MEMBRE LE PLUS ACTIF DU BLOC PARLEMENTAIRE DU SUD

MOHAMED A. BEYDOUN:
"LA POLITIQUE FINANCIÈRE SUIVIE PAR HARIRI A AGGRAVÉ LA CRISE SOCIO-ÉCONOMICO-FINANCIÈRE"


Il est connu pour être le membre le plus actif du bloc parlementaire dont le président Nabih Berri est le chef de file et l’un de ses porte-parole attitrés. Bien que, parfois, ses déclarations ne concordent pas avec celles de ses collègues et de son groupe.
M. Mohamed Abdel-Hamid Beydoun se distingue par ses réflexions marquées par le bon sens et la pertinence. De plus, l’homme a le courage de ses opinions. Il se prononce, sans détours, sur les problèmes de l’heure et répond avec objectivité à toutes les questions qu’on lui pose même les plus délicates.

Nous l’interrogeons, tout d’abord, sur la nouvelle crise qui ébranle la Centrale syndicale dont le chef, M. Elias Abou-Rizk a présenté en démission, pour avoir été évincé de la présidence de la Caisse nationale de Sécurité sociale, un mois après avoir accédé à cette charge. Et ce, “en signe de protestation contre les ingérences du Pouvoir dans cette institution” placée, pour la première fois, sous la présidence d’un représentant de la classe laborieuse.
“La démission de M. Abou-Rizk, dit-il, est très importante. Je crois que son élection à la présidence de la CNSS était “déplacée”, car cette charge est généralement réservée au délégué de l’Etat, non aux autres pôles du travail - le patronat et le salariat - le premier étant habilité à jouer le rôle d’arbitre et de modérateur entre les deux autres.
“Les fédérations syndicales seront amenées à discuter de la décision de M. Abou-Rizk et, à mon avis, la meilleure solution à apporter à cette crise réside dans le maintien du président de la CGTL à son poste.”

LE PEUPLE LIBANAIS RÉCLAME
DES COMPTES À SES AFFAMEURS

LA NÉO-OPPOSITION
N’A PAS UNE VISION CLAIRE
DE LA MANIÈRE DE RÉSOUDRE
NOS PROBLÈMES

ISRAËL ÉLARGIT SON OCCUPATION
Comment concevez-vous la solution au cas d’Arnoun que “Tsahal” a réoccupé après que ce village eut été libéré par deux mille universitaires?
L’annexion d’Arnoun au cordon frontalier constitue un élargissement de l’occupation, ni plus ni moins, ce qui revêt une gravité certaine au plan militaire, en ce sens qu’Israël manœuvre en vue d’attirer le Liban à une confrontation sur le terrain. Mais le Pouvoir ne se laissera pas faire et ne tombera pas dans ce piège.
Netanyahu veut assurer sa réélection aux législatives de mai prochain aux dépens du Liban et de son peuple. En tant qu’Etat libanais, nous ne pouvons lui offrir une carte et l’aider à s’en servir. Les divers candidats aux législatives israéliennes: Netanyahu, Arens et Sharon en tête, veulent pousser le Liban à négocier à propos d’Arnoun, dans l’espoir d’obtenir des arrangements de sécurité dans cette zone, pour empêcher le Résistance de l’utiliser comme point de départ pour ses opérations.
Quelle est la position du Liban officiel?
Israël doit se retirer du territoire libanais comme il y est entré, inconditionnellement, en application de la résolution 425 du Conseil de Sécurité.
L’Armée libanaise ne peut protéger l’Etat hébreu, ni être le gardien de sa sécurité et notre voisin du Sud a la possibilité de se protéger par ses propres moyens. Il est tenu d’évacuer les portions de notre territoire que ses troupes occupent, car l’occupation est une violation de notre souveraineté; c’est elle qui a provoqué l’émergence de la Résistance.”

LE LIBAN NE PEUT
SE DÉSOLIDARISER DE LA RÉSISTANCE
Le Liban pourrait-il se désolidariser de la Résistance?
Nous la soutiendrons jusqu’à la libération du territoire national et resterons attachés à notre droit légitime de combattre l’occupant par tous les moyens disponibles. Israël prétend vouloir appliquer la 425, d’une part, mais tergiverse et s’emploie, d’autre part, à étendre son occupation à de nouvelles portions de la zone méridionale de notre pays.
Ses propagandistes invoquent comme prétexte le refus du gouvernement libanais de souscrire à sa proposition relative aux arrangements de sécurité dans la région frontalière, pour protéger ses frontières nord.
- Y parviendra-t-il?
Le Liban n’acceptera jamais une telle proposition, dont l’application placerait les effectifs de l’Armée libanaise sous la tutelle israélienne.
L’Etat hébreu se doit de respecter les résolutions de la légalité internationale. Le Liban, quant à lui a le devoir de libérer Arnoun et toutes les zones occupées de son territoire.
Se peut-il que Tel-Aviv exerce des pressions à l’effet de relancer les négociations sous les volets libanais et syrien, selon ses propres conditions?
Parfaitement. Mais il n’y parviendra pas, les volets libanais et syrien ne pouvant être dissociés. Puis, le soutien de la Syrie, permet au Liban de résister à l’ennemi et de rejeter toute condition que ce dernier tente de lui imposer, surtout si elle viole la souveraineté nationale.
Tout compte fait, Israël veut torpiller le processus de paix au Proche-Orient par tous les moyens dont il dispose, car il y voit son intérêt; d’où les efforts qu’il déploie aux fins d’annexer d’autres terres par la force militaire. Mais son plan échouera, en définitive, grâce à la Résistance nationale.
L’Etat hébreu doit revenir, tôt ou tard, aux principes définis à la conférence de Madrid, dont celui de la terre contre la paix, pour la simple raison qu’il ne pourra jamais avoir les deux à la fois.

QUID DE LA LIBÉRATION D’ARNOUN?
Le Liban bénéficie-t-il de garanties suffisantes au plan international pour recouvrer ses droits?
La garantie du Liban réside dans la concomitance des volets libanais et syrien, face aux conditions rédhibitoires d’Israël, lequel projette de contraindre notre pays à signer un nouvel accord séparé pareil à celui du  17 mai de triste mémoire, afin d’instaurer sa tutelle sur l’Armée et l’Etat dans ses différents secteurs.
La libération d’Arnoun est-elle possible de la même façon dont ce village avait été libéré il y a quelques semaines?
Ce qui s’était produit était une forme de résistance et nous disposons d’autres moyens pour ramener cette localité au giron de l’Etat. Cependant, nous insistons pour qu’elle soit libérée avec d’autres fractions de la Résistance. Aujourd’hui, Arnoun paye un lourd tribut, exactement comme Cana, en 1996.
Quoi qu’il en soit, Arnoun et son occupation renforceront la détermination de notre peuple à poursuivre la lutte avec plus de vigueur jusqu’à contraindre l’occupant à se retirer.

LES ISRAÉLIENS, DES CRIMINELS DE GUERRE
Comment évaluez-vous les événements dont la Yougoslavie est, actuellement le théâtre, comparativement avec ce qui se passe au Liban-Sud?
A la lumière de la situation au Kosovo, il ne fait pas de doute que les Etats-Unis modifieront leur stratégie au plan international. En ce sens, que le président américain ne pourra plus, désormais, couvrir les agissements d’Israël basés sur le racisme, la spoliation des droits arabes et l’exode des Palestiniens, pour installer à leur place des juifs venus de tous les coins du globe.
Après le règlement du problème du Kosovo, je crois que la vie politique internationale connaîtra une nouvelle phase; la lumière se fera sur la politique raciste d’Israël.
D’autant  que le ministre israélien de la Défense, Ariel Sharon, s’est prononcé contre l’appui de l’OTAN en Yougoslavie: “parce que cela se retournera, par la suite, contre Israël”, Tel-Aviv vient en aide aux réfugiés, en invoquant des considérations humanitaires. Mais le jeu et la manœuvre, cousus de fils blancs, ne tromperont personne.
La position arabe peut-elle s’unifier autour des dossiers du Liban, de la Syrie et de Palestine?
Elle doit s’unifier, nécessairement. Les Arabes doivent demander à la communauté internationale de juger les Israéliens en tant que criminels de guerre, Arnoun étant une preuve accablante contre eux, après les massacres de Cana.

JE SUIS CONTRE LA DÉMISSION
DU MINISTRE DES FINANCES

LE CABINET DOIT ÉTABLIR DE
NOUVELLES BASES À LA RÉFORME

IL FAUT POURSUIVRE LES CAS DE
CANA ET D’ARNOUN JUSQU’À
LEUR FINALITÉ

Ne faudrait-il pas que l’armée libanaise maintienne l’ordre au Sud?
C’est vrai, mais le travail sur le terrain est laissé aux personnes compétentes; ce sont elles qui décident de la nature et du timing du déploiement, sans laisser à Israël la chance d’utiliser l’armée comme otage.  Israël réclame sans vergogne  que l’armée libanaise protège ses positions et les Américains le soutiennent.  Les Libanais doivent combattre; c’est un droit reconnu par tous les pays et Israël doit se retirer jusqu’à la frontière internationale.  Ainsi, l’armée libanaise accomplira sa mission et se déploiera au Sud et dans la Békaa-Ouest.
On fait état d’une tension entre votre bloc parlementaire et le président Hoss; est-ce exact?
Le Bloc de la libération et du développement et le président Hoss entretiennent de bonnes relations. Mais nous lui reprochons de ne pas consulter l’Assemblée. Le gouvernement ne doit pas procéder à des nominations aux postes vacants de la première catégorie.  Nous lui demandons d’instaurer de nouvelles bases pour ces nominations et ne pas limiter son rôle aux préférences personnelles ou politiques.
Les réformes sont-elles en cours?
Sûrement, mais le gouvernement a besoin d’une stratégie de réformes et le président Hoss doit amener les organismes de surveillance et le ministre de la Réforme à mettre au point un plan rationnel à cet effet.
Est-il possible d’appliquer le projet de budget ou bien aurait-on pu élaborer un texte meilleur?
Je ne suis pas d’accord sur ce point. La politique ne comporte pas de possibilités.  Tout est possible quand tout est bien contrôlé et étudié. On prépare un projet consistant à augmenter les tarifs de l’essence, des communications internationales et de l’impôt sur le revenu, ce qui apportera à l’Etat 900 à 1000 milliards de livres.  De même, le gouvernement adopte une politique d’austérité, mais ce n’est que le début et nous ignorons si cette politique sera appliquée ou pas. Le président Hoss promet de réduire le budget, mais la réforme réelle commence par un plan visant à réduire le déficit. Autrement la politique de ce gouvernement sera similaire à celle de ses prédécesseurs.

APRÈS LE CONFLIT DES BALKANS,
LE COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
ENTAMERA UNE NOUVELLE PHASE

LE MIEUX POUR LE MOUVEMENT SYNDICAL
RÉSIDE DANS LA RENONCIATION
DU PRÉSIDENT DE LA CGTL À SA DÉMISSION

Le ministre des Finances, Georges Corm, aurait-il l’intention de démissionner?
Il jouit d’une bonne réputation dans les milieux financiers. Mais ayant accédé à ce poste sans mettre au point son propre projet, il s’est enlisé dans les antagonismes politique et financier.
Y aura-t-il des changements radicaux dans la politique monétaire?
Je ne crois pas que ce soit possible avant de conjurer la crise. Nous avons discuté longuement ces changements, mais il semble que la grande partie du gouvernement n’y soit pas prête.
Que va-t-il se passer alors?
Il se peut que le ministre Corm veuille opérer des changements financiers.  Mais la réalité exige qu’il fasse des réserves  et je lui conseille de dialoguer avec l’Assemblée, car la clef du changement réside dans l’appui de la majorité parlementaire. Son voyage à Paris est tout à fait naturel, mais il n’est pas normal qu’il y reste définitivement. Il doit retourner et coopérer avec l’Assemblée, pour lui soumettre ses idées, les discuter et parvenir à de nouvelles formules.
Etes-vous pour ou contre sa démission?
Je suis contre la démission, bien sûr.
On dit que la trêve entre les opposants et les loyalistes a été imposée après la visite du président Berri à Damas. Cela affectera-t-il les dossiers et, en conséquence, le rapport de la Cour des comptes?
L’opposition représentée par le président Hariri et M. Joumblatt ne possède pas aujourd’hui une idée claire et pousse le gouvernement à poursuivre les politiques précédentes. Le président Hoss hésite un peu et nous constatons la différence entre les pratiques du gouvernement passé et de l’actuel.  Encore faut-il encourager ce dernier à poursuivre sa politique de changement.
Quelle est la relation entre le legs laissé par les précédents gouvernements dont le gouvernement actuel ne cesse de parler et la crise socio-économico-financière? Et quel rôle la Justice est-elle appelée à jouer?
La justice et la politique opèrent, séparément. Le président Hoss lui-même certifie cela et a renvoyé le rapport de la Cour des comptes à la justice pour prouver sa neutralité. Le peuple libanais veut qu’on châtie les personnes responsables de gaspillage, ce processus devant faire partie du changement promis et de la guerre déclarée contre la corruption au début du régime. La politique financière adoptée durant le mandat du  président Hariri a aggravé les crises sociale, économique, financière et augmenté le service de la dette publique qui se chiffre à 18 milliards de dollars, alors que l’argent dépensé pour les projets ne dépasse pas 4 milliards. Ses projets visaient à se vanter plutôt qu’à reconstruire.
Qu’attendez-vous de la loi électorale?
L’intérêt des Libanais de toutes les catégories réside dans le passage du système majoritaire au système proportionnel, comme en France, aux Etats-Unis et dans d’autres pays où une majorité parlementaire, affiliée à un parti, peut instaurer un régime à travers son gouvernement. Mais le système majoritaire n’a pas produit au Liban une classe dirigeante, car la politique libanaise est basée sur le consensus.
Chez nous, le débat tourne autour du système proportionnel qui comprend trois formes. Cela tranche le problème du découpage des circonscriptions, contrairement au  système majoritaire. Je souhaite donc l’adoption du système proportionnel où toutes les parties seraient représentées.
 

Propos recueillis par
JOSEPH  MELKANE

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