SOUS LE SIGNE DE LA SOBRIETE DANS LE RESPECT ABSOLU DE LA CONSTITUTION ET DES LOIS
PRESTATION DE SERMENT ET PASSATION DE POUVOIRS POUR EMILE LAHOUD, 11eme PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

Je jure par le Dieu Tout-Puissant”... et les Libanais ont un nouveau président. Mardi 24 novembre 1998, une journée historique dans la vie de la nation, en cette fin de siècle! Historique, pour maintes raisons. Depuis 28 ans, le Liban n’avait plus connu une cérémonie d’investiture et de passation de pouvoirs se déroulant dans le respect des normes constitutionnelles à la place de l’Etoile; puis, au palais présidentiel de Baabda. Toute la procédure a été respectée à la lettre, avec sobriété, dignité et simplicité. Incroyable, mais vrai: la circulation n’a pas été interrompue, lors de la cérémonie, dans le secteur du parlement et le nouveau président s’est rendu au palais de Baabda sans tambour ni trompette, ne voulant en rien, perturber le rythme de la vie quotidienne du citoyen.
Journée mémorable, à cause du discours historique d’investiture du président Lahoud qui, d’emblée, a voulu placer son régime sous le signe de la transparence, de la franchise, de la clarté. Un discours prononcé d’un ton ferme et décidé. Chaque mot en est une promesse; chaque phrase, un titre de chapitre,  chaque thème, un programme de travail et d’action pour les six ans à venir. Journée historique, car les engagements pris par le président Emile Lahoud devant la nation, seront pour lui un défi quotidien à relever pour répondre à la confiance que le peuple, “les gens” tel qu’il l’a dit, ont placée en lui et à toutes les attentes des citoyens.
Seul, il ne pourra rien faire. Il a besoin de la collaboration de tous, de ceux, surtout, qui l’ont applaudi si intensément le 24 novembre, de ceux qui fondent de grands espoirs sur le nouveau régime.
   
 
SERMENT CONSTITUTIONNEL
La grande horloge de la place de l’Etoile indique quelques minutes avant les onze heures, à l’instant où le président élu,  arrive sur les lieux. Il passe en revue un détachement de la garde présidentielle, alors que la fanfare exécute “l’hymne aux honneurs”. Le président de la Chambre, M. Nabih Berri, accueille le général Lahoud au bas des marches du parlement qu’ils gravissent ensemble, alors que les membres du bureau de la Chambre le reçoivent à l’entrée.
Il est onze heures. Le président élu pénètre dans l’hémicycle, par la grande porte, sous les chaleureux applaudissements des députés, des membres du gouvernement, des invités officiels et des représentants des médias.
La séance est déclarée ouverte. Le président de la Chambre prononce un discours de quinze minutes appelant, ensuite, le président Lahoud à prêter le serment constitutionnel.
“Je jure par le Dieu Tout-Puissant de respecter la Constitution de la Nation libanaise et ses lois; de veiller sur l’indépendance du Liban et son intégrité territoriale.”
Debout, l’assistance écoute, religieusement, non sans émotion, le chef de l’Etat, le bras droit tendu, prêtant le “serment à la patrie”.
Puissent ces mots prononcés avec tant d’assurance et de fermeté, être le garant d’un meilleur avenir pour le Liban et ses fils. Au fond du cœur de chacun, un ferment d’espoir a germé.
 
 Le président Lahoud passe en revue 
la garde d’honneur à son arrivée 
au palais de Baabda.
 
Le président Nabih Berri accueillant 
le président Lahoud à l’entrée du parlement.

LE DISCOURS D’INVESTITURE: “UN NOUVEAU PACTE NATIONAL”
C’est en ces termes que le président de l’Assemblée nationale qualifie le discours d’investiture, “qui, dit-il, constitue un véritable document de travail pour les six années à venir.”
Le nouveau chef de l’Etat s’exprime avec une rare franchise, une grande clarté, cherchant constamment à répondre à l’attente des ”gens”, mot qui reviendra sans cesse, dans son discours, affirmant avec force et détermination son objectif prioritaire: “le respect et l’application de la loi.”
Il est à maintes reprises, interrompu par les applaudissements de l’assistance. A partir de la tribune, on observe les parlementaires exprimant par un signe de la tête leur approbation de chaque phrase. L’important est qu’ils se montrent prêts à coopérer avec le nouveau régime, les applaudissements, à eux seuls, ne garantissant pas l’avenir.
Le président Lahoud entame son discours en ces termes: “Le jour où le parlement m’a accordé sa précieuse confiance, en m’élisant à la présidence de la République et devant toutes les réactions d’appui et d’espoir, j’ai éprouvé un mélange de joie et de sentiment de responsabilité. J’ai senti, dès le début , qu’on me demandait beaucoup, oui beaucoup. J’ai, alors, essayé de calmer ces vagues d’angoisse et je n’y suis parvenu qu’en me disant: Dans ce poste, tu pourras au moins faire quelque chose pour ton pays. Remets - toi à Dieu. Et c’est ce que j’ai fait.”
 

Le président Lahoud prêtant le serment constitutionnel.
 
Le chef du Législatif prononce son allocution.

RESPECT ET APPLICATION DE LA LOI
“Nous sommes, poursuit-il, dans un pays où tout le monde, responsables et subordonnés, se plaint et exprime des doutes: le langage de la loi est, tantôt absent et, tantôt escamoté.
“Je commencerai donc par ce langage et c’est avec lui que je terminerai (...) Responsables et pouvoirs, nous occupons ces fonctions au nom de la loi; nous ne devons jamais l’oublier... C’est la loi qui nous donne notre force, non nous-mêmes. Il n’y a pas d’avenir dans ce pays, ni pour les responsables, ni pour les simples citoyens, en dehors de l’Etat de droit et des institutions, à l’ombre d’un régime parlementaire démocratique.”
Le président Lahoud s’interroge: “Que veulent donc les gens?” et répond: “Ils réclament le changement pour des raisons connues et justifiées (...) Les citoyens veulent que nous, responsables, respections notre représentativité dans nos propos et nos actes (...) Ils veulent une justice intègre et indépendante de toutes formes d’interventions et d’influences, (...) une administration soumise à une surveillance stricte, caractérisée par la compétence et l’intégrité, dirigée par des responsables qui tirent leur immunité du bon exercice de leurs fonctions, non d’une protection politique ou confessionnelle.”
 
 
La tribune réservée aux invités officiels; 
au premier plan, les présidents Hélou, Kaddoura,
Amine el-Hafez et Rachid Solh. Au second plan,
MM. Mike Rahhal et Ray Lahoud, congressmen
US, d’origine libanaise.
 
Le président Hariri félicitant le président Lahoud.
COUPER LA MAIN DU VOLEUR
A propos des questions socio-économiques, le président Lahoud affirme: “Les gens sont conscients de l’ampleur de la crise sociale. (...) Ils ont le droit d’avoir une politique d’impôts et de taxes équilibrée et juste (...); de savoir comment sont dépensées les recettes provenant des impôts (...); comment sont accordées “les adjudications et exécutés les projets”... Ils ont le droit de voir comment sera sanctionné le voleur, quel qu’il soit le dépensier, le profiteur et le corrompu” (...).
Il conclut ce volet de son discours par ce qu’on peut qualifier de “promesse d’engagement” qu’il énonce comme suit: “Les gens et, en particulier les jeunes, souhaitent que l’on s’occupe de l’éducation, de la santé et des problèmes socio-humains et écologiques
“Il n’est pas permis que la pauvreté soit un obstacle à l’enseignement.
“Il n’est pas possible que la pauvreté empêche de se faire soigner et d’obtenir un travail.
“Il n’est pas permis que se poursuivent les crimes contre l’environnement.
“Il n’est pas permis qu’un déplacé reste hors de sa terre.
“Il n’est pas permis qu’un émigré oublie sa patrie.
“Et il n’est pas permis que la politique soit l’otage du confessionnalisme.”
 
 
 Le nouveau chef de l’Etat félicité par 
M. Issam Farès, député de Akkar.
 
 ... et Walid Joumblatt...
“ENTRE NOUS ET LA SYRIE”
A propos de la relation libano-syrienne, le chef de l’Etat exprime, sans détour, sa position: “Notre relation avec la Syrie est une relation d’Histoire, de terre et de peuple. Elle ne peut être un pari ou une simple complaisance, mais un destin et un choix. Mon expérience dans la réédification de l’armée m’a donné la foi et la preuve que la Syrie, avec son chef, son peuple et son armée, veut le bien du Liban. Elle appuie sans limites l’Etat libanais (...).”
Il considère, aussi, que “si les Libanais, particulièrement certains d’entre eux qui se trouvaient au pouvoir, avaient pris conscience de l’essence de l’initiative syrienne lancée par ce véritable frère du Liban qu’est le président Hafez Assad, l’hémorragie et la destruction ne se seraient pas tellement prolongés...
“Ce fut, poursuit-il, une grave faute politique contre le Liban de considérer, comme l’ont fait certains dans le passé, que la relation avec la Syrie est un pari temporaire, utilisable lorsqu’on est faible et que l’on trahit lorsqu’on est fort (...) oubliant ainsi que nous nous renforçons et nous nous affaiblissons ensemble.”
 
 
 ... MM. Najah Wakim et Moustapha Saad, 
députés de Beyrouth et de Saïda.
 
Le nouveau chef de l’Etat est accueilli
par son prédécesseur.
LA GRANDE CAUSE NATIONALE
Autre volet du discours: “Le Sud et les Sudistes: “C’est, dit-il, ce que veulent le plus les Libanais (...) De cette tribune, je salue ceux qui tiennent bon, ceux qui font de la résistance et ceux qui appuient leur armée dans sa confrontation avec l’occupation israélienne.”
Sa position est ferme  en ce qui concerne la résolution 425; le refus des garanties demandées par Israël aux dépens du Liban. “Dans notre conception, précise-t-il, la paix totale signifie que le Liban a un intérêt national supérieur, stable, permanent et vital dans la concomitance des volets libanais et syrien. La règle de base est le retrait israélien global du Liban-Sud, de la Békaa-Ouest et du Golan, conformément aux résolutions des Nations Unies.
Le Premier Libanais s’adresse, ensuite, aux pays arabes frères “qu’il faut remercier de tout ce qu’ils ont donné au Liban hier et aujourd’hui. Ils sont une source d’amitié, de fraternité et d’appui (...) Un Liban “guéri” est un bienfait pour tous les Arabes.” (...)
“Je souhaite, aussi, collaborer avec les Etats amis et tiens à remercier ceux qui ont aidé le Liban dans le domaine de l’économie et des projets de développement; ceux qui l’appuient dans les instances internationales.”
 
 
 Les deux présidents portent un
toast avant de se séparer.
 

Le président Hraoui félicite son successeur
après l’avoir décoré du Grand Cordon
de l’Ordre national du Mérite.
LIBANAIS, VOUS ÊTES LES JUGES ET L’ARBITRE
Le président Lahoud achève son discours d’investiture en ces termes: “Je veux que tout le monde sache que nous sommes dans un régime démocratique parlementaire, au sein duquel le changement est régi par des règles, des critères et où tous les pouvoirs sont soumis à des principes. Les prérogatives y sont clairement définies et il est impossible à un pouvoir de réaliser seul le changement souhaité.
“C’est pourquoi, je dis à tous: je ne possède pas une baguette magique qui peut répondre à vos espoirs du jour au lendemain. Mais j’ai la volonté, la détermination et ma main est tendue à tous vers le bien, le juste et le vrai.
“Je dis aux gens: il y aura, immanquablement, un début, oui, il y aura un début, ne vous hâtez pas de juger sur la base des visages et des noms, quels qu’ils soient. Attendez la pratique; c’est là que vous trouverez la réponse.
“Libanais, vous êtes les juges et l’arbitre.”
Vive le Liban

BERRI: “L’ASSEMBLÉE SOUTIENT L’ÉTAT DES INSTITUTIONS”
Après les paroles de bienvenue, M. Nabih Berri s’adresse en ces termes au chef de l’Etat: “L’Assemblée nationale et le peuple libanais placent leurs espoirs dans votre personne et leur sentiment croissant que la confiance en l’Etat va augmenter durant votre mandat; que le Liban pourra prendre le droit chemin pour concrétiser l’Etat des institutions et du droit”...
Evoquant le rôle de l’Assemblée nationale, M. Berri affirme: “Durant le mandat de votre prédécesseur, elle a complètement joué son rôle dans le cadre de ses fonctions législatives et de contrôle, conformément à la Constitution et à son règlement intérieur (...)
“L’Assemblée nationale, poursuit-il, fera preuve durant votre mandat, de plus de partialité pour l’Etat des institutions et pour la réalisation de toute réforme politique et administrative susceptible de renforcer la confiance en l’Etat... Elle va partager votre souci de dévoiler toute personne qui excède son pouvoir et toute celle qui essaie d’abuser de son autorité...
“Votre excellence, conclut-il, prend les rênes du pouvoir, alors que le pays souffre toujours de nombreux problèmes légués et accumulés, (...) Nous sommes certains de votre résolution à confronter les difficultés, tout en affirmant que vous pourrez compter le plus sur l’Assemblée pour préserver l’unité nationale. Nous allons poursuivre notre travail dans le but de rendre l’image du Liban rayonnante comme le matin, claire comme la plaine de la Békaa, puissante comme ses montagnes, resplendissante comme un collier de perles sur la Méditerranée, ainsi étaient Tyr, Sidon, Beyrouth, Byblos et Tripoli.”

DE LA PLACE DE L’ÉTOILE AU PALAIS PRÉSIDENTIEL
La cérémonie d’investiture a duré de 11 heures à 11h45. Dans les salons du parlement, le président Emile Lahoud reçoit les félicitations des membres du gouvernement, des parlementaires, des invités officiels et des représentants des médias.
A 12h15, il quitte la Place de l’Etoile pour gagner le palais de Baabda, “sans tambour ni trompette”. Ce fait exceptionnel mérite d’être relevé: point de route ou de croisements névralgiques fermés à la circulation pour assurer le passage du convoi présidentiel qui prend la route comme tout citoyen ordinaire à tel point qu’à un certain moment, il a été bloqué par les embouteillages. Preuve en est qu’il a mis une demi-heure pour arriver à Baabda.
Il est 12h50, lorsqu’il arrive au palais présidentiel. Le chef du protocole, Maroun Haïmari, l’accueille dans la cour extérieure. Il passe en revue un détachement de la garde présidentielle et la fanfare exécute l’hymne national.
Le nouveau chef de l’Etat est accueilli à l’entrée du palais par le président sortant. Ils passent ensemble sous une haie d’épées brandies par des effectifs de la garde présidentielle et se dirigent au “salon du 22 novembre”.
Dans un mot improvisé, le président Hraoui évoque le discours d’investiture qu’a prononcé le président Lahoud à la Chambre: “Ce que vous avez promis aux Libanais aujourd’hui, dit-il, a apporté un vif soulagement dans les cœurs. Certes, vous n’avez pas de baguette magique, mais vous avez la détermination et la volonté. Avec tous les citoyens, je souhaite que votre discours d’investiture réponde aux ambitions et aux aspirations de tous les citoyens.
“En toute fierté et joie, je vous félicite. Que Dieu vous aide. Nous sommes à vos côtés pour assumer cette dure responsabilité.”

UNE PROMESSE D’ESPOIR
Le président Hraoui remet à son successeur la plus haute décoration de l’Etat libanais, celle du Mérite libanais du grade exceptionnel. Les deux présidents reçoivent les félicitations des officiers supérieurs, des fonctionnaires du palais et des représentants des médias. Ils repassent ensemble sous les épées de la garde présidentielle. Le président Lahoud accompagne le président Hraoui jusqu’à la sortie et lui fait ses adieux.
M. Hraoui se dirige dans sa voiture privée (immatriculée 170) vers sa résidence à Yarzé et le président Lahoud gagne le bureau présidentiel.

 
• A la séance d’investiture:
Le gouvernement était au complet.
Quatre parlementaires se sont absentés: MM. Georges Dib Nehmé et Tammam Salam (avec excuse); le président Omar Karamé et Mohamed Raad, (sans excuse).
• Dans les tribunes officielles avaient pris place: l’ex-président Charles Hélou; trois anciens présidents du Conseil: Rachid Solh, Chafic Wazzan et Amine el-Hafez; Abdel-Kader Kaddoura, président du Conseil du peuple syrien;  les membres du corps diplomatique arabe et étranger, des parlementaires venus de différents pays invités pour la circonstance; les présidents des Ordres de la Presse, des journalistes, des Ordres professionnels et de la CGTL.
• Les fils du président Lahoud, son frère, le juge Nasri Lahoud et le fils de celui-ci avaient pris place parmi les journalistes.
• D’importantes mesures de sécurité avaient été prises autour du parlement, mais la circulation est demeurée normale place Riad Solh.

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