ELECTION SANS SURPRISE, PLACE DE L'ETOILE
LE GENERAL EMILE LAHOUD DEVIENT LE ONZIEME PRESIDENT DU LIBAN INDEPENDANT

Cent dix-huit parlementaires présents dans l’hémicycle, place de l’Etoile, en ce jeudi 15 octobre, ont dit “oui” au général Emile Lahoud. Certes, l’élection n’a été une surprise pour personne. Elle n’a fait que confirmer l’appui populaire et politique qu’avait reçu le commandant en chef de l’Armée pour son accession à la magistrature suprême. 

Photo-souvenir pour les présidents Hraoui, Lahoud et Berri.
 
“Je déclare élu, le général Emile Lahoud à la présidence de la République”. En ces termes, le président Nabih Berri proclame, officiellement, l’élection du onzième président de la République libanaise depuis 1943, date de l’indépendance.
Il est 11h 26 minutes. Pour l’événement, la Place de l’Etoile s’était parée de ses meilleurs atours. Le parterre de l’horloge a été fleuri en moins de 12 heures; les rues sont propres, ont été nettoyées à l’eau de bon matin et toutes les entrées menant au parlement gardées par des effectifs de l’armée libanaise. Ne peuvent y avoir accès que les parlementaires, les ministres, les invités à la séance et les représentants des médias accrédités à la Chambre ou ayant obtenu une autorisation pour la circonstance.
Les balcons de l’hémicycle se remplissent dès 10h40. Les diplomates arabes et étrangers ont répondu en grand nombre à l’invitation du président de la Chambre, les ambassadeurs des Etats-Unis, de France et de Grande-Bretagne en tête.
Les officiels libanais dont MM. Baalbaki et Karam, présidents des Ordres de la Presse et des journalistes, M. Assaad Diab, recteur de l’U.L.; M. Nicolas Saba, l’administrateur de Beyrouth; M. Abou Rizk, président de la C.G.T.L.; le bâtonnier des avocats, Me Klimos; Assem Salam, président de l’Ordre des ingénieurs; le PDG de Télé-Liban, Jean-Claude Boulos; le directeur de l’agence nationale d’information, Rafic Chlala et, bien d’autres, sont présents.
Les parlementaires gagnent leurs sièges sous l’hémicycle. Détendus, ils bavardent entre eux attendant l’heure H. A 10h55, le huissier sonne la cloche appelant ministres et députés à prendre leur place. A 11h02, le président Berri fait son entrée et déclare aussitôt la séance ouverte. L’élection prendra en tout une demi-heure.
118 DÉPUTÉS PRÉSENTS
Lecture est donnée de l’article 49 de la Constitution et des articles 11 et 12 du règlement intérieur relatifs aux modalités du vote.
La première étape est la distribution des enveloppes blanches aux députés pour qu’ils y mettent leurs bulletins. Le président Berri annonce, officiellement, que le nombre des députés présents est de 118, le ministre Hobeika étant le dernier arrivé, deux minutes après l’ouverture de la réunion.
Le chef du Législatif rappelle, aussi, que tout signe distinctif, y compris le titre de Général, sur le bulletin de vote, le rend nul.
A ce moment, M. Estephan Doueihy, député de Zghorta, proclame la candidature du général Emile Lahoud à la présidence, chose à laquelle personne n’avait pensé, même pas le postulant lui-même (absent), tant la chose est évidente. Rire et brouhaha accompagnent cette annonce.
Le vote commence. Un silence plane sur la Chambre, empreint d’une certaine émotion, même si le résultat est connu d’avance. Les députés sont appelés, nominalement et déposent l’enveloppe dans l’urne.
Puis, M. Berri demande aux députés Camille Ziadé et Abdel-Rahman Abdel-Rahman de procéder au dépouillement des bulletins aux côtés de M. Elie Ferzli, vice-président de la Chambre.
M. Ferzli lit, de sa voix enrouée, un bulletin après l’autre et c’est des Emile Lahoud qui se suivent. A un moment donné, sa voix baisse un peu, de fatigue et le président Berri le relance: “Hausse la voix”. On note qu’à un certain moment, Ferzli ne regarde plus les bulletins continuant à répéter le nom du général Lahoud. Quelqu’un le lui fait remarquer et il précise que M. Abdel-Rahman lit le bulletin avant de le lui remettre.
 

M. Hariri déposant 
son bulletin dans l’urne. 

Le dépouillement du vote 
supervisé par M. Elie Ferzli.

PAS DE BULLETIN BLANC
On s’interroge, aussi, s’il y aurait un bulletin blanc, le député Najah Wakim ayant à un moment donné laissé entendre qu’il “voterait blanc”. Non, point de bulletin blanc et quand la dernière enveloppe est dépouillée, les applaudissements fusent de partout.
Le président de l’Assemblée proclame, officiellement, l’élection du commandant en chef de l’Armée à la présidence de la République, les applaudissements reprennent. M. Berri fait approuver le procès-verbal avant de lever la séance. Il est 11h28 minutes.
Dans le hall, Najah Wakim nous confie: “Je n’ai pas changé d’avis, mais nous n’avions pas pris de décision encore jusque tard dans la nuit du mercredi à jeudi. Avec mon groupe de travail, on a longuement discuté la question et la majorité était pour le “oui” au général.”
Dans le pays, les Libanais expriment leur joie, à Baabdate en priorité. Les sirènes des bateaux se font entendre à l’heure même où le vote est officiellement proclamé.


L’arrivée du président élu à Baabda.

Les présidents des Ordres des professions
libérales, (D.G.) MM. Assem Salam,
Nabil Fattal, Ghattas Khoury,
Melhem Karam et Mohamad Baalbaki.  
COMME SUR DES ROULETTES
Entre le lundi 5 octobre, date du sommet libano-syrien et le jeudi 15 octobre, date du scrutin présidentiel, toute la procédure s’est déroulée sans le moindre problème, “comme sur des roulettes.”
Dès lundi soir, avec le retour du président Elias Hraoui de Damas, l’élection du général Emile Lahoud était déjà acquise. Le compte à rebours s’est mis, aussitôt, en marche. Le jeudi 8 octobre, le Conseil des ministres réuni à Baabda sous la présidence du chef de l’Etat, approuve un décret convoquant la Chambre en session extraordinaire et transmet au parlement un projet de loi portant amendement de l’article 49 de la Constitution.
Expéditive, la séance n’a duré qu’une demi-heure. Elle a été boycottée par les ministres Walid Joumblatt et Akram Chéhayeb, hostiles à l’élection d’un militaire à la tête de l’Etat. Le ministre Farès Bouez émet, quant à lui, des “réserves” à propos de l’amendement constitutionnel.
Lundi 12 octobre, la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice approuve l’amendement. Quinze des dix-sept membres de la commission votent en faveur du texte transmis par le gouvernement. M. Camille Ziadé n’assiste pas à la réunion et M. Boutros Harb s’abstient au moment du vote.
113 VOTES FAVORABLES
Le mardi 13, réunie en session extraordinaire, la Chambre vote l’amendement par 113 voix contre quatre: MM. Nassib Lahoud, Boutros Harb, Camille Ziadé et Najah Wakim expliquent que leur attitude négative n’est pas dirigée contre le général Lahoud, mais qu’ils sont mus par le souci de préserver la Constitution de ces amendements occasionnels qui lui font perdre sa crédibilité.
Onze députés sont absents: MM. Walid Joumblatt et Akram Chéhayeb; deux autres membres du P.S.P.; Ayman Shoucair et Alaëddine Terro; les membres du bloc parlementaire joumblattiste: Marwan Hamadé, Khalil Abdel-Nour et Wadih Akl; deux députés présentent des excuses: Georges Dib Nehmé et Nabil Boustany, le président Omar Karamé qui boycotte les séances de la Chambre et Rouchaïd el-Khazen.
Le texte amendé est immédiatement paraphé par le président Rafic Hariri et transmis illico-presto par le ministre de l’Intérieur, Michel Murr, au chef de l’Etat qui le  promulgue. L’amendement est, aussitôt, publié dans une annexe du Journal officiel.
Une copie parvient au parlement permettant au président Nabih Berri de fixer au jeudi 15 à 11 heures, le scrutin présidentiel. L’ensemble de la procédure du mardi 13 octobre s’est déroulée en quatre heures. Un véritable record!

APPUI POPULAIRE ET POLITIQUE MASSIF
Lors de la fête de l’armée, le premier août, le peuple avait de façon spontanée plébiscité le chef de la Grande Muette. Depuis lors, cet appui populaire, confirmé par plus d’un sondage d’opinion, n’a fait que s’affirmer. La classe politique dirigeante, les différents groupes parlementaires, courants et partis expriment leur satisfaction et leur appui au nouveau président. Seul le P.S.P. se démarque de cet élan populaire et politique.
De Paris, le “Amid” du Bloc national, M. Raymond Eddé réagit, négativement à ce choix: “L’élection d’un militaire à la présidence de la République, soutient-il, est une menace pour la démocratie au Liban.”

ULTIMES PRÉPARATIFS
Mercredi 14 octobre, place de l’Etoile, on s’active pour mettre au point les ultimes préparatifs protocolaires et d’embellissement des lieux. Alors que Baabdate, ville natale du Général, est en effervescence, toute pavoisée de drapeaux libanais et de portraits d’Emile Lahoud. Ses fils expriment leur joie et leur fierté. Les pronostics des médias et chroniqueurs politiques donnaient la veille du scrutin une majorité de 120 oui au commandant en chef de l’armée. Le député Boutros Harb annonce le retrait de sa candidature et apporte son appui à Lahoud.
Tout est en place pour le scrutin présidentiel et le pays est en effervescence. Seul, le général Emile Lahoud fidèle à la tradition militaire garde le silence jusqu’au dernier moment.

 
A l’issue du vote, le président de la Chambre s’est rendu auprès du général Lahoud pour l’accompagner au palais présidentiel de Baabda où il devait avoir un premier entretien avec le chef de l’Etat.
Dix députés absents: le président Omar Karamé (qui, depuis 1996, boycotte les séances de la Chambre), les membres du P.S.P. et du bloc de la “lutte nationale”: MM. Walid Joumblatt, Akram Chéhayeb, Ayman Shoucair, Alaëddine Terro (P.S.P.), Marwan Hamadé, Khalil Abdel-Nour, Wadih Akl; deux autres s’étant excusés: Georges Dib Nehmé et Nabil Boustany.
NELLY  HÉLOU

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