EN DÉPIT D’UN SEMBLANT DE DÉTENTE

LA TRÊVE POLITIQUE SERAIT ROMPUE À L’OCCASION DU DÉBAT SUR LE BUDGET 99...
... LES SCANDALES FINANCIERS SERVIRONT DE DÉTONATEUR


La série des scandales semble appelée à se poursuivre et à faire boule de neige. En effet, à l’affaire des faux résidus pétroliers qui défraye la chronique judiciaire depuis plus d’une semaine, d’autant qu’un ancien ministre y est impliqué, viennent de s’ajouter deux autres scandales, ceux du port de Beyrouth et de la Cité sportive, à propos desquels M. Ahmed Takieddine, procureur général financier, doit interroger MM. Mouhib Itani, ancien directeur général de la compagnie du port; Ibrahim Dessouki, président du conseil d’administration de ladite cité et Antoine Dfouni qui a pris en charge l’achat de 56.000 sièges au prix unitaire de 33 dollars, alors que le prix réel n’excède pas le cinquième de ce chiffre.

M. Chahé Barsoumian.

M. Khaled Hammoud.

Fait à signaler: M.Dessouki qui a été nommé à son poste en 1994, percevait ses traitements depuis cette date sans en assumer les charges...
Le palais de Justice de Beyrouth risque de connaître une multitude de procès du même genre, d’autant que des voix s’élèvent au sein et en dehors de la Chambre, réclamant l’ouverture de tous les dossiers, pour récupérer les milliards  subtilisés pendant des années des fonds publics, ceci pouvant contribuer à réduire le déficit du Trésor.
Ces affaires frauduleuses intéressent vivement l’opinion publique et la passionnent, tout en renforçant la confiance accordée au président Emile Lahoud et le soutien que le peuple lui apporte depuis son accession à la magistrature suprême. Car il donne la preuve de sa détermination à appliquer le plan dont il a défini les grandes lignes dans le discours d’investiture visant, principalement, à rétablir l’Etat de droit et des institutions.
Avant de pénétrer dans la salle où le Conseil des ministres tient ses réunions hebdomadaires, le chef de l’Etat a réaffirmé sa détermination à poursuivre la réforme administrative et à laisser à la Justice toute latitude de dévoiler les abus et infractions au niveau des pouvoirs publics et à châtier les coupables, quels qu’ils soient. “Nul, a-t-il répété, ne bénéficiera d’une couverture ou d’une protection s’il a failli à son devoir. Je suis moi-même au dessous de la loi et respecte la magistrature qui ne sera soumise à aucune pression ni intervention de n’importe quelle nature.”
De son côté, le chef de gouvernement a assuré que “les représentants du Parquet poursuivront leurs investigations jusqu’à les mener à leur terme. Tous les dossiers seront étudiés avec minutie dans le but de cerner la vérité et de la révéler au public, si amère soit-elle?”
Dans le même temps, le président Hoss a réclamé un inventaire de tous les projets qui ont été réalisés jusqu’ici et de ceux qui restent à exécuter. Et ce, à l’effet de se faire une idée du gaspillage et, partant, de récupérer s’il  y a lieu les sommes dilapidées ou dépensées à des fins autres que celles pour lesquelles elles avaient été affectées.


L’air perdu, l’ex-ministre quitte
le cabinet du procureur.
BARSOUMIAN ÉCROUÉ
Cela dit et en dépit de l’opposition formulée par son avocat, Me Akram Azoury, M. Chahé Barsoumian, ancien ministre du Pétrole, a été écroué à la prison de Roumieh, en même temps que d’autres prévenus impliqués dans le scandale pétrolier, entre autres: Nagi Azar et Wadad Saadé, le premier nommé ayant accaparé 90 pour cent des opérations d’achat et de vente (de gré à gré) de produits pétroliers, alors que les autres compagnies n’ont eu droit qu’à 10 pour cent des transactions...
Il y a lieu de préciser que M. Badaoui Semaan, chef du service pour les affaires économiques et financières du ministère du Pétrole, a été élargi sous caution d’élection de domicile.
Quant à M. Nicolas Nasr, ancien directeur général dudit ministère, soumis mercredi à un long interrogatoire, il a invoqué, pour dégager sa responsabilité, le fait qu’il ne disposait pas du droit de signature qui était du ressort de M. Barsoumian; il devait le rejoindre à la prison de Roumieh.
En ce qui concerne le montant définitif des sommes extorquées, M. Hafez Jaber, représentant du gouvernement qui suit de près les enquêtes en cours, a adressé une lettre à ce sujet aux services qualifiés, le montant mentionné n’étant pas inférieur à 800 millions de dollars, selon une première estimation. Certains l’évaluent à sept milliards.
La difficulté sur ce point réside en ce qu’une partie des fonds subtilisés est déposée dans des banques à l’étranger ou investis dans des projets immobiliers. Il n’est pas impossible que les comptes en banque soient enregistrés au nom de proches des prévenus. Il faudrait, dans ce cas, lever le secret bancaire dont ils bénéficient. Cette éventualité se posera sûrement, lorsque les procès seront ouverts, surtout si les personnes poursuivies persistent à nier les charges portées contre eux, en dépit des preuves confirmant leur culpabilité.
Pour en revenir au “cas Barsoumian”, rappelons que M. Khaled Hammoud, procureur général financier, avait placé l’ancien ministre du Pétrole en garde-à-vue pendant 24 heures sous l’inculpation de dilapidation de fonds publics, faux et usage de faux. L’inculpé était soupçonné d’avoir procédé à des transactions en vue de l’importation de produits pétroliers, le fuel oil notamment, de gré à gré, dans le cadre d’un plan d’accaparement ayant écarté du marché local de nombreuses compagnies, au profit d’autres, dont celle de M. Nagi Azar.
Ces indications ont été fournies aux autorités judiciaires par Me Bassam Dayeh, avocat de la société “Falcon” et son propriétaire, M. Saadi Ghandour.
Selon l’ordonnance d’inculpation, Barsoumian aurait eu sa part de la vente d’importantes quantités de fuel et de pétrole brut exportées en tant que résidus, alors qu’il s’agissait, en fait, de “pétrole léger” propre à la consommation. Aussi, ces quantités ont-elles été vendues à des prix dépassant les cours mondiaux.
Ont été donc appréhendés en même temps que l’ancien ministre du Pétrole: Nicolas Nasr, ancien directeur général de ce département; Sarkis Kouyoumjian, plus connu sous le nom de “Sako”; Wadad Saadé, chef du service des opérations commerciales; Barakat Barakat, Khalil Ambris, directeur général de la raffinerie de Zahrani, Samir Kassis, Badaoui Semaan et le directeur général de la société “Euro Golf” dont Nagi Azar est l’un des grands actionnaires. Semaan, Kassis et Barakat ont été remis en liberté mercredi, sous caution d’élection de domicile.
En plus des prévenus précités, M. Mirza a recueilli la déposition de Nabih Sfeir, expert chimiste attaché au laboratoire de Zahrani; Georges Thalj, directeur d’une agence maritime et Walid Kiwan, chef du bureau douanier à Zahrani.
Il devait au terme de ses investigations, émettre des mandats d’arrêt contre ces derniers qui ont été transférés à la prison de Roumieh.
Il y a lieu de faire état, par ailleurs, d’autres malversations dans lesquelles sont impliqués: Moursel Timani, ancien caïmacam d’Aley et son neveu, Talal Timani, ainsi qu’Antoine Hanna Kassis, président de la municipalité de Zouk Mousbeh, ce dernier est poursuivi pour engagement de dépenses sans l’accord préalable de ses chefs hiérarchiques. Le juge d’instruction du Mont-Liban a émis des mandats d’arrêt à leur encontre.

QUID DU PROJET DE BUDGET?
Au plan du budget 1999, la commission ministérielle ad hoc que préside le chef du gouvernement, a terminé l’étude d’une partie de la loi de finances, celle-ci devant être doublée d’un plan quinquennal destiné à résorber, progressivement, le déficit budgétaire.
De toute manière et ainsi que l’a assuré M. Georges Corm, ministre des Finances, le projet de budget sera prêt fin mars; il prévoierait des impôts et taxes visant à accroître les rentrées du Trésor.
En ce qui concerne la surtaxe sur l’essence, le président Lahoud a dit qu’elle était toujours à l’étude et qu’aucune décision n’avait encore été prise à son sujet.
Quant au chiffre global du budget 99, il n’excèdera pas 8.500 milliards de livres, le déficit devant être inférieur à 45%, celui de 1998 se situant entre 58 et 60%. Si la proportion n’était pas réduite cette année, elle aurait tendance à suivre une courbe ascendante, d’autant que le service de la dette est de 3.500 milliards de dollars, chiffre auquel il faut ajouter 3.500 milliards, représentant le montant des traitements et salaires dans le secteur public.
Sur un autre plan, il sied de mentionner la visite que M. Rafic Hariri, ancien chef du gouvernement, a effectuée aux présidents Lahoud, Berri et Hoss. Officiellement, pour les remercier de s’être fait représenter aux obsèques de sa belle-mère, mais il en a profité pour évoquer les problèmes de l’heure.
L’entretien entre les présidents Lahoud et Hariri a duré une heure et quart. C’était la première rencontre entre les deux hommes depuis que l’ex-Premier ministre avait renoncé à former le nouveau Cabinet. Après l’échange de blâme, ils ont convenu de tourner la page et d’œuvrer dans l’intérêt supérieur de la nation.
Avec le président Nabih Berri, il y a eu, également, échange de propos aigres-doux. Au terme de l’entrevue qui s’est prolongée pendant plus d’une heure et demie, MM. Berri et Hariri ont abouti à la conclusion que “la situation socio-économique exige la coopération de tous et la conjugaison des efforts pour conjurer les dangers qui menacent le pays et relever tous les défis auxquels il est confronté.”
La rencontre avec le président Hoss n’a pas dépassé une demi-heure, l’échange de vues s’étant limité à la situation au Liban-Sud et aux enquêtes judiciaires en cours à propos du scandale pétrolier.
Cependant, en dépit de la trêve qu’ils ont observée au cours des deux dernières semaines, les opposants semblent devoir revenir à la charge et repartir en guerre contre le “Cabinet des 16”, à la faveur de la discussion des prévisions budgétaires.
D’ores et déjà, M. Hariri recommence à critiquer le président Hoss et M. Walid Joumblatt décoche de nouveau ses flèches empoisonnées en direction du président du Conseil sans épargner le chef de l’Etat qu’il se garde, toutefois, de citer nommément... à travers les communiqués du parti socialiste progressiste.
Dans cet ordre d’idées, la néo-opposition paraît devoir se servir de la privatisation en tant que cheval de bataille, en soutenant que cette mesure ne contribuera pas à améliorer la situation du Trésor et, partant, qu’il n’y aurait pas de solution dans un temps prévisible à la dette publique. “La solution, soutiennent les détracteurs du pouvoir, réside dans le changement, non des procédés mais des visages.”
 

NADIM EL-HACHEM


L’ORDRE DES AVOCATS A LAISSÉ FAIRE LA JUSTICE
Siégeant mardi sous la présidence du bâtonnier Antoine Klimos, le conseil de l’Ordre des avocats de Beyrouth a décidé “de laisser faire la justice dans l’affaire des faux résidus pétroliers, partant de l’argument que l’ancien ministre du Pétrole avait perdu sa qualité de membre du Barreau en prenant en charge un portefeuille ministériel.
Me Azoury, avocat de M. Barsoumian, a présenté un recours contre la décision de l’Ordre. De même, le juge d’instruction n’a pas tenu compte de l’argument de Me Azoury selon lequel l’ancien ministre du Pétrole devrait comparaître devant la Haute Cour chargée de juger les présidents et les ministres.

EN MARGE DU SCANDALE PÉTROLIER
• L’Assemblée des prélats maronites, réunie sous la présidence de S.Em. le cardinal Nasrallah Sfeir, s’est félicitée des enquêtes sur les scandales financiers et de la décision prise par le gouvernement de récupérer les fonds publics.
• Répondant à M. Farès Bouez, député du Kesrouan, ancien ministre des A.E. qui a mis en garde contre le fait que “l’ouverture des dossiers risque de porter atteinte à la crédibilité du Liban dans les instances internationales”, Me Robert Ghanem, député de la Békaa-ouest, a dit que “cette crédibilité avait été sérieusement compromise le jour où d’anciens responsables du précédent régime (la troïka) avaient échangé les accusations et dénoncé les infractions et les violations des lois et règlements en vigueur”.
 

SOUS-PRESSE

LE CONSEIL DES MINISTRES ENTAME L’ÉTUDE DU PROJET DE BUDGET 99
Réuni mercredi sous la présidence du chef de l’Etat, le Conseil des ministres a entamé l’étude des grandes lignes du projet de budget 99 sur la base de l’accroissement des recettes, de la compression des dépenses publiques, de la restructuration de la fiscalité et de l’élargissement de l’assiette des contribuables.
De plus, il a poursuivi l’examen du rapport du ministre de la Réforme administrative et résolu de pourvoir aux postes vacants, en s’inspirant des propositions du Conseil de la fonction publique et de procéder à des permutations parmi les fonctionnaires des institutions gouvernementales.
Par ailleurs, décision a été prise d’acquérir des radars et des alcootests dans le cadre des mesures destinées à résoudre le problème de la circulation et de prévenir les accidents de la route (D’après les statistiques de 1998, la route tue, en moyenne, deux Libanais par jour).

LAHOUD: NON À LA RÉVISION DE “L’ARRANGEMENT D’AVRIL”
Le président Lahoud s’est prononcé contre la modification de l’arrangement d’avril de 1996 “parce qu’elle vise à dissocier les volets libanais et syrien aux négociations de paix”. Avant le chef de l’Etat, les présidents Berri, Hoss et cheikh Hassan Nasrallah, secrétaire du “Hezbollah”, avaient opposé un refus catégorique à une telle éventualité souhaitée par Israël.
Au cours de l’inspection du front nord de l’Etat hébreu, un officier supérieur israélien a fait assumer au gouvernement libanais la responsabilité de la détérioration dans la région frontalière.


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