AU COURS D’UN ENTRETIEN AVEC MELHEM KARAM
HOSNI MOUBARAK:
 “JE NE VEUX PAS D’UN ÉCHEC DU SOMMET ARABE, CAR CELA SERAIT  UN COUP F ATAL  À LA NATION ARABE”

Aujourd’hui est le moment de parler pour un leader de sa stature, dans un monde arabe plein de tout ce qui est étrange, nouveau et contradictoire. S’il manifeste sa colère, des millions d’Arabes et de musulmans se solidarisent avec lui, sans lui demander la raison de sa colère. C’est un nouveau Ahnaf Ben Kaïss. Son bonheur extrême est de voir ses rêves et ses ambitions se réaliser, les heures les plus heureuses dans sa vie, étant celles où il accomplit une réalisation pour laquelle il a planifié et qu’il voit se concrétiser sur le terrain. Quand il lance un projet, ouvre un barrage et une ville modèle, un large sourire éclaire ses lèvres. Il considère que la civilisation rehausse son peuple et lui apporte le bien-être. C’est un chef qui ne ressent la satisfaction qu’après avoir assuré de meilleures conditions de vie à ses concitoyens. Le président Hosni Moubarak est au summum de la lutte populaire et nationale, ayant assumé le leadership sur base de la pensée, de la plume et de l’épée. C’est l’action incessante, le don inépuisable. Seul peut écrire à son propos, quiconque ne l’a pas connu. Il a affronté avec le sourire la tentative de son assassinat à Addis Abéba, comme s’il avait remis sa vie à son Créateur qui l’a chéri et a épargné à la nation les risques pouvant provenir de l’absence d’un leader colosse, de la trempe de Hosni Moubarak. Que Dieu lui prête vie. Ce n’est pas là une étude sur sa personnalité. Il s’agit, simplement, d’observations inspirées par ses prises de position de chef et de certaines de ses initiatives. Lui qui tend à écrire l’Histoire, à la manière d’Abi-Mouchef Aziz, est un fervent lecteur ayant à son actif de longues lectures permanentes. Ayant une large vision et une pensée profonde, il est très bien informé des faits et gestes des Arabes et des autres peuples au plan politique qu’il suit avec persévérance et un long souffle. C’est l’homme politique capable de se mesurer à tous les genres de politiciens dans le monde. Sa vie résume l’histoire de la capacité à supporter opiniâtrement les épreuves et à coopérer. Il est à tel point homme et citoyen, que Hosni Moubarak sait comment traiter avec ses concitoyens, en maintenant avec eux une entente cordiale. Sa capacité d’intégration est ce qui le distingue le plus et il excelle dans ce domaine. Combien nombreuses sont ses prises de position et leur diversité. Combien s’accroît notre admiration du Raïs, quand nous observons qu’il a pu offrir des surprises agréables à l’homme de cette ère. C’est un leader qui est à la fois le courage, la politique, la diplomatie et l’esprit d’entreprise. En vous entretenant avec lui, vous touchez du doigt son éveil par rapport à l’évolution du temps et des choses. Il fait partie de la famille des géants ayant une autre aurore. Le Raïs nous a honorés en nous recevant pendant deux heures en sa résidence au Caire, sise à la rue Al-Ourouba, à Misr Al-Jadida. Il a créé au cours de cette rencontre une atmosphère faite d’affection et de spontanéité qu’il réserve à ses amis, en plus de la jovialité, de l’humour et de la profondeur de la pensée. Il laisse apparaître ses sentiments, est fidèle à ses amis, ne laissant aucune occasion pour les honorer, la vie, dans son sens, étant valeurs, fidélité et élévation d’esprit.
MM. Safouat el-Charif, ministre égyptien de l’Information; Nabil Osman, chef de l’organisme des renseig-nements; Najil Moubarak, directeur du bureau de “La Revue du Liban” en Egypte et Georges Saad, ont assisté à la rencontre.

Melhem Karam: - Monsieur le Président, l’Egypte prenait toujours l’initiative d’appeler à la tenue de sommets et les Arabes étaient avec elle. Pourquoi a-t-elle changé d’attitude? Et pourquoi avoir annulé la réunion consultative de la Ligue arabe?
Président Moubarak: “Nous n’avons pas annulé cette réunion. En fait, certains Etats du Golfe ont réclamé son report en décembre, afin de ne pas accentuer les dissensions interarabes, le sujet objet du débat n’étant pas facile à résoudre. Ils ont réclamé l’ajournement de la réunion et nous ne pouvions qu’accéder à leur désir, car nous respectons leurs opinions. Puis, le 24 janvier avait été fixé comme nouvelle date de la réunion consultative. Nous ne nous sommes pas rétractés, mais nous voulons empêcher l’échec des rencontres interarabes, car cela serait un coup fatal pour l’ensemble de la nation arabe.”
Melhem Karam: - Vous avez insisté sur l’arrêt immédiat des frappes aériennes contre l’Irak et c’est ce qui s’est produit. Mais la situation s’est compliquée par la suite, à cause du refus de Bagdad de permettre la reprise de sa mission par l’UNSCOM et de tolérer le maintien des zones d’exclusion aérienne au Nord et au Sud. Quelle est la position de l’Egypte envers ces deux points précis?
Président Moubarak: “Nous avons demandé aux Américains d’arrêter les frappes aériennes, d’autant que le mois de Ramadan était aux portes, afin de ne pas mécontenter les masses arabes et islamiques. Cependant, nos frères irakiens avaient une interprétation particulière et étrange. Ainsi, ils ont dit que l’Egypte aurait réclamé l’arrêt des opérations militaires anglo-US, parce que le président égyptien appréhendait la réaction populaire favorable à l’Irak en Egypte. Ces allégations ont suscité ma surprise, car nous connaissons la rue égyptienne et réagissons, favorablement, aux réactions de notre peuple dans la prise de nos décisions et notre politique. Certaines manifestations ont eu lieu à l’intérieur de l’université, suivies de marches pacifiques en signe de protestation contre la persistance des frappes aériennes. Cela ne s’est pas produit pour les beaux yeux du régime en Irak, mais dans l’intérêt du peuple irakien. Un responsable irakien a prétendu que les Etats-Unis auraient arrêté les raids faute de munitions. Cette analyse est une tentative visant à annihiler tout effort arabe, surtout s’il est déployé par l’Egypte et cela n’est pas nouveau.”
Melhem Karam: - Le sommet se tiendra-t-il et, dans l’affirmative, que pourrait-il faire en faveur de l’Irak?
Président Moubarak: “Tout d’abord, laissez-moi affirmer que je suis partisan de la tenue régulière de sommets arabes, afin de jeter de multiples ponts d’une entente plus profonde entre les dirigeants arabes; nous étions sur le point de faire admettre ce principe. Mais en 1990 et, plus précisément au mois de mai, lors de la tenue du sommet à Bagdad, j’ai proposé au roi Hussein qui s’est complètement rétabli, Dieu merci, que les sommets aient lieu au Caire, afin que le président Assad et tous les gouvernants arabes puissent y participer, Le Caire pouvant rassembler toutes les parties. Le roi Hussein m’a dit: L’Irak a besoin d’un soutien politique et moral. J’ai répondu que nous n’y trouvions aucun empêchement. Cependant, j’ai émis le souhait qu’un sommet se tienne, annuellement au Caire comme c’est le cas pour l’OUA, même s’il n’existe pas de dossiers chauds à examiner, car lorsque les souverains et chefs d’Etat arabes se rencontrent au moins une fois l’an, tous les malentendus entre eux se dissiperont. Décision avait donc été prise de tenir un premier sommet au Caire en novembre 90. Après la clôture du sommet de Bagdad et avant de quitter l’aéroport, j’ai dit à Saddam Hussein: Je me rends directement à Damas et je tenterai de dissiper la tension existant entre l’Irak et la Syrie, afin de préparer le terrain à un prochain sommet qui se tiendrait dans un climat meilleur. Il a répondu: “Attendez un peu...” J’ai, alors, répliqué: J’ai promis au président Assad de lui rendre visite et il n’est pas logique que je change d’avis.”

Melhem Karam: - Pourquoi vous a-t-il demandé de patienter?
Président Moubarak: “Au début, la raison n’était pas claire, mais par la suite, j’ai compris qu’il avait l’intention d’envahir le Koweit. Pour en revenir au sommet, je suis en faveur de sa tenue au Caire, à condition qu’il soit minutieusement préparé, afin d’en garantir le succès et de lui permettre de prendre des résolutions répondant aux aspirations de nos peuples.”
Melhem Karam: - Quels conseils donneriez-vous à la direction irakienne dans l’étape actuelle?
Président Moubarak: “Dieu m’en soit témoin; je leur ai prodigué bien des conseils, mais ils intervertissent les vérités. Je suis allé à Bagdad avant l’invasion du Koweit lorsqu’avait été soulevée la question des concentrations des troupes irakiennes aux frontières de l’émirat. Je me suis entretenu avec le président Saddam pendant deux heures et demie à propos du Koweit, en lui rappelant que la principauté l’avait aidé lors de sa guerre contre l’Iran. Il a dit: “Ce qui s’écrit dans les journaux n’est pas exact”. Quand je lui ai demandé s’il avait l’intention d’entreprendre quelque opération contre le Koweit, il a répondu par la négative. “Il s’agit, m’a-t-il assuré, de simples mouvements militaires, mais ne leur en ouvrez pas question”. Cependant, j’ai décidé de leur dire ce que m’avait confié Saddam, d’autant que les frères koweitiens vivaient dans un état d’inquiétude et de tension. J’ai agi de la sorte dans l’espoir de dissiper les appréhensions; de créer un climat propice à l’entente et à la compréhension entre les deux parties. Toujours est-il, que certains changent les vérités et prétendent, aujourd’hui, que Saddam m’avait assuré que Bagdad ne frappera pas le Koweit jusqu’à la réunion de la commission irako-koweitienne. Cela ne s’est pas produit et les événements ont montré, ultérieurement, que ses intentions n’étaient pas saines. Puis, une question se pose: Qu’est-ce qui peut bien pousser l’Irak à s’attaquer au Koweit, alors que le premier pays est riche en terre et en pétrole? Quelle est la vérité à propos des desseins et des convoitises? Combien de fois n’ai-je pas conseillé à la direction irakienne de s’assagir, mais elle n’a pas tenu compte de mes conseils, alors que je suis sincère dans ce que je préconise ou propose, car je ne suis pas mû par l’esprit de vengeance. Il s’agit, en fait, d’assouplir les positions à l’effet de permettre l’application des résolutions du Conseil de Sécurité et, partant, de sauvegarder les intérêts du peuple irakien qui s’expose à la mort et à la destruction.”
Melhem Karam: - Saddam Hussein dit que l’opération “Desert Fox” ne lui a fait subir aucune perte. Qu’en pensez-vous?
Président Moubarak: “Cela est-il logique? Il aurait été préférable pour lui d’exposer les corps des victimes et de montrer les pertes de son pays devant les médias, afin de gagner la sympathie et le soutien de la communauté internationale.”
Melhem Karam: - Comment avez-vous pris connaissance de l’opération anglo-US?
Président Moubarak: “Tout d’abord, nous sommes contre toute action militaire. En ce qui concerne l’opération que vous citez, je n’en ai pris connaissance qu’au moment où elle a été exécutée. Le président Jacques Chirac m’a confié au téléphone: “Personne ne m’a prévenu de cette opération”. Je lui ai répondu: “Ni moi non plus”. Au moment où les frappes aériennes ont débuté, je me trouvais à ma résidence vers 11 heures. Notre ministre des Affaires étrangères qui participait, alors, à une réunion à Burkina Faso consacrée aux conflits interafricains, m’a contacté pour m’informer de l’accroissement de la tension dans la crise irakienne et du fait pour les Etats-Unis de s’arroger le droit d’entreprendre des frappes aériennes, sans obtenir le feu vert du Conseil de Sécurité. Par la suite, je devais recevoir un appel téléphonique du président Clinton; puis, de Mme Madeleine Albright. J’ai dit à mes interlocuteurs que le peuple irakien paiera les pots cassés. Que les populations civiles en seraient les principales victimes. J’ai également fait part de mon insatisfaction de pareille opération que rien ne justifie. Mais nos frères en Irak disent que nous étions au courant du fait que les Etats-Unis passeraient à l’action et ceci n’est pas exact. Nous n’avons rien appris à l’avance. Malgré cela, j’ai agi aux fins d’arrêter les opérations militaires. J’ai demandé aux Américains d’ordonner un cessez-le-feu - c’était un samedi - en les mettant en garde contre la gravité des opérations. Après m’être entretenu avec Mme Albright, celle-ci a téléphoné à Amr Moussa pour lui dire que le président Clinton avait reçu mon message et lui annoncer l’arrêt des frappes aériennes dans un délai de deux heures.”
Melhem Karam: - Quelle solution définitive imaginez-vous? Le contrôle sur les armes de destruction massive en Irak a-t-il pris fin sous sa forme précédente?
Président Moubarak: “La communauté internationale ne permettra pas à l’Irak de s’armer, pour maintes raisons que je ne voudrais pas évoquer. Le jour où je me trouvais à Bagdad, j’ai proposé au président Saddam de diffuser, à travers le sommet arabe, une déclaration réclamant que la région du Proche-Orient soit débarrassée de toutes les armes de destruction massive. Il a donné son accord; puis, s’est rétracté en avançant comme prétexte que cela nous contraindrait à négocier avec Israël. Il tenait des propos illogiques; il disposait des armes et nous n’étions pas au courant de leur entassement dans ses arsenaux. Ce qui nous importe, c’est le peuple d’Irak et le non partage de ce pays frère. Nous confirmons ces principes en permanence.”
Melhem Karam: - Etant donné la complexité de la situation en Irak, le fédéralisme serait-il la solution? Etes-vous favorable à l’autonomie des Kurdes?
Président Moubarak: “Je suis avec l’unité du territoire irakien et la sécurité régionale de l’Irak. En ce qui concerne le fédéralisme ou tout autre système, il s’agit d’une affaire irakienne intérieure. Quoi qu’il en soit, je suis contre le partage de l’Irak en mini-Etats, ceci constituant un grave danger pour la région tout entière.”
Melhem Karam: - Comment peut-on normaliser les relations entre l’Irak et le Koweit, d’une part; les Etats du Golfe et l’Irak, d’autre part, en tête desquels l’Arabie séoudite?
Président Moubarak: “Hier, l’Irak a attaqué le Koweit, le chargeant de maintes accusations. Il est demandé à l’Irak de rectifier ses rapports avec ses voisins pour qu’ils le soutiennent. Or, il ne nous laisse aucune occasion de l’aider. Comment pourrions-nous le soutenir, alors qu’il incite les peuples arabes à se révolter contre leurs gouvernants? Comment espère-t-il pouvoir combler la brèche qui le sépare du Koweit et cicatriser les blessures occasionnées par son invasion de ce pays, alors qu’il porte atteinte à tous et se montre hostile à leur égard? Notre mission consiste à protéger les peuples, non à siéger sur une chaise haute loin des vérités; de ce fait, notre vision des choses serait nécessairement peu réaliste.”

J’ai dit à Saddam Hussein: “Je vais à Damas” -
Il m’a répondu: “Attendez un peu” -
J’ai répliqué: “J’ai promis au président Assad et je ne reporterai pas ma visite”

Melhem Karam: - L’Egypte est-elle disposée à se réconcilier avec Bagdad et à participer à un sommet avec l’Irak?
Président Moubarak: “A vrai dire, ce qu’a commis le régime irakien au cours des neuf dernières années, nous a fait perdre la confiance en lui. Quant à participer à un sommet aux côtés de l’Irak, ceci relève d’une décision arabe.”
Melhem Karam: - Comment évaluez-vous l’opération “Desert Fox”: ses justifications, ses conséquences et ses négativismes?
Président Moubarak: “Ainsi que je l’ai déjà précisé, j’en ai pris connaissance après son déclenchement. Avant cela et plus exactement en novembre, après que Bagdad eut interdit à l’UNSCOM de poursuivre sa mission, j’ai effectué des contacts en vue de prôner la souplesse, à l’effet de préserver le peuple d’Irak. L’Egypte n’est pas une grande puissance, mais elle aide dans la mesure de ses moyens. J’ai aidé l’Irak en février dernier, alors qu’il était exposé à un coup dur. Les Etats européens me demandaient d’appuyer l’Irak et la Russie œuvrait afin de lui épargner de nouvelles frappes aériennes. D’autre part, j’ai demandé à M. Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU, d’intervenir auprès des membres dudit Conseil, afin d’assouplir leur position. Par la suite, il m’a interrogé sur l’opportunité de sa visite à Bagdad et je lui ai recommandé de s’y rendre, à condition de garantir l’appui du Conseil et de tenir aux Irakiens un langage convaincant. M. Annan a réussi dans sa mission fort heureusement, car la situation était extrêmement grave.”
Melhem Karam: - Croyez-vous que d’autres frappes aériennes contre l’Irak seraient plus fortes?
Président Moubarak: “Je suis contre ces frappes, car le citoyen irakien en paiera le prix. J’ai tenu ces propos aux Américains. Puis, j’étais militaire et je sais que les populations civiles ne peuvent être épargnées dans pareilles opérations. Je suis contre l’utilisation de la force contre le peuple irakien, en particulier. Les Russes ont proposé la constitution d’une nouvelle commission autre que l’UNSCOM, mais les Etats-Unis s’y sont opposés. L’affaire exige de la souplesse, afin de placer le peuple d’Irak au-dessus de toutes les considérations.”
Melhem Karam: - Richard Butler, président de l’UNSCOM, est-il neutre?
Président Moubarak: “Je ne peux nullement dire qu’il est neutre. Selon mes renseignements, il est impliqué dans une activité portant atteinte à sa neutralité.”
Melhem Karam: - Les Etats-Unis sont-ils sérieux dans leur décision de renverser le régime irakien?
Président Moubarak: “Peut-être, mais je ne peux l’affirmer.”
Melhem Karam: - Si l’Amérique est sérieuse, est-elle impuissante à exécuter son plan?
Président Moubarak: “L’opération n’est pas facile. Au temps de la guerre du Golfe, Schwarzpkoff était disposé à coincer Saddam Hussein à Bagdad. Le président Bush m’a demandé mon avis à ce sujet et je lui ai dit: que je n’approuvais pas cela et serais contre les USA dans une telle opération. Bush avait dit, alors: Nous avons un ami dans la région qui nous a conseillé de ne pas entreprendre une telle folie. Si celle-ci avait eu lieu, elle aurait été enregistrée un point noir dans l’Histoire des Etats-Unis. Seul le peuple décide et procède au changement.”
Melhem Karam: - Le président yéménite Ali Abdallah Saleh et le chef de l’Etat des Émirats arabes unis ont réitéré leur appel en faveur d’un sommet arabe. Le temps est-il propice à la tenue d’un tel sommet et, dans l’affirmative, parviendra-t-il à sceller la solidarité arabe?
Président Moubarak: “Après le dernier discours du président Saddam Hussein, il est devenu difficile de parler de solidarité arabe. L’espoir persistait avant ce discours, mais maintenant les choses se sont davantage compliquées. Lorsque le président Ali Abdallah Saleh m’en avait entretenu, je lui ai dit que j’approuvais la tenue d’un sommet à condition qu’il soit préparé de manière à en assurer le succès, car son échec serait un coup dur pour tous les Etats membres de la Ligue. Que les ministres des Affaires étrangères débattent de la question et soumettent leurs propositions aux souverains et chefs d’Etat. De toute façon, je n’autoriserais pas la tenue d’un sommet en Egypte, s’il n’était pas assuré du succès total.”
Melhem Karam: - Les ministres des A.E. des pays du Golfe se réuniront-ils en l’absence de leurs homologues arabes ou en coordination avec eux?
Président Moubarak: “Les ministres des A.E. du Golfe ne complotent pas contre l’Irak mais agissent en vue de le sauver.”
Melhem Karam: - Comment jugez-vous les manifestations populaires organisées au Caire et à Damas, en signe de protestation contre les frappes anglo-US dont l’Irak a été la cible?
Président Moubarak: “Je n’ai pas senti ces manifestations. Ils m’ont dit que les étudiants voulaient organiser une marche à l’université, afin de manifester leur soutien à l’Irak. Cette marche a eu lieu aux universités du Caire et d’Aïn Chams. Je ne veux interdire personne d’extérioriser ses sentiments. Des discours ont été prononcés dénonçant la politique des deux poids et deux mesures; nous ne sommes pas contre cela. Le lendemain de la frappe aérienne, nous avons envoyé à Bagdad un avion chargé de quarante tonnes de médicaments. Ils ont dit: Nous avons des médicaments et avons besoin du soutien politique.”
Melhem Karam: - Vous avez réussi à régler la crise syro-turque. Comment évaluez-vous les chances qui se présentent après l’accord d’Adana, de raffermir les relations entre Ankara et Damas?
Président Moubarak: “Je crois qu’ils évoluent vers de bonnes relations. J’étais dernièrement dans la capitale syrienne qui est soucieuse de préserver ces relations et veut établir une collaboration sur la base d’investissements mixtes dans divers domaines.”
Melhem Karam: - Où en sont les relations égypto-iraniennes et pourquoi n’échangez-vous pas des ambassadeurs avec Téhéran? Le problème est-il politique ou sécuritaire?
Président Moubarak: “Dès le premier jour de mon entrée en fonctions, j’ai assuré que je ne voudrais avoir de mauvaises relations avec aucun pays, y compris l’Iran, à condition que soit assuré le respect mutuel et qu’il n’y ait pas d’ingérence dans les affaires intérieures.”
Melhem Karam: - Des appels émanant de parties régionales ont été lancés en faveur d’une coordination quadripartite entre l’Egypte, l’Arabie séoudite, la Syrie et l’Iran. Cette proposition est-elle réalisable dans les circonstances présentes?
Président Moubarak: “Nous coordonnons en tant que nation arabe avec la Syrie, l’Arabie séoudite et d’autres Etats. Il s’agit d’une coordination arabo-arabe, celle qui pourrait s’établir avec des pays autres qu’arabes est une question différente.”
Melhem Karam: - La coordination permanente avec le président Assad, jusqu’à quel point, peut-elle servir ou entraver la position arabe, ainsi que le demandent certains de ceux que cette franche coordination indispose?
Président Moubarak: “La coordination entre nous est dans l’intérêt de la nation arabe et non contre qui que ce soit au sein de cette nation. Notre but est de tenter de resserrer les rangs arabes et de rétablir la solidarité interarabe. Naturellement, l’opération n’est pas facile et elle a été rendue complexe par les déclarations et les prises de positions du régime en place à Bagdad.”
Melhem Karam: - L’Egypte, la Syrie et l’Arabie séoudite ne pourraient-elles pas raviver la solidarité interarabe?
Président Moubarak: “Nous essayons de le faire, d’autant que certains Etats, tels le Maroc et les Emirats arabes unis en sont considérés comme des piliers principaux. Nous étions sur le point de réaliser la solidarité en 1990, lorsque nous avons décidé de tenir un sommet annuel. Malheureusement, l’invasion du Koweit par l’Irak, a provoqué une brèche effroyable dans la nation arabe.”
Melhem Karam: - Vous avez apporté une aide constructive à la Libye. Comment et quand ce pays sortira-t-il de la crise de Lockerbie?
Président Moubarak: “Nous déployons de grands efforts à cet effet, sans tapage médiatique comme nous le faisons pour l’Irak, afin de ne pas poser de problèmes avec les Etats-Unis. J’aide la Libye, des médiations sont actuellement en cours et nous poursuivrons notre tentative auprès de toutes les instances et dans chaque rencontre avec les Américains.”
Melhem Karam: - Vous avez accueilli favorablement l’élection du général Emile Lahoud à la présidence de la République et avez vanté ses hautes qualités. Comment concevez-vous la solution au Liban-Sud, après les divergences au niveau des responsables israéliens autour du retrait inconditionnel?
Président Moubarak: “Le Liban-Sud pose un problème en lui-même. S’ils sont sérieux dans leur intention de se retirer, que les Israéliens appliquent les résolutions du Conseil de Sécurité sans poser de conditions et les Libanais pourront assurer la sécurité le long de la frontière. Israël veut signer avec le Liban pour “frapper” la Syrie; l’affaire est claire. Quant au président Lahoud, je n’ai pas eu l’occasion de le connaître de près, mais j’ai entendu à son sujet des témoignages tout à son avantage. De toute façon, nous respectons le choix du peuple libanais.”
Melhem Karam: - Etes-vous avec l’option “Liban, d’abord”, comme le veulent Washington et Tel-Aviv ou bien avec le Liban et la Syrie ensemble?
Président Moubarak: “Je suis avec le Liban indépendant.”
Melhem Karam: - Jusqu’à quel point les élections israéliennes anticipées ont-elles pour but de couper la voie à la proclamation de l’Etat palestinien le 4 mai prochain?
Président Moubarak: “L’Autorité palestinienne a la capacité d’évaluer la situation et de prendre la décision convenable au moment opportun. D’ici au 4 mai, nul ne peut prévoir comment les choses évolueront.”
Melhem Karam: “Le peuple israélien sanctionnera-t-il Netanyahu aux élections?
Président Moubarak: “Dans les élections générales, tout reste possible jusqu’au dernier moment. On ne peut croire personne, sauf l’électeur lorsqu’il dépose son bulletin dans l’urne.”
Melhem Karam: - Considérez-vous que l’Autorité palestinienne consolide effectivement sa position sur le terrain, face à la forte opposition dans la rue, en plus des pressions israélo-américaines?
Président Moubarak: “L’Autorité palestinienne s’affirme sur le terrain, parce qu’elle lutte pour récupérer le sol national. Si les Palestiniens avaient utilisé la seconde carte de l’accord de camp David, le problème aurait été résolu, car il s’agit, moins d’un traité que d’un document de principe. Si elle l’avait fait, sa situation aurait été meilleure aujourd’hui. Nous avons traité, quant à nous, avec notre carte à camp David et avons fait évoluer les principes jusqu’à récupérer notre terre. La seconde carte concernait la cause palestinienne sous tous ses aspects. Elle comportait des spécificités qui, s’ils les avaient adoptées à l’époque, leur aurait permis de recouvrer Gaza et la Cisjordanie dans leur totalité. Ce document  prévoyait le retrait des forces militaires israéliennes vers des zones à déterminer par les négociations. S’ils avaient écouté les paroles de Sadate, l’Etat palestinien serait devenu une réalité maintenant.”
Melhem Karam: - Quand le président Moubarak défend une cause, il la mène jusqu’à sa finalité même s’il devait indisposer les Américains. En tant qu’Arabes, nous n’avons pas intérêt à ce que le président Moubarak se brouille avec les Américains, car nous perdrions un grand intermédiaire avec cette grande puissance. Comment conciliez-vous votre souci de prendre le parti de vos causes et la non rupture des ponts avec les USA?
Président Moubarak: “Notre relation avec l’Amérique est solide. Nous sommes des amis, mais nous pourrions tomber en désaccord. Des relations fortes avec les USA ne signifient pas que nous approuvons tout ce qu’ils accomplissent. Nous avons notre décision et notre liberté de pensée. Je dis mon opinion à l’Amérique, non par dépit, mais afin de rectifier sa logique et mon dialogue avec elle est dans l’intérêt de toute la région, car elle a besoin d’une région stable où elle dispose d’intérêts importants.”
Melhem Karam: -  Que pensez-vous du point de vue appelant à l’adoption de la solution finale autour des frontières, des colonies de peuplement, des eaux et des réfugiés palestiniens?
Président Moubarak: “Ce n’est pas, je crois, un fait pratique et réaliste. Ils doivent appliquer l’accord de Wye Plantation, pour que nous puissions parler de la solution finale, laquelle requiert beaucoup d’efforts et de dures négociations. Or, depuis l’accession de Netanyahu au pouvoir en 1996, Israël n’a pas respecté les accords conclus. Ils disent que l’accord d’Oslo n’est pas contraignant, après s’être engagés à le respecter. Pourtant, il a été signé par Rabin et Pérès. Netanyahu a signé l’accord de Hébron et exécuté deux de ses six clauses. Il a, également, apposé sa signature sur l’accord de Wye Plantation et n’en a appliqué qu’une infime partie.”
Melhem Karam: - Les élections anticipées en Israël entraîneront-elles à l’élaboration d’une nouvelle carte politique en son sein et quelles seront ses retombées sur l’avenir de l’opération de paix?
Président Moubarak: “ Nous observons leurs prises de position sans nous immiscer dans leurs affaires.”
Melhem Karam: - L’application de l’accord de Wye Plantation dans son intégralité sert-il l’intérêt palestinien?
Président Moubarak: “Je le crois, parce que l’accord restituera aux Palestiniens une partie de leurs terres.”
Melhem Karam: - Pensez-vous que le président Arafat sera contraint d’ajourner la proclamation de l’Etat palestinien, suite aux pressions auxquelles il est soumis?
Président Moubarak: “La proclamation de cet Etat est une question palestinienne dépendant de la volonté palestinienne.”
Melhem Karam: - Les feux sont braqués, actuellement, sur l’Egypte de la part d’Israël: que ce soit du point de vue de sa capacité militaire ou de son soutien aux Palestiniens...
Président Moubarak: “Chaque fois qu’ils se trouvent dans l’impasse, ils ameutent le lobby juif en Amérique. Ainsi, ils ont monté de toutes pièces l’affaire des chrétiens et ils font feu de tout bois pour discréditer l’Egypte. C’est fini, nous sommes immunisés contre toutes ces allégations et ces tentatives dont l’objectif est maintenant à découvert et sont condamnées à l’échec.”
Melhem Karam: - Vous avez engagé une bataille visant à mettre le Proche-Orient à l’abri des armes nucléaires de destruction massive; où en est cette bataille? Et quel est le degré du danger que constitue l’arme nucléaire israélienne?
Président Moubarak: “Ce sujet est toujours en cours de discussion. Le fait pour un Etat dans la région de posséder l’arme nucléaire, incite certains autres à s’impliquer, tôt ou tard, dans ce domaine, ce qui constitue un danger pour les peuples. Or, le monde tend à supprimer toutes les armes de destruction massive. Au cours d’un entretien avec les Israéliens, ils m’ont dit: Après l’instauration de la paix totale, nous réfléchirons à cette question. Celle-ci est à l’étude au sein de la commission chargée d’en débattre dans le cadre des négociations multilatérales.”


Le président Moubarak entouré de MM. Nabil Osman, Safouat el-Chérif,
Melhem Karam et Nagil Moubarak.

Melhem Karam: - Israël ne semble pas avoir tranché bien des problèmes, à propos de la paix avec les Palestiniens, après avoir gelé les accords d’Oslo et de Wye Plantation. Jusqu’à quel point, l’Etat hébreu refusera-t-il de souscrire à la paix?
Président Moubarak: “Le processus de paix a progressé au temps de Rabin et Pérès. Mais depuis l’accès de Netanyahu à la présidence du Conseil, nous avons entendu bien des promesses dont rien ou presque n’a été tenu. C’est ce qui porte les gens à n’avoir pas confiance dans tout accord avec Israël.”
Melhem Karam: - La proclamation de l’Etat palestinien serait-elle nécessaire et utile, si elle devait “torpiller toute l’opération de paix”, comme l’insinue Israël? Et si cet Etat devait être morcelé, géographiquement, ainsi que le prétendent les cartes du gouvernement du Likoud sous la présidence de Netanyahu?
Président Moubarak: “L’Etat palestinien sera créé tôt ou tard. Bien des voix s’élèvent  en Israël le jugeant indispensable dans l’intérêt et pour la sécurité de l’Etat hébreu.
“Naturellement, quand un Etat palestinien sera créé, on traitera avec une entité ayant ses frontières et cela est préférable que de traiter avec un peuple luttant pour récupérer son territoire, fonder un Etat en vue d’assurer la coexistence entre les peuples palestinien et israélien.”
Melhem Karam: - Quand vous attendez-vous à la solution avec Israël sur les volets libanais et syrien?
Président Moubarak: “Tôt ou tard, on devra négocier sur les deux volets, pour récupérer le Golan et obtenir le retrait israélien du Liban-Sud et de la Békaa ouest. Sans cela, il n’y aura pas de paix dans la région.”
Melhem Karam: - Selon des nouvelles, Israël pourrait déclencher une guerre limitée sur le front libanais, visant le Liban et la Syrie à la fois, à l’effet de tester la capacité militaire syrienne. Cette éventualité est-elle possible, à l’ombre des dissensions internes en Israël?
Président Moubarak: “Je doute de cela. Ils sont habiles dans la propagande et si les Israéliens sont entrés au Liban en 1982, nous sommes aujourd’hui en 1999 et la conjoncture mondiale a entièrement changé.”
Melhem Karam: - Pourquoi avez-vous menacé d’acquérir l’arme nucléaire, alors que vous appelez à un Proche-Orient débarrassé des armes de destruction massive?
Président Moubarak: “Je n’ai pas proféré une telle menace, j’ai simplement dit que le fait pour Israël de disposer de l’arme nucléaire, incitera d’autres Etats à se la procurer, car chaque Etat veut assurer sa défense. Nous ne nous préoccupons pas de posséder l’arme nucléaire et nous n’en avons pas besoin. Mais en même temps, nous n’acceptons pas de subir le chantage de la part de ceux qui la détiennent.”
Melhem Karam: - Le président Clinton sortira-t-il de son épreuve? Lui fera-t-elle perdre sa sérénité de vision ou bien a-t-il des nerfs solides lui permettant de persévérer dans la confrontation?
Président Moubarak: “Ses nerfs sont excellents et je crois qu’il ne sera pas destitué. Peut-être tout se terminera-t-il par un blâme.”
Melhem Karam: - Quelle est votre évaluation de la situation économique interne, après que l’Egypte eut dépassé les crises économiques ayant soufflé sur le monde?
Président Moubarak: “Notre économie persiste, Dieu merci, d’une manière satisfaisante. Nous réalisons, aujourd’hui, une série de projets géants susceptibles de redessiner la carte économique de l’Egypte. Nous avons entrepris l’exécution de ces projets après l’opération de la réforme globale dont tous les indices témoignent de leur grand succès. Le déficit du budget a baissé à moins de un pour cent du produit local; la proportion du développement économique se rapproche de 6% et ne cesse de croître, alors que la proportion de l’inflation a baissé en moyenne de 4%, après avoir atteint 38% il y a quelques années. Nul ne croyait en la possibilité de le réduire jusqu’à cette limite.
“D’autre part, nous avons réalisé une stabilité dans la parité de la monnaie nationale et disposons, à présent, d’une réserve de devises étrangères excédant 20 milliards de dollars. Les indices montrent que nous évoluons dans la bonne voie.”
Melhem Karam: - Des projets géants sont en train d’être exécutés: quel est le volume de leur profit au plan économique et le degré de leur succès?
Président Moubarak: “Les grands projets que nous réalisons à Touchki, dans le Sinaï, à l’est de Port Saïd et au nord du canal de Suez, ont fait l’objet d’une étude minutieuse de la part d’instances égyptiennes et internationales qualifiées. Nous n’aurions pas envisagé de les réaliser sans la réforme économique. Il y a lieu de préciser que près de 244 millions de guinées ont été dépensées sur nos infrastructures au cours des dernières années. Le travail se poursuit et les investisseurs contribuent à leur financement. C’est un fait réjouissant et prometteur. A titre d’exemple, le projet Touchki au sud de la vallée avait été élaboré dans les années soixante et son étude a été reprise dix années plus tard avec la collaboration de la Banque Mondiale. La situation économique ne permettait pas, auparavant, de l’exécuter en raison d’un problème de financement. Aujourd’hui, la situation est bien meilleure et nous avons la capacité de réaliser des projets géants. Nous sommes capables de poursuivre les travaux. Les prochaines années assisteront à de nouveaux complexes résidentiels et d’une nouvelle vallée; des millions d’Egyptiens jouiront d’une vie à la mesure de leurs souhaits. Je vous invite à visiter les lieux où ce projet est en cours d’exécution et j’inspecterai les chantiers le mois prochain.”
Melhem Karam: - J’en serai honoré, Monsieur le Président. Quel est le degré de succès de l’action égyptienne vers l’Afrique, au double plan politique et économique?
Président Moubarak: “Nous faisons maintenant partie du “Comessa”, le plus grand rassemblement économique du continent africain, notre rôle sur ce continent étant ancien et connu.”
Melhem Karam: - Au cours de la dernière réunion périodique élargie que vous avez présidée, vous avez demandé d’exploiter la position de l’Egypte à l’effet d’intensifier la coopération avec les pays arabes, africains et du Moyen-Orient. Comment définissez-vous les spécificités des positions de l’Egypte susceptibles d’être exploitées?
Président Moubarak: “L’Egypte se trouve à la croisée des continents d’Europe, d’Afrique et d’Asie. Partant de là, nous avons créé la zone franche au nord-ouest du canal de Suez. Plus grande que Hong Kong, cette zone produit et exporte. La Chine est notre partenaire et d’autres pays sont en voie de l’être. Cette zone peut devenir l’une des plus grandes zones du commerce libre au monde. En plus, une autre zone d de commerce libre similaire a été aménagée à l’est de Port Saïd, l’Etat se chargeant de l’infrastructure de base et de construire un port desservant toute la région.”
Melhem Karam: - Le fait de maintenir un économiste à la présidence du Conseil, le Dr Kamal Al-Janzouri, signifie-t-il que l’économie est le premier fardeau à la charge du gouvernement?
Président Moubarak: “L’économie est le premier fardeau dans tous les pays du globe, grands ou petits. Avec les transformations que connaît la scène internationale, en tête desquelles les accords du “Gatt”, l’économie occupe la tête de liste parmi les priorités des Etats, quelles que soient leurs idéologies et leurs affiliations politiques.”
Melhem Karam: - La production en gaz de l’Egypte  augmentera en 1999. Le gaz deviendra-t-il une ressource importante pour la réactivation du revenu national, en plus d’autres ressources, comme le tourisme, par exemple?
Président Moubarak: “Il y a eu de nouvelles découvertes dans le domaine  du gaz naturel et du pétrole qui n’ont pas encore été révélées. Notre production de gaz naturel est en croissance permanente et nous avons commencé à l’utiliser pour faire fonctionner plusieurs centrales électriques. Nous planifions l’exportation du gaz en Turquie, d’autres Etats ayant émis aussi le désir de s’approvisionner en Egypte.”
Melhem Karam: - Le président Moubarak est-il complètement rassuré quant à la sécurité des touristes étrangers dans son pays?
Président Moubarak: “Je suis totalement rassuré, mais aucun pays au monde n’est en mesure de garantir la sécurité de ses citoyens et de ses visiteurs dans une proportion de cent pour cent, ni l’Amérique, ni la France ou la Grande-Bretagne. Nous prenons toutes les dispositions nécessaires à l’effet d’assurer la sécurité des touristes et leur bien-être.”
Melhem Karam: - On vous a choisi à l’unanimité comme l’intervenant principal à la conférence de Davos. Quelles seront les idées fondamentales de votre intervention devant les participants à ces assises?
Président Moubarak: “Je n’ai pas encore préparé le discours que j’y prononcerai.”
Melhem Karam: - Chaque huit mois, la population égyptienne s’accroît de près d’un million de personnes. Le gouvernement a-t-il établi un programme destiné à attirer l’attention du peuple sur les dangers de l’explosion démographique, afin qu’elle n’annihile pas les efforts déployés en vue du développement?
Président Moubarak: “Depuis le premier jour de mon entrée en fonctions, je souligne l’importance du planning familial. La moyenne de la natalité est devenue moindre aujourd’hui que dans le passé, en raison des soins croissants prodigués à l’enfance, ce qui a réduit la moyenne des décès des enfants. Depuis mon accession au pouvoir, le nombre des habitants en Egypte s’est accru de 18 millions d’âmes à qui nous devons assurer tout: le pain, la nourriture, les écoles, les hôpitaux, les universités, les services et l’emploi.”
Melhem Karam: - Avez-vous mis fin, définitivement, aux  activités des groupes terroristes ou bien leurs opérations se sont-elles arrêtées après le tragique attentat de Louxor?
Président Moubarak: “Ainsi que je l’ai affirmé, nous avons pris toutes les dispositions à l’effet d’assurer la sécurité du citoyen et du touriste. Cependant, la lutte contre le terrorisme exige la coopération de tous les Etats, en particulier ceux qui accordent l’asile aux chefs terroristes à l’étranger. Beaucoup d’Etats commencent à  réagir et à refuser de leur accorder refuge. En revanche, les Etats qui continuent à les accueillir en paieront un jour très cher le prix.”
Melhem Karam: - Votre appel réitéré en faveur de la tenue d’un congrès international pour la lutte contre le terrorisme en tant que phénomène mondial, a-t-il suscité une réaction positive, surtout en ce qui concerne l’asile que certains Etats accordent aux chefs terroristes?
Président Moubarak: “Des propositions ne cessent d’être formulées à ce sujet aux Nations Unies. Nous finirons par aboutir à une forme de congrès international aux fins d’imposer des restrictions à l’acceptation des terroristes en tant que réfugiés politiques.”
Melhem Karam: - Le prix du pétrole continuera-t-il à régresser?
Président Moubarak: “Les indices et les prévisions montrent qu’il ne s’élèvera pas rapidement. C’est ce que répètent les milieux qualifiés et nous sommes parmi les pays qui ont été affectés par la baisse du prix de l’or noir. En définitive, la solution adéquate sera trouvée afin d’en freiner la baisse.”


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