FLÉAU DES TEMPS MODERNES, ENNEMI PUBLIC NUMÉRO UN  LE BRUIT REND MALADE
Poubelles métalliques qu’on renverse à l’aube dans un bruit d’enfer, marteaux piqueurs qui vous réveillent en sursaut: voisins sans-gêne qui font meugler les meubles et gronder la musique, mobylettes qui scient leurs pots d’échappement, klaxons des stressés du volant, le bruit revêt mille et une façons pour déchirer les oreilles et mettre les nerfs en boule.
Au point que l’on est souvent tenté de se prendre la tête entre les mains et de hurler (ce n’est pas mieux bien sûr!): “Assez!”
N’y a-t-il donc pas de loi qui protège le citoyen de la surdité et de la dépression, qui insonorise les lieux bruyants et pénalise les contrevenants? Qu’en pensent les médecins? Comment prévenir les problèmes d’audition?

“Le Robert” définit le bruit en ces termes: “Ce qui, dans ce qui est perçu par l’ouïe, n’est pas senti comme son musical; phénomène acoustique dû à la superposition des vibrations diverses non harmoniques.”
En médecine, le bruit est un son qui présente deux caractéristiques: l’intensité et la fréquence et trois connotations: physique, physiologique et psychologique.
• D’un point de vue physique, le bruit est un son qui a peu ou pas de périodicité, dont la fréquence change et qui peut être mesurée (la fréquence en Hertz (Hz) et l’intensité en décibels (dB).)
• D’un point de vue physiologique, le bruit est un son qui ne porte pas d’information précise et varie de façon chaotique dans le temps.
• D’un point de vue psychologique, le bruit est, sans doute, un son désagréable et indésirable.
En d’autres termes, le bruit est un son qui nous est imposé. Il constitue une véritable agression sur la santé humaine. C’est, peut-être, la raison pour laquelle en France le bruit vient en première place dans le cahier des doléances des citoyens, loin devant la pollution, la violence ou l’insécurité, le nombre des plaintes pour tapage diurne ou nocturne dûment déposées enflant d’année en année.
- Quelles sont les répercussions du bruit sur la santé?
“Qui dit agression dit nuisance. Or, une chose est sûre: le bruit nuit à la santé de l’homme, en général, autant qu’à l’ouïe, en particulier. Perçu par l’oreille, le bruit retentit, de façon nocive sur tout le corps, mais ses conséquences varient en fonction de son intensité autant que de sa durée, car il est clair que plus la durée d’exposition aux nuisances sonores est grande, plus leur intensité est forte et plus le mal est grand.
“C’est pourquoi, l’intensité du son augmentant, la durée doit diminuer. Ainsi, si on peut s’exposer durant près de quatre heures à 95 décibels, on ne doit pas dépasser la demie-heure quand on en est à 110 décibels! C’est dire l’importance de la chose, tant pour l’ouïe que pour l’ensemble du corps.”

EFFETS DU BRUIT
a) Sur l’ouïe:
Aussi, parmi les causes de surdité, le bruit figure-t-il en troisième position, après les infections de l’oreille et les atteintes vasculaires dues, notamment, à l’âge. Le bruit cause, sans doute, une lésion du système auditif, laquelle varie en fonction des circonstances et des individus. Ainsi, le traumatisme auditif commence à partir d’une fréquence de 4.000 Hertz (Hz) et la perte auditive se situe alors entre 20 et 30 décibels (dB). Cette baisse auditive peut augmenter, si le sujet continue à s’entourer de bruits, jusqu’à atteindre progressivement les hautes fréquences. Ce n’est que quand la baisse atteint les fréquences moyennes que l’individu commence à ressentir des difficultés à suivre une conversation, la voix se situant au niveau des fréquences moyennes.
Dans les cas aigus, la perte de l’ouïe est totale ou quasi-totale (plus de 70 dB) au voisinage de 4.000 Hertz (Hz) et des hautes fréquences. Cependant, la surdité résultant d’un traumatisme auditif n’est pas évolutive, en ce sens qu’elle cesse avec la cessation du bruit. En d’autres termes, si la personne atteinte de surdité partielle parvient à s’éloigner de la source du bruit, les conséquences peuvent s’arrêter là. L’oreille appartient au système nerveux. Or, les cellules nerveuses qui meurent sont irrécupérables, mais ont l’avantage d’agoniser  longtemps. Ceci permet de les “ressusciter”, si le mal est détecté à temps, d’où l’importance du screening et des examens de détection, audiométrie et autres...
Une étude effectuée sur des cobayes exposés à la musique tonitruante d’un night-club d’environ 125 dB a démontré qu’ils perdaient 25% des cellules ciliées de l’oreille interne. On constate, d’ailleurs, aujourd’hui de plus en plus de cas de surdité partielle précoce chez les adolescents et les habitants des grandes villes. Heureusement, ce traumatisme ne frappe pas toujours immédiatement et peut ne jamais survenir chez certaines personnes.
D’autre part, on observe une  baisse considérable de l’ouïe chez les ouvriers, en particulier en raison du bruit insoutenable qui règne souvent sur leur lieu de travail. Elle est appelée, dans ce cas, surdité professionnelle. Leur exposition au bruit peut provoquer des lésions de l’oreille interne et la déchirure du tympan sous l’influence d’un bruit qui peut atteindre parfois 160 dB.
 
 

À SAVOIR 
 L’oreille tolère, sans protection, jusqu’à 90 décibels pendant 8 heures de travail (ex: en usine). Au delà, elle doit être protégée. 
 Le seuil de l’audition normale est de zéro décibel (dB). On parle de surdité à partir de 30 dB. 
 Un coup de feu émet 165 à 180 dB selon le calibre. 
 L’avion à réaction 130 dB. 
 Le marteau piqueur 120 dB. 
 Les machines de l’industrie textile 90 dB. 
 Le bruit de la rue (en moyenne) 70 dB. 
 La conversation normale 60 dB. 
 Le chuchotement 30 dB. 
 Les feuilles d’arbres (frottement) 10 dB. 
 

LES SUJETS À RISQUE  (au hasard) 
 Les routiers (bruit et fumée d’échappement, klaxons...) 
 Les forgerons (martelage). 
 Les chasseurs, les militaires (armes à feu). 
 Les musiciens (violonistes...). 
 Les ouvriers d’usines (machines). 
 Les motocyclistes et ceux qui les entendent (bruit du moteur et vibration). 
 Les alcooliques (en synergie). 
 Les familles prédisposées par hérédité. 
 Les personnes âgées. 
 Les personnes soumises à certains traitements médicamenteux (en synergie). Attirer l’attention du médecin. 
 

 

MÉCANISME DE L’OUÏE ET SURDITÉ?
Le son produit une compression de molécules d’air constituant une masse d’énergie mécanique qui pénètre dans le canal auditif externe, fait vibrer le tympan; puis, les osselets. Cette vibration se transmet au liquide de l’oreille interne qui stimule, directement, les cellules ciliées de l’organe auditif, où s’effectue alors une transformation de l’énergie mécanique en énergie électrique transmise par des substances chimiques, lesquelles stimulent, à leur tour, le nerf auditif d’où l’ouïe (voir schéma). Quand l’énergie est soudaine, rapide et intense, l’impact qu’elle produit au niveau externe est celui d’une bourrasque violente frappant des membranes d’un centième de millimètre d’épaisseur et des osselets de 4 à 20 grammes de poids!
Quand l’exposition au bruit est chronique, elle affecte plutôt le système de transmission du son, la fonction des cellules ciliées; puis, la transmission électrique et neuro-chimique du son (oreille interne): le son est, alors, perçu incorrectement. Il faut savoir que les atteintes de l’oreille externe et moyenne restent curables mais non celles de l’oreille interne.
 
 


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b) Sur les organes et les sens:
Si le bruit s’avère un grand ennemi des oreilles, il n’en affecte pas moins d’autres parties du corps.
En effet, le bruit et les sons forts provoquent des troubles de l’équilibre qui se manifestent dans la démarche de l’individu et dans la difficulté de coordonner ses mouvements. Tout comme il peut se traduire par des vertiges et des nausées, notamment chez les personnes travaillant à proximité de moteurs à réaction, même après la fin de leur journée de travail. Par ailleurs, le bruit augmente les battements cardiaques et, par là même, la pression sanguine (hypertension).
De même on a constaté des troubles intestinaux et des ulcères d’estomac chez les personnes s’exposant longtemps au bruit au moment des repas et même une perte de l’appétit.
Une étude effectuée en Bulgarie dans de nombreux restaurants où la musique est assourdissante, a révélé que les habitués de ces restaurants qui s’installaient près des haut-parleurs ne mangeaient pratiquement rien de ce qu’ils commandaient.
Le bruit provoque, également, des troubles oculaires quant à la distinction des couleurs et à l’évaluation des distances, il perturbe les fonctions hormonales et provoque une sécrétion de produits toxiques, d’où un état de stress qui pourrait aboutir à une dépression, surtout chez les sujets prédisposés, hypothèse demeurée cependant sans preuves scientifiques.
Ainsi, le bruit produirait des effets physiologiques indésirables et même nocifs sur le corps humain, toutefois difficiles à prouver, comme notamment la lassitude, la migraine, le vertige les maux de tête... Anecdotique mais vraie, une étude effectuée en Ecosse dans les années 70, à l’époque où l’avion “Concorde” survolait, quotidiennement certaines fermes et franchissait le mur du son, a prouvé que les poules dans cette région pondaient moins sous l’effet du stress et que les vaches avaient moins de lait. Même le lait maternel humain était moins immunisant chez les femmes.
c) Sur le psychisme:
Les conséquences du bruit sur la santé physiologique et psychique s’imbriquent fortement, car chaque effet se répercute de façon négative sur l’autre. Les troubles psychiques peuvent être indéterminés ou déterminés et même maladifs, le bruit pouvant, selon les cas, être à l’origine de sentiments différents comme la gêne, l’oppression, l’ennui, la peur... Il peut, également, affaiblir l’attention et la concentration, provoquant  par là de nombreux accidents. Ainsi, les nuisances sonores (illégales), infligées sur les lieux de travail, constituent un fléau et sont responsable, de 11% des accidents du travail, de 15% des journées perdues, de 20% des internements psychiatriques en France! De même, le bruit de la rue et la musique à haut volume sont largement responsables des accidents de la route, puisqu’ils affectent le réflexe.
La mémoire non plus n’est pas épargnée; la suite dans les idées également. Aussi, a-t-on observé que la plus grande proportion de personnes qui avalaient le plus de somnifères habitaient au voisinage des aéroports et des autoroutes! Enfin, une étude effectuée par l’Académie française de médecine révèle que le bruit est responsable de 52% des maladies psychiques, car la fatigue psychique s’accumule progressivement, d’autant plus qu’il est absolument impossible de s’habituer au bruit!
Précisons, toutefois, que la susceptibilité au bruit n’est pas nécessairement due à un bruit fort; elle peut l’être, au contraire, à un bruit faible mais répétitif et monotone comme celui d’une goutte d’eau incessante.

COMMENT SE PROTÉGER DU BRUIT?
Devant un fléau aussi répandu qui touche tout individu sans distinction, notamment au Liban où le citoyen est soumis ou soumet impunément les autres à des agressions sonores quotidiennes: (klaxons, chantiers, générateurs électriques...) sans compter les vingt années de guerre (explosions, coups de feu), seule une loi réglementant le bruit pourrait constituer un garde-fou et contribuer, dans une large mesure, à solutionner le problème. Hélas! cette loi n’existe pas, ce qui explique bien des choses et toute victime du bruit demeure, pour l’instant, sans recours légal; avec toutefois un “espoir” donné par l’article 758 alinéa 1 du Code pénal libanais qui dispose: “Est passible d’une peine d’emprisonnement jusqu’à 3 mois ou d’une amende de 40.000 à 400.000 L.L. ou de ces deux peines cumulées, tout individu ayant porté préjudice à autrui en le privant de repos par le tapage ou le vacarme qu’il a causé ainsi que tout individu qui y a incité ou qui s’est fait complice de cet acte.”
Me Charles Ghafari, avocat, conseiller de M. Akram Chéhayeb, ancien ministre de l’Environnement, a constaté les déficiences juridiques en la matière et mis au point “un projet de loi sur la protection de l’Environnement”, où le bruit est évoqué dans un chapitre propre dont voici le texte:
“Les nuisances sonores et le bruit - Chapitre XVIII:
Article 66: 1) Est réglementée, toute émission de bruits ou sons susceptibles de nuire à la santé de l’homme, de constituer une gêne excessive pour le voisinage et de porter atteinte à l’environnement.
2) Toute personne à l’origine de ces émissions doit mettre en œuvre toutes les dispositions nécessaires pour les supprimer ou les réduire conformément à la réglementation en vigueur.
3) Lorsque l’urgence le justifie, les autorités compétentes relevant du ministère de l’Intérieur prennent, après consultation du ministère de l’Environnement, toute mesure exécutoire destinée à faire cesser d’office ces nuisances.
Article 67: Un décret pris en Conseil des ministres sur proposition du ministre de l’Environnement fixe:
1) les conditions de réglementation d’émission de bruits ou sons, notamment, ceux émis sans nécessité absolue ou dus à un défaut de précaution, ceux émanant d’installations, de véhicules et autres biens meubles et les seuils autorisés;
2) les pouvoirs des autorités locales pour prévenir, contrôler et faire cesser toute émission non conforme aux dispositions de la présente loi et de ses textes d’application.
N.B.: Le décret mentionné à l’article 67 dudit projet, dont la Chambre a été saisie, sera pris en Conseil des ministres en même temps que l’adoption du projet. Il constituera “la réglementation en vigueur” et prévoira “les mesures exécutoires” évoquées à l’article 66 (alinéas 1 et 2).

En attendant, le ministère de l’Environnement consulté sur la question en la personne de M. Samih Wehbé, expert en pétrole et détenteur d’un PHD en génie chimique, indique qu’une étude datant de juin 1998 a été effectuée par les Drs Berge Hatajian et Rawa Al-Atrach intitulée “Plan directeur concernant l’exposition au bruit sur le lieu du travail et ses effets” (Faculté des Sciences de la Santé publique de l’Université de Balamand).
Elle démontre qu’il n’existe pas au Liban de statistiques à ce sujet qui demeure assez ignoré, tant par les patrons que par les ouvriers, “d’où la nécessité d’éduquer le public par des campagnes d’information, surtout à travers les médias audiovisuels”, affirme M. Wehbé.
Cette étude constitue une référence de base déterminant la responsabilité, les droits et les devoirs des patrons et des ouvriers, tout en indiquant les moyens de se protéger du bruit en utilisant des équipements adéquats, conformément à la moyenne du bruit émis par les différentes industries.
Le ministère de l’Environnement œuvre, actuellement, pour faire adopter ce projet en tant que loi spéciale régissant le bruit. A cet égard et en l’absence de loi, le Dr Wehbé insiste sur le rôle primordial des municipalités qui peuvent imposer dans leur localité, avec le concours du mohafazat, les conditions sanitaires et environnementales, notamment aux institutions appartenant aux catégories 1, 2 et 3 (boulangeries, dépôts de bois, grandes industries). Par ailleurs, une étude précédente effectuée par le ministère de l’Environnement et parue sous forme d’arrêté (NÞ52/1) publié au journal officiel NÞ45 du 12/9/96, renferme les limites autorisées du bruit et fixe les périodes d’exposition sonore sans danger pour la santé.
D’autre part, le département d’otorhinolaryngologie de l’AUB a entamé une étude sur les employés - mêmes de l’AUB soumis au bruit sur leur lieu de travail. Il a déjà, également, identifié quelques usines au Liban où les ouvriers sont soumis au bruit infernal des machines pendant de longues heures. Les spécialistes du département otorhino, les examinent, effectuent un screening, une audiométrie et leur proposent un système de protection de leurs oreilles, en leur expliquant que non-protégés, ils deviendraient de véritables handicapés! *** Il apparaît ainsi que le bruit est un véritable fléau qu’il convient de prendre au sérieux.
Des campagnes d’information s’imposent sans tarder: il n’y a plus de temps, (ni d’oreilles et de nerfs) à perdre.
Par ailleurs, il faudra s’empresser de combler le vide législatif inquiétant qui laisse le citoyen démuni face à l’agression des nuisances sonores.
Cependant et pour être moins pessimiste, il semble que sans bruit, on deviendrait fou. Il faudrait, surtout, en baisser le niveau et non l’éliminer, car le silence, le vrai, est celui des cimetières et celui-ci, personne n’en veut! Si l’on cherche à se protéger du bruit, il n’en demeure pas moins lié à la ville et à la vie!
 
 

LES SOURCES D’AGRESSIONS AUDITIVES
 La musique assourdissante des dancings, les “Walkman”s...
 Certains sports: Rallye-auto, boxing et arts martiaux où l’on reçoit souvent des coups sur l’oreille.
 Les hobbies bruyants: le bricolage (scie, foreuse, tondeuse), la chasse (coups de feu).
 Les mobylettes à échappement libre.
 Les klaxons des voitures.
 Les marteaux piqueurs dont les vibrations sont très nocives (surtout pour les utilisateurs), notamment par temps froid.
 Les armes à feu (les chasseurs, les militaires... doivent se protéger les oreilles).
 Certains produits chimiques qui, combinés au bruit, peuvent nuire à l’oreille (exemple le camionneur exposé au bruit du moteur, de la rue et à la fumée d’échappement, le toluène et le styrène utilisés comme solvant industriel ou dans la peinture pour bois).
 

 

 

MOYENS DE PRÉVENTION ET DE PROTECTION DU BRUIT
L’OSHA (Occupationnal Safety and Health Administration - USA) interdit  pour la première fois en 1970 l’exposition sonore des ouvriers à plus de 90 dB. pendant plus de huit heures sur leur lieu de travail. Au-delà, la protection des oreilles s’impose. Voici certains points essentiels qui doivent être respectés pour l’application d’un programme de conservation de l’audition dans l’entreprise:
 Identification des dangers sonores.
 Contrôles d’ingénierie (pour y remédier).
 Protection de l’audition individuelle.
 Audiométrie de surveillance dans l’entreprise.
 Mise au point d’un fichier pour chaque employé.
 Education sanitaire de l’employé et communication afin de le convaincre de la nécessité de se protéger.
 Evaluation continue de l’efficacité du programme.
 Contrôle du son: isolation des machines, générateurs à munir de silencieux...
Les entreprises soucieuses de la pollution de l’environnement et de la santé de leurs employés pourront recourir à la “certification ISO 1999” (International Standardisation Organisation), afin de s’assurer qu’elles respectent les normes requises pour la protection du milieu des nuisances sonores.
 
 

  POINT DE VUE DE DEUX CHIRURGIENS OTORHINOLARYNGOLOGUES DR GEORGES FAYAD:  “AGRESSION SONORE, LE BRUIT PEUT PROVOQUER DES MALADIES PHYSIQUES OU PSYCHIQUES”



Chirurgien otorhinolaryngologue à l’Eye and Ear hospital, le Dr Georges Fayad, nous confie: “Le bruit par définition, est un son indésirable. Il est perçu comme une agression sonore et pourrait par là-même contribuer au développement de certaines affections psychiques ou même physiques.”

On sait que l’hypersensibilité au bruit peut être un symptôme de dépression, mais aucune preuve scientifique n’a pu être rapportée à ce jour quant à l’existence d’une relation directe entre l’exposition au bruit et le développement de certaines affections psychia-triques. Cependant, plusieurs études indiquent que la pollution sonore pourrait favoriser ou entretenir le développement de problèmes psychiatriques ou psychopa-thologiques comme la dépres-sion, surtout chez les sujets prédisposés.

TROIS SORTES DE BRUITS
- Quels sont les critères de nuisance du bruit?
Selon le Dr Fayad, la durée totale d’exposition au bruit ainsi que son caractère continu ou intermittent, constituent des facteurs aussi importants que la nature ou l’intensité du bruit dans sa capacité à infliger des dégâts à l’oreille qu’ils soient mécaniques ou métaboliques, ceci ajouté à la susceptibilité ou prédisposition personnelle de chaque individu.
Ainsi, passer trois heures d’affilée dans un dancing est plus contraignant pour l’ouïe que trois heures entrecoupées de moments de repos. Mais un bruit très fort et bref, peut, également, léser l’ouïe. On a constaté, par exemple, quatre cas de surdité imputables au tonnerre, alors que les sujets utilisaient le téléphone sans fil. De même, en Belgique, 0,7% de personnes souffrent de surdité partielle après les fêtes nationales en raison, notamment, de l’explosion de pétards et de feux d’artifices.

COMMENT LE BRUIT NUIT-IL À L’OUÏE?
“Il existe trois sortes de bruits: continus, brusques (explosions, murs du son...) et répétitifs (qui peuvent être brefs). Les trois nuisent à l’audition de façon différente. Le bruit brusque provoque un problème mécanique et physique, qui se situe au niveau du système tympano-ossiculaire, alors que le bruit continu entraîne un problème métabolique: il atteint les cellules ciliées externes qui sont particulièrement vulnérables au bruit, surtout quand il est continu.
Enfin, le bruit répétitif est le plus nuisible car il présente les deux composantes métabolique et mécanique; il provoque des déchirements internes. Le premier signe de nuisance de ces bruits est une surdité temporaire réversible dans les 24 heures (comme après une soirée en dancing d’où l’on sort assourdi), mais il peut s’agir, également, d’une surdité hélas! irréversible.
Le Dr Fayad précise: “Qui dit surdité, dit perte partielle de l’intensité de l’ouïe, les sons intenses restant audibles. Cependant, la perte totale de l’ouïe est dite cophose. Le bruit, par rapport à l’oreille, est comme le tabac par rapport aux poumons: il est synergique de tous les phénomènes nuisibles à l’oreille depuis le vieillissement, en passant par la pollution et la prise de certains médicaments.”
  DR GEORGES ZAYTOUN:  “L’EXPOSITION CHRONIQUE AU BRUIT OCCASIONNE UNE SURDITÉ LENTE ET PROGRESSIVE”.


Le Dr Georges Zaytoun, otorhinolaryngologue à l’AUH explique qu’il existe deux sortes de bruits:

1 - L’impact sonore, bruit soudain et intense.
2 - L’exposition continue au bruit.
“Le premier, dit-il, peut avoir plus d’un effet néfaste: perforation ou lacération du tympan; dislocation des osselets; lésion irréversible des cellules ciliées auditives (sorte de petits poils situés au fond de l’oreille) avec parfois un saignement hémorragique dans l’oreille interne et lésion des cellules vestibulaires respon-sables de l’équilibre, d’où la survenance de vertiges.
“Le résultat de ces lésions est, sans doute, une surdité plus ou moins grave et profonde dans la plupart des cas, irréversible, aussi, surtout quand elles se situent dans l’oreille interne.
La surdité est, parfois, accompagnée de vertiges, de déséquilibres et de bourdon-nements.
“Quant à l’exposition con-tinue et chronique au bruit, elle pourrait occasionner une sur-dité lente et progressive aux hautes fréquences, notamment au début, avec des bour-donnements. Ainsi, on n’en-tendra plus ni la sonnerie du téléphone, ni les sifflements, encore moins, le frémissement de l’eau dans la cafetière. Si l’exposition est continue, là encore le phénomène est irréversible. Il dépend de l’intensité et de la durée de l’exposition.
Le Dr Zaytoun affirme recevoir un grand nombre de jeunes de 16 ans et plus, souffrant déjà de ce genre de problèmes. Aussi, donne-t-il l’exemple des walk-men bran-chés à tue-tête des dancings qui envoient plus de 110 décibels dans les oreilles (alors qu’elle ne supporte sans souffrir que jusqu’à 85 décibels!) et des ouvriers d’entreprises ou d’usines exposés au bruit de machines bruyantes.

PRÉDISPOSITION FAMILIALE
- Qui doit consulter le médecin et quand?
Les groupes à risque définis par le Dr Zaytoun sont ceux soumis à des facteurs envi-ronnementaux (ouvriers, musi-ciens...) ou héréditaires c’est-à-dire présentant une prédis-position familiale à la surdité. Ceux-ci doivent consulter, annuellement, leur otorhino, même en l’absence de symptômes. “A cet égard, confie le Dr Zaytoun, l’A.U.H. effectue une étude importante sur une forme de surdité, très courante au Liban: l’otospongiose ou otos-clérose; c’est une surdité pro-gressive des deux oreilles souvent observée en raison de la consanguinité (mariages entre cousins). Cela nous permet d’identifier les familles à risque et le gène responsable de cette maladie.
“Je lance un appel aux personnes concernées, en insistant sur le fait que les consultations sont gratuites, le patient pouvant ainsi être fixé sur l’état de son ouïe tout en se rendant utile à notre recherche.
“Certains symptômes doivent, par ailleurs, attirer l’attention de ceux qui les ressentent et les inciter à consulter sans tarder leur médecin: douleur à l’oreille; sensation d’oreille bouchée ou plénitude d’oreille; bourdonne-ment, baisse de l’ouïe ou l’incompréhension des conver-sations, ce qui trahit une faiblesse; les vertiges, (l’oreille étant le centre de l’équilibre). Pour se prémunir contre la surdité et la prévenir, screening annuel et audiométrie sont nécessaires, mais, aussi, une législation qui protège le citoyen des agressions sonores!
 
 

CONSEILLER DU MINISTRE DE LA SANTÉ
 PEGGY HANNA:
  “LE BRUIT, UNE PRIORITÉ PARMI LES MAUX À COMBATTRE”

Le bruit, affirme Mme Hanna, est mentionné quand sont abordés des sujets de santé publique, comme la prévention des accidents de la route notamment. Il figure en bonne place parmi les causes de ces accidents.
“De même, le “bruit” aura, aussi sa part dans les campagnes de santé: Mère/Enfants et Santé psychique”...
Cependant, Mme Hanna estime qu’une campagne à part contre le bruit seul ne s’inscrit pas aujourd’hui, au nombre des priorités du ministère de la Santé vu le peu de ressources dont dispose ce département ministériel et le nombre de dossiers à trancher.”
Le bruit n’est-il donc pas une priorité en soi?
“Si, bien sûr, mais pas pour le moment, le ministère étant débordé”. 

  Par Nicole El-Kareh


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