D’ores et déjà, le “Cabinet des 16” par la voix de M.
Issam Naaman, rapporteur de la commission chargée de mettre au point
la déclaration ministérielle, a explicité certaines
de ses options: agir vite sans précipitation, poursuivre les projets
de la reconstruction en cours d’exécution, les autres devant faire
l’objet d’une étude sur la base d’un plan rationnel et d’un ordre
des priorités plaçant les projets les plus importants sur
les projets importants; il n’est pas question de réclamer les pouvoirs
exceptionnels.
La transparence, la compétence et l’honorabilité étant
la marque distinctive du nouveau régime, les félicitations
adressées au chef de l’Etat ont été couronnées,
cette semaine, par celles du président Bill Clinton transmises par
Dona Shalala, ministre US de la Santé qui a proposé une aide
américaine de la part de son ministère au profit des secteurs
sanitaire et social au Liban.
Après que M. Rafic Hariri se soit récusé, le président
Lahoud a procédé à de nouvelles consultations au terme
desquelles il a chargé le président Salim Hoss de former
le Cabinet, présenté comme “le gouvernement des législatives
de l’an 2000.”
La nouvelle équipe gouvernementale est formée de parlementaires
et panachée de technocrates, seuls MM. Michel Murr et Sleiman Frangié,
membres du Cabinet haririen, en faisant partie. Mais les partis n’y sont
pas représentés, afin de ne pas en accroître les effectifs,
les chefs de l’Etat et du gouvernement étant tombés d’accord
sur ce point.
A ce propos, il y a lieu d’observer que le bloc parlementaire du développement
et de la libération du président Nabih Berri est représenté
par trois de ses membres non affiliés à aucune formation
politique.
Quant à la “part” du président Hoss, elle se limite à
deux ministres: MM. Mohamed Y. Beydoun et Issam Naaman, ses colistiers
aux législatives de 96.
VELLÉITÉ D’OPPOSITION
Le fait pour les partis d’avoir été exclus de l’équipe
gouvernementale, pourrait favoriser l’émergence d’un “groupe d’opposition”
dont MM. Hariri et Walid Joumblatt pourraient constituer les chefs de file,
s’ils parviennent, toutefois, à rassembler autour d’eux les “mécontents”.
D’autant que le programme d’action du “Cabinet des 16” doit s’inspirer
du discours d’investiture, lequel constitue un véritable plan de
travail où la priorité est donnée aux problèmes
vitaux.
En tout cas, le gouvernement se présentera mardi prochain 15
décembre devant l’Assemblée pour le vote de confiance et
on connaîtra, alors, la dimension de l’opposition et les éléments
qui en feraient partie...
Il semble que les blocs haririen et joumblattiste n’accorderaient pas
la confiance ou, tout au moins, s’abstiendraient, en se promettant de juger
le Cabinet à l’œuvre.
Il va sans dire que l’opposition joumblato-haririenne ne pourra pas
disposer d’un soutien au niveau populaire, pour la simple raison que le
bilan du dernier “Cabinet des 30” est négatif et peut être
considéré comme le gouvernement le plus impopulaire des dix
dernières années. Aussi, le nouveau régime doit s’atteler
à réparer les erreurs du précédent.
Dans le même temps, le “Cabinet des 16” ne fera pas des promesses
impossibles à tenir et ne fixera pas des échéances
“printanières ou automnales”, comme le fit la première équipe
haririenne...
Autre point à signaler qui vaudra au président Hoss et
à son équipe le soutien de l’opinion publique: il sera procédé,
en priorité, au renforcement des organismes chargés de contrôler
l’exécution des projets, ces derniers devant, dorénavant,
faire l’objet d’une surveillance préalable et suivant leur réalisation,
afin de prévenir toute infraction ou abus. Naturel-lement, les adjudications
de gré à gré ne seront plus tolérées.
De cette manière, il sera mis un terme au gaspillage.
JOUMBLATT DOUTE DE LA CAPACITÉ DES “SEIZE”
Pour en revenir à l’éventuelle émergence d’une
opposition consistante, signalons la prise de position de M. Walid Joumblatt.
Etant descendu au début de la semaine au ministère des Déplacés
dont il détenait le portefeuille dans le précédent
gouvernement, le leader du PSP a harangué les fonctionnaires en
ces termes: “Je vous félicite pour les grandioses (!) réalisations
que vous avez accomplies et je proclame ici que seul Rafic Hariri nous
a apporté son soutien... Persévérez dans votre action
et n’ayez pas peur, car rien ne fait peur... Les nouveaux maîtres
du Sérail viennent avec de grands slogans et je doute qu’ils puissent
exécuter dix pour cent de ce qu’ils envisagent d’accomplir. Espérons,
en tout cas, qu’il n’y ait pas derrière eux un “Cabinet de l’ombre”
qui prendrait les décisions à leur place...”, faisant ainsi
allusion à un risque de “militarisation” du régime...
La veille, M. Joumblatt avait présenté la formation du
nouveau Cabinet de “coup d’Etat blanc ayant revêtu un cachet démocratique”
(sic)...
Il faut attendre le retour de M. Hariri de voyage, pour être
fixé sur ses véritables intentions, dont celle qu’on lui
attribue de vouloir concrétiser son idée de fonder le “parti
de l’avenir”, en prévision de la loi sur les partis que le gouvernement
se propose d’élaborer, en même temps qu’une nouvelle loi électorale
prévoyant un nouveau décou-page administratif.
VERS L’OUVERTURE DE CERTAINS DOSSIERS?
Il n’est pas à exclure que certains dossiers suspects soient
ouverts, dans lesquels seraient impliqués des éléments
connus pour être proches de M. Hariri.
Quelques-uns de ces dossiers ont déjà fait l’objet d’enquête,
notamment celui relatif à un immeuble de la rue Saïfi qui aurait
été exproprié dans des conditions irrégulières
et le transfert de documents du ministère des Finances.
Ceci avait porté l’ancien ministre d’Etat aux Finances à
rendre visite au président Hoss - au moment où il effectuait
ses consultations - pour lui expliquer en détail le problème?
Il devait déclarer, par la suite: “Ma patrie n’est pas une valise
et je ne pars pas en voyage”, démentant ainsi les rumeurs qui lui
prêtaient l’intention de s’accorder quelques semaines de vacances...