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Ces problèmes ont été exacerbés, la semaine
dernière, à l’occasion de la réunion, à Bruxelles,
des ministres de l’Agriculture de l’UE planchant sur la réforme
de la PAC ou politique agricole commune qui absorbe plus de la moitié
du budget européen et dont la France est le principal bénéficiaire.
30.000 paysans étaient venus à bord de 577 autobus protester
bruyamment contre la réforme projetée qui allait réduire
la manne leur permettant de subsister. Profondément divisés,
les ministres ont fini par se quitter sur un constat d’échec pour
se retrouver quelques jours plus tard.
Leur conflit éclatant au grand jour a opposé principalement
la France à l’Allemagne, mettant en péril l’axe franco-allemand,
pilier de l’Union européenne. Depuis décembre dernier, le
chancelier Schröder dénonçait “l’argent allemand flambé
à Bruxelles” et préconisait, par la suite, un cofinancement
de la PAC de l’ordre de 25% des budgets nationaux, ce qui lui permettrait
d’économiser 700 millions d’euros par an. L’Allemagne est le plus
gros contributeur net au budget européen dont elle couvre plus de
60% (11 milliards d’euros). Elle voudrait réduire son solde net
de 11 à 9 milliards d’euros avec “une contribution qui n’aille pas
vers le haut , mais vers le bas”.
La France, principalement visée par la réforme de la
PAC, a rejeté le cofinancement et proposé une “dégressivité”
des dépenses agricoles, en refusant de séparer la PAC des
autres dossiers de “l’Agenda 2000”. Celui-ci, conçu dans l’optique
de l’élargissement de l’UE à dix pays de l’Europe de l’Est
ainsi qu’à Chypre et Malte dans les dix prochaines années,
porte sur la stabilisation des dépenses pour la période 2000-2006
et tient compte des contraintes budgétaires imposées par
l’euro. L’Europe voudrait dépenser moins pour envisager ces nouvelles
échéances et, dans le cadre de “l’Agenda 2000”, reconsidérer
la contribution de chaque Etat membre, de même que les fonds stucturels
accordés aux pays les moins favorisés tels que l’Espagne,
le Portugal, la Grèce et l’Irlande.
Pour atténuer les divergences et décrisper l’atmosphère,
le chancelier Schröder avait fait circuler une lettre-document où
il proposait des idées en vue d’un accord sur “l’Agenda 2000” qui
allait être discutée le 26 février lors du sommet informel
de Petersberg, à quelques kilomètres de Bonn. Là,
les chefs d’Etat et de gouvernement des Quinze se sont entendus, selon
le chancelier Schröder, à “jeter les bases pour une décision
lors d’un sommet spécial à Berlin les 24 et 25 mars”. Les
“divergences” sont “surmontables” et les “discussions (ont été)
constructives, ouvertes et occasionnellement très claires”.
Lors de ce sommet, Gerhard Schröder, accusé auparavant
de tenir compte de considérations nationales lors de la présidence
allemande de l’UE, a proposé une sorte de compromis entre le projet
maximaliste de la Commission européenne qui entraîne des dépenses
élevées et celui des minimalistes rognant considérable-ment
sur ces dépenses. Celles-ci, prévues pour la période
2000-2006, s’élèveraient à hauteur de 507.1 milliards
d’euros, couvriraient la PAC et les fonds structurels, deux secteurs qui
absorbent 80% du budget de l’UE lequel a atteint cette année 85
milliards d’euros.
Mais le succès de ce compromis n’est pas acquis. Chacun des
pays membres veut payer moins et bénéficier d’un maximum
d’avantages. Or, les concessions douloureuses n’épargneront personne.
La Grande-Bretagne estime qu’il est hors de question de toucher aux rabais
sur sa contribution au budget européen consentis en 1984 par l’UE
au gouvernement de Margaret Thatcher. L’Espagne, de même que le Portugal,
la Grèce et l’Irlande, refusent de voir fondre les “fonds structurels”.
L’Italie appréhende une nouvelle formule de financement budgétaire.
La France est naturellement parmi les plus frondeurs.
Dans ces conditions, on se demande si une solution pourra être
trouvée les 24 et 25 mars. “Si des résultats n’étaient
pas obtenus en mars, relève José Maria Gil-Robles, président
du parlement européen, je pense qu’il y aurait probablement une
grande crise, mais l’Union survivrait.” Même si l’accord devait être
finalisé au cours du second semestre de 1999 ou même à
l’aube de l’an 2000, “ce ne serait pas une tragédie”.
Les Quinze ont bien réussi l’euro. Ils devront réussir
à s’entendre sur “l’Agenda 2000”.