“Le Robert” définit le bruit en ces termes: “Ce qui, dans ce
qui est perçu par l’ouïe, n’est pas senti comme son musical;
phénomène acoustique dû à la superposition des
vibrations diverses non harmoniques.”
En médecine, le bruit est un son qui présente deux caractéristiques:
l’intensité et la fréquence et trois connotations: physique,
physiologique et psychologique.
• D’un point de vue physique, le bruit est un son qui a peu ou pas de périodicité,
dont la fréquence change et qui peut être mesurée (la
fréquence en Hertz (Hz) et l’intensité en décibels
(dB).)
• D’un point de vue physiologique, le bruit est un son qui ne porte pas
d’information précise et varie de façon chaotique dans le
temps.
• D’un point de vue psychologique, le bruit est, sans doute, un son désagréable
et indésirable.
En d’autres termes, le bruit est un son qui nous est imposé. Il
constitue une véritable agression sur la santé humaine. C’est,
peut-être, la raison pour laquelle en France le bruit vient en première
place dans le cahier des doléances des citoyens, loin devant la
pollution, la violence ou l’insécurité, le nombre des plaintes
pour tapage diurne ou nocturne dûment déposées enflant
d’année en année.
- Quelles sont les répercussions du bruit sur la santé?
“Qui dit agression dit nuisance. Or, une chose est sûre: le bruit
nuit à la santé de l’homme, en général, autant
qu’à l’ouïe, en particulier. Perçu par l’oreille, le
bruit retentit, de façon nocive sur tout le corps, mais ses conséquences
varient en fonction de son intensité autant que de sa durée,
car il est clair que plus la durée d’exposition aux nuisances sonores
est grande, plus leur intensité est forte et plus le mal est grand.
“C’est pourquoi, l’intensité du son augmentant, la durée
doit diminuer. Ainsi, si on peut s’exposer durant près de quatre
heures à 95 décibels, on ne doit pas dépasser la demie-heure
quand on en est à 110 décibels! C’est dire l’importance de
la chose, tant pour l’ouïe que pour l’ensemble du corps.”
EFFETS DU BRUIT
a) Sur l’ouïe:
Aussi, parmi les causes de surdité, le bruit figure-t-il en troisième
position, après les infections de l’oreille et les atteintes vasculaires
dues, notamment, à l’âge. Le bruit cause, sans doute, une
lésion du système auditif, laquelle varie en fonction des
circonstances et des individus. Ainsi, le traumatisme auditif commence
à partir d’une fréquence de 4.000 Hertz (Hz) et la perte
auditive se situe alors entre 20 et 30 décibels (dB). Cette baisse
auditive peut augmenter, si le sujet continue à s’entourer de bruits,
jusqu’à atteindre progressivement les hautes fréquences.
Ce n’est que quand la baisse atteint les fréquences moyennes que
l’individu commence à ressentir des difficultés à
suivre une conversation, la voix se situant au niveau des fréquences
moyennes.
Dans les cas aigus, la perte de l’ouïe est totale ou quasi-totale
(plus de 70 dB) au voisinage de 4.000 Hertz (Hz) et des hautes fréquences.
Cependant, la surdité résultant d’un traumatisme auditif
n’est pas évolutive, en ce sens qu’elle cesse avec la cessation
du bruit. En d’autres termes, si la personne atteinte de surdité
partielle parvient à s’éloigner de la source du bruit, les
conséquences peuvent s’arrêter là. L’oreille appartient
au système nerveux. Or, les cellules nerveuses qui meurent sont
irrécupérables, mais ont l’avantage d’agoniser longtemps.
Ceci permet de les “ressusciter”, si le mal est détecté à
temps, d’où l’importance du screening et des examens de détection,
audiométrie et autres...
Une étude effectuée sur des cobayes exposés à
la musique tonitruante d’un night-club d’environ 125 dB a démontré
qu’ils perdaient 25% des cellules ciliées de l’oreille interne.
On constate, d’ailleurs, aujourd’hui de plus en plus de cas de surdité
partielle précoce chez les adolescents et les habitants des grandes
villes. Heureusement, ce traumatisme ne frappe pas toujours immédiatement
et peut ne jamais survenir chez certaines personnes.
D’autre part, on observe une baisse considérable de l’ouïe
chez les ouvriers, en particulier en raison du bruit insoutenable qui règne
souvent sur leur lieu de travail. Elle est appelée, dans ce cas,
surdité professionnelle. Leur exposition au bruit peut provoquer
des lésions de l’oreille interne et la déchirure du tympan
sous l’influence d’un bruit qui peut atteindre parfois 160 dB.
À SAVOIR
L’oreille tolère, sans protection, jusqu’à 90 décibels pendant 8 heures de travail (ex: en usine). Au delà, elle doit être protégée. Le seuil de l’audition normale est de zéro décibel (dB). On parle de surdité à partir de 30 dB. Un coup de feu émet 165 à 180 dB selon le calibre. L’avion à réaction 130 dB. Le marteau piqueur 120 dB. Les machines de l’industrie textile 90 dB. Le bruit de la rue (en moyenne) 70 dB. La conversation normale 60 dB. Le chuchotement 30 dB. Les feuilles d’arbres (frottement) 10 dB. LES SUJETS À RISQUE
(au hasard) |
MÉCANISME DE L’OUÏE ET SURDITÉ?
Le son produit une compression de molécules d’air constituant une
masse d’énergie mécanique qui pénètre dans
le canal auditif externe, fait vibrer le tympan; puis, les osselets. Cette
vibration se transmet au liquide de l’oreille interne qui stimule, directement,
les cellules ciliées de l’organe auditif, où s’effectue alors
une transformation de l’énergie mécanique en énergie
électrique transmise par des substances chimiques, lesquelles stimulent,
à leur tour, le nerf auditif d’où l’ouïe (voir schéma).
Quand l’énergie est soudaine, rapide et intense, l’impact qu’elle
produit au niveau externe est celui d’une bourrasque violente frappant
des membranes d’un centième de millimètre d’épaisseur
et des osselets de 4 à 20 grammes de poids!
Quand l’exposition au bruit est chronique, elle affecte plutôt le
système de transmission du son, la fonction des cellules ciliées;
puis, la transmission électrique et neuro-chimique du son (oreille
interne): le son est, alors, perçu incorrectement. Il faut savoir
que les atteintes de l’oreille externe et moyenne restent curables mais
non celles de l’oreille interne.
|
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b) Sur les organes et les sens:
Si le bruit s’avère un grand ennemi des oreilles, il n’en affecte
pas moins d’autres parties du corps.
En effet, le bruit et les sons forts provoquent des troubles de l’équilibre
qui se manifestent dans la démarche de l’individu et dans la difficulté
de coordonner ses mouvements. Tout comme il peut se traduire par des vertiges
et des nausées, notamment chez les personnes travaillant à
proximité de moteurs à réaction, même après
la fin de leur journée de travail. Par ailleurs, le bruit augmente
les battements cardiaques et, par là même, la pression sanguine
(hypertension).
De même on a constaté des troubles intestinaux et des ulcères
d’estomac chez les personnes s’exposant longtemps au bruit au moment des
repas et même une perte de l’appétit.
Une étude effectuée en Bulgarie dans de nombreux restaurants
où la musique est assourdissante, a révélé
que les habitués de ces restaurants qui s’installaient près
des haut-parleurs ne mangeaient pratiquement rien de ce qu’ils commandaient.
Le bruit provoque, également, des troubles oculaires quant à
la distinction des couleurs et à l’évaluation des distances,
il perturbe les fonctions hormonales et provoque une sécrétion
de produits toxiques, d’où un état de stress qui pourrait
aboutir à une dépression, surtout chez les sujets prédisposés,
hypothèse demeurée cependant sans preuves scientifiques.
Ainsi, le bruit produirait des effets physiologiques indésirables
et même nocifs sur le corps humain, toutefois difficiles à
prouver, comme notamment la lassitude, la migraine, le vertige les maux
de tête... Anecdotique mais vraie, une étude effectuée
en Ecosse dans les années 70, à l’époque où
l’avion “Concorde” survolait, quotidiennement certaines fermes et franchissait
le mur du son, a prouvé que les poules dans cette région
pondaient moins sous l’effet du stress et que les vaches avaient moins
de lait. Même le lait maternel humain était moins immunisant
chez les femmes.
c) Sur le psychisme:
Les conséquences du bruit sur la santé physiologique et psychique
s’imbriquent fortement, car chaque effet se répercute de façon
négative sur l’autre. Les troubles psychiques peuvent être
indéterminés ou déterminés et même maladifs,
le bruit pouvant, selon les cas, être à l’origine de sentiments
différents comme la gêne, l’oppression, l’ennui, la peur...
Il peut, également, affaiblir l’attention et la concentration, provoquant
par là de nombreux accidents. Ainsi, les nuisances sonores (illégales),
infligées sur les lieux de travail, constituent un fléau
et sont responsable, de 11% des accidents du travail, de 15% des journées
perdues, de 20% des internements psychiatriques en France! De même,
le bruit de la rue et la musique à haut volume sont largement responsables
des accidents de la route, puisqu’ils affectent le réflexe.
La mémoire non plus n’est pas épargnée; la suite dans
les idées également. Aussi, a-t-on observé que la
plus grande proportion de personnes qui avalaient le plus de somnifères
habitaient au voisinage des aéroports et des autoroutes! Enfin,
une étude effectuée par l’Académie française
de médecine révèle que le bruit est responsable de
52% des maladies psychiques, car la fatigue psychique s’accumule progressivement,
d’autant plus qu’il est absolument impossible de s’habituer au bruit!
Précisons, toutefois, que la susceptibilité au bruit n’est
pas nécessairement due à un bruit fort; elle peut l’être,
au contraire, à un bruit faible mais répétitif et
monotone comme celui d’une goutte d’eau incessante.
COMMENT SE PROTÉGER DU BRUIT?
Devant un fléau aussi répandu qui touche tout individu sans
distinction, notamment au Liban où le citoyen est soumis ou soumet
impunément les autres à des agressions sonores quotidiennes:
(klaxons, chantiers, générateurs électriques...) sans
compter les vingt années de guerre (explosions, coups de feu), seule
une loi réglementant le bruit pourrait constituer un garde-fou et
contribuer, dans une large mesure, à solutionner le problème.
Hélas! cette loi n’existe pas, ce qui explique bien des choses et
toute victime du bruit demeure, pour l’instant, sans recours légal;
avec toutefois un “espoir” donné par l’article 758 alinéa
1 du Code pénal libanais qui dispose: “Est passible d’une peine
d’emprisonnement jusqu’à 3 mois ou d’une amende de 40.000 à
400.000 L.L. ou de ces deux peines cumulées, tout individu ayant
porté préjudice à autrui en le privant de repos par
le tapage ou le vacarme qu’il a causé ainsi que tout individu qui
y a incité ou qui s’est fait complice de cet acte.”
Me Charles Ghafari, avocat, conseiller de M. Akram Chéhayeb, ancien
ministre de l’Environnement, a constaté les déficiences juridiques
en la matière et mis au point “un projet de loi sur la protection
de l’Environnement”, où le bruit est évoqué dans un
chapitre propre dont voici le texte:
“Les nuisances sonores et le bruit - Chapitre XVIII:
Article 66: 1) Est réglementée, toute émission
de bruits ou sons susceptibles de nuire à la santé de l’homme,
de constituer une gêne excessive pour le voisinage et de porter atteinte
à l’environnement.
2) Toute personne à l’origine de ces émissions doit mettre
en œuvre toutes les dispositions nécessaires pour les supprimer
ou les réduire conformément à la réglementation
en vigueur.
3) Lorsque l’urgence le justifie, les autorités compétentes
relevant du ministère de l’Intérieur prennent, après
consultation du ministère de l’Environnement, toute mesure exécutoire
destinée à faire cesser d’office ces nuisances.
Article 67: Un décret pris en Conseil des ministres sur proposition
du ministre de l’Environnement fixe:
1) les conditions de réglementation d’émission de bruits
ou sons, notamment, ceux émis sans nécessité absolue
ou dus à un défaut de précaution, ceux émanant
d’installations, de véhicules et autres biens meubles et les seuils
autorisés;
2) les pouvoirs des autorités locales pour prévenir, contrôler
et faire cesser toute émission non conforme aux dispositions de
la présente loi et de ses textes d’application.
N.B.: Le décret mentionné à l’article
67 dudit projet, dont la Chambre a été saisie, sera pris
en Conseil des ministres en même temps que l’adoption du projet.
Il constituera “la réglementation en vigueur” et prévoira
“les mesures exécutoires” évoquées à l’article
66 (alinéas 1 et 2).
En attendant, le ministère de l’Environnement consulté
sur la question en la personne de M. Samih Wehbé, expert en pétrole
et détenteur d’un PHD en génie chimique, indique qu’une étude
datant de juin 1998 a été effectuée par les Drs Berge
Hatajian et Rawa Al-Atrach intitulée “Plan directeur concernant
l’exposition au bruit sur le lieu du travail et ses effets” (Faculté
des Sciences de la Santé publique de l’Université de Balamand).
Elle démontre qu’il n’existe pas au Liban de statistiques à
ce sujet qui demeure assez ignoré, tant par les patrons que par
les ouvriers, “d’où la nécessité d’éduquer
le public par des campagnes d’information, surtout à travers les
médias audiovisuels”, affirme M. Wehbé.
Cette étude constitue une référence de base déterminant
la responsabilité, les droits et les devoirs des patrons et des
ouvriers, tout en indiquant les moyens de se protéger du bruit en
utilisant des équipements adéquats, conformément à
la moyenne du bruit émis par les différentes industries.
Le ministère de l’Environnement œuvre, actuellement, pour faire
adopter ce projet en tant que loi spéciale régissant le bruit.
A cet égard et en l’absence de loi, le Dr Wehbé insiste sur
le rôle primordial des municipalités qui peuvent imposer dans
leur localité, avec le concours du mohafazat, les conditions sanitaires
et environnementales, notamment aux institutions appartenant aux catégories
1, 2 et 3 (boulangeries, dépôts de bois, grandes industries).
Par ailleurs, une étude précédente effectuée
par le ministère de l’Environnement et parue sous forme d’arrêté
(NÞ52/1) publié au journal officiel NÞ45 du 12/9/96,
renferme les limites autorisées du bruit et fixe les périodes
d’exposition sonore sans danger pour la santé.
D’autre part, le département d’otorhinolaryngologie de l’AUB a entamé
une étude sur les employés - mêmes de l’AUB soumis
au bruit sur leur lieu de travail. Il a déjà, également,
identifié quelques usines au Liban où les ouvriers sont soumis
au bruit infernal des machines pendant de longues heures. Les spécialistes
du département otorhino, les examinent, effectuent un screening,
une audiométrie et leur proposent un système de protection
de leurs oreilles, en leur expliquant que non-protégés, ils
deviendraient de véritables handicapés! *** Il apparaît
ainsi que le bruit est un véritable fléau qu’il convient
de prendre au sérieux.
Des campagnes d’information s’imposent sans tarder: il n’y a plus de temps,
(ni d’oreilles et de nerfs) à perdre.
Par ailleurs, il faudra s’empresser de combler le vide législatif
inquiétant qui laisse le citoyen démuni face à l’agression
des nuisances sonores.
Cependant et pour être moins pessimiste, il semble que sans bruit,
on deviendrait fou. Il faudrait, surtout, en baisser le niveau et non l’éliminer,
car le silence, le vrai, est celui des cimetières et celui-ci, personne
n’en veut! Si l’on cherche à se protéger du bruit, il n’en
demeure pas moins lié à la ville et à la vie!
LES SOURCES D’AGRESSIONS
AUDITIVES La musique assourdissante des dancings, les “Walkman”s... Certains sports: Rallye-auto, boxing et arts martiaux où l’on reçoit souvent des coups sur l’oreille. Les hobbies bruyants: le bricolage (scie, foreuse, tondeuse), la chasse (coups de feu). Les mobylettes à échappement libre. Les klaxons des voitures. Les marteaux piqueurs dont les vibrations sont très nocives (surtout pour les utilisateurs), notamment par temps froid. Les armes à feu (les chasseurs, les militaires... doivent se protéger les oreilles). Certains produits chimiques qui, combinés au bruit, peuvent nuire à l’oreille (exemple le camionneur exposé au bruit du moteur, de la rue et à la fumée d’échappement, le toluène et le styrène utilisés comme solvant industriel ou dans la peinture pour bois). |
MOYENS DE PRÉVENTION
ET DE PROTECTION DU BRUIT L’OSHA (Occupationnal Safety and Health Administration - USA) interdit pour la première fois en 1970 l’exposition sonore des ouvriers à plus de 90 dB. pendant plus de huit heures sur leur lieu de travail. Au-delà, la protection des oreilles s’impose. Voici certains points essentiels qui doivent être respectés pour l’application d’un programme de conservation de l’audition dans l’entreprise: Identification des dangers sonores. Contrôles d’ingénierie (pour y remédier). Protection de l’audition individuelle. Audiométrie de surveillance dans l’entreprise. Mise au point d’un fichier pour chaque employé. Education sanitaire de l’employé et communication afin de le convaincre de la nécessité de se protéger. Evaluation continue de l’efficacité du programme. Contrôle du son: isolation des machines, générateurs à munir de silencieux... Les entreprises soucieuses de la pollution de l’environnement et de la santé de leurs employés pourront recourir à la “certification ISO 1999” (International Standardisation Organisation), afin de s’assurer qu’elles respectent les normes requises pour la protection du milieu des nuisances sonores. |
POINT DE VUE DE DEUX CHIRURGIENS OTORHINOLARYNGOLOGUES DR GEORGES FAYAD: “AGRESSION SONORE, LE BRUIT PEUT PROVOQUER DES MALADIES PHYSIQUES OU PSYCHIQUES”
Chirurgien otorhinolaryngologue
à l’Eye and Ear hospital, le Dr Georges Fayad, nous confie: “Le
bruit par définition, est un son indésirable. Il est perçu
comme une agression sonore et pourrait par là-même contribuer
au développement de certaines affections psychiques ou même
physiques.”
On sait que l’hypersensibilité au bruit peut être un symptôme de dépression, mais aucune preuve scientifique n’a pu être rapportée à ce jour quant à l’existence d’une relation directe entre l’exposition au bruit et le développement de certaines affections psychia-triques. Cependant, plusieurs études indiquent que la pollution sonore pourrait favoriser ou entretenir le développement de problèmes psychiatriques ou psychopa-thologiques comme la dépres-sion, surtout chez les sujets prédisposés.
TROIS SORTES DE BRUITS
- Quels sont les critères de nuisance du bruit?
Selon le Dr Fayad, la durée totale d’exposition au bruit ainsi que
son caractère continu ou intermittent, constituent des facteurs
aussi importants que la nature ou l’intensité du bruit dans sa capacité
à infliger des dégâts à l’oreille qu’ils soient
mécaniques ou métaboliques, ceci ajouté à la
susceptibilité ou prédisposition personnelle de chaque individu.
Ainsi, passer trois heures d’affilée dans un dancing est plus contraignant
pour l’ouïe que trois heures entrecoupées de moments de repos.
Mais un bruit très fort et bref, peut, également, léser
l’ouïe. On a constaté, par exemple, quatre cas de surdité
imputables au tonnerre, alors que les sujets utilisaient le téléphone
sans fil. De même, en Belgique, 0,7% de personnes souffrent de surdité
partielle après les fêtes nationales en raison, notamment,
de l’explosion de pétards et de feux d’artifices.
COMMENT LE BRUIT NUIT-IL À L’OUÏE?
“Il existe trois sortes de bruits: continus, brusques (explosions, murs
du son...) et répétitifs (qui peuvent être brefs).
Les trois nuisent à l’audition de façon différente.
Le bruit brusque provoque un problème mécanique et physique,
qui se situe au niveau du système tympano-ossiculaire, alors que
le bruit continu entraîne un problème métabolique:
il atteint les cellules ciliées externes qui sont particulièrement
vulnérables au bruit, surtout quand il est continu.
Enfin, le bruit répétitif est le plus nuisible car il présente
les deux composantes métabolique et mécanique; il provoque
des déchirements internes. Le premier signe de nuisance de ces bruits
est une surdité temporaire réversible dans les 24 heures
(comme après une soirée en dancing d’où l’on sort
assourdi), mais il peut s’agir, également, d’une surdité
hélas! irréversible.
Le Dr Fayad précise: “Qui dit surdité, dit perte partielle
de l’intensité de l’ouïe, les sons intenses restant audibles.
Cependant, la perte totale de l’ouïe est dite cophose. Le bruit, par
rapport à l’oreille, est comme le tabac par rapport aux poumons:
il est synergique de tous les phénomènes nuisibles à
l’oreille depuis le vieillissement, en passant par la pollution et la prise
de certains médicaments.”
DR GEORGES ZAYTOUN:
“L’EXPOSITION CHRONIQUE AU
BRUIT OCCASIONNE UNE SURDITÉ LENTE ET PROGRESSIVE”.
Le Dr Georges Zaytoun,
otorhinolaryngologue à l’AUH explique qu’il existe deux sortes de
bruits:
1 - L’impact sonore, bruit soudain et intense.
2 - L’exposition continue au bruit.
“Le premier, dit-il, peut avoir plus d’un effet néfaste: perforation
ou lacération du tympan; dislocation des osselets; lésion
irréversible des cellules ciliées auditives (sorte de petits
poils situés au fond de l’oreille) avec parfois un saignement hémorragique
dans l’oreille interne et lésion des cellules vestibulaires respon-sables
de l’équilibre, d’où la survenance de vertiges.
“Le résultat de ces lésions est, sans doute, une surdité
plus ou moins grave et profonde dans la plupart des cas, irréversible,
aussi, surtout quand elles se situent dans l’oreille interne.
La surdité est, parfois, accompagnée de vertiges, de déséquilibres
et de bourdon-nements.
“Quant à l’exposition con-tinue et chronique au bruit, elle pourrait
occasionner une sur-dité lente et progressive aux hautes fréquences,
notamment au début, avec des bour-donnements. Ainsi, on n’en-tendra
plus ni la sonnerie du téléphone, ni les sifflements, encore
moins, le frémissement de l’eau dans la cafetière. Si l’exposition
est continue, là encore le phénomène est irréversible.
Il dépend de l’intensité et de la durée de l’exposition.
Le Dr Zaytoun affirme recevoir un grand nombre de jeunes de 16 ans et plus,
souffrant déjà de ce genre de problèmes. Aussi, donne-t-il
l’exemple des walk-men bran-chés à tue-tête des dancings
qui envoient plus de 110 décibels dans les oreilles (alors qu’elle
ne supporte sans souffrir que jusqu’à 85 décibels!) et des
ouvriers d’entreprises ou d’usines exposés au bruit de machines
bruyantes.
PRÉDISPOSITION FAMILIALE
- Qui doit consulter le médecin et quand?
Les groupes à risque définis par le Dr Zaytoun sont ceux
soumis à des facteurs envi-ronnementaux (ouvriers, musi-ciens...)
ou héréditaires c’est-à-dire présentant une
prédis-position familiale à la surdité. Ceux-ci doivent
consulter, annuellement, leur otorhino, même en l’absence de symptômes.
“A cet égard, confie le Dr Zaytoun, l’A.U.H. effectue une étude
importante sur une forme de surdité, très courante au Liban:
l’otospongiose ou otos-clérose; c’est une surdité pro-gressive
des deux oreilles souvent observée en raison de la consanguinité
(mariages entre cousins). Cela nous permet d’identifier les familles à
risque et le gène responsable de cette maladie.
“Je lance un appel aux personnes concernées, en insistant sur le
fait que les consultations sont gratuites, le patient pouvant ainsi être
fixé sur l’état de son ouïe tout en se rendant utile
à notre recherche.
“Certains symptômes doivent, par ailleurs, attirer l’attention de
ceux qui les ressentent et les inciter à consulter sans tarder leur
médecin: douleur à l’oreille; sensation d’oreille bouchée
ou plénitude d’oreille; bourdonne-ment, baisse de l’ouïe ou
l’incompréhension des conver-sations, ce qui trahit une faiblesse;
les vertiges, (l’oreille étant le centre de l’équilibre).
Pour se prémunir contre la surdité et la prévenir,
screening annuel et audiométrie sont nécessaires, mais, aussi,
une législation qui protège le citoyen des agressions sonores!
CONSEILLER DU MINISTRE DE
LA SANTÉ PEGGY HANNA: “LE BRUIT, UNE PRIORITÉ PARMI LES MAUX À COMBATTRE” Le bruit, affirme Mme Hanna, est mentionné quand sont abordés
des sujets de santé publique, comme la prévention des accidents
de la route notamment. Il figure en bonne place parmi les causes de ces
accidents. |
Par Nicole El-Kareh