MANIFESTATION SANS HISTOIRE DE LA CGTL
ELIAS ABOU-RIZK:“NOUS ÉTENDRONS NOTRE MOUVEMENT PROTESTATAIRE À TOUT LE LIBAN”
![]() Les dirigeants de la CGTL menant la marche de protestation “contre la politique fiscale, la vie chère et la répression des libertés.”
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![]() La police anti-émeute en “tenue de combat”, place du Musée national. |
Rassemblées à Barbir, quelques centaines de personnes
- quatre cents, d’après le ministre de l’Intérieur - ont
commencé une marche pacifique à 16 heures, en direction de
la place du Musée national où le Conseil des ministres, qui
était réuni à ce moment, a son siège.
La veille, le ministère de l’Intérieur avait diffusé
un communiqué définissant les conditions conformément
auxquelles une manifestation doit se dérouler. Ces conditions ont
été interprétées par la Centrale syndicale
comme “étant hostiles aux libertés”. La CGTL devait fixer,
à l’avance, l’itinéraire de la marche pacifique et la faire
encadrer d’un service d’ordre syndical, en plus d’un cordon des FSI; préciser
le nombre approximatif des participants et présenter un document
dans lequel les organisateurs de la manifestation déclarent assumer
“la responsabilité des dégâts que cette dernière
pourrait provoquer.”
Les manifestants scandaient des slogans dénonçant la
politique fiscale et la vie chère, tout en réprouvant la
gestion de la chose publique sous le précédent régime
ayant entraîné le pourrissement de la situation sociale.
Fait à signaler: contrairement aux fois précédentes,
des membres de l’Assemblée ne se sont pas joints à la “marche”;
seuls des représentants des partis de gauche y ont pris part.
“Nous ne manifestons pas pour le plaisir de manifester, a dit M. Elias
Abou-Rizk, président de la CGTL. Nous nous voyons contraints de
recourir à ce moyen, parce que les contraintes de la vie quotidienne
sont devenues insupportables. Nous constatons, aussi, qu’on tente
de porter atteinte à l’unité et à la liberté
de décision de la CGTL et du mouvement syndical dans son ensemble.”
Il observe que “la politique fiscale du gouvernement creuse le fossé
entre les riches et les pauvres et appauvrit davantage la classe moyenne.”
Autres griefs formulés par le chef de la Centrale ouvrière:
le projet de budget 99 s’écarte de la justice fiscale, ignorant
les propositions visant à accroître les recettes du Trésor,
alors qu’on prive 200.000 fonctionnaires de l’effet rétroactif de
la nouvelle échelle des salaires.
La manifestation de mercredi reflète un malaise social certain,
résultat d’une politique brouillonne qui ne satisfait pas les citoyens,
d’autant que les partenaires sociaux ne se concertent pas pour sortir le
pays du passage à vide où il se trouve en ce moment.
Puis, l’affaire de la Caisse nationale de Sécurité sociale
a accentué le malaise, le Pouvoir ayant évincé de
sa présidence le chef de la Centrale syndicale qui y accédait
pour la première fois depuis sa création.
Rappelons que la CGTL réclame une majoration des salaires de
30 pour cent dans le secteur privé, avec effet rétroactif
à dater du 1er janvier 1998, revendication à laquelle le
gouvernement ne semble pas devoir donner une suite favorable...
MISE EN GARDE
Au cours d’une conférence de presse tenue mardi, M. Abou-Rizk
s’était élevé “contre les atteintes à l’unité
et à la liberté du mouvement syndical”, estimant que “tout
préjudice de cette nature, constitue une agression flagrante contre
le Liban, sa stabilité, son progrès et sa reconstruction
sur des bases saines.”
Faisant état des conditions posées par le ministre de
l’Intérieur pour autoriser la manifestation du lendemain, le chef
de la CGTL, s’est demandé: “Comment pose-t-on de telles conditions
pour permettre aux citoyens de manifester?
“Le communiqué du ministre de l’Intérieur était
destiné à intimider les manifestants et la CGTL.
“Où donc était M. Michel Murr lors de la manifestation
en faveur du leader kurde Ocalan?”
DES MANIFESTATIONS
DANS TOUT LE LIBAN
Avant de se séparer, les dirigeants de la CGTL ont tenté
de prendre contact avec un responsable - le chef du gouvernement ou le
ministre des Affaires sociales et du Travail réunis du Conseil des
ministres - par l’intermédiaire d’une délégation chargée
de leur exposer les doléances syndicalistes.
MM. Bassam Tleiss, secrétaire des relations intérieures
et Saadeddine Hamidi, secrétaire général de la CGTL,
ont vainement essayé de convaincre le commandant de l’escouade des
FSI présente sur les lieux, de laisser passer la délégation.
M. Abou-Rizk a donné, alors, l’ordre aux manifestants de se
disperser en ordre en les haranguant en ces termes: “C’est notre première
manifestation; le premier pas d’une longue marche qui s’étendra
à toutes les régions libanaises jusqu’à obtenir la
satisfaction de nos revendications. Nous ferons escalader notre mouvement
à l’avenir pour assurer une vie digne à notre peuple.”
“Nous continuons à élever la voix et à manifester
aujourd’hui et demain, jusqu’à ce que le sauvetage et le changement
deviennent réalité. Et jusqu’à faire entendre les
desiderata des enseignants, des professeurs, des artisans, des chauffeurs
et de tous les salariés, pour protéger notre jeunesse, la
main-d’œuvre et leurs droits au travail, mettre un terme au chômage,
à l’exode et à l’expatriation.”