De même, en brisant la fenêtre, le bruit a attiré
les gens. Les coups portés par le vrai criminel devraient être
plus forts. Aussi, comment les gens au moment du crime n’ont-ils rien entendu?
Ni vu quelqu’un prendre la fuite?
“Nous demandons aux gens de nous aider en apportant leur témoignage,
si vraiment quelqu’un a vu le criminel. Ils ont peur de parler.”
L’épouse d’un des frères de la victime, a entendu un
responsable parler avec son chef et lui dire que “le joaillier est mort
et que le criminel était à l’intérieur du magasin.”
Où est-il donc parti?
“Un autre responsable nous a dit qu’André était mort.
Mais ce n’était pas un médecin; comment l’a-t-il su? Nous
ignorons si l’ambulance de la Croix-Rouge est arrivée à temps,
Nous n’avons pu nous approcher des lieux du crime pour savoir si André
était encore vivant. Ils n’ont pas permis aux secouristes de la
CRL d’évacuer le corps et ont attendu qu’il meure pour nous livrer
son cadavre. Nous n’avons même pas vu, comment l’ambulance l’a transporté
à l’hôpital Hayek, les forces de sécurité nous
ayant interdit d’approcher des lieux du crime. Nous demandons à
la Presse de suivre l’affaire avec nous.
“Quant à la coupure du courant après que le crime ait
été commis, nous n’en savons rien. Nous voulons connaître
l’identité des témoins qui ont peur de parler. Il incombe
à l’Etat d’assumer ses responsabilités envers le citoyen
et d’assurer sa sécurité. Un crime a été commis
et André était un citoyen libanais.”