Les scandales font boule de neige: après celui des résidus
pétroliers, deux affaires ont émergé cette semaine
portant sur des malversations perpétrées au port de Beyrouth
et sur l’achat de milliers de sièges (à des prix prohibitifs)
destinés à la Cité sportive, ayant occasionné
la dilapidation de fonds publics et d’importantes pertes pour le Trésor.
L’Etat ne peut plus faire marche arrière et se doit de mener
ces affaires jusqu’à leur finalité, afin d’infliger aux coupables
le châtiment qu’ils méritent.
“L’enquête se poursuivra-t-elle ou bien sera-t-elle escamotée?”.
Telle est l’étrange question qui a été posée
dans le cadre d’un talk-show télévisé dominical, à
laquelle les téléspectateurs étaient invités
à répondre.
Ces derniers étaient-ils qualifiés pour fournir une réponse
valable et convaincante à une pareille question de caractère
judiciaire?
Fait encore plus étrange: la proportion des réponses
dans l’un ou l’autre sens (positives et négatives) était
parvenue à égalité ou presque à la fin de l’émission
télévisée. Il va sans dire qu’on ne pouvait attacher
aucun crédit au résultat d’un tel sondage à travers
le petit écran, d’autant qu’il se caractérisait autant par
sa superficialité que par sa célérité.
Cela dit, l’opinion publique est tiraillée par des réflexions
et des déductions contradictoires, à propos du scandale des
résidus pétroliers qui, de l’avis de certaine fraction, ne
pouvait se terminer qu’en... queue de poisson; autrement dit, l’affaire
serait classée d’une manière ou d’une autre. Et ce, pour
une double raison: d’abord, l’ex-ministre du Pétrole ne pouvait
pas avoir agi seul, de sa propre initiative et il aurait des “complices
haut placés” qu’on ne devrait pas dénoncer et, à plus
forte raison, sanctionner”.
Ensuite, depuis l’avènement de l’indépendance aucun scandale
de cette nature et, surtout, de ce calibre, n’a jamais été
dévoilé ni tiré au clair; l’identité de ses
auteurs n’ayant aucun jour été révélée.
Nous ne sommes pas d’accord sur ce dernier argument, pour la simple
raison que les temps ont changé à la tête de la pyramide
étatique où se trouve un homme déterminé à
restaurer l’Etat de droit, en appliquant les lois et règlements
en vigueur envers et contre tous, à commencer par lui-même.
Puis, toujours et partout il doit y avoir un commencement. Si les précédents
régimes n’ont pas voulu ou pu appliquer les lois, pour des raisons
ou des circonstances indépendantes de leur volonté, cela
ne prouve nullement que la violation de ces lois doive être la règle;
que ceux qui les transgressent doivent rester impunis et ne pas rendre
des comptes de leurs infractions, erreurs et abus.
Ensuite, le peuple a fondé de grands espoirs sur le Général-Président
qui ne peut le décevoir, au risque de dissiper toute espérance
qui a commencé à poindre à l’horizon dès l’avènement
du nouveau régime.
La manière dont est menée l’enquête sur le scandale
des résidus pétroliers porte à penser que l’affaire
ne fera pas l’objet de camouflage; qu’il n’y aura pas de bouc émissaire
et qu’un châtiment sera infligée aux coupables, à la
mesure de leurs méfaits et du préjudice, tant moral que matériel,
causé à la patrie, à son renom et à sa crédibilité.
Pour n’importe quel motif ou même quelle “raison d’Etat”, comme
l’a insinué un juriste pourtant connu pour son sérieux et
sa logique, les pouvoirs publics ne peuvent faire marche arrière,
au risque de perdre leur crédibilité et la confiance placée
dans ce régime par la nation tout entière...
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