ARNOUN, NOUVEAU SUJET DE PRÉOCCUPATION POUR LE POUVOIR

LA TRÊVE POLITIQUE APPELÉE À SE PERPÉTUER JUSQU’AU VOTE DE LA LOI DE FINANCES


Le Liban-Sud occupe, comme on sait, une place de choix dans la campagne électorale israélienne, les candidats en lice l’utilisant comme une carte de pression dont ils se servent pour assurer leur victoire. C’est pourquoi, la réoccupation d’Arnoun par “Tsahal”, n’a pas surpris les observateurs, surtout les membres du groupe de surveillance de la trêve (issu de l’arrangement d’avril 96).
En effet, le délégué d’Israël au sein dudit groupe, a opposé une fin de non recevoir aux demandes des représentants du Liban et de la Syrie - ceux des Etats-Unis et de France jouant aux médiateurs - réclamant l’évacuation du village sudiste qui avait été libéré, quelques semaines plus tôt, par deux mille universitaires.
 

De fait, l’Etat hébreu a mis en garde les Libanais, à travers la “Voix du Sud” (porte-parole de l’Armée du général Lahd), contre toute tentative de libérer la localité, “celle-ci devant être réprimée avec une extrême vigueur”. De plus, la même station radiophonique a laissé entendre que “Tsahal” pourrait occuper toute localité où l’Armée libanaise ne se déploierait pas, comme le réclame Benjamin Netanyahu, afin d’empêcher la Résistance nationale de s’y infiltrer.
Les soldats israéliens ont été aperçus consolidant leur position à Arnoun, plus exactement près du domicile de Nasser Alaouié qui en a été expulsé avec sa famille.
Ainsi, Arnoun ajoute un nouveau sujet de préoccupation au “Cabinet des 16” qui a du pain sur la planche. Mais cela ne lui fera pas changer d’attitude: le Liban officiel continuera à rejeter les conditions posées par notre voisin du Sud et à raffermir sa solidarité avec la Syrie en tout ce qui touche Israël, ainsi que le chef de l’Etat l’a affirmé en recevant M. David Satterfield, ambassadeur US.
En effet, le président Lahoud a dit qu’il n’incluera pas Arnoun dans le “bazar électoral” où l’Etat hébreu cherche à entraîner le Liban, à l’effet de susciter des divergences entre l’Etat et la Résistance. De plus, il considère les manigances israéliennes comme autant de violations à l’arrangement d’avril, réaffirmant son attachement à la souveraineté de l’Etat sur tout pouce du territoire national.
“Alors que le monde après l’effondrement du mur de Berlin, a-t-il dit, est entré dans une phase nouvelle supposant l’élimination des barrières entre les fils d’un même peuple, Israël veut nous ramener en arrière, employant la force militaire pour installer une barrière en fers barbelés à Arnoun. En ce faisant, elle dresse un nouveau mur de Berlin dans cette localité sudiste.”
Le président Lahoud a, également, réaffirmé le droit légal du Liban de combattre l’occupation et, aussi, de mettre en échec toute tentative visant à compromettre l’unité nationale ou de semer les germes de la discorde entre l’Etat, le peuple et la Résistance.
Par ailleurs, il a assuré l’engagement de notre pays vis-à-vis d’une paix juste et globale dans le cadre de la concomitance des volets libanais et syrien.
De son côté, le président Salim Hoss a dit: “Nous usons de tous les moyens disponibles pour expulser les Israéliens d’Arnoun, en maintenant le contact avec les grandes puissances, en particulier celles qui sont concernées par le groupe de surveillance de la trêve. Nous avons demandé une réunion urgente de ce groupe où le délégué du Liban a reçu des instructions pour réclamer le retrait israélien.”
Le chef du gouvernement a réfuté les informations selon lesquelles le Liban aurait été notifié, par Washington, du refus d’Israël d’évacuer ce village. Il a dit encore que le gouvernement s’opposait à placer l’Armée libanaise en confrontation directe sur le terrain avec “Tsahal” à Arnoun, “ceci pouvant l’exposer à des risques graves”. Le Premier ministre a précisé que les Forces de sécurité intérieure, avaient pris position dans cette localité et que le gouvernement était disposé à en accroître les effectifs, si “Tsahal” ne l’avait pas investie une fois de plus.

RENCONTRE BERRI-HOSS
Sur un autre plan, il importe de faire état du dîner de travail ayant réuni à Aïn Tiné les présidents Nabih Berri et Salim Hoss. C’était la première rencontre depuis longtemps entre les deux hommes qui ont jeté les bases d’une nouvelle coopération dans l’étape présente et future entre les Pouvoirs exécutif et législatif.
Mais ces retrouvailles ont été perturbées par l’affaire d’Arnoun qui a eu ses répercussions au triple plan local, régional et international.
Sur fond de blâme, les présidents Berri et Hoss ont évoqué la plupart des dossiers faisant l’objet d’enquêtes, en plus du projet de budget 99 et des problèmes de l’heure.
Au moment où ils échangeaient les vues sur ces questions, ils ont été informés du retour des Israéliens à Arnoun. MM. Berri et Hoss ont pris contact, aussitôt, avec le président de la République, avant de décider de saisir les instances internationales de cet événement grave dont le Liban-Sud était le théâtre.
Le président Hoss a contacté les ambassadeurs des Etats-Unis et de France, ces pays étant représentés au sein du groupe de contrôle de la trêve, pour demander l’intervention de leurs gouvernements en vue du retrait de “Tsahal” du village sudiste.
Pour en revenir au “dîner de travail” de Aïn Tiné, les chefs du Législatif et du gouvernement sont tombés d’accord sur la nécessité de coordonner leur action en prévision du débat sur le projet de budget, partant du fait que la responsabilité est collective, en ce sens que le gouvernement et l’Assemblée sont appelés à coopérer pour faire ratifier, sans accroc, la loi de finances - la première du nouveau régime - considérée comme “la meilleure possible”.
Le président Berri a informé le président Hoss de la disposition du président Rafic Hariri - que le chef du Législatif avait rencontré quelques jours plus tôt - à faciliter la tâche du “Cabinet des 16”, en ne mettant pas des bâtons dans les roues du char gouvernemental.
Il y a lieu de signaler que le calme ayant suivi la tempête au plan politique, est en quelque sorte l’œuvre de M. Berri qui avait préparé le terrain, à Damas à des conciliabules entre M. Hariri et les dirigeants syriens. Et ce, aux fins de dissiper la tension qui caractérisait les rapports entre la néo-opposition et le Pouvoir. L’ancien chef du gouvernement a, dit-on, pris conscience de la gravité de la situation au plan économico-financier, c’est pourquoi il a mis de l’eau dans son vin et donné ordre à ses alliés de mettre une sourdine, du moins jusqu’à la ratification du projet de budget, à la cabale dont le Grand Sérail était la cible.

PAS DE COMPROMIS ENTRE LE POUVOIR
ET L’OPPOSITION
A ce propos, les milieux officiels ont infirmé les rumeurs et nouvelles de presse d’après lesquelles l’apaisement a été le fruit d’un compromis entre le Pouvoir et ses détracteurs, en ce sens que les autorités auraient promis de ramener aux archives certains dossiers chauds où sont impliqués des responsables du précédent régime. Une personnalité responsable a dit qu’un tel bazar n’est pas possible, car la renonciation par l’Etat aux enquêtes en cours sur le gaspillage des fonds publics et les infractions, lui ferait perdre sa crédibilité et torpillerait son projet visant à instaurer l’Etat des institutions.
Les investigations en cours se poursuivront donc jusqu’à leur terme, le gouvernement étant déterminé, une fois votée la loi de finances, à entamer une nouvelle phase d’action en profondeur, destinée à concrétiser le programme du régime, tel que défini dans le discours d’investiture du président Lahoud. Ceci apparaîtrait dans les prochaines semaines, à la lumière des décisions et initiatives que prendrait le Conseil des ministres aux plans de la réforme administrative et des mesures destinées à favoriser le redressement.
En ce qui a trait au “cas Corm”, les responsables ont écarté, semble-t-il, toute possibilité de démission du ministre des Finances à laquelle les présidents Lahoud et Hoss ont opposé un refus catégorique, surtout après la propagation de rumeurs insinuant que M. Georges Corm serait décidé à rendre le tablier, en raison de divergences profondes avec les autres membres du Cabinet, quant à certaines options d’ordre économico-financier.
 

NADIM El-HACHEM

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