Saturnale

ParMARY YAZBECK AZOURY  
IMPROMPTU DIPLOMATIQUE: LA DIGNITÉ DE L’HOMME
Le chef de l’Etat peut s’adresser chaque fois qu’il le désire à la Nation.
Il peut, aussi, convoquer les ambassadeurs ou les chargés d’Affaires pour leur demander de transmettre à leurs gouvernements le point de vue du Liban.
Par contre, les diplomates accrédités au Liban, ont rarement l’occasion de faire entendre, publiquement et solidairement, la position de leurs pays. La bienséance et le protocole l’interdisent. Ce n’est que dans de rares occasions qu’il leur est donné de s’exprimer et d’être entendu par tout un peuple: lettres de créances, fête nationale, vœux pour le Nouvel An.
Telle est la raison pour laquelle le discours prononcé par le Nonce apostolique en tant que doyen du Corps diplomatique, Mgr Antonio Maria Veglio, revêt une importance particulière.
Il est certain que ce discours, conformément à l’usage, a été préparé et approuvé par les délégués de chaque groupe de diplomates: les membres de la Communauté européenne, ceux de l’ALAC, de l’OUA, de la Ligue arabe.
Le point essentiel à relever dans ce discours est que les Puissances agiront pour appuyer le Liban dans ses justes revendications, en soulignant le fait que “le peuple libanais s’est reconnu en vous et vous a accordé sa confiance”.
(...) Qu’il me soit permis de citer S.S. Jean-Paul II:”... Le secret de la paix véritable réside dans le respect des droits humains.”
“Le pape relève: “Quand la promotion de la dignité de la personne est le principe qui nous guide, quand la recherche du bien commun constitue l’engagement prédominant, alors sont posés des fondements solides et durables pour l’édification de la paix. Quant au contraire, les droits humains sont ignorés ou méprisés. Quand la poursuite d’intérêts particuliers prévaut injustement sur le bien commun, alors sont inévitablement semés les germes de l’instabilité, de la rébellion et de la violence.”
Tout cela est inclus dans un discours diplomatiquement impeccable, (normal pour la diplomatie vaticane) mais qui laisse passer le message: “La dignité de l’humain”.
Environ 70 ambassadeurs, une vingtaine de chargés d’Affaires sur pied ou par intérim, des représentants d’organismes internationaux ont assisté à la présentation des vœux du Corps diplomatique qui était symptomatique.
Allocution magistrale de Mgr Veglio concise, digne, sans rhétorique ni figures de style. Pas d’envolée oratoire, mais l’expression d’une présence qui est autant un acte de foi, d’espérance et d’amour envers le Liban et le nouveau Pouvoir!
***
ÉCHELLE DES SALAIRES: NE PLUS ÊTRE RÉDUIT À MENDIER
A quand l’application de la nouvelle échelle des salaires?
On l’avait promis pour janvier 1999. Jusqu’à présent, on n’a rien vu. Les fêtes chrétiennes sont passées, les fêtes mahométanes suivent. N’aurait-il pas mieux valu pour le nouveau gouvernement d’entamer son année en beauté? En accordant aux salariés ce qui leur est dû? Car, c’est une dette que le gouvernement leur doit. Il ne s’agit pas de charité. Ce n’est pas parce que les nouveaux dirigeants avaient réduit les trois quarts du peuple à mendier, que cela doit durer.
Le fonctionnaire a contribué largement en payant ses taxes; il a droit à des indemnités correctes qui le fassent vivre lui et sa famille.
Les familles des fonctionnaires morts en poste, en raison du poste doivent être traitées différemment. C’est cela tenir compte de la dignité humaine.
C’est cela dont le Pape par le truchement du Nonce apostolique a parlé. C’est cette dignité humaine qui a été, tout au long de nombreuses années (de paix), bafouée au profit de certains.
A un citoyen qui se plaint de la misère qu’il encaisse au bout de trente ans de carrière, on a répondu: “De quoi vous plaignez-vous? Ce n’est pas la seule injustice commise au Liban!”
D’où plusieurs injustices égalent une justice... et un mécontentement général équivaut à une satisfaction personnelle. Ces responsables (!) ne semblent même pas conscients de l’incongruité de leurs propos, ni des absurdités énoncées.
Selon une légende finlandaise chaque pays a son ange gardien. C’est lui qui préside au climat, au paysage, à la santé des habitants, à leurs bonnes mœurs à leur bonne administration. C’est l’ange géographique.
Où est l’ange géographique du Liban?
Il est temps qu’il termine ses vacances prises il y a plus de vingt ans, qu’il hâte son retour, réintègre son poste et veille, enfin, sur les Libanais.
***
LA GÉOGRAPHIE? FACTEUR PERMANENT DE LA POLITIQUE
Cessons de nous enivrer et de nous gargariser de mots. Nous voulons être indépendants, politiquement.
Fort bien.
Mais de nos jours, la notion d’indépendance est une notion fort relative. Ainsi, l’indépendance politique, n’est pas une indépendance financière et une indépendance financière n’est pas une indépendance économique. Un pays peut avoir beaucoup d’argent, énormément d’argent et avoir besoin de produits agricoles, industriels qu’il ne produit pas.
Un pays qui ne produit pas trois jours de sa consommation pétrolière n’a pas d’indépendance économique.
Un autre facteur dans la vie des nations est la situation géographique du pays. On peut renier sa famille, on ne peut ignorer ses voisins.
Bismarck disait: “La géographie est le seul facteur permanent de la politique.”
Essayons d’en tirer le meilleur parti.
***
PAS DE CHASSE AUX SORCIÈRES
Pire que l’injustice pure et simple, la justice sélective. Il est certain que la première fournée des Libanais écartés de leurs postes a causé beaucoup de surprises... On comprend pour certains, on ne comprend pas pour d’autres. Cela ne veut pas dire nécessairement qu’une injustice a été commise, mais cela veut dire que certaines explications manquent.
Or, si l’on veut juger les voleurs, il y en a à tous les niveaux.
Si l’on veut juger les incompétents il y en a à tous les niveaux.
Si l’on veut juger les corrupteurs et les corruptibles, il y en a, aussi, dans tous les secteurs.
Or, on a l’impression que c’est à une seule catégorie qu’on s’attaque, alors que d’autres responsables de bien des fautes ne sont pas inquiétés; d’autres sont encore au pouvoir.
Or, par quel miracle ces messieurs qui font partie des corrupteurs et corruptibles ne sont pas encore touchés par la réforme; qu’ils continuent à se pavaner, à lancer leurs anathèmes à gauche et à droite.
Le Libanais aura vraiment confiance dans le nouveau pouvoir, dans le nouveau Liban, dans sa patrie, quand on verra ces messieurs et ces dames (car il y en a parmi tous ces faux jetons) eux aussi limogés. Tant que le limogeage se limite à une catégorie, le Libanais reste désabusé.

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