“LES YEUX GRANDS FERMÉS”
LES CINÉPHILES VIVRONT
2001
L’ODYSSÉE DE L’ESPACE
SANS LE CINÉASTE
Stanley Kubrick s’est éteint dans sa maison de banlieue comme il avait vécu. En secret. Il avait 70 ans. Le monde du 7ème Art a perdu l’un de ses génies.
Un homme caractériel, mégalomane, provocateur, intransigeant peut-être, mais un génie de la caméra. Un chirurgien de la violence, un perfectionniste qui, en 45 ans de carrière, n’a réalisé que douze films. Pour les cinéphiles du monde entier, Stanley Kubrick était le réalisateur le plus doué de sa génération. Douze réalisations conçues dans des genres très différents, tous des chefs-d’œuvre ayant marqué l’histoire du cinéma. Né le 26 juillet à New York, Kubrick se lance dans la photo très jeune, avant de réaliser trois films qui préfigurent son talent: “Fear and Desire”, “Le baiser du tueur” et “Ultime Razzia”. En 1957, il tournera pour dénoncer les carnages de la guerre de 1914, “Les Sentiers de la Gloire” suscitant le premier scandale de sa carrière. Le film est interdit en France pendant vingt ans, puisque le réalisateur ne s’était pas gêné de souligner l’irresponsabilité du haut commandement français et les mutineries. En 1960, il évoque l’épopée d’une révolte d’esclaves à l’époque de l’Empire romain avec le film péplum “Spartacus”. En 1960, Kubrick s’expatrie en Grande-Bretagne et réalise en 1962 “Lolita”, avec James Mason et la toute jeune Sue Lyon (Lolita), la nymphette scandaleuse... Il enchaîne avec “Docteur Folamour”, une représentation du monde tel que Kubrick le concevait en pleine guerre froide, chantant des lendemains irradiés sur un air guilleret d’Apocalypse. Un film rien moins que grinçant, mais qui effraie ses fans et intrigue les autres. Dans la foulée de sa renommée ce sera “2001: L’Odyssée de l’Espace”. Une réalisation d’ampleur mégalomane. Kubrick atteint l’apogée de sa gloire et s’interroge sur la condition humaine... Ses vaisseaux avancent sans bruit ou sur la musique de Strauss... En 1971, “Orange Mécanique”, un trauma météorite tombe sur la galaxie Kubrick. Avec ce film, l’utilisation de la musique classique questionne les rapports civilisations-barbarie, avec le “héros” Alex pur produit de la middle-class, loubard et violeur épris de violence. Il s’agit, dès lors, de le guérir en l’obligeant à regarder des heures durant des “images” atroces... Le cinéma comme lavage de cerveau! Mais Stanley Kubrick c’est, aussi, l’extraordinaire “Barry Lyndon”, des prises de scènes inégalables tournées comme si la caméra en traversant le temps avait ramené ses images inaltérables à jamais. Il enchaîne avec “Shining” avec un Jack Nicholson au plus fort de son talent. “Full Metal Jacket” et Kubrick en prenant la guerre du Vietnam en toile de fond, évoque encore une fois la barbarie des êtres humains. “Full Metal Jacket” est le summum du film-cerveau. Un cerveau dont les deux hémisphères ne seraient pas irrigués par le même sang, dont chacun donnerait à l’organisme des ordres et des idées contradictoires. Un film-testament, sans acteurs ou presque, qui aurait vu le combat à mort entre plusieurs ordinateurs... Stanley Kubrick tournait “Eyes Wide Shut” (Les yeux grands fermés) dont la sortie était prévue pour juillet prochain avec, au générique, le couple Tom Cruise et Nicole Kidman. Le scénario raconterait les démêlés sexuels d’un couple de psychothé-rapeutes ayant chacun des relations avec leurs clients... Un film attendu avec impatience par tous les amoureux du 7ème Art, puisque ce réalisateur remettait chaque fois à l’œuvre et à l’épreuve le rêve de tout spectateur digne de ce nom. Certains prédisent que ce dernier film ne sortira peut-être pas des cartons de la Wagner. Le dernier Kubrick était entouré d’autant plus de rumeurs que personne n’avait eu accès au tournage. Tom Cruise avait juste déclaré n’avoir jamais tourné à un tel niveau d’intensité. Kubrick accordait très rarement des interviews. Dans une rencontre avec la presse, il confiait: “Comment filmer, c’est simple. Quoi filmer, ça c’est plus difficile. Chaplin filmait d’une façon totalement non cinématographique, mais ce qu’il filmait était formidable... Eisenstein, lui, filmait des choses fausses, mais d’une façon magnifique... J’aime bien placer la caméra derrière les acteurs. La priorité c’est qu’il se passe quelque chose.” Le cinéaste américain, perfectionniste jusqu’à l’obsession, Stanley Kubrick, l’homme qui posait un regard sans pitié sur la condition humaine, le démiurge mystérieux à plus d’un titre a été rejoindre bien avant 2001, l’espace... De son œuvre, il nous avait laissé une clé: “Nous ne commencerons pas à nous occuper de ce qui va vraiment mal dans le monde, tant que nous n’aurons pas reconnu au fond de nous-mêmes la face cachée de nos natures, celle de l’ombre...” Certains le traitaient de personnage hermétique, renfermé, obsessionnel... Mais tous sont d’accord pour saluer son talent supérieur. Spielberg lui a rendu hommage en disant: “C’était le grand maître des faiseurs de films. Kubrick était un monument du cinéma. "Aujourd'hui, pour le cinéaste. c'est la fin de l'odyssée.
Orange Mécanique.
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2001, l’Odyssée de l’Espace. |
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