En agissant de la sorte, le chef de l’Etat s’est conformé à
l’un des points de son discours-programme qu’il a prononcé devant
l’Assemblée au cours de la cérémonie d’investiture.
Ce discours s’est distingué par la clarté et une vision
nette
de la façon, dont le président Lahoud conçoit la réforme
politique et administrative. De plus, il s’est distingué par le
souci du Premier Libanais de se classer au même niveau que le citoyen,
en disant qu’il se placera au-dessous de la loi, comme le veut le législateur,
“cette loi, dit-il, dont nous tirons notre force.” Et d’ajouter: “Pas d’avenir
au peuple de ce pays, gouvernants et administrés, en dehors de l’Etat
de droit et des institutions, à l’ombre d’un système parlementaire
et démocratique.”
SECURITE ET LIBERTES PUBLIQUES
Le président Lahoud a mis l’accent, d’autre part, sur la nécessité
d’assurer la sécurité et de sauvegarder les libertés
publiques, celles-ci étant garanties par la stricte application
des lois et règlements en vigueur envers et contre tous, ces derniers
servant l’intérêt du citoyen et de la patrie.
Ceux qui ont assisté à la séance parlementaire
de mardi, au cours de laquelle le président de la République
a prêté le serment constitutionnel, ont constaté que
le chef du gouvernement était contrarié par les points
qu’a développés le chef de l’Etat, notamment ceux en rapport
avec la situation économico-financière, spécialement
le passage où il a dit que “les gens ont le droit de savoir comment
s’est amoncelée la dette publique et de réclamer une politique
fiscale équitable et équilibrée, le citoyen dans le
besoin ne devant pas supporter le fardeau du nanti.”
Et aussi, “de voir comment sera tranchée la main du voleur,
du profiteur et du corrompu, quels qu’ils soient.”
Cependant, en dépit de son désappointement, le président
Hariri a qualifié le discours présidentiel “d’excellent,
traduisant les souhaits des citoyens et leurs aspirations, d’autant qu’il
définit les grandes lignes du changement que tout le monde attend
avec impatience.”
M. Hariri devait, par la suite, faire distribuer par son bureau médiatique,
le texte d’une déclaration où il souligne qu’il avait préconisé,
auparavant, les grands titres consignés dans le discours présidentiel.
“C’est, a-t-il ajouté, un discours populaire et étudié,
par lequel le chef de l’Etat s’est adressé aux gens: c’est pourquoi,
il est allé droit à leur cœur, d’autant qu’il a émis
une série de titres et de slogans que tout un chacun approuve. Je
crois qu’il ne sera pas difficile de les concrétiser, surtout que
le président Lahoud a parlé avec objectivité et réalisme,
en précisant qu’il ne disposait pas d’une baguette magique.”
Toujours est-il, que le com-muniqué du palais de Baabda ayant
annoncé que le gou-vernement était démission-naire,
comme le veut la Cons-titution, n’a pas manqué de gêner le
président du Conseil qui se promettait de se rendre auprès
du chef de l’Etat mer-credi, afin de lui remettre la démission de
son Cabinet.
CONSULTATIONS PARLEMENTAIRES
Quoi qu’il en soit, le pré-sident Lahoud a entamé ses
consultations parlementaires jeudi, en vue de désigner le nouveau
Premier ministre, étant entendu que M. Hariri sera chargé
de former le pre-mier gouvernement du nou-veau régime.
Cela dit, il y a lieu de signaler que les “Hraouistes” se sont formalisés
du fait que le discours d’investiture a totalement ignoré le régime
précédent, en s’abs-tenant d’évoquer ses réalisations
et, surtout, en ne s’engageant pas à parachever les projets en cours
d’exécution.
Le Général-Président a, au contraire, fait état
du gaspillage et de la dilapidation des deniers publics d’une manière
arbitraire.
Fait à signaler: dans son message adressé à la
nation, la veille de la fête de l’indépendance, M. Hraoui
avait appelé les citoyens “à se regrouper autour de son successeur
et à le soutenir.”
Bien plus, comme dans son ordre du jour adressé à la
troupe au cours de la même occasion, le général Lahoud
a réaffirmé sa détermination à maintenir l’Armée
à l’abri de la politique et d’empêcher les politiciens de
s’y immiscer, tout en s’engageant à réformer l’Administration
et, aussi, à réactiver la vie politique, en répétant
qu’en passant du commandement de l’armée à la direction politique,
il ne fait que changer de responsabilités.
Par ailleurs, le président Lahoud a insisté sur le principe
de l’équilibre basé sur la compétence, non sur l’esprit
confessionnel, sectaire ou clientéliste.
VERS UN CABINET RESTREINT
En ce qui concerne la forme du nouveau Cabinet et le nombre de ses
membres, on se perd en conjectures, l’unique indice à ce sujet ayant
été fourni par le président Nabih Berri.
En effet, le chef du Législatif a laissé entendre que
le chef de l’Etat penche en faveur d’un gouver-nement restreint de seize
mi-nistres, le préférant à une équipe élargie.
Il y a lieu d’observer, à ce propos, que M. Hariri sent qu’il
n’aura plus les mains libres dans le choix des membres du Cabinet, comme
lors de la constitution de ses gouvernements successifs, car il devra s’en
tenir aux critères définis par le président Lahoud,
à savoir: la compétence et l’honorabilité dans le
choix de ses collaborateurs.
De fait, ces derniers devront faire allégeance à l’Etat
et non à quelque leader politique ou même au président
du Conseil.
Par ailleurs, les milieux politiques s’interrogent sur le timing choisi
par M. Najah Wakim, député de Beyrouth et adversaire acharné
de M. Hariri, pour décrocher ses flèches empoisonnées
au chef du gouvernement, après l’avoir pris violemment à
partie avec ses ministres dans son livre “Les mains noires”, accusant ceux-ci
d’abus de pouvoir et de trafic d’influence.
Il semble que la coterie de M. Hariri procède à l’achat
de cet ouvrage en vente dans les librairies, afin d’empêcher sa diffusion,
étant donné que non moins de huit mille exemplaires en ont
été vendus.
Le moment choisi par M. Wakim pour déclencher sa cabale est
interprété comme une tentative d’affaiblir la position de
M. Hariri, afin qu’il ne puisse plus poser des conditions lors de la mise
sur pied du nouveau gouvernement.