LE PRÉSIDENT ZEIN EL-ABIDINE BEN ALI À MELHEM KARAM:
LES PROCHAINES ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES CONSOLIDERONT LA PRATIQUE DÉMOCRATIQUE EN TUNISIE
La
Tunisie est devenue le milieu et la partie acceptés
par tous. Quand une dissension a éclaté autour du siège
de la Ligue arabe, suite à l’accord de Camp David en 1979, la capitale
tunisienne a été choisie unanimement à la place du
Caire. De même, lorsque les Palestiniens ont été repoussés
en 1982 un peu partout, Tunis leur a offert son hospitalité, en
leur ouvrant son cœur et sa terre. Cette position, le président
Zein el-Abidine Ben Ali l’a raffermie, donnant ainsi la mesure de sa bonté,
de son affection et de sa haute moralité, ainsi que de la force
de son leadership.
Zein el-Abidine Ben Ali n’a aucun jour ignoré les problèmes de son temps. Il est resté toujours proche des problèmes du peuple, sa démocratie étant apparue clairement dans ses comportements et sa manière d’agir. Aussi, a-t-il eu des prises de position populaires collées à la collectivité, traduisant beaucoup d’aspirations et ce, avec un procédé souple, alternant entre l’aspect sain du leadership et l’affection sublime, ce qui a donné à son leadership un cachet spécial unique en son genre. |
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DONNER UN NOUVEAU SOUFFLE À L’UMA
Monsieur le Président, vous avez chargé récemment
le ministre des Affaires étrangères d’une mission auprès
des dirigeants des Etats de l’Union du Maghreb arabe, après votre
visite au Maroc. Est-il possible de redonner vie à l’Union maghrébine
et quels sont les facteurs qui s’y opposent, d’autant plus que la région
est confrontée, désormais, à l’Union européenne
et à sa monnaie unique?
Si l’activité de l’UMA a connu, ces dernières années,
une relative stagnation engendrée par des difficultés et
des considérations d’ordre interne et externe, les dirigeants des
pays de l’Union n’en ont pas moins la volonté de faire revivre cet
ensemble et de lui donner un nouveau souffle.
J’ai perçu cette conviction auprès de mon frère,
Sa Majesté le roi Hassan II, au cours de la visite d’Etat que j’ai
effectuée, dernièrement au royaume du Maroc et qui nous a
permis d’échanger nos points de vue au sujet des voies et moyens
d’impulser le processus de l’Union et de dynamiser ses structures et ses
institutions.
Nous sommes convaincus que toute action bilatérale, dans le
cadre maghrébin complète, nécessairement, l’action
commune au sein de l’UMA dont nous considérons les mécanismes
et les structures comme le meilleur cadre pour la conjonction des efforts,
en vue de faire évoluer la situation de nos pays et de les préparer
en vue de répondre aux impératifs du présent et à
faire face aux défis de l’avenir.
Au premier rang de ces défis, il y a le partenariat méditerranéen
que nous sommes en train d’instaurer sur la base de la coopération,
de la solidarité et de la stabilité, entre les deux rives
de la Méditerranée dont les pays de l’UMA représentent
l’une des composantes principales.
La Tunisie qui a fait du projet de l’Union du Maghreb arabe un choix
stratégique, considère que le retard pris par le processus
d’édification de l’UMA ne peut justifier une remise en question
de cet acquis qui constitue une aspiration de tous les peuples maghrébins.
Les obstacles qui empêchent, actuellement, l’UMA d’accomplir
au mieux son rôle, ne doivent pas entamer notre détermination
d’aller de l’avant dans la réalisation de cet ambitieux projet de
civilisation exigeant persévérance et long souffle, à
l’instar d’autres regroupements proches de notre région parvenus,
comme c’est le cas de l’Union européenne, à mettre en place
un programme pratique pour unifier leurs monnaies.
Face aux développements qui se succèdent dans notre environnement
proche et lointain, en particulier au niveau de l’Union européenne,
cette conviction devient encore plus pressante; d’où la nécessité
d’exploiter, judicieusement, en commun les potentialités de nos
pays maghrébins, pour faire de l’Union du Maghreb arabe un interlocuteur
apte à assumer pleinement son rôle, dans l’instauration d’un
dialogue qui prenne en compte, préserve ses intérêts
et ses spécificités et réponde aux attentes de ses
peuples; que ce soit avec l’Union européenne, dans le cadre du processus
de Barcelone ou encore à la faveur des perspectives du partenariat
à l’échelle mondiale.
Les fondements que nous avons mis en place lors de notre visite au
Maroc frère pour établir une zone de libre-échange
entre nos deux pays, constituent un premier pas effectif que nous espérons
voir s’élargir pour englober les autres partenaires de l’Union,
afin d’accroître la capacité de nos pays à nouer une
coopération positive avec les groupements économiques, notamment
ceux avec lesquels nous entretenons des relations traditionnelles de par
le voisinage.
NOUS AVONS VOULU LA RÉFORME AMBITIEUSE,
RÉPONDANT À NOS VALEURS DE CIVILISATION,
CONSACRANT LA MODÉRATION, LE DIALOGUE
ET LA TOLÉRANCE
LE DRAME DU KOSOVO, UN DRAME HUMAIN
INACCEPTABLE, SA SOLUTION ÉTANT DANS
LE CADRE DE LA LÉGALITÉ INTERNATIONALE
NOUVEAU PACTE NATIONAL
Vous avez pris en Tunisie des mesures d’ouverture dans le domaine
politique et concernant vos relations avec l’Europe. Quel en a été
l’impact sur l’économie tunisienne et sur les conditions de vie
du citoyen tunisien?
La Tunisie s’apprête à accueillir un nouveau siècle,
après s’être dotée des facteurs qui lui permettent
de regarder l’avenir avec confiance, grâce à la stabilité
qu’elle s’est assurée et aux changements profonds opérés
au niveau des esprits, des structures, des mécanismes d’action et
de développement, ainsi que sur le plan du vécu et du comportement
des Tunisiens.
A la faveur de onze années de changement - laps de temps fort
court par rapport à la vie des peuples - la Tunisie a connu, dans
le domaine politique, de grandes réformes qui ont permis de renforcer
la démocratie, le pluralisme et les droits de l’homme, de conforter
l’Etat de droit et d’ouvrir la voie de la participation devant tous les
Tunisiens.
Parmi les illustrations de cette nouvelle dynamique politique, je citerais
notre initiative de mise en place d’un pacte national signé par
les partis, les organisations nationales et l’ensemble des composantes
de la société civile et consacrant leur entente sur un ensemble
de valeurs et de constantes.
Nous avons, également, réalisé des réformes
politiques profondes et globales qui ont, essentiellement, porté
sur l’amendement des lois organisant les élections, afin de consacrer
le pluralisme au sein du parlement et des conseils municipaux. C’est ce
qui a été, effectivement, concrétisé, le parlement
tunisien ayant enregistré, pour la première fois, la présence
de députés des partis d’opposition.
En vue de renforcer davantage cette orientation, nous avons pris l’initiative
de conforter les chances de l’opposition durant les élections qui
se dérouleront le 24 octobre prochain de manière à
lui garantir au moins 20 pour cent de l’ensemble des sièges au sein
du parlement et des conseils municipaux. De plus, nous avons engagé
des procédures d’amendement de la Constitution afin de garantir
la pluralité des candidatures aux prochaines élections présidentielles.
Dans le souci d’être au diapason de l’évolution politique
de la société tunisienne et des aspirations du peuple, il
a été procédé à une révision
de la Constitution pour élargir le champ du recours au référendum
et permettre à tous les Tunisiens d’exprimer, directement, leur
avis concernant les questions engageant l’avenir du pays. Par ailleurs,
le Conseil constitutionnel que nous avons créé au lendemain
du 7 novembre 1987, a été inscrit dans le texte de la Constitution
et son rôle a été renforcé de manière
à rendre ses décisions contraignantes pour tous les pouvoirs
publics. Sur un autre plan, nous avons accordé à la protection
des droits de l’homme, au développement de leurs mécanismes
et à la diffusion de leur culture à une plus large échelle,
une place majeure dans notre programme politique, étant fermement
convaincus que la dignité de l’homme ne peut s’accomplir sans ces
droits. Nous n’avons pas fait de distinction entre les droits politiques
et civils, d’une part; les droits économiques et culturels, d’autre
part, mais avons œuvré à les promouvoir en même temps
dans le texte et la pratique.
NOUVEAUX DÉFIS À CONFRONTER
Ce climat politique privilégié a eu un rôle déterminant
dans l’instauration de la stabilité et de la sécurité,
ainsi que dans l’établissement d’une plate-forme ayant permis à
la Tunisie d’accéder à un nouveau statut l’habilitant à
être, en 1995, le premier pays de la rive sud de la Méditerranée,
à signer un accord d’association avec l’Union européenne.
Ceci nous conduit au second volet de la question qui se rapporte aux nouveaux
pas franchis par notre pays dans ses relations avec l’Europe et à
leur impact sur l’économie tunisienne.
Autant le fait que la Tunisie ait été la première
à signer un accord d’association avec l’Union européenne
reflète sa crédibilité politique et économique
sur la scène européenne, autant il nous confronte à
de nouveaux défis dont nous avons, très tôt, pris conscience.
Nous nous sommes, donc, engagés dans un programme de mise à
niveau intégrale, à travers l’approfondissement des réformes,
le renforcement des compétences des ressources humaines, le développement
de l’infrastructure et l’encadrement du secteur de la production, dans
le but d’améliorer le rendement de ses unités quantitativement
et qualitativement, de manière à consolider notre invulnérabilité
économique et à conforter la capacité du pays de mieux
se positionner dans une économie mondiale devenue de plus en plus
complexe et évoluant progressivement vers une intégration
à grande échelle des économies nationales au sein
de regroupements régionaux et à l’échelle mondiale.
Nous n’avons pas voulu nous engager dans cette étape sans un
filet de sécurité que constitue l’étroite corrélation
entre les dimensions économiques et sociales dans nos différentes
réformes économiques. En effet, si importantes que soient
ces réformes économiques, elles ne peuvent assurer l’équilibre
social, si elles ne sont pas étayées par une politique sociale
cohérente et une vision humaniste authentique.
Autant nous sommes conscients, en Tunisie, du fait que la mondialisation
nécessite un effort constant pour adapter les structures économiques,
les moderniser et développer leur compétitivité, autant
nous réalisons les dangers qu’elle implique au plan social. C’est
pourquoi, nous œuvrons au renforcement des mécanismes de protection
sociale et de solidarité afin de promouvoir les conditions de vie
des citoyens et de protéger les catégories sociales les plus
exposées à l’exclusion et à la marginalisation.
TOUTE ACTION BILATÉRALE DANS LE CADRE
MAGHRÉBIN COMPLÈTE, NÉCESSAIREMENT,
L’ACTION COLLECTIVE AU SEIN DE L’UMA
PRÉLUDE AU RELÈVEMENT DES DÉFIS,
LE PARTENARIAT SUR BASE D’UNE COOPÉRATION
ENTRE LES DEUX RIVES DE LA MÉDITERRANÉE
RÉFORME ÉCONOMIQUE ET AMÉLIORATION DU NIVEAU
DE VIE
Les institutions financières et monétaires internationales
relèvent des indices positifs et croissants en matière d’amélioration
des conditions sociales, des services et l’infrastructure en Tunisie. Pouvez-vous
résumer les réalisations accomplies par l’économie
tunisienne en matière d’amélioration des conditions de vie
et de renforcement des couches sociales moyennes sur lesquelles repose
votre projet de changement?
Les pas importants que nous avons franchis sur la voie de la réforme
économique, de l’amélioration du niveau de vie des Tunisiens
et du renforcement et de l’élargissement de la classe moyenne constituent
désormais, de l’avis des experts, les fondements du modèle
tunisien devenu source de référence, objet d’intérêt
et d’étude au sein des instances spécialisées et dans
les pays frères et amis.
Les chiffres et les indicateurs économiques attestent le saut
spectaculaire réalisé au niveau de l’amélioration
des conditions de vie du citoyen tunisien, dont le revenu par habitant
est passé de 1.059 dollars en 1987 à 2.428 dollars en 1998,
tandis que le taux de croissance du produit intérieur brut a augmenté
pour atteindre une moyenne de 5% par an au cours des dix dernières
années.
Les multiples réformes, encouragements et incitations que nous
avons promulgués afin de donner une impulsion à l’investissement,
à la production et à l’exportation, ont eu un effet positif
et ont permis d’aménager la plate-forme idoine pour asseoir une
culture économique fondée sur l’esprit d’initiative et la
propension vers le mieux constant.
Etant convaincus que l’homme est la finalité première
de toutes nos actions et de tous nos programmes de développement,
nous avons accordé à la dimension sociale une place privilégiée
dans notre approche de développement intégral et avons mis
en œuvre une politique cohérente et multidimensionnelle. Nous avons,
de la sorte, dépassé la vision classique des institutions
internationales de financement et la conception ultra libérale qui
considère la dimension sociale et humaine du développement
comme de simples compléments à la dimension économique.
Il s’agit, en l’occurrence, de l’un des aspects de l’originalité
du modèle tunisien, qui a été précurseur dans
ce domaine, d’autant que l’attitude de ces organismes vis-à-vis
de cette question n’a commencé à évoluer qu’au cours
de ces dernières années, dans leurs écrits et rapports.
Partant de cette conviction, nous avons œuvré à garantir
les droits sociaux du Tunisien, notamment, son droit à la santé,
à l’enseignement, à l’emploi et au logement et avons accordé
un intérêt particulier aux programmes sociaux destinés
aux catégories vulnérables. Nous avons réalisé,
grâce à cette démarche, des performances remarquables
dans plusieurs domaines sociaux, tels que l’enseignement devenu obligatoire
depuis 1991, avec un taux de scolarisation de 99% pour les enfants âgés
de 6 ans, filles et garçons.
TAUX DE PAUVRETÉ RÉDUIT À 6%
La classe moyenne représente 80% de la population et plus de
80% des Tunisiens sont propriétaires de leurs logements.
Nous avons réussi à réduire le taux de pauvreté
qui a été en 1985 de l’ordre de 11,2% et n’est plus que de
6% à l’heure actuelle.
Dans le but de consolider les efforts dans ce domaine, nous avons conçu
de nouveaux mécanismes et de nouvelles structures, tels que le Fonds
de Solidarité Nationale (26-26) dont les ressources proviennent
des dons des citoyens, des associations, des organisations et des entreprises.
Ce fonds intervient dans les zones les plus défavorisées
en redéfinissant les priorités et en palliant les insuffisances,
de manière à intégrer progressivement les populations
de ces régions dans le circuit économique et le processus
de développement intégral.
928 zones d’ombre, qui représentent plus de 80% des régions
ciblées ont, jusqu’à la fin de 1998, profité des interventions
de ce fonds sortant ainsi de leur isolement et bénéficiant
des attributs d’une vie décente.
Nous avons créé, également, la Banque Tunisienne
de Solidarité (BTS), afin d’accorder des prêts à des
conditions préférentielles aux petits promoteurs dépourvus
de garanties, leur permettant d’emprunter auprès des banques commerciales
et ce, dans le but de contribuer à l’effort national qui est déployé,
afin d’assurer des sources de revenus à tous les Tunisiens et de
donner un contenu concret aux concepts de justice sociale et de vie décente.
Nous poursuivons les efforts dans ce sens et avons ordonné,
récemment, de créer un nouveau système de micro-crédits
selon des formules qui seront définies prochainement, afin de permettre
aux associations de développement et aux organisations de soutien
qui composent la société civile, d’aider les citoyens défavorisés
notamment les jeunes, filles et garçons, à lancer des projets
productifs personnels ou familiaux, pour les intégrer dans le circuit
économique et leur offrir un revenu à même d’améliorer
leur niveau de vie.
PLURALITÉ DES CANDIDATURES AUX PRÉSIDENTIELLES
Des élections présidentielles générales
sont prévues cette année en Tunisie; vous avez ouvert la
voie pour la première fois dans l’Histoire de la Tunisie à
la pluralité des candidatures à ces élections. Quelles
sont vos motivations à travers cette décision historique
et qu’en attendez-vous?
Le processus de démocratie et de pluralisme politique en Tunisie
est une œuvre que nous n’avons cessé de promouvoir et de consolider
à la faveur de toutes les élections générales.
Nous avons conçu, dans ce sens, un projet de loi constitutionnelle
qui favorise la pluralité des candidatures à la présidence
de la République pour la première fois en Tunisie, dans le
but de permettre au premier responsable de chaque parti politique exerçant
cette responsabilité pendant cinq années au moins, à
condition que son parti soit représenté à la Chambre
des députés par au moins un député, de se porter
candidat aux élections présidentielles qui se dérouleront
le 24 octobre 1999.
La configuration actuelle de la Chambre des députés et
des municipalités ne permet pas cette pluralité des candidatures,
la Constitution du pays stipulant qu’une candidature ne peut être
retenue que si elle est parrainée par au moins trente élus.
Notre décision d’introduire des dispositions exceptionnelles
dans la Constitution va de pair avec notre conviction qu’une démocratie
saine et durable ne peut être édifiée que graduellement,
afin de prémunir la société contre les risques de
discorde et de dissension.
La démocratie dans n’importe quel pays, ne peut se consolider
que de façon progressive pour s’adapter, harmonieusement, aux différentes
composantes et spécificités de son environnement. Nous sommes
déterminés à faire en sorte que les prochaines élections
présidentielles marquent une nouvelle étape importante sur
la voie de l’enracinement de l’exercice démocratique et de la concrétisation
de la volonté du peuple, tout en constituant un pari renouvelé
permettant aux Tunisiens et aux Tunisiennes d’administrer la preuve de
leur aptitude à le gagner.
LA TUNISIE A FAIT DE L’UNION DU MAGHREB
UNE OPTION STRATÉGIQUE ET LES ENTRAVES
NE DOIVENT PAS NOUS EMPÊCHER DE RÉALISER
CE PROJET AMBITIEUX.
TUNIS A ASSISTÉ À UNE GRANDE
RÉFORME
AYANT SOUTENU LA DÉMOCRATIE,
LE PLURALISME ET L’HOMME
Quelles sont les grandes lignes de votre programme politique, économique
et social de la nouvelle année et quelles sont les questions les
plus urgentes sur votre agenda?
Bien que plusieurs réalisations aient été accomplies
en Tunisie au cours des premières années du changement, nos
ambitions restent encore plus grandes. Nous n’acceptons pas le langage
de l’autosatisfaction. Chaque nouvel acquis et chaque nouveau pas confortent
davantage nos ambitions et nos aspirations.
Dans le domaine politique, des échéances importantes
nous attendent, dont la principale, comme je l’ai déjà mentionné,
concerne les élections présidentielles et législatives
dont nous veillons à ce qu’elles soient mises à profit pour
donner une nouvelle impulsion au processus démocratique et consolider
les fondements de l’action politique pluraliste. Nos efforts se poursuivront,
afin de renforcer l’édifice des droits de l’homme dans la mesure
où ils forment un système en perpétuelle évolution.
C’est dans ce contexte que nous avons ordonné, dernièrement,
de modifier la législation pénale de manière à
conforter les garanties dont doit bénéficier la personne
humaine dans des situations particulières qui peuvent l’exposer
à des exactions ou à des abus. Il s’agit, notamment, de la
réduction de la période de la garde-à-vue ramenée
à trois jours renouvelables une seule fois, de la création
de la fonction de juge d’application des peines pour contrôler les
conditions de leur exécution. Nous avons, en outre, décidé
de consacrer le principe de la juridiction à double degré
en matière criminelle, afin de raffermir les droits de la défense,
en conformité avec le Pacte international des droits civils et politiques.
Dans le même contexte, nous avons ordonné l’amendement de
certaines dispositions du code pénal, en vue d’y inclure la définition
de la torture, en conformité avec la convention pertinente des Nations
Unies que notre pays a ratifiée sans aucune réserve.
Sur le plan économique, nous avons placé l’étape
à venir sous le signe de la mise à niveau intégrale,
de manière à mettre en place un tissu économique sain
et évolué capable de faire face à la concurrence internationale,
d’assurer le progrès du pays et de relever les défis à
venir.
Parmi les questions importantes qui nous préoccupent, figure
la question de l’emploi. Les demandes additionnelles d’emploi ne cessent
d’augmenter d’un plan à l’autre avec l’entrée, sur le marché
du travail, d’un grand nombre d’étudiants, nouveaux diplômés
des universités et des écoles supérieures, ainsi que
d’anciens diplômés encore dépourvus d’expérience
professionnelle. Outre les réformes que nous avons introduites dans
le système de l’enseignement et de la formation, dans le but d’améliorer
leurs rendements et de leur conférer davantage d’efficience en vue
de mieux préparer les diplômés et de répondre
aux besoins de l’économie, nous poursuivrons nos efforts, afin de
conforter nos programmes de développement et les moyens de mise
à niveau et d’intégration, pour assurer davantage de rapprochement
entre l’offre et la demande d’emploi, au niveau de la quantité et
de la qualité et de garantir l’efficience de l’action de développement
dont la finalité ultime est la promotion de l’homme.
LE PLURALISME, RÉALITÉ CONCRÈTE EN TUNISIE
Le paysage politique tunisien confirme l’existence d’une opposition
politique. Cette opposition ne semble pas cependant incisive. Comment expliquez-vous
cette situation? Où en est exactement la Tunisie de la démocratie
et de la liberté d’expression?
Le pluralisme est aujourd’hui une réalité concrète
dans notre pays. A côté du Rassemblement constitutionnel démocratique
existent six partis d’opposition qui enrichissent la vie politique.
Tout observateur qui suit la situation en Tunisie remarque, aisément,
que le pluralisme, choix fondamental dans notre politique, est devenu l’une
des priorités de la réforme intégrale que nous sommes
en train de réaliser avec assurance et modération, en fonction
du niveau de maturité et de conscience de notre peuple.
Vous n’êtes pas sans savoir que les partis et les différentes
sensibilités politiques participent à la vie publique du
pays, à travers le dialogue et la concertation continus pour le
traitement des questions nationales. Nous sommes convaincus que les divergences
d’opinions et d’approches constituent la particularité de notre
expérience en Tunisie dans laquelle les forces vives se rassemblent
autour de constantes et de dénominateurs communs à tous les
Tunisiens et que nous avons mis à l’abri de toutes surenchères.
Dans le but de renforcer la présence de l’opposition et de dynamiser
son rôle sur la scène politique, nous avons décidé
plusieurs mesures destinées à consolider la représentation
de l’opposition au sein du parlement et des conseils municipaux, selon
la formule que j’ai déjà explicitée. D’autres mesures
concrètes ont été prises pour développer la
presse des partis d’opposition à travers la prise en charge d’une
partie importante des frais d’édition de leurs journaux, pour aider
ces partis à faire connaître leurs positions et leurs activités.
Nous sommes convaincus que les opportunités qu’offriront les
prochaines échéances électorales dans les domaines
de la confrontation des programmes, des idées et des approches et
la présentation des solutions alternatives concrètes, sont
de nature à consolider la position des partis d’opposition et à
renforcer leur capacité d’encadrement au sein de la société.
LA NOUVELLE ACTION POLITIQUE S’EST CONCRÉTISÉE
PAR L’ÉLABORATION D’UN PACTE NATIONAL
AUQUEL ONT SOUSCRIT
LES PARTIS. IL A CONSOLIDÉ L’ENTENTE
AUTOUR DES VALEURS ET
DES CONSTANTES NATIONALES POUR RÉALISER
LE PLURALISME
POUR LA PREMIÈRE FOIS, DES DÉPUTÉS
DE L’OPPOSITION SIÈGENT AU PARLEMENT
NOUS AVONS RENFORCÉ LES CHANCES
DE
L’OPPOSITION AUX ÉLECTIONS D’OCTOBRE
ET ELLE DISPOSERA DE VINGT POUR CENT DES SIÈGES
NOUS AVONS ACCORDÉ UNE ATTENTION
PARTICULIÈRE
AUX DROITS DE L’HOMME DANS NOTRE PROGRAMME
POLITIQUE
L’ACCORD DE PARTENARIAT AVEC L’UNION
EUROPÉENNE A EU UNE INFLUENCE
POSITIVE SUR L’ÉCONOMIE TUNISIENNE
99% DES JEUNES TUNISIENS SONT ADMIS
DANS LES ÉCOLES ET LA CLASSE MOYENNE
REPRÉSENTE 80% DE LA POPULATION
NOUS SOMMES DÉTERMINÉS À
ŒUVRER DE
MANIÈRE À CE QUE LES PROCHAINES
PRÉSIDENTIELLES
CONSOLIDENT LA PRATIQUE DÉMOCRATIQUE
RÉFORME AMBITIEUSE DU SYSTÈME ÉDUCATIF
Etes-vous satisfait des résultats des changements apportés
aux programmes d’enseignement en Tunisie en vue de protéger les
nouvelles générations des visées politiques inacceptables
que recelait la méthode passéiste archaïque?
Nous avons opté depuis le changement du 7 novembre 1987 pour
la révision des programmes d’enseignement et pour l’élévation
de l’institution éducative au niveau des espoirs que nous fondons
sur cette institution quant au soutien qu’elle est appelée à
apporter à l’effort national par la conciliation entre l’édification
de la société démocratique et la réalisation
du développement à un rythme soutenu.
L’objectif que nous visions était d’initier nos jeunes à
l’effort et de leur insuffler l’aspiration au mieux, loin de tout autoritarisme
ou despotisme intellectuel, convaincus que nous sommes du fait que l’esprit
formé aux vertus de tolérance, de solidarité, d’amour
du bien, de justice et de devoir, développe chez les jeunes générations
le sens de l’autonomie et de l’initiative, renforce en elles le sentiment
patriotique et la fierté d’appartenance identitaire.
Nous sommes, aujourd’hui, en droit de nous enorgueillir des résultats
de la réforme du système éducatif que nous avons entreprise
et qui a transformé nos écoles en pôle de savoir où
nos jeunes sont éduqués conformément aux valeurs arabo-musulmanes
authentiques et aux nobles principes humanitaires et où ils acquièrent
les connaissances les plus actuelles suivant les méthodes d’enseignement
les plus adéquates et les moyens de transmission les plus efficaces.
Nous avons, en effet, opté pour une réforme ambitieuse dans
sa profondeur et son caractère global, répondant à
nos valeurs civilisationnelles, régénérant la volonté
et l’initiative et consacrant les principes de la modération, du
dialogue et de la tolérance, de manière à protéger
nos jeunes contre le fanatisme, l’extrémisme et la violence.
Nous pensons que la promotion du système éducatif doit
être un effort continu, à la lumière de l’évolution
accélérée que connaît la scène éducative
mondiale. Aussi, avons-nous, constamment, œuvré pour être
au diapason de ce progrès dans le souci de préserver le niveau
de l’école tunisienne et de renforcer son efficacité. A cet
effet, nous avons organisé une consultation nationale pour tracer
les contours de l’école de demain, dans la perspective de la préparation
rationnelle de l’avenir et la prospection précoce des grands changements
prévisibles dans ce domaine.
LE DANGER INTÉGRISTE, DÉFINITIVEMENT ÉCARTÉ
Il est unanimement admis aux plans arabe et international, que le
danger intégriste a disparu en Tunisie. Existe-t-il certaines influences
particulières de la part de pays d’obédience salafiste sur
la situation en Tunisie?
Nous avons pu écarter totalement ce danger, la société
tunisienne tout entière ayant rejeté l’extrémisme,
le terrorisme et le fanatisme sous toutes leurs formes, dès lors
qu’ils ne correspondent pas au tempérament même des Tunisiens
dont tout le monde connaît l’ouverture d’esprit, la tolérance
et la modération.
Le souffle réformateur régénéré
et aux multiples dimensions qui a imprégné notre action au
cours des onze dernières années et l’effort que nous avons
déployé au cours de cette période pour mobiliser toutes
les potentialités du pays au service de la communauté nationale,
tout en étant attentif aux préoccupations de toutes les catégories
sociales, en veillant à stimuler l’esprit de solidarité et
d’initiative et à garantir les droits politiques et sociaux et les
droits de l’homme, ont permis de tourner définitivement la page
du danger intégriste auquel vous faites allusion et qui n’est plus
qu’une vieille rengaine.
Au sujet de votre interrogation sur des influences particulières
de pays de tendance passéiste sur la situation en Tunisie, nous
pouvons affirmer, sans exagération aucune, que la Tunisie qui, tout
au long de son Histoire, a montré qu’elle ne peut être un
terrain propice à un quelconque extrémisme, est aujourd’hui
un corps sain ayant acquis l’immunité voulue pour se préserver
complètement de tels dangers.
Nous œuvrons, à cet égard, à inculquer aux jeunes
générations les principes démocratiques, les droits
de l’homme et les nobles préceptes de l’islam.
LA PAIX, UN CHOIX IRRÉVERSIBLE
Quelle est, actuellement, la position de la Tunisie vis-à-vis
de la cause palestinienne dont elle avait abrité la direction pendant
des années et quel rôle joue-t-elle dans le soutien de la
position palestinienne face aux atermoiements israéliens?
La Tunisie qui a abrité sur son sol la direction palestinienne
pendant plus d’une décennie, a accompagné le processus de
paix, joué un rôle historique dans son démarrage et
participé à toutes ses étapes, étant convaincue
que la paix est un choix irréversible, seul garant de la sécurité
de toutes les parties et de la sauvegarde de leurs intérêts.
Partant de cette conviction, nous exprimons aujourd’hui notre vive
et profonde préoccupation devant le blocage de ce processus, en
raison de l’entêtement de la partie israélienne qui, en se
dérobant à ses engagements pris dans le cadre des accords
d’Oslo et de Washington, a sapé les bases et les principes qui fondent
le processus de paix accueilli, favorablement et soutenu par la communauté
internationale.
La Tunisie, qui considère que l’interruption du processus de
paix et le gel des accords y afférents augurent d’une résurgence
des risques d’affrontement, de la violence et de l’instabilité dans
la région, appelle de nouveau la communauté internationale
et, plus particulièrement, les co-parrains de la paix à agir
rapidement en vue d’amener Israël à respecter ses engagements
internationaux, à s’en tenir aux principes qui ont présidé
au processus de paix depuis son démarrage, notamment le principe
de l’échange de la terre en contrepartie de la paix, à se
conformer à la légitimité internationale et à
mettre en application les résolutions du Conseil de Sécurité
en la matière, afin de créer les conditions propices à
l’évolution du procesus de paix sur tous les fronts et d’instaurer
une paix globale et durable garantissant les droits des peuples de la région
à vivre dans la sécurité et la quiétude.
La Tunisie réaffirme qu’elle demeurera d’un appui constamment
solide au peuple palestinien dans sa lutte pour le recouvrement de ses
droits légitimes et l’édification d’un Etat indépendant
sur son sol avec pour capitale Al-Qods (Jérusalem).
LA SOLIDARITÉ ARABE AU CENTRE DE NOS PRIORITÉS
Quel rôle peut jouer la Tunisie dans la réussite de
la solidarité arabe et quel degré peut atteindre cette solidarité
au cours de cette période entre les pays arabes, d’une part et entre
eux et l’Irak, la Libye et le Soudan soumis à l’embargo, d’autre
part?
La conjoncture qui prévaut aujourd’hui dans le monde et les
mutations de plus en plus rapides qui la caractérisent, nous commandent
à tous de placer la solidarité arabe au centre de nos priorités.
C’est ce que la Tunisie œuvre à consacrer à travers sa politique
extérieure et son dialogue avec les pays frères, en vue de
renforcer les liens de fraternité et de servir nos intérêts
communs.
Notre pays qui est engagé par les questions qui intéressent
la nation arabe, ne ménage aucun effort tant dans le cadre de la
Ligue arabe qu’au niveau bilatéral, pour contribuer à la
consolidation de la solidarité et de l’entente interarabes en bannissant
tous les facteurs négatifs qui pourraient les affecter.
C’est pourquoi, nous renouvelons nos appels en faveur de la cessation
des souffrances du peuple irakien frère dans les plus brefs délais,
dans le cadre de solutions pacifiques, sur la base du recours à
l’arbitrage de la légalité internationale, pour préserver
la dignité du peuple irakien et son intégrité territoriale
et pour lui permettre de vivre avec ses voisins dans un climat de paix,
de fraternité et de respect mutuel. Nous espérons, dans ce
contexte, voir se réaliser un règlement définitif
du différend qui oppose la Jamahiriya Arabe Libyenne à certains
pays occidentaux, pour pemettre la levée de l’embargo imposé
au peuple libyen frère et mettre fin à ses souffrances dans
les plus brefs délais après les développements positifs
que cette affaire a connus récemment.
LES DIVERGENCES D’OPINION CARACTÉRISENT
NOTRE EXPÉRIENCE, LES PARTIS CONTRIBUANT
À L’ÉVOLUTION DE NOTRE VIE PUBLIQUE
LE GOUVERNEMENT D’ISRAËL A RENIÉ
SES ENGAGEMENTS
DANS LE CADRE DES ACCORDS D’OSLO ET DE WASHINGTON,
TOUT EN TORPILLANT LES PRINCIPES DE L’OPÉRATION
DE PAIX
NOUS SOUTENONS LA PRESSE DES PARTIS
D’OPPOSITION EN COUVRANT
UNE PARTIE DE SES FRAIS.
LA PAIX EST UNE OPTION IRRÉVERSIBLE,
CAR ELLE EST L’UNIQUE GARANTIE POUR
LA SÉCURITÉ DE TOUTES LES PARTIES
ET DE LEURS INTÉRÊTS
NOUS ADOPTONS LA RAISON CONTRE
LE FANATISME, LA PENSÉE CONTRE LE
TERRORISME ET LA CONSCIENCE
CONTRE LA VIOLENCE
LIBYE ET KOSOVO
Le colonel Mouammar Kazzafi vous a exprimé, à maintes
reprises, notamment ces derniers temps, ses remerciements pour les efforts
discrets et efficaces que vous avez déployés, en vue de mettre
fin à l’épreuve que subit le peuple libyen du fait de l’embargo,
efforts qui ont été concrétisés par vos appels
répétés à une solution juste et honorable de
l’affaire Lockerbie.
Nous savons mieux que quiconque, que nos frères libyens ont
enduré les plus dures épreuves du fait de l’embargo imposé
à la Jamahiriya. Nous nous sommes employés, dans la pleine
mesure de ce que nous imposent nos solides liens de fraternité,
à alléger les effets de ces épreuves qui ont affecté
nos frères dans leur vie quotidienne et entravé le rôle
de la Jamahiriya dans le cadre de ses relations internationales.
Nous n’avons ménagé aucun effort pour appeler, en toutes
occasions et au sein de toutes les instances, à tous les niveaux
et à travers tous nos contacts, à mettre fin à
cet embargo. Nous nous sommes réjouis de voir le peuple libyen et
sa sage direction parvenir à une formule satisfaisante et honorable
pour le règlement de cette affaire qui n’a que trop duré,
afin de dépasser les répercussions de cette épreuve,
de consolider le rôle de la Libye sœur sur le plan international
et de renforcer sa contribution à la réalisation des objectifs
de complémentarité et d’entraide auxquels nous aspirons tous
aux niveaux maghrébin, arabe et africain.
L’attention du monde est braquée sur la situation au Kosovo
où les opérations d’épuration et de déportation
massive des populations de cette région se poursuivent. Quelle est
votre position vis-à-vis de ces développements?
Nous avons suivi, en Tunisie, avec préoccupation le drame humain
intolérable que vivent les populations du Kosovo et qui rappelle
à notre mémoire une époque de triste souvenir, du
fait de l’entêtement des autorités serbes. La Tunisie qui
ne voit aucune solution à ce conflit en dehors des cadres pacifiques
de la légalité internationale, réitère ses
appels au gouvernement yougoslave pour mettre fin, immédiatement,
à ces agissements et reconnaître les droits légitimes
du peuple du Kosovo, y compris le droit de vivre en paix.
Nous sommes disposés à participer, avec tous les moyens
qui sont en notre pouvoir, à tout effort de l’ONU visant à
garantir la sécurité et la paix au Kosovo, le retour des
réfugiés et à contribuer à assurer la stabilité
dans la région.