L’“IMPEACHMENT”,
LE “PROCÈS DU SIÈCLE”  SUR RAILS

Le président Clinton aura, par tous les moyens, tenté d’évacuer de sa vie l’affaire Lewinsky et de l’effacer des pages d’histoire qu’il aurait voulu écrire à sa gloire personnelle et celle de l’Amérique.
 

 
 
Les auditeurs attendant dans la neige pour obtenir 
des billets d’entrée au Sénat.
 
Clinton au Salon de l’automobile à Detroit, accompagné du fils
d’un congressman John Conyors, John III, 8 ans. (Voir aussi page 36)
 
 Bill et Hillary au sommet de la popularité,
l’apparence d’un couple uni.
Les 100 sénateurs prêtent serment sous la présidence
du chef de la Cour suprême, William Rehnquist.
 
 
 
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Apparemment, il n’y a guère réussi. Mais l’histoire pourrait bouleverser la procédure des hommes, en dépassionnant les débats et évacuer à son tour des mémoires cette sinistre histoire d’alcôve censée rester confinée dans les replis secrets d’une maladroite aventure sexuelle.
L’histoire pourrait, ainsi, rétablir l’ordre des priorités comme l’ont déjà fait la majorité des Américains restés insensibles au déballage pornographique inscrit sur 60.000 pages de témoignages et documents livrés par l’impopulaire procureur indépendant Kenneth Starr. De même qu’au vote, le 19 décembre dernier, par la Chambre des représentants, sur recommandation de la Commission judiciaire, de deux articles de destitution pour parjure et obstruction à la justice, mettant en danger le deuxième mandat de Bill Clinton, le président démocrate le plus populaire et demeuré le plus longtemps au pouvoir depuis Franklin Roosevelt.
Selon un sondage publié par le magazine “Times” et la chaîne de télévision CNN, 62% des Américains estiment que le Sénat ne devrait pas voter en faveur de la destitution de Clinton, 63% déclarent que celui-ci ne devrait pas démissionner, alors que 49% d’entre eux optent pour la censure contre 48% qui s’y opposent. La cote de popularité du président est même montée de trois points depuis la mi-décembre atteignant les 67%. Il reste celui qu’ils admirent le plus en Amérique

APRÈS LE VERDICT DU 3 NOVEMBRE, CELUI DE L’AN 2000
C’est en vain que Trent Lott, sénateur du Mississipi et leader modéré de la majorité républicaine, a tenté de négocier, en coopération avec la minorité démocrate, une issue honorable à la crise, en vue d’un procès rapide faisant l’économie d’une comparution de témoins qui donnerait lieu à un nouveau déballage pornographique à la face du monde. Mais les ultras-républicains lui ont opposé une fin de non-recevoir. Noyautés par une minorité activiste, sous l’impulsion de la droite chrétienne prête à tous les combats, ils entendent aller jusqu’au bout de la procédure, dans l’espoir d’abattre un président honni qui ne partage pas leurs valeurs.
La droite chrétienne du Grand Old Party ne représente en fait que 30% de son électorat et seulement 10% des Américains. Les treize “managers” issus de la Chambre des représentants, qui font office de procureurs, semblent partager sa haine du président et sont prêts à la guerre, d’autant que ce sont pour la plupart des juristes chevronnés connaissant les règles du jeu et la puissance de la loi. Mais ils restent apparemment déphasés par rapport à la majorité des Américains.
Ceux-ci leur ont déjà exprimé leur désaveu lors des législatives du 3 novembre dernier qui leur ont infligé un semi-échec augmentant même, phénomène rare pour un parti au pouvoir, la représentation démocrate au Congrès. Leur politique leur a déjà coûté deux speakers, l’ancien Newt Gingrich et celui destiné à sa succession, Bob Livingstone. Elle risque de leur coûter les élections de l’an 2000. Le GOP qui connaît une forte érosion ne séduit plus que 40% des électeurs et semble au plus bas de sa popularité.

LE 106ÈME CONGRÈS SE VEUT ÉQUITABLE ET SEREIN
Lors de sa rentrée parlementaire le 6 janvier, le 106ème Congrès américain (435 représentants, 100 sénateurs) a voulu se démarquer quelque peu de celui qui l’a précédé, en tentant de débattre dans l’équité et la sérenité du problème qu’il a hérité de celui qui l’a précédé et dont la Chambre des représentants avait, en votant la destitution, donné le spectacle de la désunion. Il avait sur les bras une procédure à réinventer, la dernière en date remontant à 130 ans et relative au procès d’Andrew Johnson, sauvé à une voix près de l’“impeachment”.
Entré en scène, le lendemain, William Rehnquist, 74 ans, chef de la Cour suprême, présidait le Sénat transformé en tribunal et faisait prêter serment aux sénateurs devenus juges et jurés. Il recevait les deux chefs d’inculpation portés par William Hyde et les douze autres “managers”, mais se trouvait neutralisé par les courants contradictoires animés par les républicains (55) et les démocrates (45) portant notamment sur la procédure et la convocation de témoins.
Le vendredi 8 janvier, à l’issue d’une réunion à huis clos, les 100 sénateurs conduits par le leader de la majorité républicaine, Trent Lott et le leader de la minorité démocrate, Tom Daschle, ont adopté à l’unanimité les modalités du procès où tout reste finalement à définir. Ce compromis dit “historique”, fixe au 13 janvier le coup d’envoi des débats. Les deux parties, à savoir les “managers” et les avocats du président, disposeront chacune de 24 heures couvrant plusieurs jours pour présenter leurs arguments. Quant aux sénateurs, ils bénéficieront de 16 heures pour poser des questions. Ils procèderont par écrit en ayant recours au président de séance. Ils pourraient demander, à la moitié des voix, l’audition de témoins. Celle-ci se fera au cas par cas et n’est pas acquise d’avance, comme le réclamaient les ultras-républicains et que rejetaient en bloc les démocrates qui estiment suffisant le déballage pornographique du procureur Starr.
Monica (avec ses 83 kilos) et les autres, Linda Tripp, Betty Curie, le secrétaire du président, Vernon Jordan proche ami de celui-ci, peut-être une douzaine de témoins y compris Kenneth Starr, pourraient être appelés à comparaître devant le Sénat.

À LA RECHERCHE DU “SMOKING GUN”
Si à tout moment le procès pourrait être arrêté et le non-lieu ou la réprimande votés, à tout moment également, un élément nouveau pourrait créer la surprise et constituer le “smoking gun” ou argument-clé que recherchent en vain depuis douze mois les ultras-républicains et qui pourrait précipiter la chute de Clinton. A tout moment, également, Larry Flint, éditeur du magazine “Hustler”, pourrait entrer en ligne et dévoiler, comme il le promet, une aventure sexuelle à sensation attribuée à un ténor républicain.
La boîte de Pandore est ouverte. Et nul n’y échappera. Une présidence fragilisée, de même qu’un Congrès vivier idéal pour les scandales. Qui aurait pensé que l’affaire Paula Jones mènerait à l’affaire Lewinsky et qu’une petite stagiaire de la Maison-Blanche mènerait au bord du précipice le “come-back kid”qui a apporté à l’Amérique 93 mois de croissance?
Pendant que son sort est débattu au Sénat, Clinton qui a évité de regarder la télévision, a préféré poursuivre sa politique de proximité en faveur de l’école, de la lutte contre la drogue et des retraites. Il sait bien que, selon l’arithmétique, sa destitution est impossible. Les 67 voix ou la majorité des deux-tiers n’est pas acquise. Son seul vœu est que les choses aillent au plus vite. Il a, d’ores et déjà, donné rendez-vous à ses concitoyens, le 19 janvier, pour son traditionnel discours sur l’Etat de l’Union.


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