OU EN SONT LES INVESTIGATIONS SUR LES ASSASSINATS DE JOAILLIERS?

Des mois se sont écoulés depuis l’assassinat de joailliers, les mobiles de ces meurtres n’ayant pas été élucidés jusqu’à ce jour.
Les criminels ont-ils agi par besoin ou sur l’instigation de gangs, dans le but de déstabiliser le Liban et, partant, de faire fuir les investisseurs?
Avant l’attentat ayant coûté la vie à Fady Manazer dans son magasin à Hazmié, les médias annonçaient l’arrestation de groupes de cambrioleurs et de pick-pockets, ce qui rassurait le citoyen, d’autant que les opérations se limitaient au vol d’une voiture de marque ou, tout simplement, à subtiliser le sac à main d’une passante dans une ruelle éloignée de la surveillance des agents de l’ordre.

Subitement, tout a changé et les attaques contre les joailleries ont commencé à se multiplier. On a déploré, tout d’abord, l’assassinat de Fady Manazer à Hazmié, le 30 mars; celui de Lina et Rosa à Mazraat Yachouh, le 5 juillet; d’André Béainy à Dékouané, le 12 août.
Le fait pour les enquêteurs de n’avoir tiré au clair aucune de ces affaires criminelles, inquiète les citoyens et, surtout, les détenteurs de capitaux invités à investir dans nos murs. Or, on sait que “le capital est poltron”, ses détenteurs cherchant à mettre leur argent à l’abri de toute perturbation d’ordre sécuritaire.
Est-il besoin de rappeler que l’économie du Liban repose sur trois facteurs fondamentaux: le commerce, le tourisme et l’apport des Libanais d’outre-mer? L’Etat se doit de préserver ces trois éléments, en prenant des mesures de nature à consolider la sécurité et en appliquant les lois et règlements avec la plus grande rigueur.
 

La famille du défunt Fady Manazer, 
Abdel-Massih et Amale.
 

La victime Fady Manazer.

UNE FAMILLE ÉPLORÉE RÉCLAMANT JUSTICE
Nous avons rendu visite aux parents de Fady Manazer où nous avons trouvé un père et une mère éplorés, réclamant justice. Abdel-Massih Manazer répète, la voix étranglée par l’émotion: “Rien ne remplace un fils, ni n’atténue la douleur occasionnée par la manière sauvage dont il a été abattu.”
Puis, il se ressaisit et évoque le “jour maudit” où Fady a été assassiné dans sa joaillerie. “Ce jour-là vers 17 heures, j’ai reçu un appel téléphonique de la part d’un proche qui m’annonçait la triste nouvelle, en disant que mon fils avait été victime d’une crise cardiaque.
“Je me suis rendu en hâte au magasin devant lequel s’affairaient des membres des FSI et une équipe de secours. Mais il ne m’a pas été permis de pénétrer dans la joaillerie, parce que, m’a-t-on dit, un médecin était en train de donner les premiers soins à Fady. J’ai demandé, en vain, qu’on le transporte à l’hôpital. Je ne devais pas tarder à apprendre que mon fils avait succombé sur place à ses blessures.
“J’ai aussitôt ressenti un malaise, car ma santé s’était déclinée les dernières semaines, suite à une crise cardiaque.”


La famille du défunt André Béaïny.
TUÉ AU MOYEN D’UNE ARME MUNIE D’UN SILENCIEUX
Abdel-Massih Manazer s’étonne de ce que les voisins de son fils et, surtout, les agents municipaux qui montent la garde en permanence non loin de la joaillerie, n’aient rien observé et ne  se soient pas doutés du fait que les assassins avaient pénétré dans l’établissement de Fady... Ceci porte à accréditer la supposition que les tueurs se sont servis d’une arme munie de silencieux.
L’autopsie pratiquée sur le corps de la victime, a permis de déterminer que le joaillier avait été atteint de trois balles à la tête, à l’épaule et au cou.
Deux autres assassinats de joailliers devaient être perpétrés par la suite sans que les criminels aient été identifiés, à Dékouaneh et à Mazraat Yachouh (caza du Metn).
Jusqu’ici, les investigations n’ont donné aucun résultat et le black-out total est maintenu autour de ces crimes.
Fait à signaler: après le meurtre de Manazer, à Hazmié, les FSI ont appréhendé deux personnes qui avaient forcé un barrage à Sad Bauchrié. L’une de ces personnes, Adnan Mohamed Kehdi, a été soupçonnée d’être l’auteur de l’assassinat, d’autant que l’arme qui était en sa possession était du même calibre que celle utilisée par les assassins, ainsi que l’a prouvé l’examen des balles extraites du corps de Fady Manazer.
Puis, le dossier de l’affaire a été confié à un magistrat instructeur attaché au tribunal de Jounieh, avant d’être transféré au tribunal militaire. Par la suite, on n’a plus obtenu aucune nouvelle relative à ce meurtre.

La bijouterie de la victime Béaïny.
IL FAUT SÉVIR CONTRE LES CRIMINELS
Rappelons que les quatre assassinats perpétrés au Metn, avaient été précédés d’un cinquième commis, en plein jour, il y a cinq ans à Zahlé. Les auteurs de ces meurtres courent toujours la prétentaine.
Ceci donne une idée de la gravité de ce problème qui a pris, ces derniers temps, une proportion alarmante. Si rien n’était entrepris pour mettre un terme à la criminalité et combattre l’armée du crime, l’état de la sécurité dans le pays s’en ressentirait, de même que nos centres d’estivage et notre industrie touristique.
Il y a lieu de signaler qu’après chaque crime, les représentants de l’ordre mettaient du temps pour réagir, donnant aux malfaiteurs le temps de s’éclipser. Il en a été ainsi lors de l’assassinat de Lina et Rosine Abdel-Massih à Mazraat Yachouh: les propriétaires de la joaillerie en cet endroit avaient été assassinées à 19 heures et les enquêteurs ne se sont rendus sur les lieux que plus d’une heure plus tard. Un commerçant de la place avait donné l’alerte, après avoir vu de la lumière dans la bijouterie, dont la porte était largement ouverte en pleine nuit.
Détail à signaler: Lina et Rosine étaient rentrées en 1993 de Californie (USA) pour ouvrir une bijouterie d’abord, à Antélias; puis, à Mazraat Yachouh en novembre dernier.

La bijouterie où Manazer a été tué à Hazmieh.
 

La boutique Lena Rosa à Mazraat Yachouh.
LES RESPONSABLES PERPLEXES
Tout en se soumettant à la volonté de Dieu, la famille d’André Béaïny affirme: “Le ministre de l’Intérieur avait pris des mesures de sécurité; au moment où la sonnette d’alarme a été déclenchée, une patrouille passait devant le lieu du crime et des éléments des FSI ont encerclé la joaillerie. Un voisin les informe de l’existence d’une fenêtre au magasin donnant accès à l’autre côté de l’immeuble. Un élément de ces forces répond qu’il avait envoyé un soldat pour s’en assurer. Un autre voulant forcer la porte du magasin en a été empêché par un gendarme.
“Nous voulons savoir si ces éléments ont été interrogés et demandons au ministre de l’Intérieur pourquoi cette désinformation au sujet de ce crime! Nous exposerons les faits au cours d’une conférence de presse, personne n’ayant dénoncé le crime et nous ne nous tairons pas.”
Et d’ajouter: “Les éléments des FSI sont restés durant quatre heures sur les lieux du meurtre pour nous livrer à la fin le cadavre d’André.
“La fenêtre donne sur huit immeubles et 96 balcons. Est-il possible que quelqu’un n’ait vu le criminel s’enfuir par cette fenêtre? C’est honteux d’entendre l’un des responsables dire: “Peut-être, cette sonnette d’alarme n’était qu’un coup d’essai.” Comment prétend-il cela, alors qu’une série de crimes se commettent? Nous voulons rencontrer le ministre de l’Intérieur pour lui expliquer les faits.”

QUI EST RESPONSABLE?
A la question: “Qui doit poursuivre cette affaire”, la famille de la victime répond: “Plusieurs organismes de sécurité ont inspecté le lieu du crime, mais aucun d’eux n’a poursuivi les investigations. Comment expliquer leur négligence?”
- A qui vous êtes-vous adressés?
“Au président de la République. Nous lui avons expliqué que ce crime avait un cachet spécial, puisque les forces de sécurité passaient près du lieu du crime lorsque la sonnette d’alarme a fonctionné. Surpris par nos déclarations, il nous a demandé de lui fournir davantage d’informations.
“Nous nous sommes adressés à toutes les instances et avons porté plainte auprès du Parquet général près la cour d’Appel du Mont-Liban, lequel a chargé un détective d’enquêter sur ce crime. Mais jusqu’à maintenant, les investigations n’ont rien donné. Les informations que nous leur avons communiquées, les ont surpris, car ils étaient mal informés par des responsables. Il incombe aux autorités concernées de mener les recherches. Pourquoi les deux éléments des forces de sécurité qui se trouvaient sur les lieux du crime n’apportent-ils pas leur témoignage?
Nous sommes accusés d’être “partisans”, thèse que nous rejetons. Personne dans notre famille, y compris notre frère André, n’a une affiliation politique ou partisane.
“La négligence des responsables et l’état d’insécurité vont pousser les citoyens à s’expatrier.
“Faut-il se montrer obéissant, sous peine d’être “piétiné” ou tué? Où est la presse dans tout cela?
 Pourquoi payons-nous des impôts? Est-ce pour être tué en fin de compte? Nous appelons la Justice à être vigilante, à identifier les criminels et à les châtier. Quelqu’un serait responsable de leur fuite. Nous n’accusons personne, mais le fait que la sonnette d’alarme ait fonctionné, explique que la victime était encore vivante. Par coïncidence, la patrouille des FSI qui passait près du lieu du crime, s’y est arrêtée. Ses éléments, ainsi que le chef de la gendarmerie de Dékouané étaient présents, durant les cinq minutes ayant suivi le déclenchement de la sonnette d’alarme.

LA SONNETTE D’ALARME A FONCTIONNÉ
Personne ne nous a donné des réponses logiques. Les déclarations de l’épouse de la victime les gênent et ils prétendent qu’elle parle sous l’effet du choc. “Le criminel dit-on, a pris la fuite de la fenêtre en la cassant au moyen d’une jante. Mais la reconstitution du crime n’a pas confirmé cette thèse. La fuite à travers la fenêtre a duré 10 minutes.
“De même, en brisant la fenêtre, le bruit a attiré les gens. Les coups portés par le vrai criminel devraient être plus forts. Aussi, comment les gens au moment du crime n’ont-ils rien entendu? Ni vu quelqu’un prendre la fuite?
“Nous demandons aux gens de nous aider en apportant leur témoignage, si vraiment quelqu’un  a vu le criminel. Ils ont peur de parler.”
L’épouse d’un des frères de la victime, a entendu un responsable parler avec son chef et lui dire que “le joaillier est mort et que le criminel était à l’intérieur du magasin.”
Où est-il donc parti?
“Un autre responsable nous a dit qu’André était mort. Mais ce n’était pas un médecin; comment l’a-t-il su? Nous ignorons si l’ambulance de la Croix-Rouge est arrivée à temps, Nous n’avons pu nous approcher des lieux du crime pour savoir si André était encore vivant. Ils n’ont pas permis aux secouristes de la CRL d’évacuer le corps et ont attendu qu’il meure pour nous livrer son cadavre. Nous n’avons même pas vu, comment l’ambulance l’a transporté à l’hôpital Hayek, les forces de sécurité nous ayant interdit d’approcher des lieux du crime. Nous demandons à la Presse de suivre l’affaire avec nous.
“Quant à la coupure du courant après que le crime ait été commis, nous n’en savons rien. Nous voulons connaître l’identité des témoins qui ont peur de parler. Il incombe à l’Etat d’assumer ses responsabilités envers le citoyen et d’assurer sa sécurité. Un crime a été commis et André était un citoyen libanais.”

Enquête de HODA SALIBA

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