Les milieux de l’opposition y décèlent un signe des divergences
qui ne manqueraient pas de se manifester à plus ou moins brève
échéance entre les deux hommes, étant donné
leur style différent et la vision qu’ils se font de la manière
de résoudre les problèmes et les dossiers chauds.
Bien qu’au cours d’une interview télévisée accordée
au Caire, le Premier ministre ait assuré être en parfait accord
avec le président élu “sur toute la ligne” et qu’il décevra
tous ceux qui s’attendent à les voir en désaccord.
Toujours est-il que M. Hariri a tiré la conclusion de ses réunions
de travail avec le nouveau président de la République: il
n’aura pas les mains libres comme au temps du précédent régime,
la troïka de triste mémoire, n’ayant aucune chance de réapparaître.
Les observateurs pensent, toutefois, qu’il s’accrochera autant qu’avant
à la troisième présidence, car il y va de son prestige
personnel, comme de ses intérêts au double plan politique
et des affaires.
LE CABINET, UN TEST
Il va sans dire que la constitution du premier Cabinet du nouveau
régime, constituera un test quant à l’avenir des relations
entre les présidents Lahoud et Hariri.
Si la prochaine équipe ministérielle est formée
sans difficulté et dans un délai logique, cela prouvera que
les deux hommes sont en mesure de s’entendre sur un programme d’action.
Leur coopération les conduira jusqu’aux élections législatives
qui auraient lieu au printemps, (au lieu de l’automne) de l’an 2.000.
Dans le cas contraire, les analystes présument que la coopération
entre les présidents de la République et du Conseil ne sera
pas de longue durée.
De toute manière, des sources renseignées disent qu’il
est prématuré de se perdre en conjectures à ce sujet.
Quoi qu’il en soit, le problème gouvernemental émergera
avec force au fur et à mesure qu’approchera la passation des pouvoirs.
D’aucuns croient que l’équipe gouvernementale serait déjà
prête, les consultations (contraignantes) qu’effectuerait le Général-Président
devant être de pure forme.
D’après des cercles informés, six à huit ministres
du Cabinet sortant, feraient partie du nouveau gouver-nement; il s’agit
de MM. Sleiman Frangié, Michel Murr, Walid Joumblatt, Talal Arslan,
Fouad Sanioura et, peut-être, M. Yassine Jaber, mais sans que ceux-ci
soient assurés de reprendre en main les mêmes portefeuilles.
Selon des sources fiables, la nouvelle équipe ministérielle
comprendrait des noms auxquels nul ne pense dans les milieux politiques.
L’heure de vérité approche et, alors, seront ouverts
les grands dossiers en rapport avec l’avenir de l’Etat, en particulier
aux niveaux financier, social et économique, des éléments
connus pour leur compétence et leur spécialisation devant
être chargés d’en entreprendre l’étude et de préconiser
des solutions adéquates.
AU-DESSUS DES SOUPÇONS...
Il est de notoriété publique que les membres du premier
Cabinet du nouveau régime seront au-dessus de tout soupçon
(comme la femme de César), inspirant confiance à l’opinion
publique. De fait, le président Lahoud se préoccupe de placer
aux postes-clés des titulaires connus autant pour leur compétence
que pour leur intégrité, la situation du pays exigeant une
action incessante dont seuls sont capables des éléments aptes
à assumer les responsabilités, plaçant l’intérêt
supérieur de la nation au-dessus de toutes les considérations.
Le Général-Président est déterminé
à effectuer un bond qualitatif par rapport à l’édification
d’un Etat moderne sur des bases solides, en profitant des expériences
du passé et, surtout, des erreurs qui ont été commises
à tous les niveaux.
Si l’Etat s’est effondré en raison de la guerre, la faute retombe
sur la faiblesse des institutions qui n’ont pu tenir le coup. Il importe
donc d’édifier l’Etat des institutions, ce qui exige une réforme
hardie qui mettrait à la place qu’il faut les éléments
valables et débarrasserait l’administration étatique des
corrompus et des incapables.
KORAYTEM ACQUIS À LA COHABITATION
Cela dit, les milieux proches du président Hariri assurent que
Koraytem est acquis à la cohabitation avec le chef du nouveau régime.
Aussi, le chef du gouvernement admet-t-il l’impossibilité pour lui
de choisir les membres de son Cabinet sans en référer au
chef de l’Etat qui a son mot à dire, surtout que le Général-Président
est soucieux d’amener au Sérail des ministres connus pour leur probité
et leur transparence.
Ainsi, pendant que le président Hraoui effectuait, dimanche
dernier, une visite familiale à Damas - puisqu’il était accompagné,
pour la première fois de la Première Libanaise - le président
élu procédait à un premier choix des futurs membres
du Cabinet, en agissant selon le principe de l’élimination: son
choix porterait, assure-t-on, sur des personnalités non traditionnalistes,
sans pour autant toucher aux constantes nationales autour desquelles se
retrouvent tous les Libanais.
En fait, le président Lahoud se maintiendra à égale
distance de toutes les parties, qu’il s’agisse des forces et courants politiques,
des communautés ou des groupes de pression - s’il en existe encore
- c’est pourquoi, il se conformera à la lettre et à l’esprit
de la Constitution, en excluant toute formule qui rappellerait, de près
ou de loin, la troïka.
Il n’y aura donc plus trois “pôles du pouvoir”, autrement dit
trois présidents résumant en leur personne les communautés
qu’ils représentent. En d’autres termes, le président de
la République sera le président de toutes les institutions,
s’acquittant du rôle d’arbitre, alors que les présidents de
la Chambre et du Conseil agiront en tant que représentants de toutes
les communautés, non de leurs communautés respectives.
De cette façon, l’Etat sera affranchi de l’esprit confessionnel
et ouvrira la voie à un régime soucieux de se maintenir au-dessus
de toutes les considérations d’ordre communautaire, sectaire ou
partisan.
Telle est l’orientation que le Général-Président
compte imprimer à la IIIème République.