Ceci laissait la conjoncture ouverte sur toutes les éventualités.
Fort heureusement, l’action diplomatique entreprise par le Pouvoir à
tous les niveaux, spécialement auprès de Washington
et de Paris, ont freiné l’escalade militaire, suite à l’appel
à la retenue de Mme Madeleine Albright aux parties antagonistes,
alors que le groupe de surveillance de la trêve a siégé
24 heures avant la date fixée, aux fins d’éviter le pire
et non plus pour examiner les plaintes qu’Israéliens et Libanais
présentaient chaque fois. La communication téléphonique
effectuée lundi par le président Assad avec le président
Lahoud, relevait la gravité de la situation, d’autant que l’Etat
hébreu menaçait de “déclencher une attaque d’envergure
par voie terrestre, navale et aérienne”.
Les deux hommes d’Etat ont échangé les vues sur les développements
et abouti, comme toujours, à la conclusion que Tel-Aviv manœuvrait
à l’effet de dissocier les volets libanais et syrien. De toute façon,
le chef de l’Etat a assuré que “le Liban ne tomberait pas dans le
guet-apens que lui tendait Israël à travers l’isolement d’Arnoun,
d’autant qu’il est parvenu à s’en sortir par la volonté de
nos jeunes universitaires qui ont démantelé la barrière
de fils barbelés avec leurs mains nues.” De son côté,
le président Salim Hoss a multiplié les contacts avec les
ambassadeurs des grandes puissances insistant, une fois de plus, sur la
nécessité d’appliquer la résolution 425. Quant au
président Nabih Berri, il a dit que le Liban affrontait l’Etat hébreu
à trois plans: l’unité nationale, la coordination et la coopération
avec la Syrie et le soutien de la résistance en tant que moyen de
libérer le territoire.”
Trois développements s’étaient produits sur la scène
sudiste au cours de la dernière semaine de février: Primo,
la perte par Netanyahu de la “bataille d’Arnoun”. Secundo, le coup asséné
à un commando israélien, dont trois officiers ont été
tués au cours d’une embuscade. Tertio, l’attaque perpétrée
par les “Hezbollahis” contre une patrouille de “Tsahal” sur la route menant
de Hasbaya à Marjeyoun et qui s’est soldée par la perte d’un
officier ayant le grade de général, en plus de deux militaires
et d’un correspondant de la radio israélienne, ce qui ne s’était
pas produit depuis l’invasion de 1982. Israël a riposté en
multipliant les raids sur Baalbeck, pour la première fois depuis
douze ans et les hauteurs de Naamé, causant d’importants dégâts
matériels sans faire de victimes. La DCA de l’armée libanaise
est entrée en action. Ces opérations en profondeur ont eu
lieu après le retour de Netanyahu d’Amman et la tenue, sous sa présidence,
du conseil de Cabinet restreint au cours duquel la décision a été
prise, une fois de plus, “de frapper les positions du Hezbollah partout
où elles se trouvent”. Le chef du gouvernement, M. Salim Hoss avait
relancé les grandes puissances - les Etats Unis et la France en
tête - pour exercer des pressions directes sur l’Etat hébreu,
à l’effet de le dissuader d’entreprendre des opérations de
représailles. Dans le même temps, le Liban a signifié
au comité de surveillance, par l’intermédiaire de son représentant,
le colonel Maher Toufaïly, son attachement aux clauses de la trêve.
De plus, il a observé que la Résistance restreignait son
action au cadre défini par l’accord d’avril 96. Cependant, après
le démantèlement de la barrière de fils barbelés
installée par “Tsahal” autour d’Arnoun, les plaintes au Conseil
de Sécurité et au groupe de surveillance de la trêve
se sont avérées inutiles. Que l’Administration américaine
y ait contribué ou pas, il se confirme que l’affaire d’Arnoun a
scellé une fois de plus l’unité nationale, comme ce fut le
cas lors de l’agression d’avril 1996 ayant fait des dizaines de martyrs
à Cana. Puis, le résultat fut presque le même que dans
ce village-martyr, les Israéliens s’étant avoués vaincus,
à preuve qu’ils n’ont pas jugé nécessaire de réagir,
se contentant de tirer quelques salves dans le vide aux fins d’intimider
les deux mille jeunes qui avaient investi Arnoun. Le président Emile
Lahoud a maintenu le contact, au cours de l’offensive estudiantine, avec
le colonel Toufaïly, par l’intermédiaire duquel il a mis en
garde les membres du comité de surveillance, le représentant
d’Israël en tête, contre toute attaque, dont les universitaires
pourraient être les victimes, d’autant qu’ils se sont présentés
les mains nues, défiant les soldats israéliens en position
dans la citadelle de Chékif toute proche.
Tant le président de la République, que les chefs du
Législatif et du gouvernement ont réaffirmé, à
plusieurs reprises, le droit des citoyens à libérer la terre
par tous les moyens en leur pouvoir, qualifiant l’initiative des étudiants
“d’acte héroïque entrepris dans une opération nationale
légitime”. Pendant ce temps et la situation tendant à s’apaiser
dans la région frontalière, la commission ministérielle
ad hoc a repris l’étude du projet de budget 99, lequel ne serait
déposé sur le bureau de la Chambre qu’au mois d’avril et
non à l’ouverture de la session ordinaire du parlement. Et ce, afin
d’y joindre un plan quinquennal destiné à relever l’économie
nationale et de résorber la dette publique. Les responsables s’emploient
à ramener le déficit budgétaire jusqu’au-dessous de
45%, le chiffre global de la loi de finances ne devant pas excéder
8.500 milliards de livres. En ce qui concerne les démarches effectuées
en vue de préparer une rencontre entre le chef de l’Etat et le leader
du PSP, elles n’ont pas encore porté leur fruit, mais on présume
qu’elle ne tarderait plus. D’ailleurs, Joumblatt a appelé, indirectement,
dimanche dernier, le président Lahoud, sans le citer nommément:
“à s’ouvrir et à écouter toutes les parties; il n’est
pas permis que le Liban en arrive à l’information dirigée
et programmée. Aucun “sage” au Liban ne peut l’admettre.” A ce propos,
il y a lieu de faire état des réflexions émises par
S.Em. le cardinal Sfeir lors de sa visite à Paris et des termes
de l’homélie qu’il a prononcée au cours de la messe solennelle
célébrée en la cathédrale Notre-Dame. “La situation
au Liban, a-t-il affirmé, a tendance à s’améliorer,
les responsables déployant de grands efforts aux fins d’assurer
une bonne gestion de la chose publique.”
De plus, l’éminent prélat a invité tous les Libanais
“à contribuer au relèvement de la patrie, chacun à
partir de sa position, afin que le Liban s’acquitte de sa mission historique,
celle de la vie en commun dans un climat de souveraineté, d’indépendance,
de justice, d’égalité, de liberté et de respect des
droits de l’homme.” A l’issue de l’office divin, le cardinal-patriarche
a conféré avec le président et Mme Amine Gemayel,
le général Michel Aoun et M. Raymond Eddé, chacun
séparément, ainsi qu’avec MM. Naji Abi-Assi et Robert Naoum,
respectivement ambassadeur et consul du Liban et d’autres personnalités
libanaises ou françaises, échangeant avec ses interlocuteurs
les vues sur la conjoncture locale et régionale.
Par ailleurs, les observateurs se perdent en conjectures à propos
de la réforme électorale, d’autant que le gouvernement semble
en avoir placé le projet en quatrième position au plan des
priorités.
Partant de là, on présume que le “Cabinet des 16” ne
s’attellera à la révision de la loi électorale qu’après
en avoir fini avec le projet de budget 99, la mise sur pied du Conseil
économique et social et l’adoption de la décentralisation
administrative.
Ainsi, le gouvernement s’accorde un certain délai pour recueillir
l’avis des différentes parties quant à la formule la plus
adéquate - par rapport à la circonscription et au découpage
électoral - en vue d’assurer une représentation nationale
la plus parfaite possible.Il semble que seul le Mont-Liban pose un problème,
à l’exclusion des autres districts; aussi, le Pouvoir a-t-il préféré
retarder l’étude de la question jusqu’à l’automne. Dans ce
cas, la législature actuelle serait écourtée au printemps
de l’an 2000.