CLIMAT POLITIQUE MOINS SURVOLTÉ,
EN PRÉVISION DU VOTE DE LA LOI DE FINANCES
Le retour au calme est dû, sans doute, à l’action entreprise
par Damas pour calmer le jeu, celle-ci ayant été couronnée
par une rencontre séparée entre le Dr Bachar el-Assad, les
présidents Salim Hoss et Rafic Hariri. Les entretiens ont été
qualifiés de très fructueux, les derniers développements
de la conjoncture locale et régionale ayant été passés
en revue. Selon une source fiable, le chef du gouvernement est revenu de
la capitale syrienne, fort de l’appui renouvelé des responsables
syriens, aux moyens dont use le “Cabinet des 16” pour traiter le lourd
legs hérité du précédent gouvernement. On s’attend
après ces rencontres, que la loi de finances pour l’année
courante soit ratifiée sans histoire par l’Assemblée. Les
dirigeants syriens ont fait part à M. Hoss de la teneur de leurs
échanges de vues avec MM. Hariri et Walid Joumblatt, après
la visite effectuée par le président Nabih Berri. Aussitôt
revenus à Beyrouth, l’ancien président du Conseil et le leader
du PSP ont mis de l’eau dans leur vin et renoncé à leur cabale
contre le Pouvoir.
Entre-temps, les milieux officiels ont repris l’étude des dossiers
précédemment ouverts et qui avaient été bloqués,
en attendant la mise au point de la loi de finances. Cela dit, la surprise
du chômage pascal a été la visite du chef de l’Etat
à Cana, une semaine avant le troisième anniversaire de cet
odieux carnage perpétré par l’artillerie israélienne
en avril 1996 et qui s’est soldé par plus d’une centaine de victimes.
La visite du président Lahoud à ce village sudiste confirme,
une fois de plus, l’intérêt que le Général-Président
accorde au Liban-Sud dont il a dit, dans son discours d’investiture, qu’il
figurait en tête de ses préoccupations. (voir page ci-contre).
Le Conseil des ministres avait approuvé au cours de sa dernière
réunion, le projet de budget 99 et on s’attend que le mécanisme
de son approbation soit établi vers la fin du mois courant. D’après
des indications de source sûre, la loi de finances serait ratifiée
au terme d’un débat relativement court, après que son chiffre
global eut été ramené à 8,360 milliards de
livres, en augmentation de 731 milliards par rapport au chiffre de l’année
précédente, en dépit de la hausse du coût de
la dette publique et du paiement, à dater du 1er janvier, de la
nouvelle échelle des salaires dans le secteur public. Il y a lieu
de relever que le gouvernement a évité de surtaxer les produits
de consommation courante, seuls les produits de luxe ayant été
frappés d’une mesure pareille. Si le prix de l’essence a été
majoré de 2.000 livres, ainsi que l’a précisé le ministre
de l’Information, c’est qu’il est ramené à ce qu’il était
en 1997. Les baisses d’impôts ont, en revanche, affecté l’impôt
sur le revenu. Ainsi, le gouvernement suivant les directives du président
Lahoud, a évité de surcharger les citoyens de condition modeste
et à revenu limité. De ce fait, les détracteurs du
Pouvoir qui s’attendaient à voir le “Cabinet des 16” ployer sous
le poids du budget, ont perdu leur pari, d’autant que les prévisions
budgétaires n’ont pas provoqué des réactions hostiles
si l’on excepte quelques voix discordantes, dont celle de la centrale ouvrière.
Celle-ci envisage d’organiser deux manifestations en signe de protestation
contre le relèvement du prix de l’essence notamment.
On a constaté que le marché local n’a subi aucun changement,
malgré la majoration des taxes sur les produits de luxe. Le président
de la République n’a pas caché sa satisfaction quant à
la loi de finances en recevant plusieurs membres de l’Assemblée,
alors que le président Hoss a déclaré aux reporters
de presse: “Le budget 99 est le meilleur possible dans les circonstances
présentes, le gouvernement devant le transmettre à la Chambre
en même temps que le plan quinquennal, à l’effet de réduire
le volume de la dette et, partant, son coût et mettre fin au déficit
budgétaire dans un délai de cinq ans.” Les milieux renseignés
s’attendent à la persistance de ce climat politique, pour permettre
le vote du projet de budget sans tapage. D’ailleurs, les milieux parlementaires
observent que le gouvernement a gagné cette “bataille”, qui compense
les pertes qu’il a subies au plan politique au cours des deux premiers
mois de sa constitution, suite aux cabales menées à son encontre
par la néo-opposition. Les contacts effectués avec Damas
au cours de la semaine écoulée, ont convaincu les opposants
de la nécessité de rester calmes, d’autant que certains parmi
eux ont craint d’être éclaboussés par de nouveaux dossiers
qu’on prête aux gouvernants l’intention d’ouvrir. De plus, ils ont
touché du doigt la détermination des responsables syriens
à soutenir le Cabinet Hoss et le régime du président
Lahoud, depuis que le Dr Bachar Assad a pris en charge le dossier libanais.
Puis, les détracteurs du Pouvoir ont eu la certitude que ce gouvernement
sera maintenu jusqu’après les prochaines élections législatives,
lesquelles pourraient avoir lieu au printemps prochain.
Quant à l’agenda gouvernemental pour l’étape future,
il s’établit comme suit:
- achever les nominations administratives pour les fonctionnaires de
la première catégorie et à tous les niveaux avant
fin avril;
- entreprendre la réforme de l’administration par le bas à
dater du 1er mai prochain;
- élaborer la nouvelle loi électorale et le projet relatif
à la décentralisation administrative, cette loi devant être
approuvée par la Chambre dans un délai expirant au mois d’août
au plus tard (Certains ministres ne croient pas en la possibilité
de mettre au point la nouvelle loi électorale avant l’automne).
- élaborer une nouvelle loi sur la naturalisation, à
l’effet de mettre fin aux protestations et aux lacunes ayant émergé
depuis la promulgation du décret de naturalisation en 1993.
- préparer une nouvelle loi sur les partis dont l’approbation
coïnciderait avec celle de la loi électorale, de manière
à permettre la modification, de fond en comble, de la vie politique
et, partant, d’abolir le confessionnalisme et le sectarisme, en vue d’édifier
l’Etat de la loi et des institutions. Par ailleurs, les milieux proches
du chef du Législatif ont clarifié sa position envers l’institution
des nouveaux taxes et impôts. Le président Nabih Berri avait
émis un avis défavorable en ce qui concerne le relèvement
du prix de l’essence ou, tout au moins, que la majoration n’excède
pas 1.500 livres pour les vingt litres. En définitive, cette question
a fait l’objet d’un compromis, la hausse de la benzine ayant été
limitée à 2.000 livres. Le président Berri, rapporte
sa coterie, a été surpris par le fait que le gouvernement
n’a pas taxé les bénéfices provenant des bons du Trésor.
A son avis, si cette taxe avait été imposée, les recettes
auraient pu atteindre plus de 200 milliards de livres. Ce à quoi
a fait allusion la CGTL au cours de sa réunion de vendredi dernier.
Le président de la Chambre s’est, également, étonné
de ce que l’étude effectuée sur le cellulaire n’ait pas été
prise en considération, les sociétés exploitant ce
secteur vital n’ayant payé aucune piastre pour obtenir leurs licences,
alors qu’en Egypte, elles ont versé 600 millions de dollars, ainsi
que l’a révélé M. Anouar el-Khalil, ministre de l’Information
et des Déplacés, au cours de sa récente visite au
siège de l’Ordre des journalistes. Par ailleurs, des contacts sont
effectués par des amis communs, pour arranger une rencontre entre
les présidents Berri et Hoss, un certain froid caractérisant
depuis peu les rapports entre les deux hommes qui se sont peu abouchés
depuis le vote de confiance. D’autre part, on signale l’apparition à
Saïda de tracts signés “Rassemblement des honnêtes gens
du Sud”, prenant la défense du président Rafic Hariri et
devançant la décision que prendrait le Parquet à propos
du rapport de la Cour des comptes impliquant l’ancien chef du gouvernement
et trois de ses ministres dans des “irrégularités financières”.
Des tracts similaires avaient été distribués, précédemment,
à Beyrouth.