A la question: “Comment évaluez-vous la situation des ministères
dont vous détenez les portefeuilles”, il répond: “Le ministère
de l’Economie et du Commerce s’acquitte de maintes missions au double plan
du contrôle et des services: il organise les activités des
sociétés commerciales, enregistre les opérations qu’elles
entreprennent, contrôle les prix, protège le consommateur,
engage des pourparlers en vue de la signature de conventions commerciales
avec les pays arabes et étrangers.
“De plus, il surveille les compagnies d’assurances, fournit aux commerçants
libanais et étrangers des renseignements, à l’effet de faciliter
leur travail.
“Mais le rôle le plus important de ce département ministériel
consiste à définir la politique économique de l’Etat,
à court et long termes; à observer les changements qui se
produisent aux plans financier et économique, sous l’angle de leur
retombée sur l’économie nationale.
“Ainsi, le ministère de l’Economie et du Commerce contribue
à orienter l’économie dans le cadre d’une politique déterminée
et d’un plan d’ensemble se caractérisant par la continuité
et la transparence, ce qui renforce la crédibilité du Liban
au double plan intérieur et extérieur.
“En ce qui concerne la réactivation des services, elle a besoin
d’un traitement ferme et radical. Le gouvernement pâtit de ce sujet,
aujourd’hui, c’est pourquoi il attache une grande importance à la
réforme administrative, partant de sa conviction que c’est le mal
qu’il faut extirper d’urgence. La corruption et la mauvaise gestion sont
un lourd fardeau sous lequel ploie l’économie libanaise, causant
un grand préjudice à la patrie quant à sa réputation
et à sa crédibilité. Le secteur privé et les
investisseurs étrangers en supportent le poids.”
- Comment concevez-vous la formule de votre coopération avec
le ministre des Finances pour définir la politique financière
de l’Etat, d’autant que cette coopération était inexistante
sous le précédent régime?
“Après la formation du Cabinet, nous avons rédigé
la déclaration ministérielle dans l’idée de réaliser
le changement et le sauvetage. Cela signifie que nous prendrons, en tant
qu’équipe gouvernementale, les décisions voulues aux fins
de sauver la patrie de la crise socio-économique dans laquelle elle
se débat et de changer tout ce qui entrave l’évolution de
ce pays et menace sa pérennité.”
- Quel rôle vous est-il dévolu dans la mise au point
du projet de budget 99 et que suggérez-vous pour réduire
le déficit?
“La rédaction du préambule du budget est du ressort du
ministère des Finances. Ma responsabilité se limite à
mettre au point les prévisions budgétaires des ministères
de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie. Je peux participer à
la discussion du préambule de la loi de finances et suggérer
qu’y soient apportées des modifications que je juge nécessaires.
“Le budget doit tendre à réduire le déficit d’une
manière progressive, à travers l’amélioration de la
perception des impôts et taxes en l’étendant à une
plus large frange des contribuables. Il faut, en même temps, réduire
la dette publique dont le service est plus lourd que les dépenses
publiques.
“L’impact de cette politique apparaîtra à l’étape
suivante, dans le budget 99 qui sera soumis incessamment, à la Chambre.”
- N’est-il pas difficile d’instituer de nouveaux impôts et
de relever les taxes douanières, en raison du marasme économique,
alors que 45% du budget doivent couvrir le service de la dette publique?
Ceci étant, comment est-il possible d’opter pour une politique d’austérité?
“Il nous faut tirer au clair une question fondamentale: le traitement
de la crise socio-économique requiert du temps, nul ne disposant
d’une baguette magique pour la résorber. Nous nous trouvons devant
une crise qui remonte à plusieurs années; il n’est donc pas
logique de réclamer son règlement en quelques semaines et
de s’attendre à des résultats en un court laps de temps.
“Nous avons une vue futuriste et disposons des moyens d’en sortir,
mais on ne peut rien obtenir du jour au lendemain. Ce fait est admis par
la Chambre, le gouvernement et le peuple.
“En ce qui concerne le principe de l’austérité, nous
comptons l’appliquer à travers la compression des dépenses
et en réactivant les organismes de contrôle aux fins de freiner
le gaspillage. De plus, nous procédons à une réévaluation
des projets de développement et d’équipement en vue d’établir
un ordre des priorités.
“D’autre part, nous élaborerons une loi devant régir
la privatisation, en lui assurant la transparence totale et les éléments
d’un contrôle effectif, à travers un organisme de contrôle
et de surveillance des institutions qui seront privatisées. Nous
veillerons, aussi, à préserver l’émulation entre ces
dernières et à éviter que l’accaparement soit transposé
du secteur public au secteur privé.
“La privatisation de certains secteurs coûteux, à la productivité
restreinte, peut contribuer d’une manière directe à réduire
la dette publique, tout en relevant le niveau des services. Ainsi, nous
pourrons baisser les dépenses publiques et libérer les pressions
provenant des crédits octroyés au secteur public, ce qui
se répercute sur les liquidités. En même temps, les
banques auront la possibilité d’accorder des prêts au secteur
privé.”
- Dans quelle mesure la réforme et l’assainissement de l’administration
peuvent-ils contribuer à réduire le déficit budgétaire?
“La relation entre le gaspillage, la mauvaise gestion et le déficit
se passe de preuves. Toute mesure dans ce domaine aura son impact à
moyen et long termes. L’important, à présent, est de mettre
fin au gaspillage, d’extirper la corruption à travers le contrôle,
la réhabilitation des fonctionnaires et de doter l’administration
publique d’un outillage moderne et évolué, afin de lui permettre
de faire face aux défis et aux exigences du troisième millénaire.”
- Le gouvernement se propose-t-il de réviser le système
fiscal, partant de l’idée consignée par le chef de l’Etat
dans son discours d’investiture visant à réduire les impôts
indirects et à accroître les impôts directs?
“La refonte de la fiscalité est nécessaire et, d’ailleurs,
elle est à l’étude et je suis sûr que tout sera fait
pour préserver l’intérêt de la patrie et du citoyen.”
- Les pays du Golfe doivent-ils craindre d’investir au Liban? Et
quelles garanties leur offrez-vous pour les rassurer, suite aux rumeurs
contradictoires relatives à la sécurité et à
la stabilité dans notre pays?
“Il n’y a aucune crainte pour l’investissement au Liban. L’institution
de l’Etat de droit, la réforme administrative et l’arrêt du
gaspillage tels qu’annoncés dans le discours d’investiture du chef
de l’Etat et la déclaration ministérielle, révèlent
l’adoption de la transparence et du principe de la récompense et
du châtiment. Cette politique aura pour effet de raffermir la confiance
des pays arabes et étrangers dans le régime et d’encourager
les investissements. Bien des indices le prouvent.
“Plusieurs Etats arabes et étrangers ont participé dernièrement
au Forum de l’investissement industriel au Liban et durant lequel plus
de 37 projets d’investissement ont été exposés. De
même, l’accueil chaleureux réservé au président
Hoss lors de sa visite en Arabie séoudite, par le roi Fahd Ben Abdel-Aziz
et de hauts responsables séoudiens, est la preuve évidente
de l’appui du royaume au Liban et de sa confiance au nouveau régime.”
- Quels sont les principaux indices économiques qui confirment
l’échec de l’hypothèse reliant la stabilité économique
à la personne de Rafic Hariri?
“Les épreuves qu’a endurées le Liban ont prouvé
que son économie est basée sur des constantes qui n’ont pas
été influencées par la guerre et restent indépendantes
des personnes ou des institutions. Preuve en est la stabilité monétaire
et des taux d’intérêt sur les Bons du Trésor. De même,
l’appui du discours d’investiture et de la déclaration ministérielle,
tant au plan interne qu’externe, a relevé les défis. Aussi,
assiste-t-on à une activité intense de la part de la Banque
mondiale et d’autres institutions internationales en faveur de notre économie,
due à la confiance en notre pays et son rôle dans la région.”
- Des proches du président Hariri disent que les slogans
économiques lancés par le nouveau gouvernement sont pareils
à ceux adoptés par le précédent Cabinet, à
savoir: la politique d’austérité et la réduction du
déficit budgétaire. Quelle est la différence, au plan
pratique, entre ces deux politiques?
“La différence consiste dans la pratique et l’application d’une
politique saine basée sur la transparence, le contrôle et
la bonne gestion des finances publiques. La différence sera, aussi,
dans la détermination de l’ordre des priorités favorisant
les secteurs productifs, les régions rurales et l’environnement.
Ainsi, l’intérêt du citoyen serait protégé et
l’avenir de la nation garanti.”