TRACTATIONS EN COURS AUTOUR DU NOUVEAU GOUVERNEMENT

Enfin, l’amendement constitutionnel a été approuvé à la quasi-unanimité. Ainsi, le général Emile Lahoud a été élu président de la République et on s’attend que, sous son sexennat, soit instaurée la IIIème république, celle qui répondra aux aspirations des Libanais dont la plus pressante se rapporte à l’unité nationale véritable.
L’article 49 de la Constitution a été adopté par 113 députés. Il a été aussitôt parafé par le président Rafic Hariri et promulgué par le président Hraoui ce qui a permis sa publication au Journal officiel et, partant, de convoquer la Chambre hier jeudi, la passation des pouvoirs devant intervenir le 23 novembre prochain.
 
Selon des sources rensei-gnées, l’accélération de la procédure relative au scrutin présidentiel a été recomman-dée par la partie syrienne, lors du récent sommet Hraoui-Assad, en raison de la con-joncture régionale - le conflit israélo-arabe et la crise syro-turque - ce qui nécessite une stabilisation de la scène locale.

LES “OPPOSANTS”...
Le projet d’amendement de l’article 49 de la Constitution avait été approuvé lundi par la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice, au terme d’une brève discussion portant sur un point juridique relatif aux conditions à remplir par tout candidat à la magistrature suprême parmi les fonc-tionnaires de la première caté-gorie.
Les membres de l’Assemblée s’étant opposés à la révision de l’article précité sont: MM. Boutros Harb, Najah Wakim, Camille Ziadé, Nassib Lahoud, en plus de M. Walid Joumblatt et deux membres de son bloc parlementaire: Akram Chéhayeb et Alaëddine Terro.
Des démarches ont été effectuées auprès du ministre des Déplacés pour l’amener à changer d’attitude. Mais la veille du départ de M. Joumblatt pour Damas, le Parti socialiste progressiste diffusait une déclaration réitérant son opposition à l’élection du général Lahoud.

QUID DU NOUVEAU CABINET?
Pendant ce temps, le président Hariri intensifie ses contacts dans la plus grande discrétion, en prévision de la formation du premier Cabinet du nouveau régime.
La tendance serait, dit-on, en faveur d’un gouvernement de vingt-quatre membres, au cas où certains départements ministériels seraient annulés ou regroupés. Mais rien de définitif ne sera décidé avant la passation des pouvoirs entre les présidents Hraoui et Lahoud.
Cependant, certains milieux croient savoir que la future équipe ministérielle sera représentative de toutes les franges politiques ou presque et comprendra de nouveaux visages, les critères sur base desquels ces derniers seront choisis étant la compétence, la représentativité et l’intégrité, le nouveau chef de l’Etat étant acquis à l’idée qu’il faut d’urgence mettre un terme à la corruption, au clientélisme et aux passe-droits.
Le président Hariri n’a d’autre choix que d’y souscrire, d’autant qu’il a déjà reconnu ses erreurs et en endosse l’entière responsabi-lité; il se doit donc de les réparer.
On lui prête l’intention de vouloir exclure de son Cabinet les “composantes” ou les ministres qualifiés “d’inamo-vibles” et, aussi, à ne pas y faire représenter les partis, marquant sa préférence aux technocrates, du moins à la tête des départements dont la gestion exige de tels éléments.
Quoi qu’il en soit, le futur gouvernement sera formé sur base du principe “qu’il faut placer l’homme qu’il faut à la place qu’il faut”.

PLUS DE TROÏKA
Cela dit, les cercles renseignés assurent que “la troïka est morte et enterrée, sans espoir de retour”, le président Lahoud étant, assurent ses proches, déterminé à restaurer l’Etat des institutions, qui aurait dû être édifié au lendemain de Taëf.
A ce propos, il semble que les présidents Berri et Hariri auraient décidé “d’enterrer aussi, la hache de guerre”, preuve en est que le chef du gouvernement a pris contact, personnellement, avec le chef du Législatif après l’amende-ment constitutionnel et l’a invité “à tourner la page et à entamer une nouvelle ère de coopération.”
Mais les milieux parlemen-taires s’attendent, au con-traire, que les rapports entre les deux hommes s’enveni-ment davantage, au moment où il s’agira de choisir les membres du nouveau Cabinet, l’un et l’autre voulant y placer des hommes de leur bord...
Ici, interviendra le rôle du président Lahoud qui insistera pour la formation d’une équipe gouvernementale équilibrée, en mesure de répondre aux impératifs de l’heure. D’autant qu’il jouit d’un soutien au triple plan local, régional et international, ce qui l’habilitera à remettre le pays sur les rails et à l’engager sur la voie de l’entente et de la reconstruction.
Le président Hariri a pris conscience de la situation; aussi, a-t-il tenu ces propos devant ses proches et alliés politiques qu’il a réunis mardi dernier à Koraytem: “Nous nous engageons dans une nouvelle phase qui doit commencer par l’élection du général Emile Lahoud à la présidence de la République, dont l’accession au pouvoir est un fait très positif et servira l’intérêt de la nation.
“Ceci exige de nous d’apporter au nouveau chef de l’Etat un soutien illimité, la coopération sans réserve devant être notre mot d’ordre.”

LE NOUVEAU CABINET À FEU DOUX
En ce qui concerne le nouveau gouvernement, M. Hariri s’abstient d’en parler et refuse d’en discuter avec qui que ce soit avant l’entrée en fonction du président Lahoud.
Mais en dépit de ses propos, M. Hariri s’emploie à mettre sur pied son prochain Cabinet loin des feux de la rampe, les tractations portant, en ce moment, sur deux points essentiels: le nombre et les noms des ministres ainsi que les portefeuilles à leur attribuer.
D’aucuns croient savoir que ces noms seraient déjà connus (et agréés) après avoir été soumis aux “décideurs”, le général Lahoud ayant déjà donné, au préalable, son feu vert.
Les milieux de l’opposition pensent, quant à eux, que rien n’a encore été tranché au plan gouvernemental et que M. Hariri se trouverait en butte à maints obstacles, surtout s’il persistait  à vouloir faire prévaloir ses vues personnelles et à ne pas se maintenir à égale distance de toutes les parties.
Un fait paraît certain: le chef du gouvernement ne cèdera pas le portefeuille des Finances, car il a élaboré un nouveau système fiscal qu’il tentera de faire adopter par le président Lahoud, parce qu’il considère ce système comme l’unique moyen - et non les impôts directs - d’accroître les rentrées du Trésor et, partant, de couvrir les charges provenant de la dette publique.
M. Hariri tient toujours, dit-on, à relever le prix de l’essence, en dépit de la baisse du prix de ce carburant sur les marchés mondiaux et essaiera de convaincre le nouveau chef de l’Etat de la justesse de sa politique dans ce domaine; tâche qui s’annonce, d’ores et déjà, malaisée!

NADIM EL-HACHEM

Home
Home