Bloc - Notes

ParALINE LAHOUD  
 

SOUS LE SIGNE DE LA TRANSPARENCE

Dommage que d’aussi bons acteurs aient raté leur vocation pour entrer en politique, laquelle politique, surtout la nôtre,  n’a vraiment pas besoin d’une parodie aussi chargée pour n’être qu’un navet.
A voir les personnages qui s’agitent actuellement sur la scène publique, on se demande à quoi tendent toutes ces gesticulations et que cherche-t-on au juste? Nous aurions pu dire, à l’exemple de Pirandello, qu’ils “sont en quête d’auteur”. Mais il semble, en l’occurrence, qu’ils seraient plutôt en quête de décideurs et ce, depuis que les décideurs en question ont choisi d’adopter un profil bas, laissant plus ou moins la bride sur le cou aux uns et aux autres. Et la soudaine liberté, - relative il est vrai - à laquelle notre classe politique n’était pas  habituée, a provoqué, chez certains, une sorte de transport au cerveau qui se traduit par un désordre oral d’une extrême virulence. La cible en est l’amorce de réformes entreprises par le nouveau régime.
Les Libanais ont passé la presque totalité de leur existence en république - depuis Charles Debbas jusqu’à nos jours - à réclamer des réformes. Chaque régime a apporté dans ses bagages des tonnes de promesses en ce sens. Il y eut même des tentatives toujours avortées, quelquefois même avant d’être esquissées. Dans un passé relativement récent, ce fut le cas sous les présidents Chamoun, Hélou, Gemayel et Hraoui.
Tout le monde se souvient du coup d’éclat du premier gouvernement Hariri qui limogea un bon paquet de hauts - et moins hauts - fonctionnaires et reçut le camouflet de voir revenir par la fenêtre ceux qu’il avait mis à la porte.
Après quoi, se le tenant pour dit, le président Hariri se mit à doubler les éléments déficients dont il ne pouvait pas se débarrasser par d’autres choisis par lui et jouissant de sa confiance, afin d’accélérer le train de la reconstruction.
C’était fermer la plaie sur un abcès purulent.
Ce qu’entreprend aujourd’hui le gouverne-ment Hoss, c’est de débrider cette plaie avant que la gangrène gagne le reste du corps.
 Evidemment, lancé comme il l’a été, le mouvement de réforme et d’assainissement de l’administration publique a apparu comme une mesure de rétorsion, du moment qu’il n’a pas été officiellement justifié par des dossiers solidement établis et prouvés de façon irréfutable. Certains y ont vu - ou ont voulu y voir -  de l’arbitraire et une amorce de dictature. Deux notions insupportables pour les Libanais psychologiquement et historiquement allergiques à toute forme d’aliénation de la liberté et des droits de l’homme. C’était faire là un procès d’intention au régime et l’on pouvait - ce qui n’aurait été que juste - lui accorder le bénéfice du doute, là où, durant six ans, l’on a fait à d’autres crédit à découvert.
Cependant, bénéfice du doute ou pas, il ne sert à rien de partir en flèche si l’on devait se laisser arrêter par la levée de boucliers à laquelle on assiste actuellement et cette campagne de dénigrements véhiculée par certains médias et organes de presse.
La réforme, l’épuration d’une administration gangrénée jusqu’à la moelle est la première des priorités. Bâtir sur de la pourriture, comme ce fut le cas jusqu’à présent, est non seulement moralement condamnable mais logiquement impensable. Et les Libanais, qui ont acclamé l’avènement du nouveau régime, ne sont plus prêts à passer l’éponge. Ils ne tolèreront plus de nouvelles compromissions et d’acrobatiques reculades.
Que les dossiers, tous les dossiers sans exception, soient ouverts et rendus publics, quitte à vider l’administration de son dernier fonctionnaire. Que les éléments honnêtes ne paient pas le prix de rumeurs incontrôlables et qu’il ne soit plus laissé aux coupables la moindre latitude pour se protéger derrière le paravent des interventions agissantes et turbulentes et de la démagogie bon marché. La population, traumatisée, en a ras-le-bol de ce genre d’agissements qui l’ont menée au bord de la catastrophe.
Une population qui n’a renoncé ni à ses revendications, ni à son animosité envers un pouvoir qui, pendant de longues années, a dénié ses droits, une population qui, en attendant de juger les nouveaux venus à l’œuvre, a placé ses griefs en “stand by” (selon les termes consacrés) et dont le nouveau régime ferait bien de rester à l’écoute.
Court-circuiter la réforme ou se contenter d’une ébauche qui tournerait court, serait lourd de conséquences. Comme le disait Antoine Boulay de la Meurthe (phrase qu’on attribue à tort à Talleyrand), à propos de l’exécution du duc d’Enghien: “C’est plus qu’un crime, c’est une faute.” 

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