Depuis le 23
février, date à laquelle la conférence de Rambouillet
a pris fin avec la phase I du processus de paix et en attendant l’échéance
du 15 mars prochain, le Kosovo traverse une zone de turbulences à
hauts risques où les dérapages actuels donnent des sueurs
froides aux parrains du projet d’“autonomie substantielle” sur lequel avaient
planché 17 jours durant Serbes et Albanais.
Le président Chirac survolant en hélicoptère
la base militaire
de Kumanovo en Macédoine avec,
à sa gauche, le ministre de la Défense
Alain Richard et le général Marcel Valentin.
Le président Chirac rencontre les soldats
français
de la force d’extraction basés en Macédoine.
Soldats serbes au combat.
Les Serbes qui avaient approuvé le volet politique du projet d’accord,
refusant toujours, au titre de la souveraineté nationale, le déploiement
d’une force internationale au Kosovo avaient fini, paradoxalement, par
trouver des alliés objectifs dans les rangs des Kosovars, lesquels
en persistant à revendiquer l’indépendance à l’issue
de la période intérimaire de trois ans que développait
cet accord, en avaient reporté la signature. Aussi, avaient-ils
évité encore une fois les frappes aériennes dont les
menaçait l’Otan. Ils y échappaient pour la deuxième
fois après avoir obtenu un sursis en octobre dernier.
Partis pour consulter leurs sources avant d’être à nouveau
réunis le 15 mars pour entamer la phase II et définitive
du processus, non plus dans un château mais sur une base militaire
en France à l’instar de celle de Dayton où avait pris fin
à l’automne 1995 la guerre en Bosnie-Herzégovine, Serbes
et Kosovars semblent s’éloigner des perspectives de paix, submergés
par les durs qui multiplient les provocations.
A peine était-elle rentrée chez elle, la délégation
albanaise annonçait la constitution d’un “gouvernement pro-visoire”
aussitôt rejeté par le représentant politique de l’UCK,
Adem Demaçi qui s’était opposé à la conférence
de Rambouillet, adoptant une ligne dure et refusant tout com-promis. L’indépen-dance
avait été promise aux Kosovars par les Américains
lorsqu’avait explosé, il y a un an, la situation au Kosovo. Pour
accélérer la libération de la province-sud de la Serbie,
la CIA avait même généreusement contribué au
finance-ment et à l’armement de combattants de l’UCK. La résistance
européenne et la crainte des implica-tions d’une telle indé-pendance
sur l’équi-libre des Balkans avaient incité Wa-shington à
changer de stratégie.
D’ailleurs, lors de la phase finale de la conférence de Rambouillet,
Madeleine Albright avait été outrée par le blocage
des Kosovars et ceux-ci avaient eu l’impression d’avoir été
lâchés par leur grand allié. Aujourd’hui, ils sont
plus que jamais divisés. L’Albanie par laquelle transitent les armes,
les subsides et les maquisards de l’UCK, s’est mise de la partie pour ramener
à la raison les plus durs des Kosovars.
Slobodan Milosevic que le président Clinton invite à
la “retenue” et que menacent les frappes aériennes de l’Otan, a
fait monter comme à son habitude les enchères. En cas de
frappes, ont fait savoir les militaires, il ne restera plus un seul Albanais
au Kosovo.
Pendant que des affrontements inter-mittents embrasent la province,
que des morts et des blessés tombent, les provo-cations se multiplient:
celles de l’UCK contre les Serbes, celles des Serbes contre les observateurs
de la KVM, mission de vérification de l’OSCE dont les observateurs
sont humiliés, agressés, retenus impunément aux frontières,
rappelant quelque peu les exactions infligées par les Serbes aux
soldats de l’ONU lors de la guerre en Bosnie.
D’importantes unités de l’armée yougoslave ont été
dirigées vers le Kosovo dans le cadre de “manœuvres” s’étalant
sur une colonne de plusieurs kilomètres et comprenant selon le porte-parole
de la KVM “15 transports blindés de troupes, 15 canons antiaériens
remorqués par camion et 15 canons antiaériens auto-remorqués”.
Forces dérisoires en comparaison avec celles de l’Otan qui poursuivent
leur mobilisation en vue d’une intervention militaire inéluctable:
Pour punir la RFY si elle rejetait l’accord de paix ou pour accompagner
sur le terrain les 26.000 militaires de la Kfor chargés de mettre
en application cet accord.
Les renforts continuent à se diriger vers la Macédoine
où se trouve implantée une force d’extraction de quelque
2.000 soldats qui seront renfloués par un contingent de 4.000 militaires,
lesquels vont constituer l’avant-garde de la Kfor. C’est parmi ces soldats
coiffés par un Français, le général Marcel
Valentin, que le président Chirac a choisi de passer le dernier
dimanche de février.