NASSER SAÏDI:
“LA POLITIQUE D’AUSTÉRITÉ APPARAÎTRA DANS LE BUDGET 99”
 

Il est venu à la politique à travers l’économie. Spécialisé dans les affaires financières et monétaires, il a assumé les charges de premier vice-gouverneur de la Banque centrale avant de faire partie du premier Cabinet du nouveau régime où il est ministre de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie.
De M. Nasser Saïdi on peut dire que “c’est l’homme qu’il faut à la place qu’il faut”. Il se dit optimiste quant à la possibilité de redresser la situation économico-socio-financière. “Mais nul, dit-il, ne dispose d’une baguette magique. L’opération nécessite du temps: nous avons la vision futuriste et disposons des moyens d’agir. Cependant, les résultats mettront du temps pour apparaître.”

A la question: “Comment évaluez-vous la situation des ministères dont vous détenez les portefeuilles”, il répond: “Le ministère de l’Economie et du Commerce s’acquitte de maintes missions au double plan du contrôle et des services: il organise les activités des sociétés commerciales, enregistre les opérations qu’elles entreprennent, contrôle les prix, protège le consommateur, engage des pourparlers en vue de la signature de conventions commerciales avec les pays arabes et étrangers.
“De plus, il surveille les compagnies d’assurances, fournit aux commerçants libanais et étrangers des renseignements, à l’effet de faciliter leur travail.
“Mais le rôle le plus important de ce département ministériel consiste à définir la politique économique de l’Etat, à court et long termes; à observer les changements qui se produisent aux plans financier et économique, sous l’angle de leur retombée sur l’économie nationale.
“Ainsi, le ministère de l’Economie et du Commerce contribue à orienter l’économie dans le cadre d’une politique déterminée et d’un plan d’ensemble se caractérisant par la continuité et la transparence, ce qui renforce la crédibilité du Liban au double plan intérieur et extérieur.
“En ce qui concerne la réactivation des services, elle a besoin d’un traitement ferme et radical. Le gouvernement pâtit de ce sujet, aujourd’hui, c’est pourquoi il attache une grande importance à la réforme administrative, partant de sa conviction que c’est le mal qu’il faut extirper d’urgence. La corruption et la mauvaise gestion sont un lourd fardeau sous lequel ploie l’économie libanaise, causant un grand préjudice à la patrie quant à sa réputation et à sa crédibilité. Le secteur privé et les investisseurs étrangers en supportent le poids.”
- Comment concevez-vous la formule de votre coopération avec le ministre des Finances pour définir la politique financière de l’Etat, d’autant que cette coopération était inexistante sous le précédent régime?
“Après la formation du Cabinet, nous avons rédigé la déclaration ministérielle dans l’idée de réaliser le changement et le sauvetage. Cela signifie que nous prendrons, en tant qu’équipe gouvernementale, les décisions voulues aux fins de sauver la patrie de la crise socio-économique dans laquelle elle se débat et de changer tout ce qui entrave l’évolution de ce pays et menace sa pérennité.”
- Quel rôle vous est-il dévolu dans la mise au point du projet de budget 99 et que suggérez-vous pour réduire le déficit?
“La rédaction du préambule du budget est du ressort du ministère des Finances. Ma responsabilité se limite à mettre au point les prévisions budgétaires des ministères de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie. Je peux participer à la discussion du préambule de la loi de finances et suggérer qu’y soient apportées des modifications que je juge nécessaires.
“Le budget doit tendre à réduire le déficit d’une manière progressive, à travers l’amélioration de la perception des impôts et taxes en l’étendant à une plus large frange des contribuables. Il faut, en même temps, réduire la dette publique dont le service est plus lourd que les dépenses publiques.
“L’impact de cette politique apparaîtra à l’étape suivante, dans le budget 99 qui sera soumis incessamment, à la Chambre.”
- N’est-il pas difficile d’instituer de nouveaux impôts et de relever les taxes douanières, en raison du marasme économique, alors que 45% du budget doivent couvrir le service de la dette publique? Ceci étant, comment est-il possible d’opter pour une politique d’austérité?
“Il nous faut tirer au clair une question fondamentale: le traitement de la crise socio-économique requiert du temps, nul ne disposant d’une baguette magique pour la résorber. Nous nous trouvons devant une crise qui remonte à plusieurs années; il n’est donc pas logique de réclamer son règlement en quelques semaines et de s’attendre à des résultats en un court laps de temps.
“Nous avons une vue futuriste et disposons des moyens d’en sortir, mais on ne peut rien obtenir du jour au lendemain. Ce fait est admis par la Chambre, le gouvernement et le peuple.
“En ce qui concerne le principe de l’austérité, nous comptons l’appliquer à travers la compression des dépenses et en réactivant les organismes de contrôle aux fins de freiner le gaspillage. De plus, nous procédons à une réévaluation des projets de développement et d’équipement en vue d’établir un ordre des priorités.
“D’autre part, nous élaborerons une loi devant régir la privatisation, en lui assurant la transparence totale et les éléments d’un contrôle effectif, à travers un organisme de contrôle et de surveillance des institutions qui seront privatisées. Nous veillerons, aussi, à préserver l’émulation entre ces dernières et à éviter que l’accaparement soit transposé du secteur public au secteur privé.
“La privatisation de certains secteurs coûteux, à la productivité restreinte, peut contribuer d’une manière directe à réduire la dette publique, tout en relevant le niveau des services. Ainsi, nous pourrons baisser les dépenses publiques et libérer les pressions provenant des crédits octroyés au secteur public, ce qui se répercute sur les liquidités. En même temps, les banques auront la possibilité d’accorder des prêts au secteur privé.”
- Dans quelle mesure la réforme et l’assainissement de l’administration peuvent-ils contribuer à réduire le déficit budgétaire?
“La relation entre le gaspillage, la mauvaise gestion et le déficit se passe de preuves. Toute mesure dans ce domaine aura son impact à moyen et long termes. L’important, à présent, est de mettre fin au gaspillage, d’extirper la corruption à travers le contrôle, la réhabilitation des fonctionnaires et de doter l’administration publique d’un outillage moderne et évolué, afin de lui permettre de faire face aux défis et aux exigences du troisième millénaire.”
- Le gouvernement se propose-t-il de réviser le système fiscal, partant de l’idée consignée par le chef de l’Etat dans son discours d’investiture visant à réduire les impôts indirects et à accroître les impôts directs?
“La refonte de la fiscalité est nécessaire et, d’ailleurs, elle est à l’étude et je suis sûr que tout sera fait pour préserver l’intérêt de la patrie et du citoyen.”
- Les pays du Golfe doivent-ils craindre d’investir au Liban? Et quelles garanties leur offrez-vous pour les rassurer, suite aux rumeurs contradictoires relatives à la sécurité et à la stabilité dans notre pays?
“Il n’y a aucune crainte pour l’investissement au Liban. L’institution de l’Etat de droit, la réforme administrative et l’arrêt du gaspillage tels qu’annoncés dans le discours d’investiture du chef de l’Etat et la déclaration ministérielle, révèlent l’adoption de la transparence et du principe de la récompense et du châtiment. Cette politique aura pour effet de raffermir la confiance des pays arabes et étrangers dans le régime et d’encourager les investissements. Bien des indices le prouvent.
“Plusieurs Etats arabes et étrangers ont participé dernièrement au Forum de l’investissement industriel au Liban et durant lequel plus de 37 projets d’investissement ont été exposés. De même, l’accueil chaleureux réservé au président Hoss lors de sa visite en Arabie séoudite, par le roi Fahd Ben Abdel-Aziz et de hauts responsables séoudiens, est la preuve évidente de l’appui du royaume au Liban et de sa confiance au nouveau régime.”
- Quels sont les principaux indices économiques qui confirment l’échec de l’hypothèse reliant la stabilité économique à la personne de Rafic Hariri?
“Les épreuves qu’a endurées le Liban ont prouvé que son économie est basée sur des constantes qui n’ont pas été influencées par la guerre et restent indépendantes des personnes ou des institutions. Preuve en est la stabilité monétaire et des taux d’intérêt sur les Bons du Trésor. De même, l’appui du discours d’investiture et de la déclaration ministérielle, tant au plan interne qu’externe, a relevé les défis. Aussi, assiste-t-on à une activité intense de la part de la Banque mondiale et d’autres institutions internationales en faveur de notre économie, due à la confiance en notre pays et son rôle dans la région.”
- Des proches du président Hariri disent que les slogans économiques lancés par le nouveau gouvernement sont pareils à ceux adoptés par le précédent Cabinet, à savoir: la politique d’austérité et la réduction du déficit budgétaire. Quelle est la différence, au plan pratique, entre ces deux politiques?
“La différence consiste dans la pratique et l’application d’une politique saine basée sur la transparence, le contrôle et la bonne gestion des finances publiques. La différence sera, aussi, dans la détermination de l’ordre des priorités favorisant les secteurs productifs, les régions rurales et l’environnement. Ainsi, l’intérêt du citoyen serait protégé et l’avenir de la nation garanti.”
 
 
 

Propos recueillis par
Hoda Chedid

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